Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 5 juillet 2007 à 15h30
Récidive des majeurs et des mineurs — Article 1er

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Le postulat de départ est que la justice ne serait pas assez sévère à l'encontre des récidivistes. Par conséquent, des réponses « fermes et hiérarchisées » doivent leur être données.

Des peines planchers apporteraient donc la clarté manquant aujourd'hui à la politique pénale - vous l'avez dit ce matin, madame le garde des sceaux - et le projet de loi adresserait ainsi, selon les propos de M. le rapporteur, un « indicateur » à ceux qui sont tentés d'enfreindre la loi, comme à ceux qui sont chargés de veiller à son application, autrement dit délinquants et magistrats.

Par conséquent, il faut bien constater que le projet de loi entend faire de l'emprisonnement la peine de principe pour les récidivistes.

On ne peut pas prendre ces arguments à la légère parce notre conception de la justice est en cause. Je m'en tiens au constat, au fait que les récidivistes sont punis plus sévèrement que les primo délinquants - cela, tout le monde le sait - et se voient déjà condamnés à des peines d'emprisonnement, ce que nul n'ignore non plus. Il suffit de regarder les chiffres : lorsque le juge relève des cas de récidive, il prononce une peine plus sévère - d'ailleurs, nul ne le conteste -, plus sévère même que les peines planchers que l'on nous propose, en tout cas pour les crimes et délits graves. À cet égard, je vous renvoie au quantum moyen des peines d'emprisonnement prononcées.

Historiquement, dans la période contemporaine, et sans remonter jusqu'au XIXème siècle, la durée moyenne des peines ne cesse d'augmenter, ce qui pose quelques problèmes !

L'élément fondateur tant du projet de loi que de cet article, c'est le sous-entendu selon lequel les juges prononcent des peines trop légères. Non seulement c'est faux, mais en plus, au fil du temps, les peines sont de plus en plus lourdes.

En outre, s'il s'agit de faire les choses correctement, peut-on dire que ces peines de plus en plus lourdes font barrage à la récidive ? La réponse est négative bien que la matière soit sujette à caution. En tout cas, la récidive serait en augmentation croissante, ce qui est évidemment ennuyeux pour qui voudrait adhérer à votre projet.

En revanche, ce que nous savons, c'est que les aménagements de peine sont les véritables facteurs de prévention de la récidive. D'une manière générale, le taux de recondamnation paraît plus faible pour les condamnés ayant bénéficié d'une libération conditionnelle que pour ceux qui ont profité d'une sortie sèche.

Je n'ai pas inventé les arguments que je viens de citer : des magistrats, des professionnels, des travailleurs sociaux et des chercheurs les ont avancés. Notre rapporteur lui-même les a repris.

Pourtant, que constate-t-on dans la période contemporaine ? Qu'il y a de moins en moins de libérations conditionnelles et que les moyens du suivi socio-judiciaire, des peines alternatives, de l'éducation, sont en général en baisse.

Pour toutes ces raisons, il paraît normal de s'interroger sur l'efficacité éventuelle de cet article 1er.

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