Par ailleurs, une autre raison de supprimer cet article tient à l'« efficacité » des dispositions proposées.
Après les travaux d'une commission parlementaire présidée par M. Clément, ce dernier, devenu garde des sceaux, a élaboré un projet de loi entier consacré à la lutte contre la récidive. C'était en décembre 2005 - hier donc ! Or, depuis, les choses n'ont pas changé ! On peut donc s'étonner de ce que la même majorité - un peu réduite à l'Assemblée nationale, mais peu importe - considère les dispositions qu'elle a adoptées dix-huit mois plus tôt comme très insuffisantes. Voilà un exemple d'une rare autocritique d'une majorité ! Mais je préfère laisser cet aspect de côté !
Qu'une commission d'analyse et de suivi de la récidive ait été créée, on ne pouvait que s'en féliciter. En effet, il est bon de savoir comment les choses évoluent. Nous nous plaignons suffisamment et à juste titre de ne jamais disposer du bilan des lois que nous votons, pas plus que d'études d'impact.
Cette commission, dont les membres ont été choisis par M. Clément, a rendu le 8 juin 2007 un avis sur le projet dont nous débattons, avis dont je regrette que la commission des lois n'ait, semble-t-il, pas eu connaissance. Je tiens à en lire les premiers paragraphes tant ils sont éclairants.
« La commission observe que ce projet vise à favoriser l'emprisonnement comme réponse à la récidive simple ou multiple et qu'il aura nécessairement comme conséquence l'augmentation de la population carcérale des majeurs et des mineurs. » On ne saurait être plus clair !
« À cet égard, elle souhaite rappeler que, en France, les peines minimales ont existé et ont été abandonnées sous la pression de la pratique par étapes successives entre 1832 et 1994. »
Cette commission de spécialistes objectifs ajoute ceci : « À l'étranger, elles ont trouvé un nouvel essor aux États-Unis et au Canada à compter de 1978 avant de décliner également ces dernières années, étant observé que le taux d'incarcération aux États-Unis est aujourd'hui sept fois supérieur à celui de la France. »
Si nous suivions la voie ouverte par les Américains, nous devrions avoir dans les prisons françaises environ 420 000 détenus, prélevés sur une population mâle de vingt à quarante ans. Je laisse à penser ce que serait alors la désertification de certains quartiers...
Mais le plus important, c'est la suite de l'avis : « Depuis 1978, des études scientifiques ont été publiées dans les revues les plus réputées aux États-Unis et au Canada pour mesurer l'efficacité de ces conséquences sur la récidive et notamment celle des mineurs. Il n'existe pas de travaux qui aient démontré l'effet attendu de diminution de la récidive. Plusieurs études enregistrent même une augmentation de la récidive, en particulier celle des mineurs ayant commis des faits de violence grave.
« Le résultat de ces recherches, les pratiques des magistrats américains et le poids budgétaire des incarcérations expliquent en partie l'inversion de tendance dans le sens d'une moindre automaticité de la réponse carcérale. »
Enfin, « La commission ne dispose pas d'informations équivalentes sur l'évaluation de la pertinence de ces systèmes dans les pays européens qui ont adapté les mêmes principes. »
Quelle éclatante illustration ! On a voulu des peines planchers aux États-Unis et au Canada, où elles ont été largement pratiquées depuis onze ans, et le constat est celui d'un échec : une augmentation de la population carcérale avec la conséquence qu'elle emporte nécessairement, les prisons étant ce qu'elles sont, à savoir les foyers de la récidive et du crime : une récidive accrue, particulièrement des mineurs.
On ne saurait dire plus objectivement que l'inspiration de ce texte, à mes yeux directement emprunté aux États-Unis, va à l'inverse de tout ce que nous souhaitons !