Cet amendement fait suite à l'audition par la commission de magistrats : ces derniers ont fait part de leurs préoccupations concernant la situation des multirécidivistes dans la mesure où, pour écarter la peine minimale dans les cas de multirécidives, on ne pourrait viser, si le texte présenté par le Gouvernement était retenu, que les seules « garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion ».
Certains magistrats ont appelé notre attention sur le fait que, pour certains crimes ou délits, le fait de ne retenir que les garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion pourrait entraîner un caractère étonnant voir inique des jugements prononcés.
En effet, il semble que les garanties exceptionnelles d'insertion et de réinsertion ne soient pas faciles à appréhender pour les magistrats, et la commission n'a pas réussi, au terme de ses travaux, à déterminer ce que l'on pouvait entendre par les termes « garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion ».
Aussi a-t-il paru souhaitable à la commission, au moment où elle a statué, de prendre en compte deux autres composantes permettant d'écarter la peine minimale tout en motivant, bien sûr, la décision : il s'agit de tenir compte, d'une part, des circonstances de l'infraction et, d'autre part, de la personnalité de l'auteur.
La commission souhaite toutefois que soit établie une différence nette entre les cas de première récidive et les cas de multirécidives. C'est dans cette optique, pour bien marquer cette gradation, qu'elle a proposé l'utilisation en facteur commun des mots « à titre exceptionnel », tout en ayant l'impression que cette gradation était peut-être insuffisante et que le résultat obtenu ne donnerait pas forcément satisfaction aux magistrats qui nous ont interrogés sur ce sujet.
Dès lors, le problème qui se pose, madame le garde des sceaux, est le suivant : premièrement, qu'entend-on par « garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion » et cette terminologie permet-elle de ménager la liberté d'appréciation des juges, même dans les cas de multirécidives ? Deuxièmement, quelle peut être l'appréciation de la Cour de cassation sur les décisions qui seraient prononcées par les juges du fond, autrement dit par les juges de cours d'appel, si l'on applique le texte dans la version telle qu'elle nous est transmise par le Gouvernement ?
Pour parler plus simplement, les juges du fond, c'est-à-dire les juges de la cour d'appel, seront-ils souverains lorsqu'ils prononceront une motivation sur les garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion ?
Je me permets de poser la question, car la jurisprudence de la Cour de cassation dont j'ai pris connaissance ces derniers jours m'incite à penser que celle-ci ne statuera pas sur ces questions et que, dès lors, les juges du fond seront souverains, auquel cas cela changerait évidemment l'appréciation que l'on peut porter sur ce texte et relativiserait considérablement l'amendement que je défends au nom de la commission.
Par conséquent, madame le garde des sceaux, je serais très intéressé, comme sans doute le Sénat tout entier, d'entendre les précisions que vous voudrez bien nous apporter sur ce sujet.