Intervention de Robert Badinter

Réunion du 5 juillet 2007 à 15h30
Récidive des majeurs et des mineurs — Article 1er, amendement 30

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Je profiterai de cette intervention pour revenir sur l'amendement n° 30 que je n'ai en définitive pas exposé.

La question qui est ici posée est importante, puisqu'elle concerne le cas du récidiviste qui réitère ou qui récidive - il ne s'agit en effet pas toujours d'un multirécidiviste. Or, dans ce cas, selon le principe de la loi, la peine plancher est applicable et il n'est prévu qu'une dérogation, à savoir « les garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion » ; je souligne que nous sommes ici en matière criminelle.

Je tiens à rappeler que le principe de l'individualisation des peines est un principe fondamental, constitutionnel : on doit juger en considération des circonstances de l'affaire, de la gravité de celle-ci, de la personnalité de celui qui est condamné et, ainsi que cela a été ajouté à juste titre, de la prise en compte des intérêts de la victime.

En l'occurrence, pour ouvrir une fenêtre sur l'automaticité de la peine plancher et assurer le respect a minima de l'exigence constitutionnelle, à savoir l'individualisation de la peine - c'est aussi une condition de bonne justice -, le principe inscrit dans la loi est la prise en compte par une décision motivée des caractères que j'ai évoqués tout à l'heure - gravité, circonstances, personnalité de l'accusé - auxquels sont ajoutées les « garanties de réinsertion ».

Or, dans le texte que j'évoque, les deux premières conditions ont disparu. Ainsi, la personnalité de l'accusé n'importe plus ; c'est absolument contraire à l'individualisation des peines, et on l'évacue donc. Quant aux circonstances, qui sont celles que le juge apprécie, on les évacue également, quelles qu'elles soient. Elles ne sont plus de nature à empêcher d'échapper à la mise en oeuvre quasi automatique de la peine plancher. Seule la garantie de réinsertion subsiste.

Dès lors, je voudrais poser une question, car j'ai rarement vu pareil escamotage dans un texte !

Comment voulez-vous que les magistrats et les jurés, au moment où ils vont prononcer une peine criminelle très lourde, puissent déterminer s'il y aura à la sortie de prison - six, sept, dix ou quinze ans plus tard - des garanties exceptionnelles d'insertion ? C'est impossible ! Aucun jury de cour d'assises n'est en mesure de le savoir.

Il est un seul cas dans lequel une telle affirmation pourra être avancée, et j'attire l'attention de la Haute Assemblée à cet égard tant je le trouve profondément injuste. Jadis, du temps de ma jeunesse, on débattait beaucoup de l'existence d'une justice de classes.

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