Selon nous, l'instauration des peines planchers en matière de délits entraînera, plus encore qu'en matière de crimes, des effets pervers en cascade pour les juges, puis, bien évidemment, pour la population carcérale.
D'après le Gouvernement, les peines ne seront pas automatiques, puisque les juges pourront y déroger, mais les magistrats eux-mêmes en conviennent : motiver une décision prend du temps, particulièrement en correctionnelle, et les jugements sont donc rarement motivés.
Les juges finiront fatalement, par manque de temps et de moyens, par prononcer une peine minimale, ce qui aura forcément des conséquences sur les populations carcérales, dont l'augmentation est inévitable si ce projet de loi est adopté.
Ce problème se pose de façon plus accrue s'agissant des délits car, aujourd'hui, les criminels récidivistes sont déjà condamnés à des peines d'emprisonnement ferme. Le mécanisme des peines planchers institué aux termes de l'article 2 est particulièrement répressif et apparaît donc excessif, voire disproportionné, surtout en matière d'atteinte aux biens.
Il serait d'ailleurs fort étonnant que les peines planchers aient le moindre effet dissuasif sur les délinquants. Par conséquent, si l'on conjugue ce facteur avec le fait que les juges seront peu nombreux à motiver une dérogation à la peine plancher, nous verrons le nombre de détenus augmenter. On en prévoit 10 000 de plus par an. Cela a été dit à plusieurs reprises : nos prisons vont difficilement pouvoir faire face à cette inflation, compte tenu de l'état dans lequel elles se trouvent déjà ; mais peut-être le Gouvernement compte-t-il sur les décrets de grâce présidentielle pour vider rapidement les établissements pénitentiaires les plus surpeuplés ?
Plus sérieusement, cette projection est d'autant plus inquiétante que la prison est criminogène et qu'elle engendre de la récidive.
L'aggravation permanente des sanctions ne change rien. J'en veux pour preuve qu'après cinq ans de mise en oeuvre de lois toujours plus répressives et faisant de l'enfermement la seule solution la délinquance ne baisse pas.
Pourquoi un tel entêtement alors que l'on connaît les mesures à prendre afin d'améliorer la prévention de la délinquance et de diminuer les cas de récidive ?
Au lieu de renforcer l'arsenal répressif, tellement surchargé qu'il en devient incompréhensible, on devrait donner priorité à l'augmentation des moyens en direction des magistrats, des greffes et des personnels pénitentiaires.
L'objectif est, d'une part, de s'assurer de la promptitude de la réponse pénale et de l'exécution de la sanction et, d'autre part, de permettre la mise en oeuvre des aménagements de peine.
Beaucoup d'entre nous le savent, le constat en a été fait : les sorties de prison préparées et un suivi régulier après la libération sont facteurs de prévention de la récidive.
Je terminerai mon propos en citant l'avis du 14 décembre 2006 de la commission consultative des Droits de l'homme sur les alternatives à la détention : « Autant la prison est reconnue comme efficace pour mettre à l'écart et neutraliser, autant elle s'avère le plus souvent contreproductive en termes de réinsertion et de prévention de la récidive. Les alternatives à la détention obtiennent de meilleurs résultats que la prison en termes de lutte contre la récidive et représentent un moindre coût pour la collectivité. »
Tel n'est pas, de toute évidence, le choix qui nous est proposé aujourd'hui avec ce texte.
Pour notre part, nous refusons la logique des peines planchers. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 2.