Avec cet article 3, c'est la cinquième fois en cinq ans que le Gouvernement modifie l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante. J'ajouterai qu'il modifie la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, texte qui n'est toujours pas appliqué.
L'article 3 s'attaque au principe de l'atténuation des peines. Celui-ci deviendrait l'exception à la seconde récidive, puisque le juge devra motiver sa décision s'il entend l'appliquer. Ainsi, l'atténuation de la peine pour les mineurs, principe à valeur constitutionnelle, serait remise en cause puisqu'il ne serait plus nécessairement tenu compte de la gravité réelle des faits commis ou de la personnalité de l'auteur.
Or, si l'automaticité des peines est interdite, c'est justement parce qu'elle ne permet pas d'assurer la proportionnalité des peines à laquelle, je vous le rappelle, la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs était attachée.
Notre commission des lois n'hésite d'ailleurs pas à se contredire, puisqu'elle précise, d'une part, que la réponse carcérale doit rester le dernier recours et, d'autre part, qu'il faut prévoir, avec ce texte, une augmentation du nombre des mineurs en détention.
Autre contradiction : son rapport indique que le taux de récidive légale, fondement du projet, est très faible pour les mineurs et qu'il n'y a pas de relation linéaire entre le taux de réitération et la durée de la peine de prison ferme. Dans ces conditions, à quoi sert ce texte ?
En réalité, ces dispositions qui limitent la marge d'appréciation du juge, mais qui accroissent leur responsabilité, révèlent une véritable défiance à l'égard de l'institution judiciaire, notamment des juges des enfants. Rappelons-nous les accusations de laxisme proférées à leur encontre par le précédent ministre de l'intérieur, l'actuel Président de la République.
Pourtant, le taux de réponse pénale est plus élevé pour les mineurs que pour les majeurs. Vous avez dit, madame le garde des sceaux : « une infraction, une réponse ». Mais où sont les réponses quand les délais d'attente annulent tout sens au prononcé de la sanction et ne permettent pas aux jeunes concernés de trouver l'aide nécessaire pour s'inscrire dans un parcours de sortie de la délinquance ?
Tous les professionnels insistent sur l'urgence qu'il y a à renforcer les structures de prise en charge et de suivi. Or la quasi-totalité des crédits supplémentaires affectés à la protection judiciaire de la jeunesse sont imputés à l'enfermement, une orientation constante depuis la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice. Pourtant, vous le savez bien, la prison n'insère pas ; elle élimine provisoirement du circuit.
L'ensemble des professionnels de la justice, de l'enfance, leurs organisations, sont opposés à ce texte. Ils vous l'ont fait savoir, comme ils le font régulièrement depuis cinq ans - sans beaucoup d'effet, hélas ! On est en droit de se demander où est le dialogue social, pourtant tant vanté.
Mme Dominique Versini, défenseure des enfants, a rappelé que ce texte contrevenait aux exigences de la Convention internationale des droits de l'enfant et du Comité des droits de l'enfant de l'Organisation des nations unies.
Le Conseil d'État a émis une réserve d'interprétation sur l'article 3, estimant qu'il ne pouvait être contraire aux articles 2 et 20 de l'ordonnance de 1945. Il serait sage en conséquence, me semble-t-il, de rejeter cet article 3.