Incontestablement, le poids des fonds relatifs à l'amiante sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles s'est fortement accru depuis leur mise en place en 2000 et 2001. Ainsi, la branche accidents du travail et maladies professionnelles assurait 95 % du financement de ces fonds en 2004 contre 77 % en 2000, ce qui explique en partie son déficit.
Se pose alors la question de la part de l'État, à la fois comme employeur et comme responsable défaillant. Vous le savez, la mission du Sénat estime cette part à 30 % : on en est très loin !
Toujours en ce qui concerne les maladies professionnelles, deux rapports du ministère du travail - l'enquête SUMER de la direction régionale du travail et le rapport de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques - ont montré cet été une situation d'une extrême gravité, lourde de menaces pour l'avenir de la branche.
Aujourd'hui, plus de deux millions de salariés, soit 13, 5 % de la population active, sont exposés à un ou plusieurs produits cancérogènes. Parmi eux, 180 000 personnes sont exposées à des produits reprotoxiques, tels que le benzène et les éthers de glycol, et 186 000 sont exposés à des produits mutagènes tels que le plomb et ses dérivés. Il en est de même pour les troubles musculo-squelettiques, qui connaissent eux aussi une forte évolution et constituent la première maladie professionnelle en France, entraînant 50 % des maladies professionnelles ayant conduit à un arrêt de travail.
Il ne faut pas oublier non plus les troubles psychiques et mentaux liés au stress. Avec l'accélération des cadences et la pression sur les résultats, une augmentation des dépressions et des troubles du comportement se manifeste depuis plusieurs années.
Il n'est pas possible d'invoquer, en matière de maladies professionnelles, une absence d'information de l'ensemble des acteurs concernés sur les évolutions futures, ni même une carence en matière de propositions, qu'il s'agisse de l'incitation à la prévention, de la tarification ou de la réparation. Les experts s'accordent tous au moins sur un point : le pire est devant nous.
La focalisation sur les maladies professionnelles depuis le drame de l'amiante ne doit pas faire oublier les accidents du travail. Ceux-ci sont globalement en baisse de 5 % en 2003 par rapport à 2002, mais leur gravité augmente, essentiellement dans les transports - plus 7 % - et dans les entreprises de travail temporaire.
D'ailleurs, ce qui est significatif lorsque l'on étudie de près les statistiques des accidents du travail, c'est le lien entre précarité et augmentation de la fréquence et de la gravité de ces accidents. Ce n'est pas la politique de précarisation de l'emploi menée par votre gouvernement qui améliorera la situation.
Le problème pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles est le peu d'intérêt des employeurs à mettre en oeuvre une politique de prévention, les risques étant mutualisés à 80 %.
Il faut aller vers une individualisation plus grande des cotisations pour accidents du travail et maladies professionnelles afin d'inciter les entreprises à renforcer la prévention. Le plan de santé au travail présenté par votre collègue Gérard Larcher au début de l'année 2005 n'est pas une réponse suffisante.
A cet égard, il faut souligner que la seule mesure effective et tangible prise par le Gouvernement en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles a été la réduction uniforme de 2, 2 % à 2, 185 % du taux de cotisation des employeurs, alors que le déficit s'installait et que nous étions en pleine crise de l'indemnisation des victimes de l'amiante.
De fait, cette décision voulue par le MEDEF a constitué une prime aux entreprises qui ne font aucun effort de prévention. Et vous avez reconnu un peu tard, monsieur le ministre, que « ce système n'a plus aucune vocation préventive ». Cela ne vous empêche pas de prévoir, par arrêté, une hausse de 0, 1 % des cotisations patronales pour 2006 à titre conservatoire, mais à nouveau de manière uniforme. Ce n'est qu'un palliatif comptable, mais cela évite d'aborder le problème de fond !
Il en est de même pour l'article 50, qui prévoit un versement de 330 millions d'euros de la branche accidents du travail maladies professionnelles à la branche maladie, en raison de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance chronique des affections d'origine professionnelle. De l'avis général, ce montant est sous-évalué. Dans le rapport de la Cour des comptes, il est indiqué que les seules dépenses d'hospitalisation liées à cette sous-imputation s'élevaient à 300 millions d'euros en 2002. De plus, la commission prévue par l'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale, présidée par Noël Diricq, a rendu au mois de septembre dernier son rapport dans lequel le coût réel de cette sous-imputation est évalué dans une fourchette comprise entre 365 millions d'euros et 749 millions d'euros.
Le Gouvernement a donc choisi de sortir de cette épure et de maintenir la dotation au niveau des trois années précédentes. Vous devez vous en expliquer, même si, au demeurant, cet expédient ne résout pas les questions de fond.
La santé au travail est désormais une question décisive, tant pour la santé des Français que pour le financement de la sécurité sociale. Elle mérite d'être refondée avec l'ambition de réconcilier le monde de l'entreprise avec la santé publique. Le chantier est immense ! Avec plus d'un an de retard, le MEDEF vient enfin d'accepter d'engager des négociations avec les organisations syndicales ; il va falloir être vigilant, monsieur le ministre !
En conclusion, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 ne répond en rien aux préoccupations du moment ...