Intervention de Yannick Botrel

Réunion du 25 mai 2010 à 14h30
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 3

Photo de Yannick BotrelYannick Botrel :

À plusieurs reprises, monsieur le ministre, vous nous avez fait part de votre conviction que la contractualisation se doit désormais d’être le moteur de la régulation de l’ensemble des productions. Vous avez indiqué qu’elle doit contribuer à régler la question stratégique de l’après-quotas laitiers. C’est, de notre point de vue, la raison pour laquelle l’examen de cet article 3 revêt une importance si particulière et que vos explications sont très attendues sur différents points.

Vous ne l’ignorez pas, les agriculteurs eux-mêmes sont pour le moins attentifs et dubitatifs, tant les interrogations sont fortes. Or ils sont rejoints, pour des raisons absolument inverses, par d’autres. Voyez à ce sujet la prise de position de la Confédération française du commerce interentreprises, la CGI, qui conteste et la notion de durée du contrat et le rôle dévolu aux organisations de producteurs. C’est dire que, de la part de certains partenaires, les réticences pourraient bien être marquées. Les contradictions ne seront pas aisées à surmonter.

Venons-en aux interrogations essentielles. La première question porte sur le contenu du contrat au sein des organisations de producteurs. Seront-ils identiques pour tous les adhérents ? On peut en effet rencontrer des situations très différentes chez les producteurs. Du point de vue de l’entreprise de collecte laitière, il pourrait être tentant de consentir une meilleure rémunération à un producteur lui apportant une quantité importante de lait plutôt qu’à un petit producteur, et ce pour des raisons d’optimisation et de coût de collecte. Ainsi, à défaut d’anticipation, le contrat pourrait introduire une distorsion préjudiciable au plus faible. C’est pourquoi des garanties doivent être prévues afin de veiller à l’égalité de traitement des producteurs : le contrat doit donc être collectif.

Le contrat sera négocié dans le cadre des interprofessions. Je vous ai indiqué, monsieur le ministre, qu’il faudrait en bonne logique que ces interprofessions se constituent par territoires pertinents de bassin de production. Le risque existe de se retrouver avec des contrats différenciés d’une organisation de producteurs à une autre, ce qui introduirait des distorsions ingérables sur un territoire. Voyez ce qui se passe en Suisse !

Il ne s’agit pas là d’une vue de l’esprit et une telle situation s’est déjà rencontrée chez nous, avec les tensions que cela implique. Tel est le cas, actuellement, des producteurs d’Entremont.

De même, quelle sera, le cas échéant, l’obligation d’un industriel à contractualiser ? Quelles solutions pour les laissés-pour-compte éventuels de la contractualisation ? Si un industriel ne veut pas de contrat avec un producteur, comment sort-on de cette impasse ? Cette situation peut se présenter en cas de présence exclusive ou hégémonique d’un industriel sur un territoire, et l’on pense évidemment encore à la production laitière.

Un autre risque est possible : si le contrat devient économiquement défavorable à l’industriel en raison des écarts de prix à la production entre pays européens, en particulier dans les régions frontalières, rien ne pourrait empêcher celui-ci d’aller s’approvisionner sur un marché voisin dans un contexte plus favorable. Quelles assurances peuvent recevoir les producteurs que de telles pratiques ne pourront avoir cours en dépit des contrats ? Dans tous les cas, le Gouvernement ne peut espérer traiter ce problème sans prendre en compte la réalité du marché européen.

De même, si l’idée est de garantir un prix juste et un revenu décent aux producteurs, les contrats doivent alors garantir un prix couvrant au moins les coûts de production et comprenant la rémunération du travail. Monsieur le ministre, il serait intéressant que vous nous disiez quelle est votre conception du contenu du contrat et des éléments pris en compte dans son élaboration.

Notre conviction est que le contrat ne peut pas, à lui seul, être la réponse au besoin manifeste de réintroduire la régulation. Il ne peut être qu’un élément s’intégrant à une vraie politique de l’agriculture et ne peut en tenir lieu.

Qu’adviendra-t-il de l’après-2015, c’est-à-dire demain, si les quotas disparaissent, ainsi que vous l’avez confirmé tout à l’heure, laissant chacun libre de développer sa production ? Le risque est là : sans régulation durable des volumes, la contractualisation sera inopérante, et cette régulation des volumes ne peut avoir lieu qu’au niveau européen, car, en dehors de ce cadre, nos marges de manœuvre sont forcément réduites.

En somme, monsieur le ministre, c’est d’une politique globale, d’une vraie politique agricole que nous avons besoin, c’est de retrouver un projet européen.

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