Séance en hémicycle du 25 mai 2010 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • contractualisation
  • interprofession
  • lait
  • l’agriculture
  • marge
  • producteur

La séance

Source

La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles, en application de l’article R. 721-3 du code rural et de la pêche maritime.

La commission des finances et la commission des affaires sociales ont fait connaître qu’elles proposent respectivement la candidature de MM. Jean-Jacques Jégou et Jean-Marc Juilhard pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Comité national du développement durable et du Grenelle de l’environnement, en application de l’article D. 144-3 du code de l’environnement.

La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Bruno Sido pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président du Conseil constitutionnel m’a informé, le 21 mai 2010, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-11 QPC et 2010-12 QPC).

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

J’informe le Sénat que la question orale n° 714 M. Jean Boyer est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

J’informe le Sénat que la question orale n° 925 de M. Alain Fouché est retirée, à la demande de son auteur, du rôle des questions orales et de l’ordre du jour de la séance du 1er juin 2010.

Cependant, sa question n° 879 pourrait être inscrite à la séance du 1er juin 2010.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en procédure accélérée du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (projet n° 200, texte de la commission n° 437, rapport n° 436).

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 256, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 3 insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer peut, sur proposition des syndicats et organisations professionnelles agricoles représentatifs, adresser un avis d'alerte économique et sociale à l'autorité administrative dès lors que les prix d'achat aux producteurs franchissent les niveaux de prix indicatif définis par la conférence annuelle sur les prix organisée par chaque interprofession. Il adresse également un avis d'alerte en cas de non-répercussion de la baisse des prix d'achat sur les prix aux consommateurs.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, FranceAgriMer est un établissement public placé sous la tutelle de l’État, issu de la fusion des offices d’intervention agricoles.

Comme vous le savez, cet établissement est composé de « conseils de direction pléniers » représentant les anciens offices, dont les membres sont des représentants non seulement de la production, de l’industrie et du commerce, mais également des consommateurs, des salariés et de l’État. Il participe à une meilleure connaissance des marchés et contribue à un meilleur fonctionnement de ces derniers afin, notamment, d’« assurer, en conformité avec les intérêts des consommateurs, une juste rémunération du travail des professionnels », conformément au 2° de l’article L. 621-3 du code rural et de la pêche maritime.

Si les crédits d’intervention de FranceAgriMer ont connu une forte diminution au cours de ces dernières années, celui-ci contribue encore très concrètement à orienter les productions et à soutenir les producteurs en cas de crise.

En raison de sa fonction de veille économique sur les marchés, cet établissement n’ignore rien de la situation conjoncturelle du secteur agricole. Il est donc logique de mettre cette compétence à profit pour alerter les pouvoirs publics en cas de crise.

L’article L. 621-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit d’ailleurs explicitement dans son 6° qu’il appartient à l’établissement d’« alerter les pouvoirs publics en cas de crise, faire toute proposition appropriée et concourir à la mise en œuvre des solutions retenues par l’autorité administrative pour y faire face ».

Par notre amendement, nous souhaitons compléter les missions de cet organisme, en introduisant un cas spécifique d’alerte dès lors que « les prix d’achat aux producteurs franchissent les niveaux de prix indicatif définis par la conférence annuelle sur les prix organisée par chaque interprofession ». FranceAgriMer peut alors adresser un « avis d’alerte économique et sociale à l’autorité administrative », sur proposition des syndicats et organisations professionnelles agricoles représentatifs.

Nous souhaitons également qu’il adresse un avis d’alerte en cas de non-répercussion de la baisse des prix d’achat sur les prix aux consommateurs.

Cet amendement vise donc deux problèmes bien distincts : d’une part, les abus auxquels sont exposés les producteurs et, d’autre part, ceux auxquels sont confrontés les consommateurs. Il s’agit ni plus ni moins d’alerter l’autorité administrative sur les marges abusives de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’observation des mouvements des prix agricoles relève, d’une part, du Service des nouvelles des marchés, le SNM, pour les mouvements de court terme, et, d’autre part, de l’Observatoire des prix et des marges, pour les données de moyen et long terme.

Il est certain que FranceAgriMer peut être sollicité pour donner son avis sur un certain nombre de positions exprimées par les interprofessions notamment. Mais nous aurons l’occasion d’en reparler ultérieurement avec M. le ministre lorsque nous évoquerons le rôle de l’Observatoire des prix et des marges.

En conséquence, la commission est défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement même si, je le reconnais, l’intention de ses auteurs est louable.

En effet, nous avons déjà des instruments complémentaires. Nous pouvons ainsi nous appuyer, comme l’a indiqué M. le rapporteur, sur l’Observatoire des prix et des marges, dont le rôle va être considérablement renforcé dans ce texte, ainsi que sur l’accord signé entre la grande distribution et les producteurs.

En outre, FranceAgriMer a défini très officiellement des indicateurs de situation de crise de produits agricoles, basés sur des statistiques différenciées produit par produit. Il peut s’agir, par exemple, pour des produits sensibles tels que la pêche et la nectarine, d’un écart de 10 % par rapport au prix moyen pratiqué au cours des trois dernières années, mais il en sera tout autrement pour les pommes ou tout autre produit.

Cet amendement est donc sans objet.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

J’ai cru comprendre, monsieur le ministre, que vous vouliez confier plus de missions à l’Observatoire des prix et des marges. Or, dans la mesure où l’article 40 de la Constitution a été opposé à l’un de nos amendements qui portait sur le sujet, j’ai peur que la situation ne soit de nouveau bloquée. Il serait pourtant indispensable que notre pays dispose au moins d’un organisme déclencheur d’alerte.

Cela dit, en attendant une nouvelle discussion sur la question, je retire mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 256 est retiré.

L'amendement n° 257, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France promeut au niveau communautaire la mise en œuvre de toutes les mesures permettant de garantir des prix rémunérateurs aux producteurs : mise en place d'un prix minimum indicatif européen pour chaque production prenant en compte les spécificités des différentes zones de production, activation de dispositions visant à appliquer le principe de préférence communautaire, mise en œuvre de clauses de sauvegarde ou tout autre mécanisme concourant à cet objectif.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Agnès Labarre

Lundi 17 mai, le Président de la République a exposé sa stratégie pour défendre le revenu agricole. Monsieur le ministre, il semblerait que nous ayons la même et que, en acceptant notre amendement, vous puissiez satisfaire et notre groupe et l’Élysée !

En effet, Nicolas Sarkozy déclarait : « Sur le plan international, la France prendra des initiatives fortes au moment de la présidence française du G20 pour engager une véritable régulation des marchés de matières premières agricoles. » Il ajoutait : « Sur le plan européen, avec Bruno Le Maire, nous poursuivons notre offensive pour promouvoir de nouveaux outils de régulation. Vraiment, au moment où l’on a vu s’écrouler le système financier par manque de régulation, on n’acceptera pas le refus de la mise en place d’outils de régulation des produits européens. »

Nous demandons que la France promeuve au niveau communautaire la mise en œuvre de toutes les mesures susceptibles de garantir des prix rémunérateurs aux producteurs, avec la mise en place d’un prix minimum indicatif européen pour chaque production prenant en compte les spécificités des différentes zones de production, l’activation de dispositions visant à appliquer le principe de préférence communautaire et la mise en œuvre de clauses de sauvegarde ou tout autre mécanisme concourant à cet objectif.

Face à un tel consensus, nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Par cet amendement, vous voulez que la France agisse au niveau communautaire pour la promotion de prix rémunérateurs.

Toutefois, nous avons eu l’occasion d’en discuter la semaine dernière, les dispositions proposées relèvent non pas de la loi, mais d’une proposition de résolution européenne.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur cet amendement.

Là encore, les intentions des auteurs de cet amendement sont louables, mais c’est à l’échelle européenne que nous défendons cette stratégie.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 258, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France promeut au niveau communautaire la mise en œuvre de mécanismes de régulation, notamment le maintien ou la création de quotas pour certaines productions et l'activation d'outils de stockage public de productions agricoles et alimentaires.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Agnès Labarre

Il y a un an déjà, les ministres de l’agriculture ont vanté, dans le cadre du G8, les mérites de constituer des stocks tampons de céréales en tant que facilité alimentaire d’urgence, en vue d’amoindrir le choc de la hausse des prix et de juguler la spéculation commerciale sur les produits de base.

Ils déclaraient, en outre, qu’ils demanderaient aux organisations internationales d’examiner la faisabilité et les formalités administratives d’un système commun de stockage des produits de base, sans préciser quels produits pourraient être concernés.

Ils affirmaient de concert : « Nous appelons les institutions internationales pertinentes à examiner la question de savoir si un système de stockage pourrait être efficace dans la gestion des urgences humanitaires ou comme moyen de limiter la volatilité des prix. »

Aujourd’hui, quelles décisions sont prises sur le sujet au niveau mondial ?

Il est temps que la France promeuve au niveau communautaire, ainsi qu’au niveau mondial, la mise en œuvre de mécanismes de régulation, notamment au travers de l’activation d’outils de stockage public de productions agricoles et alimentaires.

Enfin, comme l’a indiqué ma collègue Evelyne Didier lors de la discussion générale, il est fondamental que nous défendions, dans le cadre de la réforme de la PAC, le maintien de quotas. Il faut revoir les politiques de dérégulation des marchés, en revenant sur les OCM, les organisations communes de marché, notamment sur celle du vin.

Tel est le sens de notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

L’objet de cet amendement étant proche de celui de l’amendement précédent, la commission a émis le même avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Pour les mêmes raisons, le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur cet amendement.

Si nous nous rejoignons, madame la sénatrice, sur la nécessité de la régulation, nous devons veiller à opérer des distinctions dans la limitation des productions, car les situations sont très différentes d’une filière à l’autre.

Ainsi, s’agissant du lait, on a bien vu que les quotas n’étaient d’aucune efficacité pour lutter contre la crise. En revanche, je souscris à votre position concernant la filière vitivinicole. Comme vous le savez, nous nous battons pour maintenir des droits de plantation.

En effet, nous estimons que la libéralisation des droits de plantation serait une erreur majeure pour l’Union européenne.

Cela étant, ces questions exigeraient plus de précisions, et elles sont du ressort des instances européennes.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 259, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France promeut au niveau communautaire l'activation d'un programme européen d'aide en direction des pays tiers afin de garantir aux populations locales l'accès à la terre, une formation aux métiers agricoles, et de leur permettre d'acquérir le matériel agricole nécessaire.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Par cet amendement, nous demandons que la France valorise au niveau communautaire l’activation d’un programme européen d’aide en direction des pays tiers.

En effet, nous estimons que l’Union européenne dispose d’une responsabilité particulière en ce domaine. L’aide au développement ne peut se satisfaire de mesures à court terme et doit permettre de garantir la souveraineté alimentaire des peuples. Il est donc indispensable que les populations des pays tiers disposent des techniques, des outils et de la terre nécessaires pour vivre de leur agriculture.

Nous considérons que les ressources naturelles doivent être considérées non pas comme de simples marchandises, mais comme des biens communs de l’humanité, ce qui nécessite une forte intervention publique.

De plus, nous ne pouvons que constater les conséquences néfastes de la crise alimentaire mondiale et de la volatilité des cours, qui conduisent à la multiplication de projets d’achat ou de location de terres agricoles à grande échelle, parfois sur des centaines de milliers d’hectares. Cette spéculation foncière est génératrice de risques importants pour les peuples, au point que Jacques Diouf, directeur général de la FAO, dit redouter « l’émergence d’un pacte néocolonial pour la fourniture de matières premières, sans valeur ajoutée pour les pays producteurs ».

Nous proposons donc de faire droit au principe selon lequel un peuple doit posséder sa terre, élément vital de sa souveraineté. Il s’agit d’éviter ainsi les expropriations de petits producteurs et la spéculation, sans oublier la déforestation, directement liée à la véritable ruée observée dans ce secteur.

Selon nous, il est nécessaire que l’Union européenne, dont la place à l’internationale doit être confortée, soit motrice dans la définition d’un programme européen d’aide en direction des pays tiers, pour leur permettre notamment la maîtrise de leur terre. La France peut, à travers ce texte, apporter sa propre contribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

J’émets, au nom de la commission, le même avis défavorable que précédemment, cet amendement ressortissant à une résolution européenne.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, bien que, là encore, les intentions de ses auteurs soient louables.

Je précise que l’Union européenne contribue à hauteur de 54 % à l’aide au développement dans le monde ; elle fait donc déjà beaucoup par rapport aux autres pays développés.

En outre, nous avons décidé de traiter, dans le cadre du G20, et ce pour la première fois depuis que ce genre d’institution existe, la question de la prédation des terres agricoles et de la stabilisation des prix des matières premières.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Sur cet amendement qui a un lien de filiation avec celui de Charles Revet que nous avons adopté la semaine dernière, puisqu’il traite des productions agricoles et de la protection des pays producteurs, je souhaite simplement apporter l’éclairage suivant.

Au moment de la crise du lait, j’avais pris contact avec notre ambassadrice auprès de la FAO à propos de l’ensemble des sujets évoqués par cet amendement. Celle-ci m’avait alors mise en garde contre les opérations saucissonnées qui résultent d’initiatives individuelles. Il lui semblait préférable de privilégier l’ensemble des procédures mises en œuvre de façon très progressive par la FAO, afin d’éviter de disperser les forces d’intervention. En effet, des accords internationaux existent et les organisations en place réalisent d’ores et déjà un travail important dans ce domaine.

C’est la raison pour laquelle il n’a pas été possible de diffuser ou d’exporter les excédents de lait que nous avons vus déversés dans nos rues, même si accepter un tel gâchis alimentaire était perturbant, surtout dans le contexte mondial que nous connaissons.

Si les dispositions prévues par l’amendement n° 259 me semblent complètement justifiées, je comprends toutefois parfaitement la position de la commission, qui rejoint celle des ambassadeurs, notamment auprès de la FAO, chargés de gérer les stocks de nourriture et les territoires.

Bien que cet amendement soit dicté par de bonnes intentions, je ne le voterai donc pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l’heure que les quotas laitiers « ne marchaient pas ». Or, de 1984 jusqu’à l’année dernière, ce dispositif a très bien fonctionné ! Mais, à partir du moment où les prix ont fortement augmenté, Bruxelles a retiré tous les instruments de régulation, autorisant les augmentations de volume, ce qui a entraîné un véritable effondrement des prix.

Je prétends – et c’est bien là que se situe le clivage philosophique entre nous – que la gestion coordonnée des autorisations de volume à produire et des prix garantis permet une agriculture maîtrisée garantissant aux agriculteurs un revenu décent.

Monsieur le ministre, sur la production sucrière, nous avons encore le même système, qui permet de maîtriser les volumes en fonction du marché mondial. Il existe un prix garanti sur le quota A, un autre sur le quota B et, enfin, sur le quota C, l’agriculteur est libre de prendre tous les risques possibles par rapport au cours du marché mondial.

Or vous nous dites que l’Europe ne veut pas de ce système de quotas visant à garantir un revenu à l’ensemble de nos agriculteurs. Je le comprends bien, notre position n’est pas majoritaire. Il n’empêche que la France peut tout de même exprimer son point de vue !

Si on laisse la situation dériver, l’effondrement des prix se poursuivra. Quant à la négociation avec les industriels, elle ne sera suivie d’aucun effet si on ne maîtrise pas les volumes. Vous le savez aussi bien que moi, monsieur le ministre, car vous maîtrisez bien les enjeux.

Les volumes à produire peuvent varier d’une année sur l’autre en fonction des aléas climatiques. En l’absence d’une régulation bien maîtrisée, une surproduction d’un infime pourcentage par rapport au marché peut conduire à un effondrement des prix pouvant atteindre 40 % à 60 %.

Un tel effondrement n’est pas lié au volume en surplus, la production qui nous est offerte ne pouvant pas être maîtrisée. L’agriculteur, qui ne peut pas la stocker au-delà d’une année, est bien obligé de s’en débarrasser !

Tel est, monsieur le ministre, le point sur lequel nos points de vue divergent. Je le rappelle, la politique des quotas a été soutenue, depuis les années cinquante, par des gouvernements de gauche comme de droite. Bruxelles a brutalement lâché les vannes et nous nous retrouvons aujourd’hui dans une situation extrêmement difficile, voire insupportable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Je voudrais revenir sur l’esprit de cet amendement, qui invite la France à promouvoir un programme européen visant à développer les actions auprès des populations locales pour l’accès à la terre.

Je souhaite rappeler que la question du foncier dans les pays dits du Sud ou pays les moins avancés est un problème crucial au regard de la sous-nutrition et de la famine dans le monde.

En effet, pour les populations locales, la question foncière est liée à celle des cultures vivrières. Dans nombre de ces pays, aujourd’hui, les populations paysannes sont chassées de leur terre. Les terrains sont achetés par des pays ou des firmes à des fins de productions d’agro-carburants. Ce phénomène est particulièrement préoccupant.

Sur cette question, l’Europe peut et doit jouer un rôle, afin d’aider les gouvernements à protéger l’accès à la terre des populations les plus démunies. Vous avez eu raison de le dire, monsieur le ministre, elle joue un rôle important dans les politiques Nord-Sud. Elle a d’ailleurs été la première à le faire. Ayant été à l’origine des accords de Yaoundé, puis de Lomé, elle est aujourd’hui invitée à peser fortement dans ce domaine.

Les auteurs de l’amendement n° 259 incitent la France à prendre toutes ses responsabilités et à promouvoir, au niveau des instances européennes, une coopération spécifique, qui n’existe pas encore, entre l’Europe et les pays les moins avancés sur la question foncière. Selon moi, il s’agit d’un excellent amendement, que je voterai. Dans la mesure où nous sommes sur le point d’adopter une grande loi de modernisation de l’agriculture – c’est du moins ce que j’espère –, qui vise notamment à instaurer une politique publique de l’alimentation, pourquoi n’irions-nous pas jusqu’au bout de notre logique, en nous intéressant au problème foncier lié à l’alimentation dans les pays du Sud ?

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Monsieur Raoult, bien que nous nous rejoignions, du moins je le pense, sur l’objectif, nous nous opposons effectivement sur deux points.

Premièrement, vous croyez à une gestion administrative de l’offre. Or celle-ci est révolue en Europe. En effet, il faut le reconnaître, un tel système ne fonctionne pas ; nous l’avons vu avec la crise du lait, les quotas n’ayant pas permis d’enrayer l’effondrement des prix. Si nous avons réussi à les faire remonter, c’est uniquement grâce à notre capacité d’intervention sur les marchés, et non pas grâce à une gestion administrative de l’offre.

Pour notre part, nous croyons à une gestion de l’offre en fonction de la demande des produits, comme dans n’importe quel marché ouvert, assortie d’une capacité d’intervention, de régulation des marchés, lorsque ceux-ci fonctionnent mal.

Deuxièmement, je ne défendrai pas, au sein de l’Union européenne, une position condamnée à l’avance. Je rappelle qu’en 1999, lorsque Jean Glavany a défendu les quotas administratifs de lait, il s’est fait battre sèchement par les autres pays européens.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Si je revenais défendre, dix ans plus tard, une telle option au sein de l’Union européenne, non seulement la France ne l’emporterait pas, mais les idées que nous défendons concernant la régulation seraient totalement marginalisées et ne feraient pas florès comme c’est le cas aujourd’hui.

Dans le cadre démocratique qui est le nôtre, il est normal, monsieur le sénateur, que nous ne fassions pas les mêmes choix politiques ! Simplement, les nôtres me paraissent plus tournés vers l’avenir que les vôtres.

L'amendement n'est pas adopté.

I. – Le chapitre Ier du titre III du livre VI du code rural est ainsi modifié :

1° L’intitulé de la section 1 est ainsi rédigé : « Les accords interprofessionnels à long terme ».

2° Les sections 2, 3 et 4 deviennent respectivement les sous-sections 1, 2 et 3 de la section 1 ;

3° L’intitulé de la sous-section 1 est ainsi rédigé : « Contenu des accords interprofessionnels à long terme » ;

4° Aux articles L. 631-1, L. 631-2, L. 631-3, L. 631-22 et L. 631-23, les mots : « le présent chapitre » ou « du présent chapitre » sont remplacés par les mots : « la présente section » ou « de la présente section ».

5° Au début du second alinéa de l’article L. 631-1, le mot : « Il » est remplacé par le mot : « Elle » ;

6°À l’article L. 631-23, les mots : « sections 2 à 4 du présent chapitre » sont remplacés par les mots : « sous-sections 1 à 3 de la présente section » ;

7° Il est ajouté une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Les contrats de vente de produits agricoles

« Art. L. 631-24. – I. – La conclusion de contrats de vente écrits entre producteurs et acheteurs, ou entre opérateurs économiques visés au premier alinéa de l’article L. 551-1, propriétaires de la marchandise, et acheteurs, peut être rendue obligatoire pour les produits agricoles destinés à la revente en l’état ou à la transformation.

« Ces contrats écrits comportent des clauses relatives aux volumes et aux caractéristiques des produits à livrer, aux modalités de collecte ou de livraison des produits, aux critères et modalités de détermination du prix, aux modalités de paiement et aux modalités de révision et de résiliation du contrat ou à un préavis de rupture. Sauf stipulations contraires, ces contrats sont renouvelables par tacite reconduction pour une période équivalente à celle pour laquelle ils ont été conclus.

« Ils peuvent être rendus obligatoires :

« a) Par extension ou homologation d'un accord interprofessionnel, dans les conditions définies au chapitre II du présent titre ;

« b) Ou, si aucun accord interprofessionnel ayant la même portée n'a été étendu ou homologué, par un décret en Conseil d'État. L'application de ce décret est suspendue en cas d'extension ou l'homologation d'un accord interprofessionnel en application du a.

« L’accord interprofessionnel mentionné au a ou le décret mentionné au b fixe, par produit ou catégorie de produits et par catégorie d’acheteurs, la durée minimale du contrat qui est de un à cinq ans, ainsi que les modes de commercialisation pour lesquels une durée inférieure est admise.

« Si ces contrats prévoient la fourniture à l’acheteur des avantages mentionnés au premier alinéa de l’article L. 441-2-1 du code de commerce, ils comportent pour les produits visés au même article des clauses relatives aux modalités de détermination du prix en fonction des volumes et des qualités des produits et des services concernés et à la fixation d’un prix. Ils indiquent les avantages tarifaires consentis par le fournisseur au distributeur au regard des engagements de ce dernier.

« II. – La conclusion de contrats soumis aux dispositions du I doit être précédée d’une proposition écrite de l’acheteur conforme aux dispositions de l’accord interprofessionnel mentionné au a du I ou du décret mentionné au b du I.

« Les sociétés mentionnées à l'article L. 521-1 du présent code sont réputées avoir satisfait aux obligations visées à l'alinéa précédent dès lors qu'elles ont remis à leurs associés coopérateurs un exemplaire des statuts et du règlement intérieur, intégrant les dispositions du I non contraires aux dispositions des statuts types homologués par le ministère chargé de l'agriculture.

« En cas de litige relatif à la conclusion ou à l’exécution d’un contrat de vente entrant dans le champ des dispositions du présent article, le producteur ou l’acheteur peut saisir une commission de médiation dont la composition et les compétences sont fixées par décret.

« III - Les dispositions du présent article sont applicables aux ventes de produits agricoles livrés sur le territoire français, quelle que soit la loi applicable au contrat.

« Elles ne sont pas applicables aux ventes directes au consommateur ni aux cessions réalisées au bénéfice des organisations caritatives pour la préparation de repas destinés aux personnes défavorisées.

« Ces dispositions sont d’ordre public.

« Art L. 631-25. – Le fait pour un acheteur de ne pas remettre, lorsqu'elle a été rendue obligatoire dans les conditions mentionnées à l'article L. 631-24, une proposition de contrat écrit ou de ne pas inclure dans cette proposition une ou plusieurs des clauses obligatoires ou de rédiger ces clauses en méconnaissance des dispositions de l'article L. 631-24 est sanctionné d'une amende administrative, dont le montant ne peut être supérieur à 75 000 € par producteur et par an. Ce montant peut être porté au double en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans.

« Cette amende est proportionnée à la gravité des faits constatés, notamment au nombre et au volume des ventes réalisées en infraction. L'autorité administrative compétente peut, en outre, ordonner la publication de la décision ou d'un extrait de celle-ci.

« Art. L. 631-26. – Les manquements aux dispositions de l’article L. 631-25 sont constatés par les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et par les agents des services de l’État chargés de l’agriculture. Ces manquements sont constatés par procès-verbal dans les conditions fixées par les articles L. 450-2 et L. 450-3 du code de commerce et les dispositions prises pour leur application. Le double du procès-verbal accompagné de toutes les pièces utiles et mentionnant le montant de l’amende administrative encourue est notifié à la personne physique ou morale concernée.

« Le procès-verbal indique la possibilité pour la personne visée de présenter, dans un délai d’un mois, ses observations écrites ou orales. À l’issue de ce délai, le procès-verbal, accompagné, le cas échéant, des observations de l’intéressé est transmis à l’autorité administrative compétente qui peut, par décision motivée et après une procédure contradictoire, prononcer la sanction prévue à l’article L. 631-25.

« L’intéressé est informé de la possibilité de former un recours gracieux ou contentieux contre cette décision, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la sanction.

« Les amendes mentionnées au présent article sont versées au Trésor et sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. »

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Nous abordons un article très important, qui a été réécrit par la commission en fonction de deux orientations.

Tout d’abord, nous avons affirmé la primauté de l’accord interprofessionnel sur l’intervention de la puissance publique : l’État ne sera appelé à intervenir pour obliger à conclure des contrats écrits dans les filières que si les interprofessions concernées n’ont pas réussi à se mettre d’accord. Dernièrement, monsieur le ministre, vous avez été contraint de fixer, pour une durée de trois mois, le prix du lait.

Ensuite, nous avons prévu une application large du contrat, celui-ci devant concerner initialement « producteurs et acheteurs ». Nous avons précisé qu’il pourrait s’agir de tout producteur ou organisation de producteurs avec son acheteur. Nous avons également soumis les coopératives au régime contractuel, en adaptant les modalités prévues : les statuts ou le règlement intérieur vaudront contrat s’ils comprennent les clauses types obligatoires.

L’article 3 fixe donc les règles du jeu. Ainsi, le contrat devra comprendre certaines clauses : volumes et caractéristiques des produits, modalités de collecte et de livraison, critères et modalités de détermination du prix, modalités de paiement, de révision et de résiliation. Il devra également être conclu pour une certaine durée, comprise entre un et cinq ans.

L’article 3 définit un socle minimal ; il appartiendra ensuite aux interprofessions, à défaut au décret, de préciser les secteurs concernés et le périmètre exact des contrats.

L’alinéa 32 de l’article 7 répond à l’article 3, puisqu’il organise la faculté pour les interprofessions de conclure des accords interprofessionnels comprenant des contrats types qui peuvent être plus précis. Par exemple, ces contrats peuvent fixer un prix plancher.

Ensuite, à partir de ce socle, chaque acheteur proposera à chacun de ses fournisseurs un contrat écrit qui devra être conforme au cadre type.

Le contrat instaure une logique de gagnant-gagnant : d’une part, l’acheteur y trouve son intérêt en sécurisant son approvisionnement ; d’autre part, le vendeur y sécurise ses débouchés. Il faut éviter, par exemple, que le producteur de lait ne se retrouve avec du lait non collecté.

Par ailleurs, le dispositif retenu reste souple. Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples.

D’une part, le texte dispose que le contrat « peut être rendu obligatoire ». La majorité des filières sera concernée, mais pour certaines, par exemple la filière céréalière, qui passent par des collecteurs agréés, l’instrument du contrat ne sera peut-être pas nécessaire.

D’autre part, l’acheteur a l’obligation de proposer un contrat, mais le vendeur n’est pas soumis à la même obligation : il pourra conserver une partie de sa production non contractualisée.

Souplesse et équilibre : tels sont les objectifs que s’est fixés la commission en proposant cette nouvelle rédaction pour ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 5 janvier 2006 d’orientation agricole comportait déjà des dispositions ayant pour objet de « consolider le revenu agricole et favoriser l’activité ».

Quatre années plus tard, il faut bien se rendre à l’évidence : les mesures adoptées à l’époque n’ont pas permis de faire évoluer favorablement la rémunération des agriculteurs.

Certes, il y eut une embellie en 2007, mais elle fut de courte durée : en 2008 et en 2009, le revenu moyen des agriculteurs a baissé respectivement de 20 %, puis de 34 %. Quelle autre profession pourrait supporter une telle amputation de son pouvoir d’achat ?

Et cette dégringolade concerne de très nombreuses productions : les producteurs de lait, les producteurs de céréales, les exploitations maraîchères et horticoles, les élevages bovins et ovins, qui voient leur résultat d’exploitation devenir négatif. C’est véritablement toute l’agriculture qui est aujourd’hui concernée.

Le titre II comporte un certain nombre de dispositions tout à fait pertinentes : la conclusion de contrats écrits avec les acheteurs et le fait de permettre aux agriculteurs de pouvoir mieux défendre leurs intérêts dans la chaîne de répartition de la valeur ajoutée. À cet effet, le projet de loi tend à renforcer le rôle de l’Observatoire des prix et des marges et à élargir son champ de compétence à l’ensemble des produits de l’agriculture. Il vise également à consolider le rôle des interprofessions agricoles et celui des organisations de producteurs.

Il est certain que la profonde crise du lait, des productions de viande et de céréales doit nous faire réfléchir à une nouvelle modernisation des exploitations agricoles et de l’agriculture dans son ensemble, mais aussi à une nouvelle régulation de l’agriculture au niveau européen. Vous venez d’ailleurs d’évoquer ce sujet, monsieur le ministre.

La modernisation de l’agriculture française passe par une harmonisation européenne du coût du travail, pas seulement pour les travailleurs saisonniers.

Elle passe également par une simplification des contraintes administratives : je pense bien évidemment aux contrôles tatillons opérés dans nos régions pour le versement des subventions européennes.

Elle passe par la simplification des contraintes sanitaires et environnementales, y compris, peut-être, par la révision de certaines dispositions du Grenelle de l’environnement.

Cette modernisation passe également par la mise en œuvre d’une véritable contractualisation régulée par les interprofessions afin de mieux protéger les producteurs.

Dans cette optique, le rôle joué par les coopératives est primordial. Elles ont clairement manifesté leur volonté de s’engager dans des politiques d’accompagnement et de contractualisation, dans la production, dans la transformation, mais aussi dans la qualité des produits. Elles encouragent les agriculteurs à investir et à s’investir afin de faciliter la commercialisation de leurs produits en étant plus proches des consommateurs. Il serait intéressant de suivre ce nouvel engagement que prépare actuellement la coopération agricole.

Monsieur le ministre, les mesures que vous préconisez vont dans le bon sens, mais suffiront-elles pour autant à régler durablement les problèmes ? Certes, un contrat écrit vaut mieux que pas de contrat du tout, mais tout le problème est de savoir ce que l’on y met. Si les producteurs de lait signent des contrats de longue durée pour un prix toujours aussi ridiculement bas, de l’ordre de 24 centimes d’euro le litre, cela ne réglera manifestement pas leurs difficultés.

Par ailleurs, les sanctions prévues par l’article 3 en cas d’absence de proposition de contrat écrit entre producteurs et acheteurs me semblent disproportionnées, puisqu’elles peuvent atteindre 75 000 euros par producteur et par an. Ce sont les raisons pour lesquelles je proposerai, par voie d’amendement, que le régime des sanctions applicables soit fixé non par l’autorité administrative, mais par les interprofessions, afin que les intéressés ne se sentent pas les victimes d’un simple barème applicable aveuglément.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Au-delà de nos préoccupations franco-françaises, il faut également obtenir la mise en place d’une meilleure régulation européenne des marchés qui soit durable dans le temps et qui passe aussi par de meilleurs outils de gestion : intervention, mécanismes assurantiels, organisation des filières.

Il faut, enfin, une vraie politique de prix. Cela a souvent été dit, mais il faut le répéter : les agriculteurs veulent pouvoir vivre du prix de leur travail et non, exclusivement ou presque, de subventions.

Monsieur le ministre, telles sont les quelques réflexions et interrogations que je vous livre à l’occasion de l’examen du titre II ce projet de loi : il va dans le bon sens, mais il a besoin d’être perfectionné afin de répondre non seulement à la profonde inquiétude des agriculteurs, mais aussi à l’attente des élus que nous sommes, qui souhaitent être rassurés afin, peut-être, de pouvoir voter ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde agricole connaît une profonde crise. Les producteurs, les éleveurs, les pêcheurs ne vivent plus aujourd’hui des revenus de leur travail. Cette situation n’est pas nouvelle, mais son ampleur est sans précédent.

Face au désespoir profond de ces femmes et de ces hommes, le Président de la République n’a cessé, ces derniers mois, de dénoncer la déréglementation mondiale et européenne, de déplorer les baisses de revenus, mais, concrètement, qu’y a-t-il eu de fait ?

Lors de la présidence française, aucune action n’a été lancée pour renforcer la régulation du secteur agricole ou pour tendre vers l’établissement d’un revenu minimum européen.

Pourtant, M. Barnier avait une feuille de route prometteuse : « Promouvoir une politique alimentaire, agricole et territoriale porteuse de plus de prévention, de régulation et d’équité. »

Nous étions en droit d’attendre que le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche contienne des mesures fortes allant dans ce sens, au moins au niveau national.

Or l’article 3, relatif à la contractualisation, mesure annoncée par le Président de la République comme mesure phare du projet de loi, ne répondra absolument pas aux attentes du monde agricole. Des voix venant de tous bords semblent en douter.

Nous nous situons exactement dans la logique qu’avait fait prévaloir la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. Renforcer les formalités contractuelles ne suffit pas à changer les rapports de force déséquilibrés entre les producteurs et les distributeurs. C’est l’histoire du loup et de l’agneau qui se perpétue.

Le bilan de la réglementation issue de la loi de modernisation de l’économie a été très négatif. S’agissant de la diminution des marges arrière, les rapporteurs constatent « des méthodes de contournement que nous n’avions même pas imaginées ».

Les pressions sur les fournisseurs restent importantes, et la crainte de dénoncer ces pratiques tout aussi forte. « Nous avons rencontré certains fournisseurs à huis clos, en cachette, le soir, et ces gens nous ont demandé que leur nom ne figure pas », rapporte mon ami le député socialiste des Côtes-d’Armor, Jean Gaubert.

Notre collègue Élisabeth Lamure note que la loi de modernisation de l’économie « n’a pas permis une réelle amélioration des relations commerciales : les relations entre fournisseurs et distributeurs restent fortement déséquilibrées et de nombreux abus ont été constatés ».

Monsieur le rapporteur, vous avez sensiblement amélioré la rédaction du projet de loi, notamment en élargissant le contenu des mentions obligatoires du contrat. Cependant, en réalité, le principe d’un contrat n’est toujours pas obligatoire. En cas d’absence d’accord interprofessionnel, rien n’impose aujourd’hui et n’imposera demain aux acheteurs qui ne le souhaitent pas de passer un contrat écrit.

Quant aux volumes concernés par les contrats, le texte n’en dit pas un mot, tandis que le recours aux importations tactiques et abusives n’est en rien entravé.

Enfin, si rien n’est fait pour réguler le secteur et pour endiguer les spéculations, la contractualisation prévue par l’article 3 ne suffira pas à garantir un prix rémunérateur aux vendeurs que sont les agriculteurs et les pêcheurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

À plusieurs reprises, monsieur le ministre, vous nous avez fait part de votre conviction que la contractualisation se doit désormais d’être le moteur de la régulation de l’ensemble des productions. Vous avez indiqué qu’elle doit contribuer à régler la question stratégique de l’après-quotas laitiers. C’est, de notre point de vue, la raison pour laquelle l’examen de cet article 3 revêt une importance si particulière et que vos explications sont très attendues sur différents points.

Vous ne l’ignorez pas, les agriculteurs eux-mêmes sont pour le moins attentifs et dubitatifs, tant les interrogations sont fortes. Or ils sont rejoints, pour des raisons absolument inverses, par d’autres. Voyez à ce sujet la prise de position de la Confédération française du commerce interentreprises, la CGI, qui conteste et la notion de durée du contrat et le rôle dévolu aux organisations de producteurs. C’est dire que, de la part de certains partenaires, les réticences pourraient bien être marquées. Les contradictions ne seront pas aisées à surmonter.

Venons-en aux interrogations essentielles. La première question porte sur le contenu du contrat au sein des organisations de producteurs. Seront-ils identiques pour tous les adhérents ? On peut en effet rencontrer des situations très différentes chez les producteurs. Du point de vue de l’entreprise de collecte laitière, il pourrait être tentant de consentir une meilleure rémunération à un producteur lui apportant une quantité importante de lait plutôt qu’à un petit producteur, et ce pour des raisons d’optimisation et de coût de collecte. Ainsi, à défaut d’anticipation, le contrat pourrait introduire une distorsion préjudiciable au plus faible. C’est pourquoi des garanties doivent être prévues afin de veiller à l’égalité de traitement des producteurs : le contrat doit donc être collectif.

Le contrat sera négocié dans le cadre des interprofessions. Je vous ai indiqué, monsieur le ministre, qu’il faudrait en bonne logique que ces interprofessions se constituent par territoires pertinents de bassin de production. Le risque existe de se retrouver avec des contrats différenciés d’une organisation de producteurs à une autre, ce qui introduirait des distorsions ingérables sur un territoire. Voyez ce qui se passe en Suisse !

Il ne s’agit pas là d’une vue de l’esprit et une telle situation s’est déjà rencontrée chez nous, avec les tensions que cela implique. Tel est le cas, actuellement, des producteurs d’Entremont.

De même, quelle sera, le cas échéant, l’obligation d’un industriel à contractualiser ? Quelles solutions pour les laissés-pour-compte éventuels de la contractualisation ? Si un industriel ne veut pas de contrat avec un producteur, comment sort-on de cette impasse ? Cette situation peut se présenter en cas de présence exclusive ou hégémonique d’un industriel sur un territoire, et l’on pense évidemment encore à la production laitière.

Un autre risque est possible : si le contrat devient économiquement défavorable à l’industriel en raison des écarts de prix à la production entre pays européens, en particulier dans les régions frontalières, rien ne pourrait empêcher celui-ci d’aller s’approvisionner sur un marché voisin dans un contexte plus favorable. Quelles assurances peuvent recevoir les producteurs que de telles pratiques ne pourront avoir cours en dépit des contrats ? Dans tous les cas, le Gouvernement ne peut espérer traiter ce problème sans prendre en compte la réalité du marché européen.

De même, si l’idée est de garantir un prix juste et un revenu décent aux producteurs, les contrats doivent alors garantir un prix couvrant au moins les coûts de production et comprenant la rémunération du travail. Monsieur le ministre, il serait intéressant que vous nous disiez quelle est votre conception du contenu du contrat et des éléments pris en compte dans son élaboration.

Notre conviction est que le contrat ne peut pas, à lui seul, être la réponse au besoin manifeste de réintroduire la régulation. Il ne peut être qu’un élément s’intégrant à une vraie politique de l’agriculture et ne peut en tenir lieu.

Qu’adviendra-t-il de l’après-2015, c’est-à-dire demain, si les quotas disparaissent, ainsi que vous l’avez confirmé tout à l’heure, laissant chacun libre de développer sa production ? Le risque est là : sans régulation durable des volumes, la contractualisation sera inopérante, et cette régulation des volumes ne peut avoir lieu qu’au niveau européen, car, en dehors de ce cadre, nos marges de manœuvre sont forcément réduites.

En somme, monsieur le ministre, c’est d’une politique globale, d’une vraie politique agricole que nous avons besoin, c’est de retrouver un projet européen.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Claude Bérit-Débat, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Nous avons jusqu’à présent débattu de la mise en place d’une politique publique de l’alimentation. Cet article 3 nous amène au cœur du sujet.

Cet article vise en effet à renforcer, voire à rendre obligatoire, la contractualisation des relations entre les producteurs et les acheteurs. Ces dispositions me paraissent fondamentales en ce qu’elles conditionnent l’avenir économique de nos agriculteurs.

Il n’est nullement besoin de faire état de la situation actuelle, tant elle est bien connue. En bref, les prix payés aux producteurs baissent constamment, tandis que le prix offert au consommateur augmente sans cesse. Il importe donc d’élaborer un canevas législatif assurant une juste rémunération aux producteurs.

Le titre II dans lequel s’inscrit l’article 3 vise à renforcer la compétitivité de l’agriculture française.

Avant même d’aborder la notion de compétitivité, nous devons nous interroger sur les notions élémentaires de justice et d’équité.

En effet, il est toujours possible d’accroître la compétitivité sans que cela soit économiquement viable pour les producteurs, ni humainement supportable. Mais comment admettre qu’une production agricole rapporte moins à un agriculteur que ce qu’elle lui coûte ? Qui accepterait de travailler pour perdre de l’argent ?

Il convient donc d’élaborer un texte assurant la conciliation de deux objectifs, l’équité de la rémunération du travail d’une part, la compétitivité économique d’autre part. La situation dramatique que connaissent nombre de nos agriculteurs nous impose de penser la LMA dans cette perspective.

La contractualisation doit reposer sur ces deux pieds que sont l’équité et la compétitivité, sans quoi elle risque de marcher sur la tête ! Nous devons toujours garder à l’esprit ces deux dimensions pour construire le modèle de croissance du monde agricole.

Loin d’être simplement une demande légitime des agriculteurs, c’est une exigence sociale au moins aussi importante que les contraintes économiques qui pèsent sur cette profession.

Ainsi, comme le souligne l’exposé des motifs, « le contrat doit être régulé par l’État pour accompagner une relation loyale et équilibrée au sein des filières agricoles ».

Cette idée de loyauté est en effet centrale. S’il en est fait mention dans l’exposé des motifs, c’est bien parce qu’un problème se pose. Ce problème, ce sont les contrats léonins que doivent accepter les producteurs. Pour cette raison, il nous appartient de moraliser et de rendre « loyales » ces relations au sein des filières agricoles.

La situation actuelle est proprement inique. Chacun est conscient et, je l’espère, convaincu, qu’il est nécessaire d’y mettre un terme. Force est de constater toutefois que le texte ne va pas assez loin dans ce sens.

La démarche est bonne, mais la conviction est-elle suffisante ? Cette question est légitime : un petit quelque chose semble faire défaut.

Ce petit quelque chose, c’est simplement la mention selon laquelle un producteur ne peut vendre sa production en dessous de son prix de revient. C’est l’idée selon laquelle les producteurs ont droit à une rémunération décente.

Nous nous sommes accordés, à l’occasion du titre I, sur la nécessité de reconnaître que l’accès à l’alimentation devait se faire dans des conditions économiquement acceptables par tous.

Dans le prolongement de cette idée, il nous semble indispensable, logique et juste de prévoir qu’un producteur a droit à un niveau de rémunération décent. Dire cela, ce n’est pas nier l’idée de compétitivité. Dire cela, c’est considérer que la compétitivité peut aussi avoir un visage humain.

Nous vous proposons donc, mes chers collègues, plusieurs amendements visant à donner corps à cette ambition.

Cela me semble indispensable si l’on veut effectivement répondre aux attentes des agriculteurs et leur offrir autre chose que de sombres perspectives d’avenir.

C’est pourquoi je vous invite, monsieur le ministre, à admettre le bien-fondé de nos amendements.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Le Gouvernement a fait de cet article la « tête de gondole » de son projet de loi. La contractualisation y apparaît comme l’alpha et l’oméga de son ambition !

La contractualisation est censée sauver les producteurs et mettre fin tant aux prix indécents imposés par les acheteurs qu’à l’irresponsabilité des transformateurs en matière de péremption des produits. La position de faiblesse des producteurs face à leurs acheteurs ne serait alors plus qu’un vague souvenir !

C’est ainsi que nous est présenté ce texte. Toutefois, la réalité apparaît tout autre. Au demeurant, on a déjà pu constater des avancées notables entre le texte présenté par le Gouvernement et celui qui est issu de la commission.

Le consensus dégagé en commission pour donner à la contractualisation un cadre interprofessionnel, via l’extension ou l’homologation d’un accord interprofessionnel, constitue une évolution positive.

Le groupe socialiste a toujours été favorable à la contractualisation. Toutefois, celle-ci pourrait être envisagée sous un angle quelque peu différent. Comme cela a été dit sur tous les bancs, il s’agirait de permettre aux producteurs de vivre dignement de leur travail.

Si cette idée fait consensus, le texte, en l’état actuel, ne permettra pas malheureusement aux agriculteurs de vivre des fruits de leur travail.

C’est pourquoi nous souhaitons qu’il soit bien affirmé que, dans le cadre contractuel, le prix de vente ne pourra être inférieur au prix de revient de l’agriculteur. Or, je crains que ce ne soit pas la volonté du Gouvernement.

Nous avons souvent évoqué les contraintes nationales et européennes. Au risque de m’attirer les foudres ou les sourires de certains de nos collègues, je souhaiterais rappeler à votre mémoire une expérience réussie de contractualisation mise en place par l’un de vos prédécesseurs, celle des contrats territoriaux d’exploitation, les CTE.

Jamais autant de contrats n’avaient été signés jusqu’alors ! Certes, il s’en signe dix fois moins aujourd’hui qu’à l’époque. En effet, les CTE, devenus trop bureaucratiques, engendraient trop de paperasse ! Ils ont cependant assuré le redéploiement de l’agriculture et la valorisation de la multifonctionnalité, en même temps qu’ils permettaient à chaque agriculteur, comme le voulaient les ministres Le Pensec et Glavany, de vivre de son travail.

Tel n’est pas le cas aujourd’hui.

Que nous disent les agriculteurs ? D’après les arboriculteurs de mon département, il suffirait qu’on leur achète les abricots dix centimes de plus, et les pêches vingt centimes de plus, pour que cela soit rentable !

Monsieur le ministre, vous évoquiez récemment ces pommes d’Amérique du Sud, vendues sur le territoire national à un prix moins élevé que les pommes produites localement. Cela démontre, s’il était besoin, que la contractualisation est indispensable, mais également que ses contours doivent être plus clairement définis.

Cette contractualisation ne doit pas s’imposer aux producteurs et mettre ceux-ci devant le fait accompli sans qu’ils aient voix au chapitre. En l’absence d’une démarche partagée et volontaire, la contractualisation sera impuissante à assurer l’avenir et la survie de nos agriculteurs.

Si nous souhaitons suivre cette voie, nous sommes conscients que ce combat doit être mené au niveau européen.

La France doit peser dans les discussions. Il faudra faire preuve de volontarisme, comme le souligne fréquemment le Président de la République. Vous disiez pourtant tout à l’heure, monsieur le ministre, ne pas vouloir présenter de proposition aux instances européennes si vous deviez être battu. Nous vous encourageons au contraire à présenter des propositions au niveau européen et à vous assurer une majorité par des négociations volontaristes !

Vous soulignez souvent des divergences de points de vue entre la majorité et l’opposition, comme précédemment sur l’amendement de M. Le Cam. Mais l’avenir de l’agriculture, sa survie même, n’est affaire ni de droite ni de gauche. Au-delà de nos divergences, de notre volontarisme plus ou moins grand, il importe que la contractualisation soit ambitieuse, forte et appliquée sur tout le territoire.

C’est pourquoi le travail que vous devez accomplir au niveau européen pour réunir une majorité revêt une telle importance. Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le ministre, deux points importent particulièrement au groupe socialiste : d’une part, il faut absolument que le dispositif de contractualisation empêche les ventes à perte, sinon il ne jouera pas son rôle ; d’autre part, il convient que tous les producteurs puissent en tirer profit, afin que le débat producteur-distributeur soit enfin clos.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Mon propos portera sur ce titre II qui fait du renforcement de la compétitivité de l’agriculture française une priorité. C’est le cœur du projet de loi que nous analysons aujourd’hui, comme l’a rappelé M. le ministre.

Je développerai mon propos en trois temps. Avant cela, je souhaiterais vous faire part de mon étonnement à l’égard du caractère prioritaire donné à cet objectif. Cela fleure bon les lois de 1960 et 1962, dont le propos était identique : augmenter la productivité de l’agriculture française pour la rendre compétitive.

Pour ma part, je considère que c’est là une approche court-termiste. Si elle répond à certaines interrogations des agriculteurs confrontés à la crise, cette orientation me paraît décalée. En effet, en un demi-siècle, notre agriculture a profondément changé. Elle s’est intensifiée, spécialisée et insérée dans la division internationale du travail.

Les systèmes de production agricole dits de polyculture élevage ont pour ainsi dire disparu. La ferme France, au lieu d’utiliser l’azote tiré de l’exploitation même, se fournit auprès du secteur agrochimique, très consommateur de pétrole.

L’agriculture s’est également spécialisée et intensifiée. Nous utilisons désormais des semences à très haut rendement, et donc des variétés plus fragiles nécessitant plus d’intrants, notamment de pesticides. Cela engendre une dépendance plus préoccupante à l’égard du pétrole. Nos élevages ont également vu leur modèle évoluer, puisque nous importons de plus en plus de protéines.

Ainsi, la priorité doit être donnée de façon similaire à d’autres objectifs.

La souveraineté alimentaire doit devenir un objectif gouvernemental, comme je l’ai évoqué la semaine passée. Une indépendance politique durable exige la maîtrise réelle du système de production alimentaire. Or, le système agricole français est devenu très dépendant à l’égard des importations de pétrole et de protéines.

Le deuxième objectif a trait à l’environnement. La forte consommation de pétrole à l’origine de notre dépendance provoque également certains dégâts environnementaux, notamment des émissions de gaz à effet de serre.

Accroître l’autonomie des systèmes de production agricole me paraît primordial. C’était d’ailleurs l’une des orientations du Grenelle de l’environnement.

Je regrette que ces orientations aient été balayées la semaine dernière par un vote bloqué, puisqu’il faut bien l’appeler ainsi…. Cette loi de modernisation de l’agriculture devait être pour nous l’occasion de prendre plus de hauteur et de tracer de nouvelles perspectives, qui puissent être reprises au niveau européen.

Le troisième objectif, qui fait sérieusement défaut ici, concerne l’enrichissement de l’activité agricole en emplois. Nous, élus locaux, observons l’apparition de nouvelles formes d’exploitation agricole, de taille modeste, créant de la valeur ajoutée par une transformation fonctionnant en circuit court. Or aujourd’hui, du fait des normes législatives et réglementaires, les personnes développant ces systèmes de production ne sont pas reconnues comme agriculteurs. Il serait pertinent d’y remédier.

J’admets que toutes ces orientations pourraient relever de l’Union européenne. Je rappellerai toutefois qu’en 1957 nous avons mis en place le dispositif de soutien au prix des céréales sans nous poser de question, en le proposant également à l’Europe.

Aujourd’hui, la France doit, de la même manière, définir ses propres orientations et les soumettre à l’Union européenne, car c’est évidemment à ce niveau-là qu’elles prendront tout leur effet.

Certes, les dispositions relatives à la contractualisation vont dans le bon sens, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

… mais je ne suis pas sûr qu’elles suffisent à corriger les dégâts causés par la loi LME.

Surtout, je ne voudrais pas qu’elles servent d’alibi pour renoncer à porter d’autres propositions beaucoup plus fortes, d’ordre stratégique, au niveau européen.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Nous débattons actuellement de l’un des éléments décisifs de ce projet de loi, et je voudrais donc répondre brièvement aux remarques qui ont été faites.

Je précise d’emblée à M. Muller qu’il ne s’agit absolument pas d’augmenter le productivisme des exploitations, comme ce fut le cas voilà quelques décennies, mais d’améliorer la compétitivité de l’agriculture française, ce qui est très différent.

Pourquoi la question des contrats est-elle au cœur du projet de loi ?

Tout simplement parce que l’Union européenne, en quelques années, est passée d’une politique de l’offre administrée de la production agricole, avec comme objectif de produire toujours plus pour assurer la sécurité alimentaire des Européens, à une politique de la demande, dans laquelle c’est le consommateur qui décide.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Si nous avons consacré le titre Ier de cette loi à l’alimentation, c’est parce que nous voulons remettre le consommateur et l’alimentation au cœur du projet agricole. Le Gouvernement assume totalement le fait que l’orientation de l’agriculture soit désormais décidée en fonction de la demande alimentaire du consommateur.

Cette perspective implique d’abandonner l’idée d’une gestion administrée de l’offre agricole, et donc celle des quotas, qu’il s’agisse des quotas laitiers, monsieur Raoult, ou des quotas sucriers, qui seront abandonnés en 2015. Le jour où l’un d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs membres de l’opposition, deviendra ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche – cela arrivera bien un jour –

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Aucun élément d’encadrement et de régulation du marché n’est venu accompagner cette décision de supprimer toute gestion administrée de l’offre. C’est là que la France a joué un rôle absolument décisif, qu’elle entend d’ailleurs prolonger à travers les contrats prévus dans ce projet de loi.

Nous avons indiqué qu’il était hors de question de laisser le producteur seul face à un marché qui définirait l’équilibre naturel entre l’offre et la demande. C’est la situation que nous connaissons aujourd’hui, et dont vous êtes témoins dans vos départements, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsqu’un producteur de lait se trouve sans contrat, pieds et poings liés à un industriel qui fixe lui-même à la fin du mois un prix pour la tonne de lait qui lui a été livrée.

Ainsi, le producteur de lait investit 150 000, 200 000 ou 250 000 euros, ses mensualités s’élèvent à 4 000 ou 5 000 euros, mais il ne sait pas combien il va toucher à la fin du mois, parce que l’industriel décide souverainement !

Nous avons voulu mettre fin à cette situation, à ce rapport inéquitable entre producteurs et industriels. Je pense que, sur ce point-là, nous pouvons tous nous rejoindre.

Nous avons estimé nécessaire d’accompagner cette nouvelle relation par un contrat écrit. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’une idée du ministre de l’agriculture. Je constate que Jean Bizet, dans l’excellent rapport qu’il avait rédigé voilà deux ans, sur la question laitière en France, estimait déjà que les contrats étaient indispensables.

Je constate également que le COPA-COGECA, qui réunit tous les syndicats agricoles européens, a décidé, dans son dernier rapport, dont je vous lirai quelques extraits au cours du débat, que les contrats étaient nécessaires pour établir un équilibre dans les rapports de force qui opposent les producteurs et les industriels. Ces contrats écrits sont donc absolument indispensables.

Je voudrais également apporter quelques précisions à la suite des observations formulées notamment par Yannick Botrel, Claude Biwer ou Didier Guillaume.

Premièrement, nous avons entouré ces contrats d’un certain nombre de garanties, notamment grâce aux débats qui ont eu lieu en commission.

La création d’une commission de médiation, qui répond à l’inquiétude manifestée tout à l’heure par Yannick Botrel, devrait justement permettre de trouver une solution lorsque les industriels et les producteurs ne pourront pas se mettre d’accord. Le fait de demander à l’interprofession de négocier elle-même les contrats, comme la commission l’a proposé, est aussi une façon de trouver les contrats les plus justes possibles entre producteurs et industriels.

Deuxièmement, monsieur Botrel, je n’ai jamais prétendu que les contrats étaient la solution miraculeuse à la situation des producteurs en France. Il ne s’agit que d’une partie d’une politique globale de régulation au niveau européen. Je porte cette idée de la régulation depuis le premier jour – je l’affirme avec force –, et la France a été la seule à la porter depuis août 2009.

En quoi consiste cette idée de régulation, qui commence à faire du chemin ? À côté des contrats, il s’agit de développer à l’échelle européenne une politique de stocks, une politique d’intervention, avec les moyens financiers nécessaires, ainsi qu’une gestion des volumes, notamment à l’aide d’un Observatoire des volumes dont nous avons demandé la création. Je reconnais que ce dernier ne fait pas encore consensus, mais je me battrai pour sa création, car il me semble indispensable.

La modification du droit de la concurrence me paraît également indispensable pour renforcer le pouvoir des producteurs. Aujourd’hui, les règles européennes de la concurrence interdisent à plus de 400 producteurs livrant 300 000 litres de lait – c’est-à-dire pas grand-chose en vérité –, de se réunir pour négocier avec un industriel. Les producteurs sont donc en situation de faiblesse face à de grands industriels comme Lactalis ou Danone. Avec le Président de la République, nous souhaitons modifier le droit européen de la concurrence, afin de parvenir à des chiffres beaucoup plus significatifs tels que des milliers de producteurs et des centaines de milliers de tonnes de lait. Les producteurs et les grands industriels laitiers en France pourront alors négocier d’égal à égal, ce qui s’avère indispensable pour rendre le rapport de force plus équitable dans l’établissement des contrats.

Le dernier point important qui a été soulevé concerne le prix de revient du producteur.

Première observation : nous avons souhaité ajouter aux missions de l’Observatoire des prix et des marges l’examen des coûts de production. C’est justement une façon d’éviter les situations de ventes à perte.

Deuxième remarque : les prix de revient sont évidemment très différents d’une région à l’autre. Ils ne seront pas les mêmes en Savoie, pour la fabrication d’une tomme AOC, dont le cahier des charges est très lourd, qu’en Bretagne ou en Haute-Normandie.

Troisième remarque : dans un canton de Bretagne ou de Haute-Normandie, pour prendre une région chère à mon cœur comme à celui de Charles Revet, …

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Mais oui, madame la sénatrice, au vôtre également. Mais je parlais de la Haute-Normandie…

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

M. Bruno Le Maire, ministre. Ne nous engageons pas dans le débat sur l’unification ; ce n’est pas le moment aujourd'hui.

Sourires

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Dans un canton de Bretagne ou de Haute-Normandie, disais-je, il peut donc y avoir 15 à 20 centimes d’euros d’écart au litre de lait entre deux producteurs gérant des exploitations de taille moyenne, uniquement en fonction des choix qu’ils ont faits.

Notre responsabilité est d’aider les producteurs à avoir le coût de production le plus faible possible. Il ne s’agit pas de fixer un coût de production élevé, qui va tuer notre compétitivité et ouvrir tout grand les portes du marché français à des producteurs plus compétitifs, notamment allemands, mais de faire en sorte que deux producteurs situés à deux kilomètres de distance n’affichent plus de tels écarts. C’est le but du plan de développement que nous allons mettre en place d’ici à quelques mois. C’est un choix nécessaire et raisonnable pour que les contrats fonctionnent correctement en France.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Mme Catherine Tasca remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 74 rectifié bis, présenté par MM. Couderc, J.P. Fournier, Milon et Dufaut, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Après la référence :

I. -

insérer les mots :

« À défaut d'accord interprofessionnel ou de décision interprofessionnelle rendue obligatoire prévoyant un contrat-type interprofessionnel,

La parole est à M. Raymond Couderc.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Couderc

L’objet de cet amendement est d’éviter d’accroître la complexité juridique des contrats types.

Le projet de loi prévoit en effet de rendre obligatoire les contrats écrits et de définir les clauses qui doivent y figurer. Or l’adoption des contrats types fait partie des missions des interprofessions.

L’amendement vise donc à confirmer la spécificité du régime interprofessionnel, en limitant l’application du contrat réglementaire aux cas où l’accord interprofessionnel ne prévoit pas de contrat type.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Cet amendement est satisfait par le texte même de la commission.

En effet, le b du I de la nouvelle rédaction de l’article L. 631-24 du code rural prévoit que les contrats écrits peuvent être rendus obligatoires par décret en Conseil d’État uniquement si aucun accord interprofessionnel ayant la même portée n’a été étendu ou homologué.

En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Couderc

Je retire mon amendement, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 74 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 138, présenté par MM. Cazeau et Bérit-Débat, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni et Antoinette, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Au début de cet alinéa, insérer les mots :

Dans le but de garantir un niveau de rémunération décent aux agriculteurs,

La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le constat est connu de tous : le revenu agricole moyen par exploitation a baissé de façon spectaculaire depuis quelques années.

Pour être plus précis par rapport à ma précédente intervention, je mentionnerai qu’il a ainsi diminué de 34 % en 2009, après une chute moyenne de 20 % en 2008. Pis, certaines professions ont été plus touchées que d’autres. Ainsi, l’année dernière, le revenu moyen des producteurs de lait a baissé de 54 %, celui des producteurs de fruits a reculé de 53 % en 2009, après un repli de 37 % en 2008, et celui des céréaliers s’est effondré de 51 %. Quant à la viticulture d’appellation, comme celle des vins de Bergerac, à laquelle je suis très attaché, elle a pour sa part perdu 34% de ses revenus. Au total, en 2009, les agriculteurs ont vu leurs rétributions diminuer de 5, 5 milliards d’euros, essentiellement au profit des grands distributeurs.

En effet, ces pertes ne sont pas le fruit du hasard : 2009 est la première année de la mise en place de la loi de modernisation de l’économie, voulue et votée par votre majorité parlementaire.

En accroissant le pouvoir de négociation des grandes enseignes de la distribution pour obtenir des prix plus bas, vous leur avez offert des armes légales pour menacer commercialement les paysans, soi-disant au profit des consommateurs.

Or, les 5, 5 milliards d’euros perdus par les agriculteurs ne se retrouvent pas dans la poche de nos concitoyens. En décembre dernier, l’INSEE indiquait que les prix alimentaires avaient augmenté de 0, 1 % sur un an chez les distributeurs, après une hausse de 3, 4 % entre novembre 2007 et octobre 2008. De son côté, l’UFC-Que choisir révélait que des briques de lait sous différents conditionnements avaient augmenté, partout en France, de 5 %, 9 % et 11 %, pendant que le prix du lait payé à la ferme baissait de 7 %, au point de réduire de moitié le revenu des producteurs compte tenu des coûts de production.

Que proposez-vous dans cet article ? Rien, si ce n’est de rendre obligatoire la conclusion de contrats de vente écrits entre producteurs et acheteurs par décret en Conseil d’État pour certains produits agricoles destinés à la revente en l’état ou à la transformation.

Il nous faut clairement affirmer ce message envers les grands distributeurs : la garantie d’un niveau de rémunération décent aux agriculteurs passera avant les profits des grandes enseignes.

Cet amendement vise à faire figurer cette précision dans l’alinéa 11 de l’article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Nous sommes tous favorables, dans cet hémicycle, à la fixation de prix décents pour les producteurs, et l'article 3 répond à cette préoccupation, mon cher collègue.

Toutefois, cet article vise à définir le régime des contrats et l’amendement que vous proposez n’a pas de caractère opérationnel.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

L’avis est défavorable, pour les mêmes raisons.

L’objectif de ce projet de loi est évidemment d’assurer un prix décent, non seulement à l’aide des contrats, mais aussi de tous les autres instruments qui sont mis en place, comme l’Observatoire des prix ou la réduction des marges.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je maintiens mon amendement. Il faut rappeler que la recherche de compétitivité ne doit pas faire fi d’éléments incompressibles, et que le prix doit tenir compte de l’obligation de rémunération décente des agriculteurs.

Cela faisait partie des remarques liminaires contenues dans les interventions sur l’article d’un certain nombre de nos collègues socialistes. C'est pourquoi nous tenons à l’inscrire dans cet article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

À ce moment du débat et sur un tel amendement, les réponses apportées par M. le ministre et par M. le rapporteur ne sont pas satisfaisantes.

Le premier élément sur lequel je vous demande de réfléchir, c’est la déclaration de M. le ministre qui a dit : « L’alpha et l’oméga de cette nouvelle loi, c’est la demande du consommateur », sous-entendu comme élément de régulation.

Il n’est pas possible d’entendre de tels propos. Monsieur le ministre, nous sommes en train de crier au secours et de nous battre pour garder notre industrie ! La France a encore la deuxième agriculture du monde. Si nous faisons n’importe quoi et si nous laissons la régulation se faire par le consommateur, lequel est, parfois, il faut bien le dire, trompé par des campagnes publicitaires, par les actions des grandes surfaces qui leur font acheter des produits sans goût, comme les fraises vendues un peu partout à la place de celles de nos agriculteurs, si donc nous comptons uniquement sur la demande du consommateur pour réguler le marché, nous allons au-devant de conséquences qui peuvent être catastrophiques.

Un pays doit avoir une autonomie énergétique, mais il doit avoir aussi une souveraineté alimentaire. Il ne faut pas faire n’importe quoi dans ce domaine.

La question posée par Didier Guillaume concernant le coup de pouce à donner aux agriculteurs pour qu’ils puissent survivre après avoir fait de gros efforts pour se moderniser, est d’actualité. Il faut prévoir un filet de sécurité pour éviter que de nombreuses exploitations agricoles, petites ou moyennes, ne soient en difficulté. Au lieu de cela, on nous propose un système de contrat qui est peu explicite et qui ne pose pas le principe essentiel : les agriculteurs ont droit à des prix rémunérateurs. Cela signifie qu’ils ne doivent pas vendre en dessous du prix de revient de leurs produits et qu’il faut que ce soit écrit dans la loi.

Vous déclarez que nous sommes d’accord sur les objectifs, eh bien, dites-le ! Il existe un dicton populaire qui dit : « Ça va mieux en le disant. » En l'occurrence, on peut dire que cela va mieux en l’écrivant : écrivez donc que vous voulez des prix rémunérateurs pour nos agriculteurs ! Écrivez que nous voulons garder une souveraineté alimentaire, car lorsque nous ne l’aurons plus nous regretterons ce que nous avons fait !

Laisser le marché libre est dangereux car certaines campagnes de communication sur les prix visent à orienter le consommateur vers les produits les moins onéreux : ce dernier croit avoir le choix, mais, en réalité, il ne l’a plus, conditionné par la campagne valorisant l’achat du produit le moins cher, alors que le rapport qualité-prix est fondamental.

Si nous allons dans le sens proposé par M. le ministre, le modèle d’exploitation qui s’imposera sera celui des grandes fermes avec au minimum 250 vaches : cela s’appelle « l’agriculture entreprise ».

Si c’est votre grand projet pour l’agriculture, monsieur le ministre, nous allons dans le mur et nous le regretterons car des pans entiers de notre agriculture disparaîtront ; les agriculteurs qui auront joué le jeu de la modernisation n’existeront plus. Ensuite, comme on le fait aujourd'hui pour l’industrie, on se posera des questions et l’on se demandera : qu’avons-nous fait ?

Nous avons aujourd'hui un débat très important. Mais il faut noter que les amendements que nous avons déposés pour mener la discussion au fond sont systématiquement rejetés, et ce toujours avec le même argument : nous avons les mêmes intentions que vous.

Mes chers collègues, notre agriculture vaut bien que l’on se rassemble sur des questions essentielles, car elle a aussi une vocation familiale, une vocation territoriale. Les agriculteurs qui ont fait des efforts considérables pour moderniser leur exploitation doivent être aidés. Or on ne le fait pas ; au contraire, on s’apprête à donner un nouveau coup de pouce au libéralisme…

La régulation ne doit pas rester un simple mot, elle doit s’incarner dans les faits. Elle doit être inscrite dans la loi sinon elle en restera au stade des bonnes intentions.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je ne voudrais pas laisser sans réponse les propos de M. Bourquin qui pourraient faire croire que le Gouvernement ne tient pas à la régulation et qui brossent un modèle de production agricole qui n’est pas le nôtre.

Nous ne souhaitons pas aller vers un modèle uniforme de production agricole. Nous souhaitons garder la diversité des productions agricoles françaises sur tout le territoire. Mais je le redis – et c’est peut-être un point de divergence avec vous, monsieur Bourquin –, ce n’est pas l’administration qui décidera, c’est en premier lieu le consommateur, encouragé par l’administration.

Prenons quelques exemples.

Si l’État favorise l’étiquetage des produits agricoles pour que le consommateur connaisse l’origine de ceux-ci, la façon dont ils ont été produits, leur composition, l’identification des différentes parties qui proviennent de lieux différents, il encourage un certain mode de production agricole. C’est ce à quoi tend le Gouvernement en favorisant l’étiquetage dans ce texte de loi.

Deuxième exemple : si nous demandons la modification des règles de passation des marchés publics, c’est pour favoriser les circuits courts, la production régionale, la production agricole à proximité des lieux de consommation des produits alimentaires. Nous défendons par là un certain type de commercialisation, d’alimentation et d’agriculture.

Par conséquent, les décisions que nous prenons dans ce projet de loi sont bien faites pour défendre un certain modèle agricole à partir des demandes du consommateur.

Troisième exemple : lorsque nous encourageons l’encadrement de la commercialisation, en supprimant les prix après vente, en prévoyant la réduction des remises, des rabais, des ristournes et en prévoyant la réduction des marges en période de crise, nous favorisons aussi un certain type de production agricole de proximité et nous favorisons la production agricole française.

Toutes ces décisions ne soumettent absolument pas l’agriculture aux lois du libéralisme le plus absolu.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Il s’agit au contraire de laisser à l’État le soin de fixer des orientations tenant compte des attentes du consommateur, qui veut des produits de qualité, des produits valorisés, des produits sains, qui veut pouvoir lire sur l’étiquette la composition exacte du produit parce qu’il veut consommer ce qu’il souhaite.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Par conséquent, je récuse totalement l’idée selon laquelle ce projet de loi abandonnerait l’agriculture aux seules forces du libéralisme. Il prend acte du fait que l’agriculture européenne est passée d’une politique administrative de l’offre à une politique de la demande du consommateur. Nous l’acceptons et c’est un point de divergence entre nous, que j’assume totalement : le consommateur compte dans la production agricole.

Ce projet de loi donne à l’État les instruments pour participer à la régulation des marchés agricoles, régulation que nous défendons à l’échelon européen comme aucun autre État européen aujourd'hui. Vous ne pouvez pas dire qu’un autre État fait plus que la France pour défendre la régulation des marchés agricoles, l’autonomie agricole, la souveraineté alimentaire européenne parce que vous savez aussi bien que moi que notre pays est à la pointe de ce combat.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je souhaite répondre en quelques mots à notre collègue Martial Bourquin sur les points de divergence et les points d’accord entre nous que M. le ministre vient de mentionner.

On a vu ce que la logique des prix administrés donnait en matière de rémunération. Je suis comme vous favorable à un revenu agricole décent et à l’indépendance alimentaire, nous sommes tout à fait d’accord sur ce point.

Mais quand le prix raisonnable, responsable, administré – peu importe son nom – est non compétitif à l’échelon européen, nous importons des produits étrangers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Et quand je vois des camions de lait allemand en Poitou-Charentes, cela me fait souffrir parce que nous sommes, en effet, dans cette logique-là. Nous n’avons pas d’action fondamentale sur les prix dans cette Europe que nous avons construite au fil du temps.

Monsieur le ministre, il faut, certes, aider les agriculteurs en agissant sur les consommateurs, mais il faut aussi les aider en agissant sur les charges, ce qui est davantage du domaine national : quand l’action sur les prix est bloquée, il faut essayer de faire progresser les revenus par une action sur les charges.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Quand j’entends ce que dit M. le ministre j’y suis plutôt favorable…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Non, ce n’est pas bien parce qu’il faut que ce soit inscrit dans la loi.

Depuis la semaine dernière, M. le ministre a énoncé, toujours avec beaucoup de brio, de bonnes intentions, mais chaque fois qu’une proposition pouvant concrètement inscrire de telles intentions dans la loi était formulée, elle a été rejetée par la commission et par le Gouvernement.

Nous en tirons la conclusion que, en dehors des bonnes intentions de M. le ministre, rien de concret n’est décidé sur la régulation, sur la modération comme sur d’autres sujets que nous aborderons ultérieurement.

Le Président de la République est allé dans le Lot-et-Garonne avec vous, monsieur le ministre, vendredi dernier, pour évoquer un certain nombre de questions et nous en attendions certains résultats. La presse a titré : « Règlements de comptes en Lot-et-Garonne » car le Président de la République n’a parlé que de son prédécesseur. Plutôt que des bonnes intentions et des promesses d’amour, il faut des actes, mais il faut aussi des intentions dans l’amour et pas uniquement des actes.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le ministre, je vais prendre l’exemple de ce qui a été décidé à l’Élysée, il y a une semaine pour les fruits et légumes. Vous savez très bien que cette mesure ne peut pas s’appliquer et qu’elle n’aura aucun effet car elle est calculée sur la moyenne des trois dernières années. Imaginons – ce que nous ne souhaitons pas – qu’en 2010, les prix s’effondrent. Ils ne s’effondreront jamais autant que la moyenne des trois dernières années. Donc, cela ne fonctionnera pas.

Il faut aussi tenir compte de la distribution. Lorsque des pêches sont achetées un euro au producteur et sont vendues 2, 50 euros à Paris sur les marchés, il y a un problème. Si vous ne voulez pas mettre de barrières, de régulation et de contraintes dans la loi, celle-ci ne servira à rien. Ces pêches ont bien souvent été cueillies avant maturité, elles sont conservées dans des réfrigérateurs et, lorsque les Parisiens les achètent, elles n’ont pas beaucoup de goût. Telle est la réalité. Dans ces conditions, n’êtes-vous pas d’accord pour que des contraintes soient inscrites dans la loi ?

Aucun autre gouvernement en Europe ne fait autant de régulation que nous, dites-vous. Je veux bien vous en donner acte, je ne peux pas vérifier pour l’instant. Mais, dès lors, pourquoi refusez-vous d’inscrire dans la loi que la régulation doit avoir pour but qu’aucun agriculteur, quelle que soit sa production, ne vende à perte ?

Monsieur le ministre, vous dites qu’en Haute-Normandie, en Basse-Normandie ou ailleurs, à un kilomètre ou à un canton d’écart, les prix de revient sont différents. C’est tout simplement parce que l’on a poussé les agriculteurs à investir, à s’endetter. Le tracteur n’était jamais assez gros, le matériel jamais assez important… On a dit aux agriculteurs : « Allez-y, on va vous accorder des prêts et vous aurez du beau matériel. »

Or on sait bien aujourd'hui que le matériel agricole tourne quatre à cinq fois moins qu’il y a dix ou quinze ans. C’est la réalité que rencontrent tous les jours nos amis agriculteurs sur leurs territoires et c’est l’une des conséquences de la politique qui a été menée.

Évidemment, il n’y aura jamais partout le même prix de revient, mais on sait à peu près quel est le prix de revient du lait, des fruits, de la viande…

Monsieur le ministre, nous ne voulons pas nous opposer à propos des consommateurs. Nous aussi, nous sommes capables de tenir compte de la demande.

La difficulté est double : jamais les agriculteurs n’ont vendu leurs produits à des prix aussi bas, alors que jamais les produits agricoles, sur le marché, n’ont atteint un prix aussi élevé. La réalité, c’est cela !

Ce que nous voulons est donc simple : qu’il soit fait en sorte que les agriculteurs puissent vendre leurs produits à un meilleur prix, mais aussi – c’est d’ailleurs l’objet de l’article 3 – qu’il soit expliqué aux distributeurs, au maillon intermédiaire, qu’ils ne pourront peut-être plus prendre une marge aussi élevée que jusqu’à présent.

Si nous sommes d’accord sur ce point, monsieur le ministre, pourquoi ne voulez-vous pas l’inscrire dans la loi ? Cela donnerait un signe aux agriculteurs, un signe dont vous savez tous autant que moi – vous aussi en rencontrez souvent – qu’ils en auraient besoin : s’il faut des actes d’amour, il faut aussi des paroles d’amour !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

On ne sera pas surpris que mon intervention s’inscrive dans la logique qu’ont développée à l’instant Martial Bourquin et Didier Guillaume.

Monsieur le ministre, nous sommes véritablement au cœur du débat, et tous ceux qui penseraient pouvoir créer un clivage artificiel entre le titre Ier, qui concerne l’alimentation et ses divers aspects, et ce titre II, qui vise les producteurs, se tromperaient de débat. Pour notre part, nous avons la prétention de penser qu’il est possible de trouver des modalités de fixation des prix permettant véritablement de concilier l’intérêt des consommateurs et celui des producteurs.

On nous dit que la France est le pays le plus normatif en matière d’encadrement des rapports avec les consommateurs. Encore faut-il ne pas faire l’impasse sur la qualité du produit vendu et ne pas se contenter de rechercher, dans les conditions que l’on connaît, les prix les plus accessibles ! Ce serait même là une justification a posteriori de notre abstention sur le titre Ier, dont nous estimions que, du point de vue du consommateur, il n’allait pas assez loin.

Pour autant, et c’est le débat, le constat est désormais établi que, dans le secteur de l’agriculture, les intermédiaires font des bénéfices et gagnent de l’argent. Personne, du bout de la chaîne à l’autre, ne perd de l’argent.

Puisque vous manifestez votre désir de faire en sorte que les prix obtenus par les agriculteurs soient tirés vers le haut, monsieur le ministre, je réitère la demande formulée par mes deux collègues. Pourquoi ne pas inscrire dans la loi ce qui est empreint du plus grand bon sens : que dorénavant ce soit la demande qui induise l’offre, compte tenu, je le répète encore, des enjeux que vous avez vous-même rappelés ? Le corollaire, bien entendu, est la fixation de prix planchers ; il n’est en effet pas indécent d’imaginer qu’un producteur puisse vendre ses produits sans perdre d’argent, donc à un prix qui soit au moins égal au prix de revient.

Nous reformulerons cette demande avec insistance lors de la présentation d’autres amendements ; il y va en effet de la crédibilité de la loi, qui doit aller dans le sens de la survie des agriculteurs, et, disant cela, je pense notamment aux petits exploitants.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

L’alinéa 11 de l’article 3, dont nous sommes en train de débattre, ne fait pas mention des prix : y est simplement introduite et définie la notion de contrat.

Or, se contenter d’indiquer dans la loi que « la conclusion de contrats de vente écrits […] peut être rendue obligatoire », c’est en rester à des considérations très générales, à une évocation sans caractère normatif. Qui plus est, il n’est surtout pas question d’inscrire que ce mécanisme doit permettre de rémunérer correctement les agriculteurs !

L’ambiguïté de l’expression « peut être rendue obligatoire », ajoutée au refus de mentionner que le but de la conclusion de contrats est, à terme, de permettre à l’agriculteur d’avoir un revenu décent – je n’ai toujours pas parlé de prix ! –, laisse penser que l’on se contente, au mieux, de bonnes intentions consensuelles, au pire, d’un effet d’affichage.

Je ne comprends pas que l’on puisse ne pas accepter cet amendement, dont le seul objet est de fixer un cap : que les agriculteurs puissent vivre d’un revenu décent.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Cet amendement est un parfait exemple de déclaration d’intention et illustre tout l’enjeu de ce titre II : alors que celui-ci est consacré à la compétitivité, il y est question de la filière, du contrat et de l’assurance, sans qu’à aucun moment, comme l’a souligné tout à l’heure M. Raffarin, soient mentionnés les coûts de production. Comment pourrions-nous préparer notre agriculture à être compétitive sans aborder la problématique des coûts de production ? C’est une vraie question !

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous affirmez que, grâce aux circuits courts, grâce au mieux-disant que représenteront les produits de proximité dans les appels d’offres, la transparence sera plus grande et, en fin de compte, l’intervention du consommateur plus facile. Très bien ! Il n’empêche que nous n’avons aucun moyen d’agir sur la constitution de la marge dans les différentes filières, en particulier à l’échelon des centrales d’achat, puisque l’Observatoire des prix et des marges, dont cela aurait pu être la fonction, n’est guère plus aujourd’hui qu’une « boîte noire ». Et la situation ne s’améliorera pas si nous ne revoyons pas le système actuel des amendes, qui conduit les centrales à préférer s’acquitter de 2 250 euros plutôt que de fournir les informations demandées !

Si pourtant, dans les hypermarchés et les supermarchés, on affichait clairement, par exemple devant les caisses, que la centrale d’achat alimentant le magasin accepte ou non de jouer le jeu de la transparence sur ses marges, le consommateur pourrait alors davantage tenir un rôle d’arbitre dans la répartition des marges dans la filière.

Pour autant, cela ne nous exonère pas d’un vrai débat sur les coûts de production. Mes chers collègues, méfions-nous ! Si demain les contrats se révèlent trop contraignants, rien n’empêchera le cocontractant d’aller signer avec le producteur espagnol, allemand, belge…, dont les coûts de production sont bien moins élevés : en voulant régler le problème, finalement, vous l’aurez amplifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Au contraire, il nous faut considérer les problèmes globalement.

Mes collègues du groupe de l’Union centriste et moi-même considérons que le titre II ne va pas assez loin sur ces questions de la compétitivité…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

… et de la position d’arbitre que peut occuper le consommateur dans le processus de la constitution des marges.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

Notre ami M. Guillaume ayant évoqué ce qui s’est passé en Lot-et-Garonne, l’honnêteté m’oblige, puisque j’étais présent, de rapporter ce que j’ai vu et entendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

M. Daniel Soulage. D’abord, la visite d’un président de la République, c’esten soi un événement. Quand il est de surcroît accompagné de son ministre de l’agriculture, c’est encore plus remarquable ! Celafaisait plus de vingt ans que mon département n’avait pas reçu de ministre de l’agriculture – et encore, le dernier en date, M. Rocard, avait survolé l’aérodrome, n’avait pas osé se poser, et était reparti. C’est dire s’il y a longtemps que nous n’avions pas vu de ministre de l’agriculture !

Rires

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

Se tenait donc une réunion plénière portant essentiellement sur les fruits et légumes. Autour de la table – je vous décris le décor, parce que cela me paraît important – étaient bien sûr rassemblés tous les responsables professionnels, des représentants de tout le panel syndical que vous connaissez et peut-être même d’autres, y compris les plus virulents. Tout le monde était là !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

Oui, la FNSEA, mais aussi le MODEF, la Confédération paysanne, la Coordination rurale. Bref, tout l’éventail était présent.

Occupaient également un petit coin de table les représentants de toutes les grandes enseignes, et j’avais le plaisir d’avoir à mes côtés nos collègues le président de la commission, M. Emorine, et le rapporteur, M. César.

Ah ! sur les travées du groupe socialiste.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

M. Daniel Soulage. Si je comprends bien, mon cher collègue, vous estimez que c’était du beau monde dès lors qu’étaient au premier rang ceux qui, ici, sont au premier banc, à savoir le banc de la commission !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

Après les présentations mutuelles, le Président de la République a fait le point sur ses rencontres à l’Élysée, et la discussion s’est engagée. Je dois à l’honnêteté de souligner qu’elle a été d’un calme exemplaire et que le sentiment qui s’en dégageait était la confiance. Ce n’est sans doute pas exactement ce à quoi, en des temps aussi difficiles, je m’attendais !

Réflexion faite, je crois, monsieur le ministre, que cela s’explique par le fait que le dossier a été très bien présenté. Tout le monde ne connaissait peut-être pas les mesures qui ont été annoncées, en tout cas pas dans le détail, mais il est clair que tous font confiance pour les mettre en œuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

Ce n’est pas forcément gagné, mais c’est important !

Monsieur le ministre, je tenais à souligner cette confiance, cet espoir que tous ont placé en vous, tous ceux qui étaient présents, mais aussi, à travers eux, les agriculteurs de mon département et, au-delà, de toute la France, puisque participaient également à cette réunion des responsables nationaux. Et cette confiance à votre égard n’a d’égal que les attentes envers cette loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Si le débat s’est animé depuis qu’est évoquée la question des contrats, c’est bien parce que nous touchons là un point essentiel !

Le fond du problème, c’est exact, ce sont les prix payés aux producteurs, et c’est vrai quelle que soit la production concernée. Depuis un certain temps, ces prix sont constamment tirés vers le bas, et la crise qui sévit plus particulièrement depuis un an et, bien qu’inégalement, touche toutes les productions, en est l’illustration. Les producteurs sont la variable d’ajustement de l’économie agricole et de l’agroalimentaire : ils sont le maillon de la chaîne où les entreprises viennent retrouver de la marge ; aussi, c’est là que les choses se passent.

La question de la compétitivité a été abordée. Or celle-ci peut varier très fortement non seulement d’une région à l’autre, mais même, sur un territoire restreint, d’une exploitation à l’autre. Elle est liée à l’histoire de chacune, aux investissements qu’il a fallu réaliser, aux mises aux normes auxquelles il a fallu procéder… Bref, elle est complexe à définir. Je pourrais citer bien des exemples de résultats très différents, en termes techniques, entre des exploitations éloignées d’à peine vingt kilomètres !

La compétitivité est donc liée pour une part à des situations proprement françaises, parfois même régionales. Mais elle se mesure aussi par rapport à nos voisins. En la matière, il y a peut-être lieu de s’interroger sur le rôle de l’État plus que sur celui des agriculteurs eux-mêmes ; en effet, il est des stratégies que ceux-ci ne sont pas en mesure de développer à titre personnel.

Monsieur le ministre, j’observe que, depuis le début de l’après-midi, vous vous êtes à plusieurs reprises tourné vers plusieurs de nos collègues siégeant à gauche de cet hémicycle pour les assurer du caractère fondé des idées qu’ils exposaient ou des amendements qu’ils défendaient. Pourtant, chaque fois, aussi bien le rapporteur que vous-même avez émis un avis défavorable. Alors, je m’interroge ! Vous nous approuvez, mais vous refusez de prendre nos propositions en considération : serait-ce que, par-dessus tout, c’est un chèque en blanc que vous souhaitez obtenir ?

Enfin, monsieur le ministre, vous nous parlez sans cesse de compétitivité. Mais il faudra bien, à un moment ou à un autre, aborder aussi la question du prix, puisqu’il figurera dans le contrat ! Nous, nous demandons un prix qui rémunère le travail de l’agriculteur et sa production ; quelle est votre position ? Si un prix doit être défini, qu’au moins l’on sache de quelle manière vous entendez qu’il soit fixé !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je souhaiterais définitivement clore le débat sur ce point-là, bien que la discussion me paraisse particulièrement riche et constructive.

Premièrement, il y a à mon avis un rêve qu’il nous faut absolument tous oublier sur ces travées, parce qu’il ne me paraît pas réalisable : c’est celui qu’a évoqué tout à l’heure M. Jean-Pierre Raffarin à propos des prix couvrant les coûts de production et des prix compétitifs.

Derrière tout cela se cache la vieille idée selon laquelle, l’agriculture étant un secteur tout à fait singulier par rapport à tous les autres secteurs de production en France, nous pourrions fixer un prix administratif qui couvrirait les coûts de production, filière par filière. Cela n’est pas possible, et cela n’est pas souhaitable !

En la matière, je suis décidé à ne laisser subsister aucune espèce d’ambiguïté. Nous sommes dans un espace européen : nous avons construit tous ensemble un marché unique où les produits circulent librement et où les industriels s’alimentent là où ils peuvent trouver le plus bas prix possible.

Dans le secteur du lait, notamment, nous constatons bien que, lorsque notre prix n’est pas compétitif, les industriels vont chercher du lait ailleurs, par exemple en Allemagne. Ainsi, les importations de lait frais en provenance d’Allemagne ont augmenté de 70 % depuis janvier dernier !

Ma responsabilité de ministre n’est pas de fixer un prix couvrant les coûts de production des agriculteurs. Elle est de dire ceci aux agriculteurs : « Vous allez être suffisamment compétitifs pour que les prix couvrent vos coûts de production, et pour que vous soyez meilleurs que nos voisins allemands ! »

Très bien ! sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Deuxièmement, nous ne laissons pas les choses totalement ouvertes – je tiens à le souligner – puisque nous prévoyons dans le texte la capacité pour les interprofessions de fixer des indicateurs de tendance de prix. L’objectif est bien que les interprofessions puissent fixer une référence, qui servira ensuite dans l’établissement des contrats, de telle sorte que les producteurs ne soient pas livrés à eux-mêmes dans les négociations avec les industriels !

Murmures sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Entre ce que nous offrons aux interprofessions – la capacité de définir des indicateurs de tendance de marché – et ce que nous faisons à l’échelle européenne – modifier les règles du droit de la concurrence pour que les producteurs puissent être non pas quatre cents mais deux ou trois mille à négocier avec les industriels –, nous rééquilibrons le rapport de force entre les industriels et les producteurs au bénéfice de ces derniers, pour qu’ils puissent négocier à leur avantage les prix avec les industriels.

Je crois que c’est cette voie-là – celle du renforcement du pouvoir des producteurs, plutôt que celle du prix administré – qui permettra aux producteurs de lait comme à ceux des autres filières d’obtenir un prix à la fois compétitif et rémunérateur.

Troisièmement, au-delà de la nécessité de couvrir le prix de production, la question fondamentale est celle du lissage. En effet, à ma connaissance, le prix du lait s’est effondré en 2009. Nous avons réagi et obtenu 300 millions d’euros d’aides européennes sur le marché du lait, à la demande de la France, en novembre dernier. Ce sont des actes, et pas des paroles !

Le cours du lait a remonté. À quel niveau se situe-il aujourd’hui en France ? Il est passé en quelques mois de 230 euros à 300 euros la tonne. Quelle est donc la vraie difficulté ? C’est non pas que le prix du lait soit tombé à 230 euros la tonne l’année dernière, mais qu’il varie de 230 à 400 euros la tonne en l’espace de six mois, et que les producteurs n’aient aucun instrument économique à leur disposition pour pouvoir lisser leur revenu alors que les prix sont aussi variables.

Ce que nous faisons avec cette loi, par les contrats et les dispositifs assuranciels, revient à lisser sur plusieurs années un prix qui est, quant à lui, incroyablement volatil d’une année sur l’autre, et qui le restera. Vous ne m’avez jamais entendu prétendre que nous pourrions maîtriser la volatilité des prix, filière par filière, que ce soit pour le lait, le blé ou les fruits et légumes ! La volatilité des prix est une donnée. Elle est le résultat de la mondialisation des échanges agricoles. Notre responsabilité, c’est de fournir de la stabilité grâce à de nouveaux instruments économiques.

Enfin, j’évoquerai un dernier point qui me paraît important : je veux parler de la question, déjà soulevée tout à l’heure, des coûts de production. Là encore, il n’appartient à mon avis pas au législateur de les définir, de dire qu’ils doivent être composés de tel ou tel élément, et de considérer que nous allons pouvoir les orienter. Nous n’en sommes pas capables, et cela ne me paraît d’ailleurs pas souhaitable dans une économie de marché.

Nous sommes dans une économie de marché, que nous souhaitons réguler et encadrer par des interventions de l’État ; mais nous ne souhaitons pas une économie administrée. Les coûts de production, c’est au producteur de les tirer vers le bas ; c’est à nous de faire en sorte qu’ils puissent être abaissés ; c’est à nous, comme le disait très bien Jean-Pierre Raffarin tout à l’heure, de réduire les charges sur les producteurs, pour que les coûts puissent être diminués. C’est plutôt cela qu’il faut faire, et cela ne relève pas du domaine législatif.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 505 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Alduy, Hérisson, Juilhard, Amoudry, J. Blanc et Carle, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La liste de produits pour lesquels la proposition de contrat est obligatoire sera arrêtée avant le 1er janvier 2013.

La parole est à M. Jacques Blanc.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Mes collègues MM. Jarlier, Alduy, Hérisson, Juilhard, Amoudry, Carle et moi-même souhaitons que soit précisée dans la loi la date à partir de laquelle devra être arrêtée la liste des produits pour lesquels la proposition de contrat est obligatoire.

En effet, dans la mesure où l’on souhaite que les agriculteurs puissent préparer l’avenir, s’engager et exercer leurs responsabilités, il nous paraît préférable qu’une échéance soit fixée pour la publication de cette liste. Pourquoi 2013 ? Parce qu’il nous paraît cohérent de choisir l’année de mise en application de la nouvelle réforme de la PAC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

L’amendement n° 505 rectifié prévoit une date butoir au 1er janvier 2013 pour établir la liste des produits soumis aux contrats obligatoires.

Il n’est pas souhaitable de fixer cette liste. Laissons plutôt les interprofessions s’en saisir elles-mêmes ! J’aimerais donc dire à M. Blanc que, comme M. le ministre l’a rappelé longuement tout à l’heure, il faut laisser vivre ces interprofessions ; et ce n’est pas en disant aujourd’hui qu’il faut fixer la liste avant le 1er janvier 2013 qu’on avancera sur ce problème difficile !

La commission demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Le Gouvernement émet un avis défavorable : d’une part, nous avons décidé de laisser la main aux interprofessions pour définir cette liste ; d’autre part, le Gouvernement – je le dis très solennellement – n’attendra pas le 1er janvier 2013 pour reprendre la main si les interprofessions ne font pas le travail.

Le Président de la République a déjà indiqué que, dans le secteur du lait et dans celui des fruits et légumes, tout cela devra être conclu avant la fin de l’année 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

M. Jacques Blanc. Madame la présidente, je suis prêt à le retirer, dans la mesure où le Gouvernement s’engage à rester vigilant.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Ce que nous ne voudrions pas, c’est que les interprofessions traînent. Nous faisons confiance aux interprofessions, au Gouvernement, ainsi qu’au rapporteur et au président de la commission, puisque nous aurons une responsabilité dans le suivi de l’application de la loi… N’est-ce pas, monsieur le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Par conséquent, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je vous fais confiance, ainsi qu’au Gouvernement, pour pousser un peu les interprofessions et éviter de donner le sentiment que l’on renvoie cette liste aux calendes grecques.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 505 rectifié est retiré.

L'amendement n° 134, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 12, première phrase

Après les mots :

clauses relatives

insérer les mots :

à la durée minimale du contrat,

La parole est à Mme Odette Herviaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

À la suite de mon collègue Claude Bérit-Débat, mais avant d’aborder la longue série d’amendements déposés sur cet article par lesquels nous allons entrer dans le cœur du sujet et apporter des précisions qui nous paraissent très importantes, je souhaiterais rappeler brièvement quelques éléments

Il est vrai, monsieur le ministre, que, depuis votre arrivée au ministère de l’agriculture, vous avez été à la pointe du combat pour une certaine forme de régulation. Cependant, on ne peut à mon avis pas, au niveau européen, se contenter de considérer la position des États. L’Europe existe aussi à travers son Parlement, et c’est surtout là que se trouvent nos différences de fond.

Pour avoir suivi depuis très longtemps, avec mes collègues du PSE, les travaux du Parlement européen sur l’agriculture, je pense que nos divergences sont beaucoup plus importantes entre les États qu’au sein d’un parti du Parlement européen.

J’ai constaté, au sein de mon parti, beaucoup de rapprochements entre les vingt-sept États ; beaucoup plus, certainement, que ceux qui peuvent avoir lieu dans les conseils des ministres ! Les divergences nationales en matière d’agriculture me paraissent beaucoup moins sensibles au sein d’un même groupe politique que lors des discussions intergouvernementales. Il faut à mon avis le rappeler de temps en temps !

Je dirai la même chose de votre position sur la volatilité des prix. Hélas, il est vrai qu’on constate, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, qu’une toute petite partie de la production – notamment dans le cas du lait – fait varier le prix mondial, ce qui nous montre bien qu’on ne peut accepter ni le libéralisme à outrance ni la mondialisation totale des prix agricoles. Je crois qu’il y a, là aussi, un désaccord fondamental entre nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Mais non ! Nous sommes tous d’accord là-dessus !

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Pour en revenir à cette contractualisation, puisqu’il faudra bien essayer d’en sortir, nous avons constaté qu’il n’était plus fait mention de la durée minimale, dans cette nouvelle version de l’article 3, à l’alinéa portant sur les clauses des contrats écrits de vente qui peuvent être rendus obligatoires pour les produits agricoles destinés à la revente en l’état ou à la transformation.

Il est écrit que ces contrats comportent des clauses relatives au volume, aux caractéristiques des produits à livrer, aux modalités de collecte et de livraison des produits, aux critères et modalités de détermination du prix – pas au prix lui-même ! – ainsi qu’aux modalités de paiement et de révision, entre autres aspects. Cependant, il n’est plus fait mention de la durée de ces contrats. Il nous faut aller beaucoup plus loin dans l’article pour retrouver une référence à une durée minimale comprise entre un et cinq ans. Or, il faut à mon avis que ces clauses soient rendues obligatoires dès cette partie-ci du texte, puisque nous sommes déjà en désaccord sur la durée minimale.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

L’alinéa 16 prévoit que l’accord interprofessionnel ou le décret fixe une durée minimale du contrat de un à cinq ans. Nous y tenons, parce qu’il est important de laisser, à l’intérieur de cette fourchette, la liberté à chaque interprofession de juger de la durée du contrat. Bien sûr, le contrat doit être conforme à l’accord interprofessionnel ou au décret.

Cet amendement ne paraît donc pas nécessaire à la commission. Mais cette dernière écoutera avec intérêt l’avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Madame la sénatrice, votre préoccupation – que je partage – me paraît satisfaite par la rédaction de l’alinéa 16. Cependant, si vous estimez préférable de répéter à l’alinéa 12 que la durée du contrat doit figurer dans le contrat écrit, cela ne me pose pas de difficulté.

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Après cet avis du ministre, je m’en remets également à la sagesse de l’assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Monsieur le ministre, depuis que nous examinons ce texte, j’ai entendu des avis partagés. Les bonnes intentions du Gouvernement sont-elles à la mesure de la crise ? Répondent-elles à ce qu’expriment les agriculteurs, même aujourd’hui sur les Champs-Élysées de Paris ?

Que disent donc ces agriculteurs ? Qu’ils représentent un secteur économique important, dont le rôle n’est pas uniquement de produire et qu’il ne s’agit pas seulement de « lisser » ou de libéraliser ; ils disent que leur fonction est à la fois sociétale, économique et environnementale, et que jamais le prix de leurs produits ne reflète la multifonctionnalité de l’agriculture !

Je sais bien que l’ancien président de la République a indiqué, l’année dernière, qu’il ne comprenait pas ce mot. Pourtant, lorsque les agriculteurs déclarent qu’ils veulent vivre de leurs produits, vivre du service qu’ils rendent à la nation, ils font référence à cette multifonctionnalité. Pour ce faire, ils ont besoin non pas seulement d’outils, mais d’une politique prenant en compte le rôle environnemental, social, économique et le rôle de production de l’agriculture.

Tout cela ne peut pas entrer dans le prix d’un produit. Si nous continuons en ce sens, tous les produits agricoles se retrouveront dans la situation qu’a connue le marché du porc, avec des prix fluctuants que l’on ne sait ni contrôler ni lisser.

Le prix plancher, même s’il est difficile à mettre en œuvre, est bien évidemment la solution idéale. Il n’en reste pas moins, monsieur le ministre, que le contrat est en soi une idée généreuse que nous avons défendue à travers d’autres textes de loi. Les contrats territoriaux d’exploitation, les CET, ont été supprimés, et les contrats d’agriculture durable, les CAD, qui ont ensuite pris le relais n’ont jamais été financés.

Aujourd’hui, vous dites aux agriculteurs que c’est parce que les prix sont moins élevés en France qu’en Allemagne que l’on n’arrive pas à contrôler les flux et, par là même, qu’il faut lisser les prix. Mais vous ne dites pas quels instruments il faudra mettre en place pour obtenir ce lissage.

Au-delà des intentions affichées, ce texte, sans grande ambition, est une simple boîte à outils, mais nous ne voyons même pas comment nous allons faire fonctionner ces derniers !

Le contrat est sans doute nécessaire mais il ne peut pas être obligatoire. Ce serait méconnaître les traditions qui existent dans notre pays. Certains, en particulier dans le secteur de la viande, vendent toujours de gré à gré, sans contrat, au marché au cadran ou ailleurs.

Ces outils, certes généreux, et qui procèdent de bonnes intentions, ne sont pas réellement de nature à répondre au problème très important qui se pose aujourd’hui. Les pouvoirs publics doivent prendre conscience de la nécessité, par un biais ou par un autre, de rétribuer l’agriculteur pour ses fonctions multiples, et non pas seulement à travers un prix lissé qui ne rendra jamais compte, dans un pays comme le nôtre, de la différence existant entre le prix du marché et le service rendu.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Il est fait référence plus loin dans le texte à la nécessité de définir par décret la durée minimale du contrat, et nous aurons un débat sur cette question. Il me paraît néanmoins important, puisqu’on a fait une liste des clauses obligatoires du contrat, de prévoir explicitement que, parmi ces dernières, doit figurer la durée minimale.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 602, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Alinéa 12, première phrase

Après les mots :

du prix

insérer les mots :

faisant référence à l'Observatoire des prix et des marges

La parole est à M. Jacques Muller.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

L’alinéa 12 de l’article 3 dispose que le contrat comporte des « critères et modalités de détermination du prix ». Nous vous proposons d’indiquer que ces modalités font référence à l’Observatoire des prix et des marges.

Il est clair, pour les uns et les autres, que le prix est au cœur du contrat ; cela fait consensus. Néanmoins, il me paraît nécessaire de partir d’une base précise, d’avoir des repères. Sinon, le prix négocié, y compris à travers l’interprofession, sera l’expression du rapport de force traditionnel entre les agriculteurs et l’aval. L’histoire montre que les producteurs agricoles ont toujours été, pour reprendre la terminologie anglo-saxonne, des price takers, des preneurs de prix. Il est important que cette donnée change, et le contrat en lui-même n’est pas de nature à modifier cette donnée structurelle.

Le contrat est un plus, l’interprofession est un plus, mais cela n’est pas suffisant, d’où notre proposition de renforcer les producteurs dans le cadre de la négociation du contrat.

Notre proposition, qui est de faire référence à l’Observatoire des prix et des marges, présente plusieurs avantages. Elle facilitera tout d’abord une approche plus large, en permettant de prendre du recul sur le plan géographique, mais également sur le plan historique, puisqu’il sera possible de tenir compte des prix fixés par le passé, des contrats réalisés. L’Observatoire des prix et des marges constituera, en quelque sorte, une référence indiscutable puisque neutre, qui sera un plus pour les agriculteurs au sein de l’interprofession. Notre proposition permettra également de renforcer le rôle de l’Observatoire des prix et des marges dans le cadre de l’élaboration des contrats.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

L’Observatoire des prix et des marges peut être un indicateur par rapport au prix de revient mais, aujourd’hui, il n’est pas souhaitable de renvoyer les modalités de détermination du prix aux références issues du seul Observatoire. Il y a un prix de revient, et le contrat est établi entre le producteur et le premier acheteur. Sous cet aspect, je suis défavorable à l'amendement n° 602.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Avis défavorable également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Cet amendement n° 602 montre bien toute la difficulté pour le pot de terre de négocier avec le pot de fer.

Soit il y a des références et un cadre dans le contrat, soit il y a un médiateur durant le contrat. Sinon je ne vois pas comment les agriculteurs, même mieux organisés dans des filières, vont pouvoir à un moment donné contractualiser dans de bonnes conditions. C’est une vraie problématique qui est posée, et je ne suis pas certain que le texte dans sa globalité y réponde totalement. Vous demandez, mon cher collègue, qu’il soit fait référence à l’Observatoire des prix et des marges ; ce qui est ennuyeux c’est qu’il ne fonctionne pas et qu’aujourd’hui il ne donne pas véritablement d’informations sur la constitution des marges.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Interrogé à cet égard, l’Observatoire répond qu’il connaît très bien le prix d’achat au producteur, le prix de vente au consommateur, qu’il a des indications à peu près précises sur les différents prix des filières mais que la constitution de leurs marges n’est pas appréhendée parce que les informations demandées ne sont pas fournies.

On en revient – comme quoi tout se tient dans cette affaire – à la problématique bien connue : faut-il infliger des amendes ? Quelles obligations devons-nous imposer aux grandes surfaces et en particulier à leurs centrales d’achat pour que de réelles informations soient données, que les producteurs puissent contractualiser en toute connaissance de cause et s’y retrouver ? À défaut de cette information, je crains, monsieur le ministre, que l’on ne soit dans un marché de dupes.

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre ne m’ont absolument pas convaincu.

Nous sommes bien dans une situation structurelle où le pot de terre se bat contre le pot de fer et, dans le contrat, la référence à l’Observatoire, c’est tout sauf la révolution. On sait bien que ce dispositif ne fonctionne pas encore comme il le devrait ; mais que vous vous refusiez à ce minimum de référence, que vous n’acceptiez pas d’intégrer cette proposition de bon sens et tout à fait constructive, les bras m’en tombent !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. le président de la commission de l'économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je vais m’efforcer de rassurer mon collègue Jacques Muller que j’ai l’habitude de côtoyer en commission.

À l’article 6, le texte proposé pour l’article L. 692-1 du code rural est ainsi rédigé : « L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, placé auprès du ministre chargé de l’alimentation et du ministre chargé de la consommation, est chargé d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la formation des prix et des marges […] ».

Votre amendement, qui vise à insérer les mots : « faisant référence à l’Observatoire des prix et des marges », est donc satisfait. En effet, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires aura pour rôle d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics. Seule la place dans le texte diffère.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je voudrais apporter deux précisions aux explications très convaincantes du président Emorine, à l’attention de M. Dubois.

Le premier point concerne la possibilité d’un médiateur durant l’exécution du contrat. C’était une demande de l’ensemble des responsables syndicaux agricoles de toutes tendances. Nous avons intégré cette disposition à l’alinéa 20 de l’article 3 sous la forme, non pas d’un médiateur, mais d’une commission de médiation, et cela répond exactement à votre souhait d’une possibilité de médiation.

Le second point a trait aux pouvoirs dont disposera l’Observatoire de formation des prix et des marges, aspect que l’on abordera un peu plus loin dans le texte.

L’actuel Observatoire des prix et des marges va être considérablement renforcé par le texte de loi. Il prendra désormais une forme physique. Il aura une obligation de transmission des données, il pourra s’intéresser à tous les produits agricoles ainsi qu’aux coûts de production et non pas simplement aux prix agricoles. L’Observatoire va donc prendre une forme qu’il n’avait jamais eue jusqu’à présent.

Enfin, vous posez la question des sanctions. Je suis ouvert au débat sur ce sujet mais je pense qu’il est bien distinct de celui sur les contrats.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 137, présenté par M. Chastan, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 12, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Ces contrats respectent le principe d'une juste rémunération des producteurs et de la transparence dans la fixation des prix des produits agricoles.

La parole est à M. Yves Chastan.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Chastan

Cet amendement s’inscrit dans la continuité des discussions que nous avons depuis le début de cette séance.

Il est tout de même curieux que, dans une loi qui se veut « de modernisation », les qualificatifs de « juste » ou de « rémunérateur » n’apparaissent à aucun endroit dans le texte s’agissant des prix payés aux agriculteurs pour leurs produits.

L’exposé des motifs de la loi annonçait pourtant ceci : « Les métiers de l'agriculture et de la pêche doivent être dotés des moyens permettant aux hommes qui les pratiquent et à leur famille de vivre décemment de leur activité […) ». C’est une affirmation à laquelle j’adhère pleinement.

Malheureusement, à ce stade, le texte de loi n’apporte pas les garanties attendues pour aider les agriculteurs à vivre de leur production. Nous sommes pourtant tous conscients de ce qui les préoccupe le plus, c’est-à-dire une « juste » rémunération, non seulement par rapport à la situation actuelle qui est très défavorable pour eux, mais aussi de façon pérenne.

Le constat factuel est le suivant : de nombreux producteurs ont vu leurs revenus diminuer drastiquement ces dernières années – de 34% en moyenne sur l’année 2009 –, alors que, dans le même temps, depuis 2008, les prix des produits agricoles n’ont pas diminué pour les consommateurs finaux.

Ainsi, on observe que les prix à la consommation suivent les prix des matières premières quand elles sont à la hausse, mais non lorsqu’elles sont à la baisse, ou incomplètement.

Cet amendement a l’ambition de contribuer à pallier ce double problème.

Premièrement, les contrats conclus entre producteurs et acheteurs se doivent de prendre en compte les difficultés économiques et sociales des agriculteurs, et d’inscrire un objectif de « juste rémunération » pour les producteurs des denrées agricoles.

J’entends par « juste rémunération » le principe simple, presque évident, selon lequel le prix payé aux producteurs leur permet non seulement de rembourser leurs coûts de production, mais aussi de vivre de leur travail et de nourrir leur famille.

L’avenir de l’agriculture française ne saurait être assuré sans cela, car qui continuerait à produire s’il n’est pas assuré de pouvoir vivre décemment en rémunérant son investissement personnel, ou celui de ses proches, et ses salariés éventuels ?

Deuxièmement, cet amendement tend à inclure la notion de transparence dans les mécanismes de fixation des prix. Même si cet objectif est pris en compte dans d’autres articles de ce projet de loi, il paraît important de le faire figurer dans les contrats signés entre les producteurs et les acheteurs, afin qu’il soit respecté.

Pour que l’objectif précédent de juste rémunération soit pleinement réalisable, il est effectivement nécessaire d’avoir une vision claire de « qui gagne quoi ? » et de la valeur ajoutée justifiant les prix, au-delà du producteur.

Certaines marges perçues sur le produit du travail des agriculteurs sont indécentes, et il y a un consensus pour dire qu’il faut que cela change. L’accord sur les marges que vient d’annoncer le Président de la République risque malheureusement de se révéler inutile en la matière, car il s’agit, une fois de plus, d’une mesure conjoncturelle, et non structurelle, qui ne constituera pas une réponse efficace et durable.

Pourtant, le consommateur attend, lui aussi, que les principes évoqués dans l’amendement soient respectés. La transparence dans les mécanismes de fixation des prix n’est sans doute qu’une première étape pour favoriser une juste rémunération des producteurs, mais elle est indispensable, voire fondamentale.

Pour conclure, cet amendement a simplement l’ambition d’interdire la vente à perte des produits agricoles, au moyen de contrats transparents, conclus entre acheteurs et producteurs, conformément aux règles générales du commerce international.

Comme vous l’avez dit voilà quelques instants, monsieur le ministre, la notion de contrat est nécessaire, peut-être même essentielle. Mais elle est insuffisante si elle ne comporte pas des engagements et des garanties explicites. Si la loi de modernisation agricole votée in fine est porteuse de ces signes tant attendus par la profession, elle pourra constituer un réel progrès.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

La question que tend à soulever cet amendement est, en réalité, celle de la juste rémunération des producteurs. Je le disais tout à l’heure, personne ne peut y être opposé ! Mais l’amendement n’est qu’une déclaration d’intention.

M. le ministre a déjà longuement répondu sur les indicateurs de prix, sur les références à l’INSEE et sur l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, FranceAgriMer. Il ne faut pas oublier les centres de gestion, qui fournissent une expertise tout à fait performante en ce qui concerne les prix de revient.

Monsieur Chastan, la commission ne peut émettre qu’un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 260, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 12, après la première phrase,

Insérer trois phrases ainsi rédigées :

Ils mentionnent également un prix minimum indicatif défini pour chaque production agricole par l'interprofession compétente. Ce prix minimum indicatif est revu régulièrement notamment afin de tenir compte de l'évolution des coûts de production et des revenus des producteurs. Les modalités de prix fixées par le contrat doivent aboutir à un niveau de prix au moins égal au prix minimum indicatif.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Lors de l’examen en commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale de la proposition de loi sur le droit au revenu des agriculteurs de notre collègue André Chassaigne, le député Michel Raison avait expliqué qu’il ne pouvait pas voter cette proposition de loi au motif que « le ministère de l’agriculture est actuellement en train de préparer un projet de loi de modernisation agricole qui contiendra non seulement des dispositions relatives à la “fabrication” des prix agricoles, mais également des dispositions relatives à la fiscalité, aux charges et aux relations des producteurs avec les organismes chargés d’acheter, de transformer et de commercialiser les produits agricoles ».

Il faut croire qu’il était mal informé, et peut-être regrette-t-il aujourd’hui de ne pas avoir saisi la balle au bond et soutenu la proposition de loi. En effet, la question des prix agricoles et de la régulation des marchés ne trouve pas de traduction concrète dans le corps du projet de loi.

Pourtant, l’ensemble des productions agricoles, du secteur de l’élevage jusqu’à la production de fruits et légumes, continuent à être soumises à des baisses de prix majeures consécutives à la suppression des outils de régulation européens et nationaux et à la liberté accordée aux fournisseurs et aux distributeurs dans la fixation des prix d’achat.

Cette orientation politique irresponsable conditionne l’avenir de toute notre agriculture et, par conséquent, l’emploi et la vie dans nos territoires ruraux.

Nous estimons, pour notre part, que les agriculteurs et les pêcheurs ne doivent plus être considérés comme une variable d’ajustement par les intermédiaires qui fixent unilatéralement les prix.

Par notre amendement, nous proposons donc qu’un prix minimum indicatif, prenant en compte l’évolution des charges de production et des revenus des producteurs, et qui serait revu régulièrement, soit défini pour chaque production agricole par l’interprofession compétente.

Ce prix serait intégré de façon obligatoire dans les contrats écrits. L’essentiel pour les producteurs n’est pas tant de savoir s’ils vont être payés que de savoir s’ils vont l’être correctement. Si la contractualisation va dans ce sens, alors elle aura une utilité.

Parce qu’il est temps d’agir pour garantir des prix rémunérateurs à tous les agriculteurs, nous vous demandons d’adopter cet amendement, qui constitue un premier pas dans cette direction.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants pour permettre la préparation de la retransmission par Public Sénat et France 3, à dix-sept heures, des questions cribles thématiques.

L’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche reprendra à dix-huit heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur « Pouvoir et médias ».

Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique. Je veux croire que chacun aura à cœur de respecter son temps de parole, aidé en cela par les chronomètres qui sont disposés dans l’hémicycle.

Je précise enfin que cette séance de questions cribles thématiques est diffusée en direct sur Public Sénat et sera rediffusée ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir ou jamais, de Frédéric Taddeï.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Monsieur le ministre de la culture et de la communication, ma question porte sur l’état d’avancement des négociations autour du code de déontologie des journalistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Avec la multiplication des canaux et supports d’information, la croissance rapide d’Internet et, désormais, la perspective de l’explosion de l’internet mobile, le grand public est confronté à une profusion de messages de nature très diverse. L’information s’y trouve noyée dans des démarches commerciales, promotionnelles, sans parler de messages relevant clairement de la désinformation.

Les ressources du numérique permettent de modifier simultanément et aisément – parfois presque en temps réel – des messages, qu’il s’agisse de textes, de photographies et même d’images animées. Ce qui, pour les uns, constitue un moyen d’améliorer la capacité d’impression ou de diffusion d’un document peut devenir, pour d’autres, une occasion de le dévoyer.

Toutefois, plusieurs « affaires » médiatiques ont démontré ces dernières années que les dérives de la société de l’information n’étaient pas uniquement dues à l’avènement du numérique et qu’elles représentaient un véritable risque de perte de repères et de confusion pour le public.

Cette situation ne peut laisser indifférentes les entreprises d’information – agences d’information, agences de photographies, agences d’images, quotidiens, magazines, radios, télévisions –, notamment lorsqu’elles décident de s’engager dans des domaines nouveaux, ce qui est devenu pour nombre d’entre elles un enjeu d’avenir afin de limiter la perte du lectorat.

Dans cette optique, l’engagement des journalistes et des entreprises de presse à travers une charte reposant sur un ensemble de règles et de principes s’appliquant à toute la profession et à tout le secteur de la presse, quel qu’en soit le support, paraissait nécessaire.

Plusieurs démarches ont été engagées afin d’offrir des garanties au public sur les conditions de traitement de l’information. Ainsi, en 2008, lors des deuxièmes Assises internationales du journalisme, un projet de « charte qualité de l’information » a été présenté à la suite d’une démarche volontaire des professionnels et des entreprises qui se sentaient concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Mme Marie-Thérèse Bruguière. L’État peut être incitateur et facilitateur des travaux d’élaboration ainsi engagés. Nous souhaitons donc que le Gouvernement nous précise quel est l’état d’avancement des négociations autour du code de déontologie des journalistes et qu’il nous indique sa position sur ce sujet.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Marie-Thérèse Bruguière, à la suite des états généraux de la presse écrite et des déclarations du Président de la République du 23 janvier 2009, un comité des sages, réuni sous la présidence de M. Bruno Frappat, a rendu public, en octobre 2009, un projet de code de déontologie des journalistes. Ce comité comprenait à la fois des représentants des éditeurs, des journalistes et des personnalités qualifiées.

Ce projet s’inscrit dans le droit fil de travaux déjà anciens. La première charte élaborée en France date en effet de juillet 1918 et fut actualisée en 1938.

Un autre projet de charte a été rédigé récemment : il s’agit de la « charte qualité de l’information », présentée lors des Assises internationales du journalisme qui se sont tenues en mai 2008.

Le code de déontologie proposé par le comité des sages de M. Bruno Frappat édicte des règles éthiques à respecter par les journalistes, et l’adhésion des éditeurs vaudra acceptation de leur accorder les moyens de respecter leurs obligations.

Ce code s’articule autour de quatre thèmes : le métier de journaliste, le recueil et le traitement de l’information, la protection du droit des personnes, l’indépendance du journaliste.

Tant le syndicat de la presse quotidienne nationale, le syndicat de la presse quotidienne régionale ou le syndicat de la presse magazine et d’information, du côté des éditeurs, que le syndicat national des journalistes, du côté des journalistes, se sont déclarés prêts à discuter de ce code, qui relève de leur responsabilité.

Si le Gouvernement est bien entendu favorable à cette initiative, il reste à l’ensemble des partenaires sociaux du secteur ainsi qu’au public, aux lecteurs, aux internautes, aux auditeurs et aux téléspectateurs, à s’emparer de ce code et à le faire vivre. Je souligne que celui-ci aura vocation à s’appliquer à tous les médias, notamment aux sites internet d’information réalisés par des journalistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Je vous remercie de cette réponse, qui nous satisfait, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. David Assouline, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le ministre, ma question porte sur un problème que nous soulevons régulièrement : dans notre pays, le paysage médiatique privé, non seulement celui de l’audiovisuel, mais également celui de la presse écrite, se concentre entre les mains de quelques grands groupes industriels, dont je vous épargnerai la liste.

La question de l’indépendance et de la liberté des médias vis-à-vis des pouvoirs, tant économiques que politiques, se pose de manière encore plus criante depuis que Nicolas Sarkozy est devenu Président de la République, car les patrons de ces différents groupes sont ses amis politiques.

De surcroît, pour ce qui concerne l’audiovisuel public, le Gouvernement et sa majorité ont mis en cause sa liberté en décidant de mettre fin à ce qui pouvait lui donner une certaine indépendance financière et de faire nommer les présidents des sociétés qui le composent par le Président de la République. Voilà pour l’état du paysage médiatique national !

Mes chers collègues, vous subissez également ce phénomène dans vos régions et vos départements avec la concentration entre les mains de quelques groupes de l’essentiel des titres de la presse quotidienne régionale, la PQR. Jusqu’à présent, l’existence de dizaines de titres était source de richesse pour la PQR, qui se caractérisait par son ancrage local. Ces titres subsistent, mais leur multiplicité masque mal le fait que les lignes éditoriales sont toutes les mêmes. En fait, tout cela est uniquement destiné à nous faire croire que nous avons le choix, alors que c’est le même message qui passe ! Voilà pour l’état du paysage médiatique régional !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le ministre, envisagez-vous d’inverser cette tendance qui est à l’œuvre depuis des années, mais qui s’accentue depuis quelques mois, à savoir la concentration toujours plus grande des médias entre les mains de quelques-uns ?

Envisagez-vous de permettre à des sociétés de presse de devenir indépendantes et de favoriser la création d’un statut européen, y compris pour celles qui ne diffusent que sur le Net ? Comment comptez-vous garantir l’indépendance, la liberté et le pluralisme des médias, que nous avons inscrits dans la Constitution ? Vous devez maintenant passer aux actes !

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Monsieur le sénateur David Assouline, je voudrais m’écarter du caractère quelque peu fantasmatique de votre question afin de rappeler un certain nombre de principes.

La nécessité d’assurer la sauvegarde du pluralisme des courants de pensée et d’opinion est clairement « une des conditions de notre démocratie » et est, en droit, un « objectif de valeur constitutionnelle », comme le rappelle régulièrement le Conseil constitutionnel.

Notre législation est très complète. Les lois relatives à la presse et à la liberté de communication définissent un ensemble de règles limitant la concentration et assurant l’indépendance des médias. Ces règles sont d’ailleurs largement le fruit de décisions du Conseil constitutionnel.

En outre, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a renforcé ces garanties.

Dans un contexte technologique et économique particulièrement instable, nous avons fait le choix d’encourager le renforcement des entreprises du secteur des médias grâce à un cadre juridique adapté au développement de leurs économies. Si nous voulons que les entreprises françaises de médias puissent peser dans un marché mondial très ouvert, très concurrentiel et largement dominé par des acteurs anglo-saxons, elles doivent être confortées sur le marché national.

Pour que les groupes français de l’audiovisuel ou de la presse puissent un jour concurrencer des géants comme News Corporation, NBC Universal, Time Warner ou encore Google, ils doivent pouvoir s’appuyer sur des actionnaires solides et bénéficier de la plus grande souplesse ainsi que d’une totale sécurité juridique dans leurs opérations capitalistiques.

En tout état de cause, le bilan de l’état de la concentration en France n’a pas le caractère que vous décrivez. En fait, il est plutôt positif grâce à la diversité des titres, des éditeurs, des services et des acteurs du paysage médiatique français.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. David Assouline, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le ministre, je laisse juges ceux qui suivent nos échanges ou qui en prendront connaissance. En tout cas, sachez que, pour nos concitoyens, cette concentration n’a rien de fantasmatique.

Ils constatent que, sous les différents titres de la PQR, ils lisent toujours à peu près la même chose.

Ils constatent que les chaînes de l’audiovisuel public sont certes de grande qualité, mais que leur indépendance vis-à-vis du pouvoir politique est de plus en plus limitée.

Ils constatent, pour peu qu’ils s’intéressent d’un peu près à ces questions, que quelques groupes – puisque vous me parlez de fantasmes, je vais les nommer : Bouygues, Lagardère, Bolloré – détiennent 80 % du paysage audiovisuel et des grands groupes de presse.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ce n’est pas du fantasme, c’est une réalité !

Je vous pose une question concrète : comment comptez-vous limiter ces concentrations, qui créent un désamour des médias de la part de l’opinion publique, voire qui les décrédibilisent ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous, nous voulons au contraire renforcer leur crédibilité, éviter la suspicion.

Monsieur le ministre, je vous demande d’agir. Ouvrez les yeux ! Sortez la tête du sable !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Ivan Renar, pour le groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Monsieur le ministre, les fusions et concentrations ne cessent de se multiplier dans l’audiovisuel et la presse écrite. L’indépendance et la liberté des médias sont d’autant plus en danger que ceux-ci sont contrôlés par des groupes privés liés au pouvoir. Dès lors, on peut comprendre la défiance de plus en plus forte de nos concitoyens. L’adoption de mesures pour mettre un terme à la confusion des pouvoirs médiatiques, économiques, politiques et financiers est donc une impérieuse nécessité civique et citoyenne.

Car, loin de garantir le pluralisme et l’indépendance des médias, la loi a aggravé la situation. C’est le cas avec la nomination et la révocation des présidents de France Télévisions, de Radio France et de l’audiovisuel extérieur par le Président de la République. Cette mise sous tutelle de l’audiovisuel public remet en effet en cause le principe, fondamental en démocratie, de la séparation des pouvoirs. Les chaînes privées sont dirigées par les amis du chef de l’État et l’audiovisuel public le sera dorénavant par des responsables qu’il a lui-même choisis !

Quant à la télévision numérique terrestre, présentée comme un gage de pluralisme avec ses dix-huit chaînes gratuites, elle est l’objet des convoitises de TF1 et de M6, qui rachètent plusieurs d’entre elles pour s’emparer de leur publicité.

Malgré les mesures issues des états généraux de la presse écrite, la situation de celle-ci reste alarmante. On assiste à l’émergence de nouveaux empires et à une vague de fusions-acquisitions contraire à la diversité des titres de presse nationaux ou régionaux, faisant reculer dangereusement le pluralisme.

De leur côté, les moteurs de recherche, Google en particulier, « cannibalisent » le marché publicitaire.

Si les groupes financiers et industriels, obnubilés par la rentabilité, s’intéressent notamment à la presse écrite, activité hautement déficitaire, c’est parce que ces « faiseurs de roi » ont besoin des médias comme moyens de contrôle, de pression, d’influence sur l’opinion publique.

Si vous voulez que nos concitoyens retrouvent confiance envers leurs médias, monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour renforcer la législation afin de combattre efficacement les rapports incestueux entre médias, monde politique et pouvoir de l’argent ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Monsieur le sénateur Ivan Renar, la question de la concentration et du pluralisme dans les médias a récemment été débattue dans cet hémicycle, à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi présentée par le groupe socialiste et visant à réguler la concentration dans le secteur des médias.

La qualité et l’intérêt de votre question me conduisent à rappeler un certain nombre de points.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a renforcé les garanties dans le domaine que vous abordez. L’article 4 comporte un nouvel alinéa, selon lequel « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ».

Surtout, l’article 34 prévoit désormais que « la loi fixe les règles concernant […] la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ». Cette modification a d’ailleurs été introduite à l’initiative du Sénat.

À ce cadre juridique s’ajoutent de nombreux outils de régulation propres à chaque type de média qui permettent aujourd’hui de veiller au respect de l’indépendance des médias.

Je tiens aussi à préciser que la loi de 1986 interdit à une personne ou à un groupement de personnes de procéder à des opérations qui lui donneraient la propriété, le contrôle direct ou indirect, ou l’édition en location-gérance de quotidiens imprimés d’information politique et générale dont la diffusion totale excéderait 30% de la diffusion en France de toutes les publications de cette nature. Cette disposition repose sur trois principes : un seuil de diffusion unique, applicable à l’ensemble de la presse imprimée quotidienne d’information politique et générale, qu’elle soit nationale, régionale ou locale ; une interdiction de franchissement du seuil opposable aux seules acquisitions de titres existants et non à la création de nouvelles publications ; un seuil de diffusion fixé de façon à éviter des concentrations excessives et de préserver le pluralisme sans entraver pour autant la constitution de groupes suffisamment puissants pour affronter la concurrence.

Enfin, en ce qui concerne les nominations à France Télévisions, je rappelle que c’est l’État qui est actionnaire, que c’est la loi qui a défini les nouvelles règles tout en prévoyant un certain nombre de mécanismes de contrôle et qu’elle met fin à un système dont l’hypocrisie était patente.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Monsieur le ministre, je ne peux pas dire que votre réponse m’ait donné entière satisfaction.

Premièrement, il serait souhaitable de renouer avec le programme du Conseil national de la Résistance – largement mis en œuvre par le général de Gaulle, je vous le rappelle –, qui avait eu la sagesse de libérer l’information de la toute-puissance des monopoles économiques et financiers en prenant soin de la soustraire à la pensée ou à l’idéologie unique. Vous le savez, il n’est pas de démocratie et de liberté sans séparation nette et claire des pouvoirs.

Deuxièmement, la vigilance démocratique impose la mise en place de véritables verrous anti-concentration, plus efficaces, afin que le formatage des idées ne l’emporte pas sur le nécessaire débat contradictoire et que les intérêts privés ne priment pas l’intérêt général.

Troisièmement, enfin, je crois qu’il est déterminant de former des citoyens éclairés. L’éducation à l’image et l’appréhension critique de l’information doivent devenir une priorité de l’éducation nationale. Il serait bon que vous puissiez en parler avec votre collègue M. Luc Chatel, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le ministre, vous avez exprimé devant notre assemblée jeudi dernier le point de vue du Gouvernement qui consiste à approuver le choix responsable de France Télévisions d’ouvrir le capital de sa régie publicitaire, alors que le conseil d’administration du groupe a voté le 13 avril dernier le report sine die de sa privatisation.

Nous savons tous que le choix du conseil d’administration de suspendre ces négociations avec le consortium Lov-Publicis est lié à l’incertitude substantielle qui entoure le maintien ou nous de la publicité avant 20 heures sur les antennes du groupe.

Concomitamment à cette décision, la presse s’est fait largement l’écho de ce que le choix du repreneur pouvait soulever certains problèmes. En effet, plusieurs syndicats et professionnels du secteur – la Société des auteurs et compositeurs dramatiques et la Société civile des auteurs multimédia, par exemple – se sont inquiétés de voir qu’un acquéreur potentiel pouvait déjà avoir des positions établies dans la production audiovisuelle et dans l’achat d’espaces publicitaires.

Portés à la connaissance du public, ces éléments n’ont pas manqué de semer le trouble, d’autant qu’il est aussi question d’intérêts que pourraient avoir certains proches de l’exécutif dans la holding.

Vous avez vous-même, monsieur le ministre, et on ne peut que vous en féliciter, souhaité préciser le 29 mars dernier, par voie de communiqué de presse, que, sans mettre en cause ni la probité ni l’éthique de quiconque, vous veilleriez à ce que les précautions juridiques nécessaires soient envisagées, afin qu’aucun problème de déontologie ne puisse se poser.

Au-delà de la pleine confiance que vous avez renouvelée au conseil d’administration de France Télévisions et aux dirigeants du groupe, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser si l’éventualité d’un maintien de la publicité en journée sur France Télévisions remettrait en cause le processus de vente aux repreneurs désignés ? Sinon, quelles conditions ont été prévues ?

Par ailleurs, le maintien de la publicité, le cas échéant, justifierait-il de refaire un tout de piste des acquéreurs potentiels ?

Enfin, si la vente de la régie doit se faire, quelles garanties envisagez-vous d’imposer pour qu’elle se déroule dans la plus grande transparence et sans aucune collusion possible avec les intérêts proches du pouvoir ?

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste. – M. Robert Tropeano applaudit également.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

mars 2009 relative à la communication audiovisuelle prévoit la suppression progressive de la publicité sur les antennes de France Télévisions. À l’extinction de la diffusion analogique, prévue pour le 30 novembre 2011, seuls resteront autorisés le parrainage, la publicité dans les décrochages régionaux, sur les sites internet de France Télévisions et la publicité d’intérêt général.

Ce nouveau cadre législatif et réglementaire imposait à France Télévisions d’agir pour sa régie.

Afin de permettre le développement de l’activité de la régie, France Télévisions a donc fait le choix d’ouvrir le capital de la régie à un partenaire industriel. Le Gouvernement a approuvé ce choix responsable.

La recherche dudit partenaire industriel s’est déroulée selon une procédure encadrée. L’offre retenue par la direction de France Télévisions pour l’ouverture de négociations exclusives était la mieux-disante selon les trois critères examinés : social, industriel et financier. Le conseil d’administration de la société, où siègent à la fois des représentants de l’État, des parlementaires, des personnalités indépendantes et des représentants du personnel, et dont le rôle est de veiller aux intérêts de l’entreprise, a approuvé ce choix le 3 février dernier.

Certains – je pense aux agences publicitaires ou aux producteurs audiovisuels – se sont inquiétés d’éventuels conflits d’intérêts avec les repreneurs. J’ai alors dit que toutes les précautions, notamment juridiques, devraient être prises pour qu’il n’en soit rien. Mais, dans cette réflexion, prenons garde de mettre en cause trop facilement la probité ou l’éthique de qui que ce soit.

L’équilibre de ce partenariat dépend nécessairement du cadre législatif et réglementaire de la publicité sur France Télévisions. La société a exprimé son inquiétude quant au maintien de ce cadre à la suite de prises de position, notamment de parlementaires, sur ce sujet. Je vous renverrai au principe d’un rapport d’étape qui doit intervenir avant mai 2011. Elle a donc proposé à son conseil d’administration de suspendre, puis de repousser à la fin de l’année les négociations exclusives entamées avec le consortium Lov-Publicis, comme l’avaient préconisé les représentants de l’État au conseil d’administration.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

J’aurais aimé en savoir un tout petit peu plus, monsieur le ministre. Au cas où la publicité serait maintenue, faudrait-il à nouveau faire un tour de piste des acquéreurs potentiels, dans la mesure où les conditions du marché s’en trouveraient légèrement modifiées ?

Monsieur le ministre, ma question ne visait pas à mettre en cause qui que ce soit : il s’agissait simplement d’exprimer l’attachement du groupe de l’Union centriste à un audiovisuel public indépendant, pluraliste et qualité, ainsi qu’au principe de séparation des pouvoirs.

Je vous remercie, en tout cas, des éléments de réponse que vous m’avez apportés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Monsieur le ministre, ma question porte sur le système de distribution de la presse en France et plus précisément sur la loi Bichet du 2 avril 1947, qui organise cette distribution. Derrière question apparemment technique, se cache en réalité le problème des conditions concrètes d’exercice de la liberté de diffusion de la presse.

Je rappellerai brièvement, pour mémoire, que cette loi fixe les trois principes fondamentaux qui régissent cette distribution : la liberté de choix de l’éditeur, qui a le doit de distribuer lui-même ses propres journaux ou de les faire distribuer par des sociétés coopératives de messageries ; l’égalité de traitement des éditeurs face au système de distribution ; la solidarité entre éditeurs et coopérateurs, réalisée grâce au groupage et à la mise en commun des moyens nécessaires à la distribution des titres.

Au regard de ces principes, la loi interdit donc l’exclusion d’un éditeur ou d’un titre déjà existant ou encore en phase de lancement. Elle interdit également la libre négociation tarifaire du distributeur avec les éditeurs. Elle exige l’égalité de traitement des titres distribués.

Cependant, certaines voix s’élèvent pour demander une relecture, voire une abrogation de la loi Bichet, en invoquant notamment le fait que ce sont les titres rentables qui supportent la distribution de ceux qui le sont moins ou encore qu’ils ne peuvent pas s’associer avec d’autres titres. On entend même que les devantures des marchands de journaux seraient si encombrées que les clients ne s’y retrouveraient plus…

D’autres, à l’inverse, insistent sur le caractère indispensable de la loi Bichet, sans laquelle un très grand nombre de journaux disparaîtraient et qui a le mérite de permettre la création constante de nouveaux journaux.

Les états généraux de la presse écrite ont permis de constater que, si la loi n’était globalement pas un handicap, son application et les conditions de la gouvernance de la distribution pourraient être modernisées.

Quelle est aujourd’hui la position du Gouvernement sur ce point ? Envisage-t-il une réforme de la distribution de la presse et de la loi Bichet ?

Il me paraît indispensable de concilier le pluralisme et la diversité de la presse en France, même si j’ai pleinement conscience qu’à l’heure du numérique une autre révolution se prépare.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Monsieur le sénateur Jean-Pierre Plancade, à l’issue des états généraux de la presse, à l’automne 2008, il a été largement admis que la loi Bichet avait permis de respecter le pluralisme et la diversité de l’information en France.

Comme vous l’avez rappelé, les trois grands principes posés par la loi Bichet – la liberté de choix de l’éditeur, l’égalité des éditeurs face au système de distribution, la solidarité entre éditeurs et coopérateurs – demeurent essentiels.

En revanche, la question d’une meilleure gouvernance, aujourd’hui garantie par le Conseil supérieur des messageries de presse – CSMP –, a été posée. Le bien-fondé des propositions faites à l’issue des états généraux a, quant à lui, été confirmé par les derniers événements liés à la nécessité du redressement de Presstalis.

Le Président de la République, en clôturant les états généraux de la presse, a regretté que le conseil supérieur des messageries de presse ne bénéficie plus de la confiance nécessaire pour mener à bien sa mission de régulation du système coopératif de distribution de presse. Il a souhaité que son fonctionnement soit revu en profondeur, afin de donner une nouvelle impulsion au développement du réseau de distribution de presse.

Votre allusion à la situation des kiosques a retenu toute mon attention. Un rapport très récent de la mission chargée d’étudier la situation de Presstalis, dit « rapport Mettling », contient d’intéressantes propositions pour rénover le Conseil supérieur des messageries de presse. Partant des propositions d’un précédent rapport de M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, ce nouveau rapport les a quelque peu amendées, afin de recueillir l’accord de la profession, qui y voit une des conditions sine qua non au redressement de toute la filière.

Le projet préconise de maintenir un collège professionnel au sein du CSMP actuel, tout en renouvelant ses missions et ses règles de représentation. Reprenant les préconisations du rapport Lasserre, il modifie substantiellement la composition du Conseil, en lui conférant le caractère d’une instance professionnelle, c’est-à-dire écartant toute représentation de l’État en son sein.

À côté de cette instance professionnelle, il crée une structure de règlement des conflits en cas d’échec de la médiation : l’autorité indépendante.

Il s’agit donc bien aujourd’hui de moderniser la loi Bichet sans remettre en cause les principes fondateurs qu’elle a posés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Merci, monsieur le ministre, de m’avoir apporté ces précisions fort utiles, après que nous avons, nous aussi, les uns et les autres, reçu des organismes de distribution de presse et des syndicats.

Même si nous mesurons bien la nécessité de réformer le système – cela a été dit de manière unanime à l’occasion des états généraux –, nous avons conscience que, au-delà de cette réforme technique, il y a un enjeu politique, celui de la liberté de la diffusion de la presse.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Bernard Fournier, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fournier

Monsieur le ministre, conclu en décembre 2008, le dernier contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et l’Agence France-presse, l’AFP, se donne plusieurs objectifs.

D’une part, il vise au retour de l’Agence à un niveau de rentabilité lui permettant d’assumer ses missions et de se doter des moyens d’assurer son développement et son adaptation continue aux évolutions du monde de l’information.

D’autre part, il tend à accélérer la modernisation de l’AFP, notamment par l’adaptation de ses systèmes de production, et également par une réforme du statut de l’Agence qui maintiendrait la garantie de son indépendance éditoriale et lui donnerait les moyens réels de financer son développement.

Le président-directeur général de l’AFP a présenté, le 31 mars 2009, un rapport sur la modernisation du statut et de la gouvernance de l’Agence qui traite des deux principales problématiques : garantie de l’indépendance éditoriale de l’agence et mode entrepreneurial permettant de s’adosser à un actionnariat stable et pérenne.

La question du statut a suscité les inquiétudes des représentants du personnel. Elle ne doit cependant pas faire perdre de vue l’objectif essentiel de la réforme, à savoir l’identification des moyens qui permettent à l’Agence de consolider et de renforcer sa place au niveau des trois leaders mondiaux.

Le Gouvernement a toujours rappelé que l’indépendance de l’AFP constituait un objectif essentiel, aussi bien en termes de démocratie que de « valeur » de l’entreprise. Comme le rappelle le contrat d’objectifs et de moyens de l’AFP, son statut lui donne des obligations propres à garantir son indépendance rédactionnelle et son rayonnement mondial. En revanche, force est de constater que ce statut ne lui permet pas de disposer des moyens nécessaires au financement de missions qui deviennent de plus en plus coûteuses.

Le comité d’experts animé par Henri Pigeat était chargé d’établir un diagnostic de la situation des grandes agences de presse. Il a rendu récemment ses conclusions et nous souhaiterions, monsieur le ministre, que vous nous disiez ce que ce rapport apporte de nouveau dans le débat sur la réforme des statuts de l’AFP et, plus largement, dans quelle mesure la réforme de l’Agence France-presse permettra de garantir son indépendance.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Monsieur le sénateur Bernard Fournier, je rappellerai tout d’abord en quelques mots le contexte.

La loi du 10 janvier 1957 a doté l’AFP d’un statut sui generis : « organisme autonome doté de la personnalité civile », mais dépourvu de fonds propres et d’actionnaires. Ce statut permettait alors d’afficher une plus grande indépendance par rapport à l’État et d’accroître ainsi sa légitimité au niveau international.

Si ce statut a donné satisfaction pendant plusieurs décennies, il suscite aujourd'hui des interrogations concernant le développement et l’adaptation de l’Agence aux évolutions tant économiques que technologiques.

Dans ce cadre, le comité de réflexion sur l’avenir de l’AFP institué en décembre 2009 et coordonné par M. Pigeat a effectivement rendu ses conclusions en avril dernier.

Le comité préconise de conserver autant que faire se peut les termes de la loi du 10 janvier 1957. Il insiste surtout sur les moyens qui pourraient être donnés à l’AFP afin de redéfinir un projet d’avenir.

Une des principales recommandations du rapport Pigeat est de créer deux personnes morales distinctes, l’une chargée de veiller au respect des obligations fondamentales de l’AFP et de définir les grandes orientations de son activité, l’autre chargée d’exercer les activités commerciales de l’Agence, de la collecte de l’information à la vente de la dépêche ou de l’image.

Pour l’essentiel, la réforme législative envisagée porterait sur la composition du conseil d’administration, sous la forme d’un rééquilibrage entre les représentants de la presse écrite et ceux du secteur audiovisuel.

De même, le rapport Pigeat préconise d’associer plus étroitement encore la direction de l’information au sein de l’Agence à la gouvernance de cette dernière.

C’est avec le nouveau président-directeur général, Emmanuel Hoog, et après concertation avec les parlementaires que le Gouvernement étudiera les suites à réserver à ce rapport.

Je tiens à rappeler que le Gouvernement est très attaché à l’indépendance absolue de l’Agence France-presse à l’égard des pouvoirs publics tant français qu’étrangers et, d’une manière plus générale, à l’égard de tout groupement idéologique, politique ou économique. Cette indépendance est un atout essentiel pour assurer sa crédibilité, notamment à l’international, en sus de la fourniture de l’information la plus exhaustive possible et digne de confiance.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Bernard Fournier, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fournier

Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse. J’ai noté en particulier les engagements que vous avez pris concernant l’indépendance de cette agence, à laquelle nous sommes particulièrement attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Catherine Tasca, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur le ministre, la relation entre les médias et le pouvoir pèche aujourd’hui par trop de proximité. En deux ans, le Président Sarkozy a passé deux nœuds coulants au cou de l’audiovisuel public : d’abord, il accapare le pouvoir de nomination des PDG, aliénant leur indépendance et les chances du pluralisme ; ensuite, il compromet gravement le financement de France Télévisions en décidant « royalement » de supprimer en deux étapes la publicité.

Monsieur le ministre, persistez-vous à passer à la deuxième étape en 2011, alors que tout le monde, y compris dans votre majorité, s’interroge sur son opportunité ? Qui peut croire sérieusement que l’État sera, demain, en mesure de compenser par une dotation budgétaire accrue cette suppression des recettes publicitaires ? Vous n’y croyez pas vous-même !

Dans ces conditions, comment comptez-vous garantir les engagements pris à l’égard de la production originale ? Où en êtes-vous de la négociation avec Bruxelles s’agissant de l’attribution de nouvelles ressources ?

Enfin, alors même que le groupe France Télévisions s’efforce de bâtir son entreprise unique et de négocier une nouvelle convention collective, le Président de la République décide de changer l’équipe de direction. Une fois de plus, France Télévisions est privée de cette faculté de vivre la continuité que connaissent les grands groupes privés.

Le chef de l’État choisit de changer le cocher au milieu du gué, quel qu’en soit le coût pour l’entreprise. Faute de griefs clairement énoncés, on doit chercher l’explication ailleurs, à l’évidence dans la volonté permanente de Nicolas Sarkozy de mettre en place des personnalités à lui toutes dévouées et de satisfaire les appétits du secteur privé, comme c’est envisagé pour la régie publicitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, confirmez-vous le départ, au terme de son mandat, de l’actuelle équipe dirigeante de France Télévisions ? Comment justifiez-vous ce changement, qui pèse depuis des mois sur le moral des personnels et met l’entreprise en suspens ? Surtout, quelles missions comptez-vous donner au futur nominé et en quoi différeront-elles de la mission assumée par l’équipe actuelle ?

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Madame la sénatrice Catherine Tasca, que de questions en une seule !

Je voudrais tout d’abord rappeler que la nouvelle procédure de nomination du président de France Télévisions met fin à un système hypocrite et qu’elle est assortie de nombreuses garanties. En effet, la nomination par décret du Président de la République ne peut intervenir qu’après avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel et après avis des commissions parlementaires chargées des affaires culturelles dans chacune des deux assemblées.

Force est de constater qu’avec cette nouvelle procédure de nomination l’indépendance des sociétés nationales de programme concernées n’est pas entamée, comme l’a d’ailleurs confirmé le Conseil constitutionnel.

Elle a été une première fois mise en œuvre avec la nomination de M. Jean-Luc Hees à la présidence de Radio France. Vous y avez d’ailleurs été associés, comme le prévoit la loi. Cette nouvelle procédure a donc fait ses preuves puisqu’elle a abouti à la nomination d’un professionnel aux compétences reconnues.

La même sérénité et le même sérieux entoureront le choix de la personne appelée à assurer la prochaine présidence de France Télévisions. Je ne saurais me montrer plus précis, la réflexion étant encore en cours.

J’ajouterai cependant deux observations personnelles.

En premier lieu, je suis en accord avec le Président de la République sur notre ambition pour la prochaine présidence de France Télévisions. Je suis déterminé à ce qu’un professionnel accompli conduise France Télévisions à évoluer vers la télévision du xxie siècle que nous appelons tous de nos vœux, tout en défendant les valeurs fondamentales d’excellence du service public.

En second lieu, je tiens à vous garantir que les parlementaires, notamment vous, mesdames, messieurs les sénateurs, seront étroitement associés à cette future nomination, qui représente un choix fondateur pour l’avenir de l’audiovisuel public.

En ce qui concerne la publicité, je veux rappeler ce que prévoit la loi, une loi votée il y a un an à peine, en mars 2009. La suppression totale de la publicité sur France Télévisions interviendra au moment où la France sera entièrement couverte par la TNT, c’est-à-dire à la fin de l’année 2011. Le choix du moment de l’extinction de la diffusion analogique, en novembre 2011, pour supprimer la publicité en journée sur France Télévisions ne résulte pas du hasard.

Avant cette suppression, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur l’impact de la fin de la publicité en soirée. Ce rapport doit être rendu au plus tard le 1er mai 2011.

Par ailleurs, je rappelle, s’il en est besoin, que le financement de France Télévisions est aujourd’hui assuré. L’avenant au contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions, finalisé et actuellement en cours de signature, indique le niveau de ressources publiques jusqu’en 2012. Ce niveau prend en compte le renchérissement lié à la suppression de la publicité, y compris entre 6 heures et 20 heures.

Il n’y a pas d’urgence, pour l’instant, à revenir sur ce que le législateur a voté voilà seulement un an. Les financements nécessaires pour France Télévisions sont prévus ;…

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

… le cadre législatif et réglementaire est clair ; il prévoit une légitime phase d’évaluation.

En ce qui concerne la procédure engagée par Bruxelles, tout est encore en discussion.

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Catherine Tasca, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur le ministre, votre réponse montre que le Gouvernement ne change pas de cap. En vérité, nous non plus, et nous nous posons toujours les mêmes questions, car vos protestations de soutien à l’audiovisuel public ne sont pas convaincantes tant que durent les pressions incessantes de l’Élysée sur les rédactions et tant que les moyens financiers destinés à l’accomplissement de ses missions ne sont pas assurés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Or vous n’avez actuellement aucune clé budgétaire ou fiscale pour sécuriser le budget de France Télévisions, ni d’ailleurs celui des autres opérateurs publics ; je pense à Radio France, singulièrement à RFI.

Nous plaidons non pas pour une augmentation infinie des moyens, …

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

… mais pour une sécurisation de ce secteur.

Selon nous, l’audiovisuel public est un stabilisateur indispensable dans un paysage audiovisuel français en pleine mutation. C'est pourquoi nous n’approuvons pas la voie que la Président de la République a choisie pour une prétendue modernisation.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Monsieur le ministre, ma question porte sur le contrôle des temps de parole des responsables politiques lors de leurs interventions sur les chaînes de télévision, à la radio, ainsi que dans la presse écrite.

Nous savons tous qu’un tel contrôle existe à l’échelon national, mais est-il effectué aux niveaux régional et local ? Quels types de contrôles le CSA exerce-t-il lors des périodes électorales et par quels moyens ? Quel est, par exemple, le bilan à cet égard des dernières élections régionales ?

Chacun d’entre nous est soucieux du respect de la liberté de la presse, mais le débat démocratique doit aussi respecter un certain équilibre, y compris hors période électorale, en particulier sur les antennes du service public, auquel nous sommes très attachés.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet et nous communiquer des chiffres sur cette question, région par région ?

L’équilibre est indispensable pour une véritable transparence, pour une vraie démocratie.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Monsieur le sénateur, comme vous l’avez rappelé, la mission de contrôle du pluralisme est exercée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Pour ce qui est du contrôle à l’échelon local, il est nécessaire de distinguer celui qui s’exerce en période électorale et celui qui s’exerce hors période électorale.

Hors période électorale, le contrôle du pluralisme local s’inspire des règles mises en place par le CSA pour contrôler le respect du principe de pluralisme politique à l’échelon national. Ce « pluralisme doit être assuré dans le traitement de l’actualité politique locale ou régionale en tenant compte des équilibres politiques locaux ou régionaux ».

À cet égard, les médias locaux exercent librement leurs activités et donnent accès aux antennes à l’exécutif et à la majorité régionales, sous réserve que le temps de parole de l’opposition ne puisse être inférieur à 50 % du volume correspondant aux interventions des représentants de la majorité.

En période électorale, l’obligation de respecter le pluralisme local demeure. Cependant, pour les propos strictement liés à l’échéance électorale, le CSA impose de respecter, en sus, le principe d’équité dans la présentation et l’accès aux antennes des candidats et de leurs soutiens. Il tient ainsi compte des résultats obtenus aux élections précédentes et de la dynamique de campagne pour apprécier la juste exposition à la radio et à la télévision des personnalités politiques concernées. Ce contrôle est effectué sur les temps cumulés pendant les six semaines précédant le premier tour, puis sur les temps de la semaine précédant le second tour.

Pour les élections régionales de 2010, le CSA a procédé à un examen complet des temps de parole le 15 février, puis le 15 mars et enfin le 22 mars. Les résultats constatés étaient conformes aux principes posés par le Conseil.

Au cours de cette période, le CSA a été saisi par plusieurs candidats – une trentaine –, qui ont protesté contre leur absence à tel ou tel débat, mais il est apparu que, sur la période analysée, leurs temps de parole répondaient en réalité à l’exigence d’équité.

Le Conseil examine régulièrement les relevés et peut sanctionner les éditeurs en cas de non-respect du principe de pluralisme politique. À l’échelon local, il effectue des contrôles ponctuels, soit directement, soit sur pièces en demandant aux chaînes de lui communiquer les relevés de temps de parole. Ces éléments et les positions du CSA sont accessibles à tous et publiés sur son site internet. Les dernières statistiques seront disponibles dans dix jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. En vous posant cette question, je me faisais en vérité l’écho des interrogations d’un certain nombre de nos concitoyens, qui considèrent que l’équilibre politique doit être respecté tant à l’échelon national qu’à l’échelon régional.

Nous prendrons connaissance avec intérêt des statistiques du CSA dont la publication est attendue.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Monsieur le ministre, je vous remercie pour l’ensemble de ces réponses.

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles consacrées au thème « Pouvoir et médias ».

Nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je rappelle que la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Bruno Sido membre du Comité national du développement durable et du Grenelle de l’environnement.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je rappelle que la commission des finances et la commission des affaires sociales ont proposé respectivement des candidats pour siéger au sein du Conseil supérieur des prestations agricoles, en application de l’article 721-3 du code rural et de la pêche maritime.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Jean-Jacques Jégou et M. Jean-Marc Juilhard membres du Conseil supérieur des prestations agricoles.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Nous reprenons la discussion du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Dans la discussion des articles, nous avons précédemment entamé l’examen de l’article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je rappelle que, au sein de l’article 3, nous avons abordé l’examen de cinq amendements en discussion commune. Les deux premiers d’entre eux, les amendements n° 137 et 260 ont d’ores et déjà été présentés.

L'amendement n° 530 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Fortassin, Tropeano, Baylet et de Montesquiou, Mme Laborde et MM. Plancade, Chevènement, Mézard, Vall, Barbier, Alfonsi, Marsin et Detcheverry, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Après la première phrase, insérer une phrase ainsi rédigée :

Les modalités de détermination du prix doivent garantir aux producteurs un prix qui couvre au moins les coûts de production incluant la rémunération du travail.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 531 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Fortassin et Chevènement, Mme Laborde et MM. de Montesquiou, Milhau, Mézard, Tropeano, Baylet, Plancade, Vall, Alfonsi et Marsin, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Après la première phrase, insérer une phrase ainsi rédigée :

Lorsqu'ils sont conclus pour une période de plus de deux ans, ils comportent obligatoirement une clause de révision du prix pour tenir compte de l'augmentation éventuelle du prix des matières premières susceptible de bouleverser l'économie générale du contrat.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 136, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les modalités de détermination du prix doivent permettre d'obtenir un niveau de prix à la production au moins égal aux coûts de production incluant la rémunération du travail.

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Nous abordons de nouveau la problématique évoquée précédemment, celle des prix couvrant les coûts de production.

En commission, nous avons été nombreux à plaider pour que la priorité soit donnée à des contrats collectifs au sein des interprofessions. Cependant, même dans ce cadre, l’asymétrie des relations commerciales, liée notamment au caractère périssable des produits agricoles et à l’extrême concentration des acheteurs – industriels ou distributeurs –, n’autorisera pas le réel renforcement du pouvoir de négociation des producteurs.

Dans ces conditions, la contractualisation ne permettra pas aux agriculteurs de tirer un revenu décent de leurs ventes, c’est-à-dire d’obtenir un prix de vente supérieur au prix de revient, de manière qu’il couvre les coûts de production et qu’il assure aussi une rémunération satisfaisante de leur travail.

Nous en avons eu récemment le triste exemple avec le prix du lait et les difficultés que rencontre l’interprofession laitière pour trouver un accord stable de commercialisation. Il est vrai que ces difficultés ont commencé à se faire sentir dès 2008.

Nous notons que les négociations interprofessionnelles sur le lait ne tiennent, chaque fois, qu’à un fil – c’est dire si l’équilibre est précaire ! – et que l’intervention de la puissance publique est nécessaire.

Les rapports sont, par ailleurs, déséquilibrés puisque, dans le secteur laitier, on dénombre 85 000 producteurs pour 200 acheteurs, dont les dix plus importants contrôlent 60 % de la collecte, et quatre centrales d’achat de la grande distribution qui contrôlent 70 % à 80 % des ventes.

Nous observons aussi que l’accord du 3 juin 2009, remis en cause dès le mois de mars dernier, puis finalement reconduit, n’est pas satisfaisant.

La négociation collective des prix doit donc se fonder sur les coûts de production. Dans cette optique, il convient de préciser, comme nous le proposons que « les modalités de détermination du prix permettent d’obtenir un niveau de prix à la production au moins égal aux coûts de production et incluant la rémunération du travail ».

Vous le constatez, monsieur le ministre, nous faisons preuve de pugnacité et de constance lorsqu’il s’agit de défendre nos convictions !

Vous déclarez vouloir assurer aux agriculteurs un revenu stable et décent. Cependant, si nous n’inscrivons pas clairement cet objectif de prix rémunérateurs ou de prix planchers dans l’article sur la contractualisation, le dispositif ne servira à rien !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur le rapporteur, vous avez déjà fait connaître l’avis de la commission sur l’amendement n° 137. Pouvez-vous maintenant le donner sur l’amendement n° 260, qui a été défendu tout à l'heure par M. Le Cam, ainsi que sur l’amendement n° 136, qui vient de l’être par M. Mirassou ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Je ferai une réponse commune sur ces deux amendements, madame la présidente.

Nous sommes tous d’accord sur le principe : les prix agricoles fixés dans les contrats ne doivent pas être en dessous des coûts de production. Malheureusement, la mise en œuvre des dispositions proposées par nos collègues est quasiment impossible.

En effet, les prix à la production varient considérablement à la fois selon les exploitations et selon les années. Il est en outre difficile, dans le cadre d’une négociation commerciale, de parvenir, entre acheteur et producteur, à une vision partagée du coût de production.

Nous avons longuement débattu cet après-midi des prix de revient. Je suis désolé d’émettre un avis défavorable sur ces amendements, mais je rappelle que nous souhaitons renforcer l’Observatoire des prix et des marges. C’est à lui que reviendra la mission de fixer le prix moyen de production, secteur par secteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements restant en discussion ?

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été avancés. M. Mirassou est constant dans son raisonnement; nous le sommes dans nos avis !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

M. Jean-Jacques Mirassou. Avec la constance dont vous voulez bien nous créditer, monsieur le ministre, nous continuons à affirmer qu’il devrait être possible, au prix d’un peu d’imagination sémantique, de trouver une formulation qui permette de lever l’obstacle évoqué par M. le rapporteur afin d’inscrire – je le répète pour la 493ème fois

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Alain Fauconnier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fauconnier

Monsieur le ministre, il est temps de sortir de l’ambiguïté.

On nous a expliqué que la notion de contrat était l’élément le plus important de ce texte. Dès lors, on ne peut pas en rester aux généralités !

Depuis vingt-quatre ans, les agriculteurs ont été assaillis de documents et de textes : décembre 1986, ordonnance Balladur sur la limite de la vente à perte ; juillet 1996, loi Galland interdisant aux grandes surfaces de répercuter la totalité des prestations commerciales dans les prix de vente au consommateur ; mai 2001, loi relative aux nouvelles régulations économiques ; 2004, signature de l’accord Sarkozy – ne riez pas ! – aux termes duquel les industriels détenteurs de marques et les distributeurs s’engagent à faire baisser les prix ; février 2005, loi relative au développement des territoires ruraux, qui institue le coefficient multiplicateur ; sans parler des lois Chatel 1 et Chatel 2... On connaît le résultat !

Dois-je préciser, en réponse à vos commentaires, qu’entre-temps un ministre a fait, lui, de la régulation en instituant les quotas ? Je n’aurai pas la cruauté de rappeler la position de nos collègues de la majorité à cette époque ! Plus tard, le gouvernement Jospin a institué le contrat territorial d’exploitation, le CTE.

La preuve est donc faite que l’on peut établir de vrais et bons contrats, susceptibles de donner satisfaction aux agriculteurs.

Les agriculteurs sont fatigués d’être pris pour des naïfs !

Le Président de la République s’est rendu dans le Lot-et-Garonne il y a quelques jours. Les agriculteurs de ce département se souviennent qu’en 2004 un ministre des finances nommé Nicolas Sarkozy avait déclaré imposer aux industriels et aux distributeurs un accord prévoyant une baisse des prix grâce à un abaissement des tarifs des fournisseurs et à une diminution des marges arrière consenties aux distributeurs.

En 2005, votre prédécesseur de l’époque, monsieur le ministre, pour faire face à la crise de 2004, avait jugé qu’il convenait d’appliquer le fameux coefficient multiplicateur. Là encore, je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler qui était le ministre des finances qui le lui a systématiquement refusé…

Dans le Lot-et-Garonne, Nicolas Sarkozy a fait toutes les promesses du monde, mais les seules bonnes nouvelles pour les agriculteurs étaient qu’il faisait beau ce week-end et qu’Agen est remonté dans le Top 14 !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

M. Gérard César, rapporteur. Et que les fraises étaient excellentes !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fauconnier

Monsieur le ministre, il ne faudrait pas que la future loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche soit victime du « syndrome du Grenelle ».

Le Grenelle 1, texte quasiment poétique, a recueilli l’assentiment de chacun. Mais quand nous sommes passés aux travaux pratiques, avec le Grenelle 2, les choses se sont compliquées !

Cette LMA 1, qui énumère des généralités, fait consensus. Mais je ne voudrais pas qu’une LMA 2 fasse ensuite les agriculteurs cocus !

Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations amusées sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

M. Rémy Pointereau. Ça peut arriver à tout le monde !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, si plusieurs amendements ont été déposés sur ce sujet, c’est qu’il est essentiel.

Aujourd'hui, on le sait, des agriculteurs vendent à perte. C’est pourquoi nous voulons que la loi mette en place filet de sécurité permettant d’empêcher que cette situation se reproduise.

On nous dit que ce serait trop compliqué, notamment du fait de la diversité des prix. Quand, récemment, il a fallu sauver les banques, n’était-ce pas compliqué ?

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Notre agriculture, diverse et de qualité, ne mérite-t-elle pas la même mobilisation que les banques ? Ne vaut-elle pas que, tous ensemble, nous parvenions à lui offrir dans cette loi ce qui lui manque, à savoir non pas des prix administrés, comme cela a été dit par M. Raffarin tout à l’heure, mais des prix rémunérateurs, ce qui n’est pas la même chose.

Savez-vous ce que l’on fait pour éviter d’envisager une solution à un problème ? On la désigne par un terme péjoratif ! Ainsi, la seule expression de « prix administré » est revêtue d’un caractère péjoratif : c’est « l’administration » ! Alors, ce n’est plus la peine d’en parler !

Un de nos collègues me disait tout à l’heure que le kilogramme d’ail est vendu un euro par les producteurs de sa région, alors que le consommateur le paie huit euros dans le commerce. Le problème tient-il aux agriculteurs ? N’est-ce pas plutôt sur les circuits de distribution que nous devrions faire porter nos efforts pour trouver des marges, afin que notre agriculture puisse continuer à se développer tout en restant familiale ?

Chers collègues, le Parlement a voté la loi de modernisation de l’économie. Que n’avons-nous pas entendu à l’époque : cette loi devait régler la question du pouvoir d’achat ; il était donc inutile d’augmenter les salaires, car il suffisait de réduire les marges arrière ! Pour cela, il fallait simplement développer la concurrence, et donc augmenter le nombre des grandes surfaces. Bref, cette loi était censée régler tous les problèmes !

À mon sens, cette loi n’a fait avancer les choses que sur un point : la réduction des délais de paiement au bénéfice des petites et moyennes entreprises, qui a effectivement été favorable aux équipementiers automobiles, même si ces dispositions sont parfois contournées. En dehors de cela, le résultat est assez catastrophique : on a renforcé la loi de la jungle, et cette libéralisation, présentée comme la panacée, s’est traduite par une baisse du revenu de nos agriculteurs ; elle s’est faite contre eux !

En résumé, il serait bon que nous ayons le courage d’inscrire dans cette loi que nos agriculteurs ont droit à la garantie de prix rémunérateurs. Si nous ne le faisons pas, c’est que nous manquons de courage ! Si la loi n’énonce pas ce principe, elle ne servira à rien et nous nous retrouverons dans quelques années à débattre d’un nouveau projet de loi.

Comme le disait l’un de nos collègues, on ne compte plus les textes qui n’ont servi à rien alors qu’ils étaient pavés de bonnes intentions. L’heure n’est plus aux bonnes intentions, elle est aux actes : il s’agit de défendre notre agriculture, qui est cruellement menacée !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Je ne voudrais pas qu’on laisse croire que, d’un certain côté de cet hémicycle, on n’est pas prêt à tout faire pour que les agriculteurs puissent vivre normalement de leur travail, que tous puissent bénéficier de prix rémunérateurs. De droite ou de gauche, nous voulons tous que les agriculteurs vivent du revenu de leur travail !

Les orateurs qui viennent de s’exprimer me rappellent cette chanson célèbre : Paroles, paroles !

Il se trouve que c’est un dossier que je connais particulièrement bien parce que je le suis – je peux même dire que je le vis – depuis des décennies.

Gardons-nous de promettre aux agriculteurs des prix rémunérateurs garantis si nous ne sommes pas en mesure de tenir cette promesse, car cela aurait le pire effet : faute de voir la loi que nous aurions votée pour les soutenir produire ce que nous avions proclamé, ils perdraient alors toute confiance !

La notion de prix rémunérateur varie considérablement d’une exploitation à l’autre, nous le savons tous. Aujourd’hui, nous avons parlé du lait : une partie de la production est destinée à la consommation, mais la France produit aussi quatre cents variétés de fromages. Nous savons bien que le prix rémunérateur sera différent selon la variété de fromage considérée !

De même, mes chers collègues, comment garantir le juste prix aux éleveurs de « veaux de huit jours » qui en élèvent trente ou quarante chaque année ? Vous leur annoncez un « prix rémunérateur », mais comment allez-vous le déterminer concrètement ? D’autant que le prix des veaux d’élevage va dépendre du prix de la poudre de lait destinée à les engraisser !

Il me semble que vous envisagez des mécanismes de fixation des prix qui ne sont pas réalistes. Aujourd’hui, si nous inscrivons dans la loi la garantie de prix rémunérateurs, nous ne parviendrons jamais à l’appliquer sur le terrain.

En revanche, je vous suis sur le problème de la répartition des bénéfices. Nous savons tous qu’un maillon de la chaîne profite beaucoup plus de la situation que les producteurs eux-mêmes !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Ça, oui, c’est un vrai problème, et il faut tenter de le régler dans la loi. Il ne suffit pas de contrôler les marges : il faut aussi montrer du doigt ceux qui n’auront pas joué le jeu ; c’est capital pour permettre une meilleure répartition de la valeur ajoutée. Mais, je le répète, les prix sont forcément très différents d’une exploitation à l’autre.

Lors de la réunion de la commission, j’ai évoqué les problèmes posés par les importations d’ovins. Quand on sait que le prix de la viande de mouton importée de Nouvelle-Zélande est inférieur de 30 % à 40 % à celui de la viande produite chez nous, comment pourrait-on garantir un revenu à nos éleveurs de moutons si ce n’est par des compensations prenant en compte le rôle environnemental qu’ils jouent ? Ou alors, il faut interdire les importations ! Mais nous savons à quoi cela nous expose, notamment en termes de représailles !

Vous avez évoqué les CTE. Mais ces contrats prévoyaient-ils une garantie des prix ? Il n’y était même pas question des produits agricoles ! Et, aujourd'hui, vous nous faites l’apologie des CTE, alors que leur seul objet était d’apporter une compensation environnementale à certains modes de culture. Les nouvelles décisions prises pour l’herbe, dans le cadre de ce qu’on appelle « le bilan de santé de la PAC », devraient d’ailleurs aller dans ce sens. Mais les CTE que vous parez de tous les mérites n’ont jamais garanti un prix rémunérateur pour les produits.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Vous avez aussi parlé du Grenelle 2. Or ce texte se traduit par l’augmentation des charges pesant sur les agriculteurs. Par exemple, un de ses articles prévoit que, dès 2011, tous les produits présents sur les étals devront mentionner leur bilan carbone. C’est pourquoi je me suis abstenu sur cette disposition : je refusais que l’on impose des charges supplémentaires aux producteurs de notre pays tant que leurs concurrents d’Espagne, d’Allemagne et de tous les autres pays qui nous environnent ne les subiraient pas.

Depuis des années, on accable nos agriculteurs de charges et de contraintes administratives supplémentaires ; ils n’en peuvent plus ! C’est à cela qu’il faudrait porter remède, en réduisant leurs charges, de manière à accroître leur compétitivité !

Parallèlement, je l’ai dit, nous devons aussi travailler à une meilleure répartition des revenus entre la commercialisation et la production.

C’est en agissant dans ces deux directions que nous pourrons donner de l’espoir à notre agriculture !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP ainsi que sur quelques travées de l ’ Union centriste.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 260.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je profite de cette heure encore ouvrée pour intervenir, afin de ne pas reprendre la parole ce soir, à la fin de la discussion de cet article 3, quand le débat avancera peut-être un peu plus vite !

Nous parlons du droit des contrats. Dans une autre vie, j’ai obtenu un premier prix au concours général de droit civil grâce à un sujet portant sur les clauses abusives dans les contrats : le droit contractuel ne m’est donc pas totalement inconnu…

Bien que l’ensemble de cet hémicycle soit d’accord pour garantir un prix juste, je ne vois pas comment on pourrait insérer dans un contrat le principe d’une juste rémunération, alors que les prix des intrants et des matières premières varient : une telle clause serait absolument inapplicable !

En revanche, il vaut mieux que ce qui mérite d’être dit figure dans les conditions générales, y compris dans les conditions obligatoires. Sur ce point, je partage le souci des auteurs des amendements qui ont été discutés précédemment.

Souvenons-nous de la loi Scrivener et de l’apport de la jurisprudence dans ce domaine : il est absolument certain que l’on appliquera aux contrats réglant les relations entre producteurs et distributeurs le raisonnement mis en œuvre pour défendre les droits des consommateurs.

Les conditions obligatoires doivent être aussi précises que possible, mais les amendements proposant des dispositifs qui ne seraient pas applicables ne sauraient être insérés dans cet article, même si les débats ne laissent aucun doute sur notre intention à tous de garantir un juste prix des produits agricoles et une juste rémunération des agriculteurs.

Je tenais à faire ce rappel parce que nous légiférons : le texte que nous rédigeons devra être appliqué non seulement par un médiateur, mais aussi par des tribunaux, qui devront apprécier la validité des clauses du contrat. Notre responsabilité consiste également à libeller des amendements précis et applicables !

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 207 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Jarlier, B. Fournier, Bernard-Reymond, Juilhard, Amoudry, Alduy et Hérisson, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 13 à 15

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Ils sont obligatoires pour les productions faisant l’objet d’un accord interprofessionnel étendu. À défaut, ils sont rendus obligatoires par décret en Conseil d’État, après avis du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et de FranceAgriMer.

II. - Alinéa 16

Remplacer les mots :

L’accord interprofessionnel mentionné au a ou le décret mentionné au b fixe

par les mots :

L’accord interprofessionnel ou le décret mentionnés à l’alinéa précédent fixent

III.- Alinéa 18

Remplacer les mots :

l’accord interprofessionnel mentionné au a du I ou du décret mentionné au b du I

par les mots :

l’accord interprofessionnel ou du décret mentionnés au I

La parole est à M. Jacques Blanc.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Tout d’abord, je souhaite dire à M. Bourquin que notre collègue et ami Jean-Pierre Raffarin n’a pas parlé que des prix administrés : il a aussi évoqué l’action à engager pour réduire les charges. M. le ministre a d’ailleurs insisté ensuite sur cet aspect de la problématique.

Quant à mon amendement, il vise à rendre obligatoire la contractualisation par filière pour les productions agricoles principales, structurantes pour le territoire – par exemple, dans les zones de montagne –, c’est-à-dire celles qui font l’objet d’un accord interprofessionnel étendu.

Le texte initial du projet de loi subordonne l’obligation de conclure des contrats de vente écrits à la publication d’un décret en Conseil d’État. Le texte de la commission fait dépendre cette obligation de l’extension d’un accord interprofessionnel, ce qui laisse de côté, me semble-t-il, les accords étendus déjà existants.

Cet amendement vise à rendre la contractualisation obligatoire par décret pour les productions dont l’interprofession ne fait pas l’objet d’un accord élargi. Dans ce cas, seraient préalablement consultés le Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et agroalimentaire et FranceAgriMer, établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, créé le 1er avril 2009 et chargé de la gestion de l’ensemble des filières.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 575 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Alfonsi, Baylet et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade et Vall, est ainsi libellé :

Alinéas 13, 14 et 15

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Ils sont obligatoires pour les productions faisant l’objet d’un accord interprofessionnel étendu, et à défaut, par décret en Conseil d’État, après avis du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole, et de FranceAgriMer.

Cet amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 264, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Remplacer les mots :

peuvent être

par le mot :

sont

La parole est à M. Gérard Le Cam.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Au début de la semaine dernière, le chef de l’État a supervisé la signature d’un accord par les patrons des sept grands distributeurs hexagonaux. Encore un contrat qui risque de n’avoir aucune force contraignante…

Les termes de l’article 3 du projet de loi sont clairs : cet article n’institue pas des contrats obligatoires, il ne fait qu’inciter à la contractualisation. C’est pourquoi, si nous sommes satisfaits des avancées introduites par la commission, nous restons sceptiques quant à l’efficacité du dispositif.

Nicolas Sarkozy n’a pas tout à fait raison quand il affirme que « les affrontements entre les producteurs et la distribution, ça fait des dégâts et ça ne profite à personne ». Ces affrontements profitent en réalité aux transformateurs et aux distributeurs. Et ce n’est pas en produisant un droit flou que nous parviendrons à changer la donne !

Cet amendement de repli tend donc à rendre obligatoire la conclusion de contrats de vente écrits.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 660, présenté par M. César, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Remplacer les mots :

au chapitre II du présent titre

par les mots :

aux articles L. 631-10, L. 632-3, L. 632-4 et L. 632-12

La parole est à M. Gérard César, rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 443, présenté par M. Deneux et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Remplacer les mots :

au chapitre II

par les mots :

aux chapitres I et II

La parole est à M. Marcel Deneux.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

Il s’agit d’un amendement de coordination.

Nous nous sommes aperçus que l’alinéa 14, dans sa rédaction initiale, tendait à exclure certaines interprofessions existantes. Afin d’intégrer dans le projet de loi tout ce qui fonctionne aujourd’hui, nous proposons donc de mentionner, dans cet alinéa, les conditions définies au chapitre II, mais également au chapitre Ier du titre III du code rural. Ce dernier est suffisamment complexe pour qu’une telle erreur ait pu être commise…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 661, présenté par M. César, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 15, seconde phrase

Remplacer les mots :

l'homologation

par les mots :

d'homologation

et les mots :

en application du

par les mots :

mentionné au

La parole est à M. Gérard César, rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements n° 207 rectifié, 264 et 443.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

L’amendement n° 661 tend à corriger une erreur grammaticale.

S’agissant de l’amendement n° 207 rectifié, je pense que M. le ministre en conviendra, nous pouvons confirmer que les accords qui existent à ce jour perdureront. Je propose donc à notre collègue Jacques Blanc de retirer son amendement, qui est satisfait.

L’amendement n° 264 vise à rendre la contractualisation obligatoire pour toutes les filières. Pour les raisons déjà exposées, l’avis est défavorable.

L’amendement n° 443 est satisfait par l’amendement n° 660 de la commission. Je demande donc à M. Deneux de bien vouloir le retirer.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je crois effectivement que nous répondons à la préoccupation exprimée par M. Jacques Blanc au travers de l’amendement n° 207 rectifié. Nous avons prévu d’examiner les contrats existants et j’ai pris l’engagement, notamment pour les contrats engageant les coopératives, de maintenir ceux d’entre eux qui répondent aux règles fixées par la loi.

Nous émettons par ailleurs un avis défavorable sur l’amendement n° 264.

Je voudrais apporter quelques précisions à ce sujet, car cet amendement rejoint des préoccupations qui ont précédemment été formulées.

Premièrement, si l’on veut laisser une latitude aux interprofessions, il faut évidemment prévoir un système à deux étages. Les contrats peuvent être rendus obligatoires du fait d’un accord interprofessionnel. Ensuite, si les interprofessions n’ont pas rempli leur office, le Gouvernement peut les rendre obligatoires par décret. J’ai d’ores et déjà pris l’engagement que, pour les filières des fruits et légumes et du lait, ce serait fait avant la fin de l’année 2010.

Deuxièmement, il a fort justement été souligné tout à l’heure que les filières n’étaient pas toutes dans une situation identique. Certaines difficultés et attentes particulières, notamment dans le domaine de l’élevage, justifient qu’on laisse une marge de manœuvre.

Nous exprimons un avis favorable sur les amendements rédactionnels n° 660 et 661.

Enfin, il me semble que l’amendement n° 660 de M. le rapporteur répond à la demande formulée au travers de l’amendement n° 443, dont je demande, par conséquent, le retrait.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

Il va de soi que je le retire, madame la présidente, étant précisé que l’amendement de M. le rapporteur n’existait pas au moment où je l’ai déposé.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 443 est retiré.

Monsieur Blanc, l'amendement n° 207 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Cet amendement étant satisfait, je le retire, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 207 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 264.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 514, présenté par M. Miquel, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Après le mot :

fixe

insérer les mots :

, après avis du conseil spécialisé compétent de FranceAgriMer

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 135 est présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 331 est présenté par Mme David, MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 576 rectifié est présenté par MM. Fortassin et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Marsin, Mézard, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall, Alfonsi, Baylet et Milhau.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 16

Remplacer le mot :

un

par le mot :

trois

La parole est à M. Martial Bourquin, pour présenter l’amendement n° 135.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Cet amendement vise à fixer, pour le contrat, une durée minimale de trois ans, au lieu d’un an.

En effet, il faut garder à l’esprit que les investissements réalisés en agriculture nécessitent, de manière générale, un temps d’amortissement assez long et que la stratégie de développement des producteurs exige un minimum de visibilité et de certitude quant aux revenus escomptés de l’exploitation.

Par ailleurs, les décisions de mise en culture ou de rotation des cultures se prennent sur plusieurs années.

Enfin, une vache, par exemple, doit être élevée pendant trois ans en moyenne avant de produire du lait.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 331.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Dans un contexte marqué par la dérégulation des marchés agricoles, dérégulation engagée par l’Organisation mondiale du commerce et favorisée par la forte volatilité des prix ainsi que par une rude concurrence internationale, le délai d’une année nous paraît bien trop court pour permettre aux producteurs de mener une stratégie de développement exigeant un minimum de visibilité et de certitude quant aux revenus escomptés de l’exploitation.

La contractualisation reste un outil commercial dans la mesure où elle se substitue à une gestion publique de régulation des marchés et, à ce titre, ne peut donc que nous laisser sceptiques. Il reste que son objectif premier est tout de même de sécuriser les agriculteurs. Or, de notre point de vue, cet objectif ne peut être atteint dans un délai aussi court, en particulier, je le précise, dans les zones de montagne.

Monsieur le ministre, lorsque vous vous êtes exprimé, en début d’après-midi, sur l’article 3 du projet de loi, donc sur les prix rémunérateurs qui sont au cœur des contrats de vente, vous avez dit quelque chose qui m’a particulièrement inquiétée : vous avez en effet déclaré ne pas pouvoir assurer des prix rémunérateurs aux agriculteurs, sauf à recourir à une baisse des charges pour améliorer leur compétitivité. C’est donc que vous ne répondrez pas, hélas ! à la revendication unanime du monde agricole.

En tant que membre de la commission des affaires sociales, j’interviens rarement dans les débats portant sur des sujets qui relèvent essentiellement de la commission de l’économie. Permettez-moi néanmoins, mes chers collègues, de faire référence à la notion de chef d’entreprise, puisque nos agriculteurs sont des chefs d’entreprise. Eh bien, je ne connais pas de chef d’entreprise qui accepterait de travailler sans rémunération ou pour un revenu qui ne correspondrait pas à l’ampleur du travail qu’il accomplit pour son entreprise.

Cette analogie permet, me semble-t-il, de mesurer toute l’importance de cette notion de prix rémunérateur, qui doit être au cœur du dispositif de l’article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jean Milhau, pour présenter l'amendement n° 576 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Milhau

L’agriculture exigeant des cycles de production le plus souvent annuels et des investissements généralement importants, nous considérons qu’il faut apporter une sécurité aux producteurs en donnant une durée minimale de trois ans aux contrats qui pourront être conclus. Cela assurera une relative stabilité des prix et donnera aux producteurs une réelle visibilité sur leurs revenus, ainsi qu’un délai suffisant pour amortir des investissements assez lourds.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Le projet de loi tend à prévoir que la durée des contrats peut aller d’un an à cinq ans. Il faut laisser aux interprofessions le soin de fixer plus précisément la durée adéquate. Il ne nous semble donc pas judicieux de porter la limite inférieure à trois ans et notre avis est défavorable.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Il est également défavorable.

Je souhaiterais faire deux remarques sur ce point.

Tout d’abord, madame David, comprenons-nous bien : nous souhaitons tous que les coûts de production soient couverts. Mais je ne veux pas inscrire dans la loi des promesses qui ne pourront pas être tenues. Prétendre, avec les meilleures intentions du monde, qu’un prix rémunérateur sera garanti à tous les producteurs de France parce que le législateur l’a décidé, c’est tout simplement vendre du vent, jouer au marchand d’illusions !

En revanche, la mise en place d’instruments économiques offrant la meilleure performance possible, d’ailleurs grâce aux améliorations apportées ici même par différents groupes, et permettant de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs, notamment vis-à-vis des industriels et des distributeurs, me semble constituer une base nettement plus solide.

Par ailleurs, s’agissant précisément de la durée des contrats, je vois bien l’intention présente derrière les amendements qui viennent d’être défendus. Je tiens simplement à insister sur les différences existant entre les filières.

Nous proposons une fourchette de un à cinq ans. Pour les filières nécessitant des investissements lourds, la filière laitière par exemple, je souhaite que les contrats soient le plus longs possible. À l’inverse, dans une filière comme celle des fruits et légumes, les producteurs eux-mêmes estiment qu’une durée d’un an est préférable : c’est ce qu’ils ont indiqué à la mission du Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux chargée d’élaborer un rapport sur le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Voilà pourquoi nous avons retenu cette fourchette assez large.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Cette question de la durée des contrats est importante. Certes, l’agriculture présente à certains égards les caractéristiques d’une industrie lourde, dans la mesure où l’on ne peut pas rapidement passer d’un type de production à un autre, mais plusieurs arguments s’opposent à une durée minimale de trois ans pour ces contrats.

Prenons un exemple que les citoyens de ma région connaissent bien : le comté. Aujourd’hui, le système fonctionne assez bien, le prix du lait étant attractif. Cependant, si l’on propose à nos affineurs, à nos vendeurs de comté ou à nos coopératives une contractualisation sur trois ans, ils l’accepteront, mais à des tarifs inférieurs de 10 % ou 15 %, car ils ne pourront rien garantir quant à l’évolution de la conjoncture à trois ans.

Du reste, une coopérative qui s’engagerait sur trois ans prendrait le risque, en cas de conjoncture défavorable au niveau européen ou mondial, faute de pouvoir respecter le contrat, de devoir déposer son bilan.

Le projet de loi tend à fixer une durée allant de un à cinq ans, ce qui laisse une marge de manœuvre selon les productions ou la volonté des contractants. Pour prendre l’exemple de la filière du bétail, ce n’est pas en obligeant les intéressés à s’engager dans un contrat de trois ans, sur la base des prix actuels, que les problèmes seront réglés !

L’important, c’est de laisser la possibilité de s’adapter à la conjoncture et, de ce point de vue, une durée minimale de trois ans ne serait pas une bonne solution.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je mets aux voix les amendements identiques n° 135, 331 et 576 rectifié.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 261, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Rédiger comme suit cet alinéa :

« Les produits acceptés par l’acheteur lors de la livraison ne peuvent faire l’objet d’aucun retour au producteur. »

La parole est à M. Gérard Le Cam.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

L’article 3 donne la possibilité d’instaurer par décret une obligation de contrats écrits pour les ventes de produits agricoles entre producteur et premier acheteur.

Sur le fond, nous considérons que cette mesure ne permettra pas fondamentalement de renverser les rapports de force, notamment, comme nous l’avons déjà souligné, pour la simple et bonne raison que ces contrats sont facultatifs. Pour autant, il nous semble nécessaire de renforcer les clauses types qui devront y figurer.

Par cet amendement, nous souhaitons, en lieu et place de dispositions redondantes avec la législation actuelle, en particulier l’article L. 441-2-1 du code de commerce, que soit affirmé dans le contrat que les produits acceptés par l’acheteur lors de la livraison ne peuvent faire l’objet d’un retour au producteur.

Dans les faits, on ne peut que déplorer une telle pratique. Il arrive que le producteur livre la marchandise et qu’ensuite l’acheteur essaie de lui en rendre une partie s’il n’a pas tout vendu. Voilà qui témoigne, selon nous, d’un déséquilibre profond dans le rapport de force, au profit des acheteurs.

De plus, une telle disposition entre parfaitement, nous semble-t-il, dans le cadre des objectifs fixés par le présent article, lequel entend, au travers des contrats, sécuriser les relations entre les producteurs et les acheteurs.

C’est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement de bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

La commission a jugé qu’il s’agissait d’un amendement intéressant… (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

M. Gérard César, rapporteur. Une fois de plus, dirais-je plutôt !

Sourires

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

… comme chacun le sait, l’enfer étant pavé de bonnes intentions, j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement.

Pour tout vous dire, mes chers collègues, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Toutefois, à titre personnel, j’estime que le retour des produits au producteur est extrêmement gênant, surtout pour ce qui concerne les denrées périssables.

C’est la raison pour laquelle j’aimerais entendre M. le ministre sur ce point.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

M. Bruno Le Maire, ministre. Ce n’est pas un sujet facile, monsieur Le Cam…

Sourires

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

M. Bruno Le Maire, ministre. Comme sur tout sujet qui mérite réflexion, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée.

Marques de satisfaction sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 203 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Jarlier, B. Fournier, Bernard-Reymond, Juilhard, Amoudry, Bailly, Alduy, Hérisson et Gouteyron, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les collectivités territoriales compétentes peuvent promouvoir la contractualisation par la mise en place de dispositifs incitatifs à destination des filières organisées sur leurs territoires, répondant ainsi à des considérations d’aménagement du territoire.

La parole est à M. Jacques Blanc.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Vous voyez, mes chers collègues, le Sénat, dans sa sagesse, a su montrer tout l’intérêt qu’il porte à l’agriculture et aux agriculteurs ! Personne n’a le monopole de la défense de leurs intérêts ! Ayant pris conscience de la nécessité d’agir, nous sommes tous mobilisés sur ce texte proposé par le Gouvernement, qui met en exergue l’importance de la contractualisation.

Pour avoir été président du conseil régional de Languedoc-Roussillon, une région qui connaît des difficultés dans les domaines de la viticulture, de l’élevage ou des fruits et légumes, j’ai pu mesurer combien il était possible pour les collectivités de lancer ou d’encourager les politiques de développement.

Cet amendement vise à permettre aux collectivités territoriales compétentes en matière de développement économique d’apporter, sur la base, bien sûr, du volontariat, une contribution valorisante à la contractualisation des filières organisées en liant au dispositif leur propre démarche d’aménagement du territoire.

Quand on habite dans des zones de montagne, on sait l’importance d’aider les filières en favorisant la contractualisation. Mon expérience de terrain m’a conduit à mettre cette proposition noir sur blanc.

Ainsi, les collectivités qui le souhaitent pourront favoriser la contractualisation, laquelle contribuera, elle-même, à l’aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 577 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Milhau, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les conseils régionaux et les conseils généraux, s’ils en font la demande, peuvent promouvoir les contrats souscrits localement pour y insérer des aides incitatives répondant à des considérations d’aménagement du territoire.

La parole est à M. Jean Milhau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Milhau

Cet amendement étant quasiment identique à l’amendement n° 203 rectifié, nous considérons qu’il est défendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Jeudi et vendredi derniers, nous avons eu un long débat, fort intéressant, au sujet du code des marchés publics.

Si je me souviens bien, M. le ministre s’est engagé à considérer la question des collectivités territoriales au regard de ce code, concernant notamment le problème de la restauration scolaire.

Je rappelle que le contrat entre un agriculteur et son acheteur est un contrat de fourniture de biens. Les collectivités, lorsqu’elles sont acheteuses, devront se conformer aux clauses types, prévues par décret. En cas d’accord interprofessionnel, rien n’interdit qu’elles en respectent aussi les dispositions, même si elles ne font pas partie des interprofessions.

Dans les autres cas, lorsque les collectivités ne sont pas acheteuses, leur intervention est plus difficile. Elles peuvent cependant favoriser la pratique contractuelle en conditionnant certaines aides, mais elles ne sauraient être parties à un contrat dont elles ne seront pas l’un des exécutants.

Dans ces conditions, je vous demande donc, cher Jacques Blanc, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable. Cet avis vaut aussi pour l’amendement n° 577 rectifié.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements pour les raisons communautaires avancées par M. le rapporteur.

Je pense, cher Jacques Blanc, que le texte répond déjà à vos interrogations. Si nous prévoyons dans la loi que les collectivités territoriales peuvent suggérer, recommander ou imposer un contrat, nous entrons dans le cadre des aides d’État et pouvons être sanctionnés à ce titre en vertu du droit communautaire. Mieux vaut donc s’en tenir au dispositif actuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

En l’occurrence, ce n’est peut-être pas le cas !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

M. Thierry Repentin. En tout cas, vous n’avez pas été bien compris !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Tout cela est compliqué.

Il n’est pas question pour moi de demander que les collectivités territoriales soient parties prenantes aux contrats. Je souhaite simplement préciser clairement qu’elles auront la possibilité de favoriser la contractualisation des filières organisées sur leurs territoires.

Il ne s’agit là que d’une incitation.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Cher Jacques Blanc, vous avez été extraordinairement explicite dans la rédaction de votre amendement, en prévoyant la mise en place de dispositifs incitatifs à destination des filières.

Je reconnais votre attachement à la montagne en général et à la Lozère en particulier. Mais, votre proposition sous-tend le versement d’une aide d’État. Certes, les collectivités territoriales méritent toute notre considération et notre soutien, mais elles ne peuvent être aidées ainsi directement, car nous serions immédiatement sanctionnés par les autorités européennes.

Je le répète, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur Blanc, l’amendement n° 203 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Je le retire, madame la présidente, car je ne veux pas aller à l’encontre de l’avis du Gouvernement. Toutefois, nous devons réfléchir aux moyens d’aider les collectivités territoriales désireuses d’encourager les filières organisées sur leurs territoires à recourir à la contractualisation, sans que cela soit automatiquement perçu comme une aide d’État qui fausserait la concurrence.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 203 rectifié est retiré.

Monsieur Milhau, l’amendement n° 577 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 577 rectifié est retiré.

Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 662, présenté par M. César, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 20

Après le mot :

producteur

insérer les mots :

, l’opérateur économique mentionné au I

II. – Alinéa 24, première phrase

Après le mot :

producteur

insérer les mots :

ou opérateur économique mentionné au I de l’article L. 631-24

La parole est à M. Gérard César, rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 334, présenté par M. Biwer, est ainsi libellé :

Alinéas 24 et 25

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 631-25. - L’accord interprofessionnel mentionné au a ou le décret mentionné au b du I de l’article L. 631-24, fixe le régime de sanction applicable en cas de défaut de proposition de contrat écrit par l’acheteur, lorsqu’elle a été rendue obligatoire dans les conditions mentionnées à l’article L. 631-24, ou en cas de non-conformité aux dispositions contractuelles prévues au même article.

La parole est à M. Claude Biwer.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

En cohérence avec le principe de subsidiarité défini au nouvel article L. 631-24 du code rural, le régime de sanction, que j’ai déjà évoqué tout à l’heure en m’exprimant sur l’article, peut être prévu par un accord interprofessionnel étendu ou homologué ou, à défaut, par un décret pris en Conseil d’État.

Dans le cadre d’un accord interprofessionnel rendant obligatoire la conclusion de contrats de vente écrits, il peut être prévu un régime de sanction associé. Ainsi, il revient à chaque filière de prendre la responsabilité de déterminer les sanctions adaptées au défaut de proposition de contrat écrit ou de non-conformité aux dispositions contractuelles prévues à l’article L. 631-24 du code rural.

En clair, il s’agit, par la loi, de sanctionner tout manquement d’une amende administrative, dont le montant peut aller jusqu’à 75 000 euros.

Pour ma part, je considère que, pour prévenir tout abus, l’interprofession pourrait fixer le régime de sanction d’une manière plus réaliste en évitant ce couperet, qui n’est tout simplement que la résultante de l’application de la loi, tout en rétablissant le dispositif – même si celui-ci n’est peut-être pas toujours parfait ! – conformément à la règle en vigueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 262, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 24, première phrase

Après les mots :

dont le montant

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

est au moins égal à deux fois la valeur commerciale des produits concernés

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Agnès Labarre

Nous l’avons dit, la somme des contrats conclus entre les producteurs et les acheteurs ne peut aboutir à une maîtrise des volumes, et donc à une véritable politique publique agricole. De plus, un contrat symbolise un rapport de force, qui est ici à la défaveur des producteurs. En effet, ce type de contrat existe déjà dans plusieurs filières. Pourtant, une telle mesure n’est pas de nature à assurer à ces derniers une bonne rémunération.

Cependant, si le fait de rendre obligatoire la conclusion d’un contrat ne constitue pas l’alpha et l’oméga d’une politique nationale agricole – ce qui est, malheureusement, le cas pour le Gouvernement ! –, cela marque tout de même une avancée.

Pour autant, afin de garantir aux paysans la viabilité des contrats, il est nécessaire de réunir plusieurs conditions.

Tout d’abord, il ne faut laisser aucun paysan sur le bord de la route ; ensuite, le mode de fixation des prix doit faire référence à l’Observatoire des prix et des marges ; enfin, il importe que l’engagement de l’État dans la maîtrise des volumes garantisse l’équité dans le rapport de force.

Mais, surtout, les expériences actuelles de contractualisation montrent que, le rapport de force étant ce qu’il est, les acheteurs ne sont nullement tenus de respecter ces contrats sur le fond et la forme.

Ainsi, par notre amendement, nous voulons renforcer la sanction du dispositif prévu à l’alinéa 24 de l’article 3. Dans sa rédaction actuelle, la sanction ne peut être supérieure à 75 000 euros par producteur et par an, sans qu’il soit aucunement fait référence à la valeur commerciale des produits contractualisés.

Afin de rendre dissuasive toute atteinte à la formation des contrats, et donc de rééquilibrer le rapport de force en présence, nous proposons de fixer une amende dont le montant serait au moins égal à deux fois la valeur commerciale des produits concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 263, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 24, première phrase

À la fin de cette phrase supprimer les mots :

et par an

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Agnès Labarre

Le présent article crée, au sein du chapitre Ier du titre III du livre VI du code rural, une nouvelle section intitulée « Les contrats de vente de produits agricoles »

Il s’agit, avec la création de trois nouveaux articles, de poser le principe de contrats écrits dits obligatoires entre producteurs et acheteurs et d’exprimer ainsi, par cette formalisation, la volonté de sécuriser juridiquement les relations entre les parties en présence. Je dis « obligatoires », car cette obligation sera définie ultérieurement par le Gouvernement, ainsi que vous l’avez indiqué précédemment, monsieur le ministre.

Nous comprenons cette aspiration, même si nous pouvons d’ores et déjà craindre que la seule présence de ces contrats ne permettra pas de rééquilibrer le rapport de force, ni même de garantir des prix rémunérateurs.

Avec nos différents amendements, nous souhaitons renforcer le dispositif de sanction, ainsi que les obligations pesant sur l’acheteur.

Pour cette raison, nous demandons ici que la sanction définie à l’alinéa 24 – infliger aux acheteurs ne proposant pas de contrat ou présentant un contrat non conforme aux clauses types une amende administrative de 75 000 euros maximum par producteur – ne subisse aucune limitation temporelle. Pour l’instant, ce montant est considéré comme un plafond annuel.

À nos yeux, une telle disposition est de nature à favoriser les gros acheteurs, qui, je le précise, ne sont liés à aucune obligation limitative concernant le nombre de contrats signés. En revanche, leurs sanctions financières seraient plafonnées !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Pour ce qui concerne l’amendement n° 334, nous rappelons, comme l’a fait plusieurs fois M. le ministre cet après-midi, que, aux termes du texte, le contrat peut être rendu obligatoire soit par l’interprofession, soit par décret.

L’application d’un régime de sanction différent de celui qui résulte de la non-exécution d’un accord interprofessionnel paraît logique. Cependant, la portée d’accords interprofessionnels prévoyant des sanctions différentes de celles qui s’appliquent de plein droit au titre de l’article L. 631-25 du code rural pourrait être affaiblie.

Il convient donc de conserver un régime de sanction unifié applicable en cas de défaut de contrat, que ce défaut viole le décret ou un accord interprofessionnel. Dans ce cadre, le montant de l’amende ne peut être supérieur à 75 000 euros par producteur et par an, ce qui constitue déjà, selon moi, une sanction lourde. Prévoir plusieurs possibilités de pénalités risquerait de rendre difficile l’application du contrat.

Je vous demande donc, monsieur Biwer, de bien vouloir retirer cet amendement.

L’amendement n° 262 vise à renforcer les sanctions en cas d’absence de contrat. Or, je viens de l’indiquer, celles qui sont prévues à l’alinéa 24 sont déjà suffisamment importantes. Puisqu’elles s’appliqueront pour chacun des producteurs avec lesquels l’acheteur n’aura pas contracté, il ne me semble pas justifié de les alourdir. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Quant à l’amendement n° 263, il vise à introduire une insécurité juridique dans le régime de sanction. Il paraît en effet difficile d’appliquer plusieurs fois par an la sanction en cas de défaut de contrat. La commission est donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Le Gouvernement est également défavorable aux amendements n° 334, 262 et 263.

Je rappelle simplement que l’alinéa 24 de l’article 3 est extraordinairement précis sur les sanctions prévues au cas où un acheteur ne remettrait pas une proposition de contrat écrit lorsque celui-ci a été rendu obligatoire.

Si je comprends parfaitement les intentions de M. Biwer, qui sont tout à fait louables, j’estime cependant que l’objet de l’amendement n° 334 est satisfait par cet alinéa. Il en va de même pour les amendements n° 262 et 263 défendus par M. Le Cam.

En revanche, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 662 présenté par la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 334 est-il maintenu, monsieur Biwer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Je comprends bien, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vos arrière-pensées dans ce domaine…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Il n’y a que des pensées, pas d’arrière-pensées !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

... pour essayer de trouver un équilibre convenable de nature à favoriser la commercialisation des produits en question. Néanmoins, puisque vous semblez vouloir tout régler par la loi, je regrette presque de ne pas avoir déposé un amendement pour fixer par avance la liste des jours ensoleillés dans l’année !

Le monde agricole a besoin d’un certain équilibre. En l’espèce, la rédaction actuelle du texte ne me convient pas. Par conséquent, je maintiens cet amendement.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

En conséquence, l’amendement n° 334 n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’amendement n° 262.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 139, présenté par MM. Cazeau et Bérit-Débat, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni et Antoinette, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Après les mots :

commission de médiation

insérer les mots :

placée sous l’autorité de l’État

La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Cet amendement, cosigné notamment avec Bernard Cazeau, mon collègue de Dordogne, est soutenu par l’ensemble du groupe socialiste.

L’offre alimentaire française constitue par sa qualité, son abondance et sa diversité, particulièrement en Dordogne, une composante essentielle du patrimoine historique et culturel. L’agriculture n’a pas ainsi pour seule fonction de produire des aliments au moindre coût : elle fait vivre des territoires et contribue à la qualité de l’environnement, cela a été souligné lors des interventions précédentes.

Pour autant, les réussites d’hier ne doivent pas conduire à l’immobilisme. La politique agricole est à reconsidérer à l’aune du nouveau contexte mondial et des nouvelles demandes de la société française.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Ce n’est pas le bon argumentaire, mon cher collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

M. Claude Bérit-Débat. Mais si ! Permettez-moi de faire une présentation large de la problématique ! Vous savez, en Dordogne, « pays de l’homme », on va chercher très loin nos racines, y compris dans l’agriculture !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Dans cette optique, travaillons d’abord à légitimer l’intervention publique dans ce secteur stratégique et spécifique. Dans l’agriculture, l’offre ne s’ajuste à la demande qu’au prix d’une volatilité des cours, désastreuse pour les consommateurs les plus pauvres et dévastatrice pour les agriculteurs et les emplois agroalimentaires ; le marché ne peut donc pas tout faire !

Ajoutons à ce constat les enjeux du développement et de l’écologie : l’absence de régulation en la matière serait tout bonnement irresponsable. L’agriculture doit redevenir un outil au service de l’économie, indispensable certes, mais non tourné exclusivement vers l’enrichissement sans fin de quelques enseignes. Le monde agricole est excessivement spéculatif ; tout est fait pour le court terme, et ce au bénéfice des plus gros distributeurs.

Ainsi, sous prétexte de sortir de la crise, sont prévues dans cet article des mesures inadaptées, qui risquent de prolonger les difficultés.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Ainsi en est-il de l’instauration d’une commission de médiation chargée des relations entre les producteurs et les vendeurs, encore trop timorée à nos yeux. À terme, une telle discrétion ne pourra qu’aggraver les problèmes.

En définitive, sauver l’agriculture, c’est revenir à une véritable éthique sociale, malmenée par le laisser-faire. Or une telle instance, selon la rédaction qui nous est proposée, sera amenée à se comporter comme si elle avait déjà renoncé à maîtriser des mutations qu’elle devra pourtant gérer à l’avenir. À cet égard, l’interventionnisme préconisé ici peut se définir comme le droit de la collectivité à protéger les plus faibles contre les plus forts. Affirmer que cette commission de médiation sera sous l’autorité de l’État, c’est faire le choix des premiers contre les seconds.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

M. Gérard César, rapporteur. Mon cher collègue, pour présenter cet amendement, vous avez fait un détour par l’histoire, et même la préhistoire, de la Dordogne !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Lors du débat d’orientation sur l’agriculture devant la commission de l’économie le 28 avril dernier, ouvert, je le précise, à tous les sénateurs, M. le ministre nous a indiqué que la commission de médiation serait présidée par un haut fonctionnaire. Il est en effet nécessaire qu’elle se situe en dehors des parties au contrat.

Dans la mesure où votre amendement me semble satisfait par les intentions gouvernementales, que M. le ministre aura le loisir de confirmer dans un instant, la commission vous demande de bien vouloir le retirer. À défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Après cette longue échappée, fort agréable d’ailleurs, en Dordogne, je tiens à préciser certains points qui figureront dans le décret : la commission de médiation – si c’est bien l’appellation qui sera finalement retenue, mais nous aurons à en discuter – sera paritaire, composée de représentants de l’administration et de représentants professionnels, et placée sous l’autorité de l’État.

Je vous demande donc, monsieur Bérit-Débat, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 139 est-il maintenu, monsieur Bérit-Débat ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur le ministre, je n’ai pas dû lire le même texte que vous ! Où est-il inscrit que cette commission sera placée sous l’autorité de l’État ? Il n’est précisé nulle part par qui elle sera présidée !

Bien que je sois plutôt enclin à vous faire confiance, je préfère tout de même maintenir mon amendement. Nous verrons ainsi comment nous nous départagerons, après ce détour par le Périgord et la Dordogne !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Comprenant tout à fait que notre collègue souhaite avoir des précisions, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer que la présidence de la commission de médiation sera bien confiée à un haut fonctionnaire ? Au demeurant, nous reviendrons sur cette question tout à l’heure, lors de l’examen d’un amendement déposé par le Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je veux bien, pour faire avancer le débat, prendre l’engagement, au nom du Gouvernement, que cette commission, quelle que soit, je le répète, l’appellation qui sera finalement retenue, sera présidée par un haut fonctionnaire et non par une haute personnalité. Cette précision figurera dans le décret.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je vous donne acte, monsieur le ministre, de votre engagement, et je retire donc cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 139 est retiré.

L’amendement n° 648, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Compléter cet alinéa par les mots :

après avis des interprofessions concernées

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, nombre d’entre vous, appartenant notamment au groupe de l’Union centriste, ont fait part de leur préoccupation au sujet de la médiation dont il vient d’être question. Ils s’inquiètent de ce qu’elle puisse être mise en œuvre sans l’avis des interprofessions concernées.

Jugeant cette remarque pertinente, le Gouvernement propose d’ajouter, à la fin de l’alinéa 20, les mots « après avis des interprofessions concernées », afin que la médiation puisse bien associer les professionnels à la discussion.

Si cet amendement était adopté, nous proposerions, dans le cours de la discussion, de supprimer l’alinéa 6 de l’article 7, qui prévoit de confier aux organisations professionnelles un éventuel rôle de médiation.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Le sous-amendement n° 679, présenté par M. Dubois et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1 de l’amendement n° 648

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

I. - Alinéa 20

Remplacer les mots :

une commission de médiation dont la composition et

par les mots :

un médiateur dont

La parole est à M. Daniel Dubois.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Nous avons toujours considéré que le contrat présentait des avantages et une amélioration sensible apportée à la commercialisation des produits. Nous estimons toutefois que l’on peut encore aller plus loin. Il nous paraît en effet essentiel, lors de la conclusion d’un contrat entre des parties qui n’ont ni la même force, ni la même organisation, ni les mêmes moyens, ni, parfois, les mêmes objectifs, qu’un médiateur puisse intervenir, plutôt que de risquer d’aller jusqu’à la rupture qui ferait exploser le contrat en vol.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous proposons de sous-amender l’amendement n° 648, pour revenir quasiment au texte initial. Il s’agit, à l’alinéa 20, de remplacer les mots « une commission de médiation dont la composition et » par les mots « un médiateur dont ».

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Nous sommes favorables à ce que la commission de médiation soit remplacée par un médiateur. Au travers de ce sous-amendement, l’objectif du groupe de l’Union centriste et en particulier de Daniel Dubois est de renforcer le rôle de la médiation, ce qui nous paraît tout à fait opportun.

Je précise toutefois, afin qu’il ne subsiste aucune ambiguïté dans l’esprit des membres du groupe socialiste, que ce médiateur sera un haut fonctionnaire.

La discussion nous a donc permis de progresser, puisque nous serons passés d’une commission de médiation sans définition précise à un médiateur haut fonctionnaire chargé de résoudre les difficultés éventuelles lors de la conclusion des contrats.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

M. le ministre vient d’expliquer la différence fondamentale existant entre une commission de médiation et un médiateur. Ce dernier interviendra facultativement, à la demande des parties, pour aplanir les difficultés susceptibles de survenir.

Aussi, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 648 du Gouvernement, ainsi que sur le sous-amendement n° 679, qui vise à préciser fort opportunément le rôle que nous entendons faire jouer aux interprofessions.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 679.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Ainsi, d’une commission de médiation on passe à un médiateur !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Or l’une et l’autre obéissent à des logiques totalement différentes.

Monsieur le ministre, vous soutenez d’abord l’idée d’une commission de médiation, paritaire et placée sous l’autorité de l’État. Puis vous acceptez le principe d’un médiateur, qui, lui, sera nommé. Cela change le sens de la réponse que vous m’avez faite tout à l’heure : comment ce dernier réussira-t-il à faire la parité à lui tout seul ?

Il est pour le moins curieux de remplacer une commission de médiation par un médiateur.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Si tant est que j’aie bien saisi le sens de votre observation, monsieur le sénateur, il me semble que l’objet du sous-amendement n° 679 répond à votre préoccupation.

Le médiateur sera un haut fonctionnaire, c’est-à-dire un représentant de l’État. C’est la garantie que l’intérêt général et l’équilibre entre les parties seront préservés.

Par ailleurs, si l’amendement du Gouvernement est adopté, le médiateur ne pourra être saisi qu’après avis des interprofessions concernées. Aussi, celles-ci conservent toute leur place, en dépit du remplacement de la commission de médiation par un médiateur.

Enfin, le mot « médiateur » est un terme générique pour désigner une autorité publique. Voilà qui est conforme à notre engagement. Évidemment, cette personnalité ne travaillera pas isolément. Lorsqu’il était médiateur du crédit, René Ricol s’était adjoint les services d’une vingtaine de personnes au moins pour s’acquitter de son immense tâche. Pour autant, il a toujours été question d’un « médiateur du crédit », et non d’une « commission de médiation du crédit ».

Ce qui me paraît indispensable, c’est qu’un arbitre puisse, sous l’autorité des pouvoirs publics, intervenir au cas où la négociation des contrats entre les parties ne se déroulerait pas bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

L’objectif, finalement, c’est de tendre vers une plus grande efficacité et une plus grande réactivité. Tous ceux qui ont négocié des contrats savent pertinemment que, pendant la phase de discussion, des blocages peuvent survenir, blocages qui sont parfois synonymes d’échecs, surtout quand les parties ne jouissent pas d’une influence identique.

Maintenir la commission de médiation signifierait que, en cas de blocage, il faudrait engager une nouvelle négociation pour permettre la signature, dans de bonnes conditions, des contrats, et ce dans un contexte de marché sans doute difficile.

Acteur unique, le médiateur sera donc un facilitateur, un gage d’efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

A contrario, avant de réunir, éventuellement, la commission de concertation, il aurait été nécessaire de s’interroger préalablement sur le bien-fondé de cette démarche et, le cas échéant, sur la disponibilité de tous ses membres.

En sa qualité de haut fonctionnaire de la République, le médiateur apportera la garantie que les contrats entre les parties seront négociés et conclus en toute équité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Je suis également quelque peu surpris par un tel revirement, puisque la création de cette commission de médiation était une promesse.

Je n’ai aucunement l’intention de rendre les choses plus complexes, mais ne pourrait-on envisager qu’en cas de désaccord persistant entre les parties, y compris après l’intervention d’un médiateur, une commission paritaire tranche définitivement ? Je suis gêné que l’on supprime ainsi un mode de gestion démocratique des contrats.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Cette partie de ping-pong ne manque pas d’être quelque peu surprenante. Voilà quelques minutes, M. le ministre avalisait le principe de la commission de médiation, présidée par une personnalité présentant, nous assurait-il, toutes les garanties nécessaires. Immédiatement après, cette commission est remplacée par un médiateur !

Notre collègue Daniel Dubois nous assure que celui-ci permettra, comme son nom l’indique, d’ouvrir des négociations dès qu’une situation de blocage apparaîtra. Il n’est pas dans mes propos d’émettre un jugement de valeur sur le médiateur et sa mission, mais je déplore, au nom du groupe socialiste, que la commission de concertation, dont nous avons débattu en détail tout à l’heure, soit supprimée, comme par artifice, au profit d’un médiateur. On ne parle pas de la même chose.

Aussi, j’aimerais que le Gouvernement nous indique clairement sa position.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Monsieur Mirassou, soit vous considérez que le débat nous permet de progresser dans notre réflexion, soit vous vous contentez de vous prononcer sur les dispositions soumises à votre vote.

Ce projet de loi a l’immense intérêt de susciter, sur des questions essentielles, des débats de fond qui nous permettent de progresser. Je vous renvoie, par exemple, au vote de l’amendement n° 261 de M. Le Cam visant à interdire le retour au producteur des produits acceptés par l’acheteur lors de la livraison.

Je n’ai qu’un seul souhait : que la médiation soit la plus efficace possible.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Une majorité s’est dégagée, estimant que cet objectif ne pourrait être atteint qu’à la condition que cette médiation soit placée sous l’autorité des pouvoirs publics, ainsi que l’ont demandé, d’ailleurs, les syndicats agricoles. Cette solution n’allait pas forcément de soi : je signale que des médiations issues d’initiatives privées remplissent parfaitement leur rôle.

Ensuite, la question s’est posée du choix entre un médiateur et une commission de médiation. Le groupe de l’Union centriste, par la voix de Daniel Dubois, s’est prononcé en faveur d’un médiateur clairement identifié, considérant, non sans raison, que cette solution présentait l’avantage de personnaliser davantage la médiation.

Conformément à notre engagement, ce médiateur sera un haut fonctionnaire, représentant des pouvoirs publics. Ainsi, en cas de litige entre les industriels et les producteurs, il tranchera en respectant strictement l’intérêt général, et non en privilégiant tel ou tel intérêt particulier.

Ces garanties répondent, me semble-t-il, aux exigences que vous avez posées, les uns et les autres.

Le sous-amendement est adopté.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 487, présenté par M. Marc, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, Fichet, S. Larcher, Lise, Madec, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 22,

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la vente d’un produit doit faire l’objet d’un contrat écrit en application du présent article, tout contrat doit comprendre, le cas échéant, les clauses rendues obligatoires par décret. Ces clauses déterminées par décret peuvent être complétées par un guide des bonnes pratiques contractuelles, à caractère volontaire et ne pouvant faire l’objet d’une extension, élaboré par filière au sein des interprofessions. Ce guide ne peut en aucun cas comprendre des dispositions de nature à placer le producteur en état de dépendance, ou dans un quelconque lien de subordination, vis-à-vis de l’acheteur.

La parole est à M. François Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Nous souhaitons aller au-delà des simples contrats types en permettant aux interprofessions d’établir, en complément, des guides de bonnes pratiques contractuelles.

Cet amendement vise à préserver au maximum le pouvoir de décision économique des producteurs et à éviter les « dérives intégratives », comme l’illustre, en particulier en Bretagne, le secteur de la volaille.

Le mécanisme est le suivant : intégrés à la politique des abatteurs, qui sont également marchands d’aliments, les éleveurs de volailles de chair signent des contrats annuels avec leurs donneurs d’ordres. En échange d’un prix fixé à l’avance pour chaque kilogramme de viande en poids vif, l’éleveur prend à sa charge le coût du bâtiment et de l’énergie, les frais vétérinaires et les risques de pertes par mortalité. Or, au fil des ans, ces contrats sont devenus de moins en moins rémunérateurs.

En sept ans, la production de volailles de chair a diminué de 25 % en Bretagne. Une étude officielle annonce d’ailleurs que cette tendance va se poursuivre.

Dans leur rapport, Gérard César et Charles Revet l’indiquent clairement : « Le bilan des contrats d’intégration dans le secteur de la volaille n’est pas jugé positivement : si cette technique a permis à l’industrie de sécuriser ses approvisionnements, les producteurs estiment cependant y avoir perdu leur liberté économique, sans pour autant y gagner de meilleurs prix. »

À la lumière de cet exemple particulièrement instructif, nous proposons de rendre possibles des adaptations territoriales des contrats et, bien entendu, de préserver le pouvoir de négociation.

Le système interprofessionnel peut parfois fonctionner dans des conditions déséquilibrées. Pour trouver les moyens d’y remédier, il est nécessaire de s’appuyer sur l’expérience du passé en optant pour une solution de nature à satisfaire les interprofessions. Dès lors que les clauses sont connues, la définition claire de bonnes pratiques contractuelles susceptibles d’être adaptées localement pour tenir compte des pratiques professionnelles régionales permettra d’offrir des conditions plus satisfaisantes aux interprofessions.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Par son amendement, notre collègue propose d’accompagner les contrats par des guides de bonnes pratiques contractuelles.

Les accords interprofessionnels peuvent prévoir de tels documents. Par ailleurs, pour les contrats imposés par décret, une circulaire précisera certainement l’interprétation devant être faite de celui-ci.

Dans la mesure où il n’est pas très utile de prévoir une telle adjonction dans la loi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Je précise à l’intention de M. Marc que nous sommes totalement opposés au modèle d’intégration, dont les contrats se différencient radicalement. D’ailleurs, nous avons pris toutes les dispositions pour éviter que les circulaires d’application ne fassent référence à ce modèle d’intégration.

Cet amendement me gêne, car, au fond, il sous-tend l’idée que, dans un premier temps, il faut faire confiance aux interprofessions en les laissant autonomes, cependant que, dans un second temps, l’État peut être amené à intervenir si elles ne parviennent pas à s’accorder sur un modèle de contrat. Cela revient à dire que, puisque l’on ne fait pas vraiment confiance aux interprofessions, on va leur imposer des règles dans l’élaboration de ces contrats.

Il me paraît difficile de reprendre d’une main ce qu’on a donné de l’autre. Les interprofessions ayant établi un guide de bonnes pratiques prennent leurs décisions à l’unanimité. Cela signifie que le collège des producteurs aura, de toute façon, son mot à dire. Aussi, ou bien l’on fait confiance aux interprofessions pour s’accorder sur un contrat – c’est ce qui est proposé par le texte –, ou bien on ne leur fait pas confiance et on leur impose d’emblée un modèle de contrat.

L’adoption de cette dernière solution conduirait à revenir sur ce que vous avez vous-même proposé.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le ministre, je ne peux qu’écarter vos objections, car, contrairement à ce que vous dites, il n’est nullement dans notre intention d’imposer, de façon arbitraire ou autoritaire, un modèle de contrat.

Notre amendement prévoit simplement la possibilité de compléter les clauses de ce contrat par « un guide de bonnes pratiques contractuelles, à caractère volontaire et ne pouvant faire l’objet d’une extension, élaboré par filière au sein des interprofessions ». Notre objectif est d’offrir aux producteurs une protection supplémentaire qu’eux-mêmes réclament. Nourries de leur expérience dans les régions, les interprofessions demandent aujourd’hui qu’on aille au-delà de ces contrats types et qu’on leur offre la possibilité, de manière volontaire, de recourir à un guide de bonnes pratiques contractuelles.

Cet amendement a donc tout son sens, et j’invite mes collègues à le voter.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 676, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 26

Supprimer les mots :

de la direction générale

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 508 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Alduy, Hérisson, Juilhard, Amoudry, J. Blanc, Carle et Bailly, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions de la section 2 du chapitre Ier du titre III du livre VI du code rural et de la pêche maritime s’appliquent également aux organisations de producteurs visées au 4° de l’article L. 551-1.

La parole est à M. Pierre Jarlier.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Cet amendement vise à ouvrir le dispositif de contractualisation aux organisations de producteurs à vocation commerciale.

Le projet de loi tend à développer la contractualisation, afin de stabiliser les prix et d’assurer aux producteurs une meilleure visibilité sur leurs débouchés. Ce dispositif aura un effet réellement positif si, au lieu de se limiter à la relation entre producteurs et premiers metteurs en marché, il s’applique à l’ensemble des opérateurs intervenant tout au long de la chaîne.

Dans les filières dites « longues », les producteurs ne sont pas directement confrontés à la transformation et au commerce ; ils se regroupent au sein d’organisations de producteurs. C’est précisément entre ces organisations et leurs acheteurs que la nouvelle politique envisagée pourra le mieux déployer son efficacité et rétablir une certaine équité.

C’est pourquoi nous proposons que l’obligation de conclure des contrats soit étendue aux relations entre les organisations de producteurs à vocation commerciale et leurs acheteurs.

Il paraît en effet important de conforter les capacités de négociations des organisations de producteurs pour permettre aux agriculteurs de peser collectivement dans les discussions commerciales. Je pense, en particulier, aux professionnels qui unissent leurs moyens pour améliorer leur production et rencontrent des conditions très différentes selon les territoires, notamment en montagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Monsieur Jarlier, votre amendement me paraît satisfait par la rédaction actuelle de l’article 3, qui précise : « La conclusion de contrats de vente écrits entre producteurs et acheteurs, ou entre opérateurs économiques visés au premier alinéa de l’article L. 551-1, propriétaires de la marchandise, et acheteurs, peut être rendue obligatoire […] »

Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je propose également à M. Jarlier de retirer son amendement, dans la mesure où la nouvelle rédaction de l’article 3 répond à sa demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jean Boyer, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Puisque l’amendement est satisfait, nous le sommes également ! Il s’agissait de répondre en particulier à l’aspiration des professionnels des filières bovines et ovines. En effet, les éleveurs étaient jusqu’ici quelque peu livrés à eux-mêmes et aspiraient à la mise en place d’une chaîne de commercialisation allant du petit producteur à l’abatteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur Jarlier, l’amendement n° 508 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Si la contractualisation avec les organisations de producteurs à vocation commerciale est effectivement possible, j’accepte de retirer mon amendement, puisqu’il est satisfait.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 508 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote sur l’article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais préciser notre position à l’égard de l’article 3, car nous abordons là le fond du problème, si je puis m’exprimer ainsi. Comme l’a si bien dit mon collègue Paul Raoult, on y trouve un certain nombre d’éléments qui soulignent combien nous pouvons parfois avoir une vision différente de l’agriculture.

Depuis le début des débats, nous n’avons cessé de défendre une régulation publique de l’offre au niveau européen, en insistant sur l’importance de prendre en compte la volonté plus ou moins forte des États de mettre en place les moyens humains et financiers nécessaires. Il convient de faire en sorte que le modèle agricole puisse se perpétuer, comme cela a été le cas en France.

Nous voulons une agriculture forte, performante si ce n’est compétitive, « écoproductive », une agriculture rémunératrice, plus juste, plus équitable, une agriculture pourvoyeuse d’emplois tout en garantissant des systèmes de production variés, une agriculture aménageuse du territoire.

Tel a été le discours que nous avons répété, comme un leitmotiv, tout au long de la défense de nos différents amendements.

Chacun l’a reconnu, les contrats peuvent avoir leur utilité : ils constituent parfois des garde-fous nécessaires contre certaines pratiques, notamment dans le cadre des coopératives ; il y a eu ainsi de très bons contrats, à l’image des CTE, permettant de prendre en compte l’ensemble des problèmes agricoles.

Toutefois, une contractualisation trop vague et limitée aux relations économiques entre producteurs et acheteurs peut, si l’on n’y prend garde, se révéler dangereuse.

Le dernier amendement dont nous avons débattu illustre bien les inquiétudes des agriculteurs. En effet, comment leur assurer que nous sommes contre tout ce qui pourrait les placer dans un état de dépendance ou de subordination vis-à-vis l’acheteur ?

On nous dit que ces contrats sont à même de garantir des prix plancher, alors même que le texte de loi ne fait référence qu’à des clauses relatives aux critères et modalités de détermination des prix. Vous avez d’ailleurs fait porter la responsabilité de cette faille à l’Europe, monsieur le ministre.

On nous dit également que les organisations professionnelles pourront demander l’application du principe de prix plancher. Il en va de même pour la durée minimale, qui peut varier selon les filières.

La médiation de la puissance publique est absolument nécessaire et les dispositions du texte de loi sont à cet égard insuffisantes. L’absence de reconnaissance expresse du droit à une rémunération équitable, à défaut de garantir les revenus, constitue la principale faiblesse de cet article.

Nous avons déposé des amendements, trop vagues pour certains, visant à garantir un niveau de rémunération décent. Nous avons proposé des contrats respectant le principe de juste rémunération des producteurs et de transparence dans la fixation des prix. Nous avons même demandé, toujours sans succès, que ces derniers soient au moins égaux aux coûts de production incluant la rémunération du travail.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut pas se contenter de dire que la profession agricole serait la seule autorisée dans notre pays à vendre à perte !

C’est pourquoi, malgré la qualité de nos débats et les tentatives honorables de l’ensemble des membres de cette assemblée, nous sommes au regret de voter contre cet article.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

L’ensemble des mesures que nous souhaitons prendre dans ce domaine ne sauraient être réunies dans un article relatif à la contractualisation.

Je rappelle que, aux termes de l’alinéa 23 de l’article 3 et grâce à l’insistance du Gouvernement, ces dispositions sont d’ordre public. Ainsi, en cas de violation des dispositions relatives à ces contrats, même si le contrat est imparfait, celles-ci seront simplement réputées non écrites.

Une telle précision démontre, une fois encore, notre bonne volonté à tous de faire aboutir cette tentative de contractualisation. Si celle-ci n’a pas la prétention d’atteindre dès aujourd’hui la perfection, elle jouera son rôle dans le cadre de l’interprofession.

Ces contrats vont devoir vivre. Comme chacun le sait, le contrat est la loi des parties, la tâche du législateur se limitant à l’encadrer le plus consciencieusement possible. Il faut espérer que l’interprofession interviendra pour améliorer encore le texte voté par le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Au cours de ce débat relatif à la rémunération des producteurs dans notre pays, nous avons insuffisamment souligné l’inutilité d’une perpétuelle chasse aux bas prix dans le domaine alimentaire.

En effet, le budget affecté à l’alimentation par les ménages se réduit, tandis que d’importants efforts ont été consentis sur le plan qualitatif. Avoir à disposition de façon permanente des produits alimentaires de qualité a un prix. La recherche aveugle de la baisse des prix n’est pas souhaitable. Je tenais à souligner cet aspect du débat.

Par ailleurs, monsieur le ministre, nous sommes quelques collègues à vouloir obtenir une précision au sujet de la coopération. Nous sommes tous ici, me semble-t-il, favorables à des coopératives vivantes. Pour les producteurs qui s’engagent dans cette voie, les contrats sont actuellement de cinq ans, reconductibles en cas de non-dénonciation dans les six mois précédents.

Comment cela se passera-t-il pour ces producteurs ? Une coopérative peut-elle garantir un prix pour les cinq ans à venir à ses coopérateurs ? Le texte de loi ne répond pas à ces questions.

Il existe dans ma région beaucoup de coopératives laitières, qui regroupent la plupart des producteurs. Vu le hochement de tête de certains de mes collègues, je vois que la question est partagée !

Comment s’appliquera le texte que nous votons à cet instant pour les producteurs faisant partie de coopératives ? Ce point mérite d’être clarifié, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Cet article 3 est essentiel, même s’il n’a pas la prétention de tout régler. Je souhaiterais revenir sur l’exemple que donnait mon collègue du Finistère, François Marc, il y a quelques instants, au sujet de l’intégration, car il est tout à fait révélateur des conséquences concrètes de la contractualisation.

En effet, les intégrateurs parviennent généralement à maintenir la rémunération des producteurs à son strict minimum, de sorte qu’aucun bénéfice n’est possible. Quand la situation se dégrade, certains producteurs « passent à la trappe » ! Telle est la réalité du terrain.

Les intégrateurs n’acceptent jamais de donner le centime d’euro manquant par œuf de poule produit, les vingt centimes par kilogramme de porc produit, ou encore les cinquante euros par tonne de lait produite.

Pourtant, ces quelques euros ne ruineraient personne. Ils pourraient être partagés et appréhendés de façon globale, puisqu’il est difficile de connaître avec exactitude les marges réalisées par les transformateurs et la grande distribution. Peut-être faudra-t-il s’attaquer directement à ce système de marge globale et décider d’en reverser, d’une manière ou d’une autre, une partie aux producteurs. C’est en tout cas l’un des moyens envisageables pour améliorer nettement leur situation.

Je reste dubitatif quant au succès de cette contractualisation. Pourtant, nous sommes unanimes dans cette assemblée à souhaiter que, demain, les agriculteurs vivent mieux du produit de leur travail.

J’irai même plus loin. Je l’ai déjà dit, les producteurs ne peuvent se contenter d’un revenu correct ; ils doivent gagner très bien leur vie ! En effet, la société, et c’est normal, a beaucoup d’exigences à leur égard, mais ils n’ont pas toujours les moyens de satisfaire ces exigences, alors qu’elles sont aussi importantes pour eux-mêmes.

Je reconnais, monsieur le ministre, que vous êtes un homme d’écoute. Nous avons d’ailleurs pu faire passer un amendement intéressant sur le non-retour des denrées, et je vous en remercie.

Mais nous ne voterons pas cet article 3, qui nous paraît insuffisamment efficace pour le bien-être des producteurs de demain.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Monsieur le ministre, mes chers collègues, un consensus se dégage au sein de la Haute Assemblée pour reconnaître non seulement le bien-fondé de la contractualisation, mais également l’importance du rôle de l’interprofession. Pourquoi ne pas donner à cette dernière la priorité d’action, en réservant le soin à l’État d’intervenir en cas de problème ?

Cela étant, les modalités de fonctionnement prévues ne corrigent pas fondamentalement le déséquilibre structurel constaté entre les producteurs et l’aval de la chaîne de production.

En témoigne notamment le refus d’inscrire le principe d’une rémunération décente des producteurs, qui me semble pourtant essentiel.

En témoigne également la simple référence de bon sens à l’Observatoire des prix et des marges pour donner des indications lors de la discussion sur la fixation du prix.

En dépit des bonnes intentions affichées, je constate que les dispositions de ce projet de loi sont toujours notoirement insuffisantes. Je crains que les producteurs agricoles ne restent sur leur faim et que les prix continuent d’être fixés dans des conditions qui leur sont défavorables.

M. Roger Romani remplace Mme Catherine Tasca au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Malgré l’excellent travail du rapporteur, de la commission de l’économie et de son président, malgré le remarquable pouvoir de conviction du ministre, qui ne cesse d’apaiser nos inquiétudes et de nous démontrer la pertinence de son texte – ce dont je ne doute pas –, je ne voudrais pas me bercer d’illusions sur l’efficacité de ces contrats. Ils sont sans aucun doute utiles, et je ne néglige pas ce qu’ils pourraient apporter à l’ensemble de la profession agricole.

Toutefois, nous savons bien que les décisions importantes se prendront non pas dans l’Hexagone, mais au niveau européen. C’est pourquoi je crois davantage à l’action que mène le ministre auprès des différents pays partenaires de la France pour promouvoir une véritable politique des prix permettant aux agriculteurs de vivre réellement de leur production, plutôt que de la solidarité nationale.

De surcroît, les procédures d’octroi d’aides publiques s’accompagnent souvent de tracas administratifs qui vont croissant avec le temps, le Grenelle n’étant pas de nature à les alléger. Pour pouvoir bénéficier de ces aides, les agriculteurs doivent répondre à des tas de conditions qui se cumulent. Entre la PAC de 1993 et celle de 2010, les contraintes sont devenues de plus en plus lourdes et, lorsqu’on y ajoute le poids des normes, cela devient insupportable.

Le contrat va-t-il régler tous les problèmes ? Il constitue certainement une réponse pour les circuits courts. Mais, pour les circuits longs, je m’interroge, avec Gérard Bailly : quelles retombées les grandes productions, notamment céréalières, oléagineuses ou protéagineuses, peuvent-elles attendre des contrats qui seront signés ? Je ne vois pas une coopérative ou un négociant en grains signer un contrat individuel avec chaque agriculteur pour lui garantir un prix minimum lui permettant de vivre de sa production. Si tel est le cas, pourquoi pas ? Mais, en bon paysan, j’attends de voir concrètement les résultats !

Je mesure toutefois la difficulté de la tâche du ministre et j’apporte, bien entendu, mon soutien au Gouvernement. Je voterai donc cet article 3, mais je ne me fais pas trop d’illusions, car seul un arsenal de mesures permettra selon moi de faire un pas en avant et de rassurer quelque peu notre profession.

Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Cet article 3, bien que très important, ne constitue que l’une des solutions avancées dans ce texte pour répondre aux problèmes actuels de notre agriculture.

Je voterai bien évidemment cet article. La contractualisation représente une certaine sécurité pour nos agriculteurs, notamment dans la production betteravière et sucrière.

Mais n’oublions pas qu’un contrat comprend toujours deux parties. En ce qui concerne la coopération, je suis un peu moins inquiet que mon collègue et ami Gérard Bailly. En tant que professionnel de l’agriculture, j’ai toujours fourni mes productions au système coopératif, et il existe une sorte d’engagement entre la coopérative et l’agriculteur qui en est adhérent. Mais, comme dans d’autres secteurs, on évolue désormais au sein d’un système économique ouvert et mondialisé.

Monsieur le ministre, il nous faudra donc affiner notre réflexion : une certaine sécurité doit être assurée au producteur, mais elle ne doit pas se retourner contre lui, ce qui pourrait être le cas avec un dispositif trop contraignant.

Le système de contractualisation est indispensable aujourd’hui, mais il doit réellement bénéficier aux deux acteurs que sont le producteur et le transformateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Marcel Deneux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je partage nombre des observations qui viennent d’être formulées, mais, à l’occasion de ce débat, je voudrais rappeler quelques principes en matière de revenu agricole.

Quelle que soit la conjoncture, sur une longue période, il n’y a pas de revenu agricole dans des marchés qui ne sont pas organisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

Je prétends que nous devons toujours nous efforcer de convaincre nos amis européens de la pertinence de ce principe, malgré leurs réticences, qui sont réelles. En cela, il se peut que nous divergions légèrement sur la méthode, monsieur le ministre.

Le problème n’est d’ailleurs pas propre au monde agricole. Les vrais libéraux savent toujours maîtriser le volume de production, par exemple en recourant au chômage technique lorsqu’il y a trop d’automobiles sur le marché. Pour ma part, je ne peux pas empêcher mes vaches de produire ! Nous devons donc nous mettre en situation de maîtriser la production.

Or la maîtrise par le marché n’est pas efficace : non seulement celui-ci s’exonère des questions d’ordre moral, mais en outre, dans des pays qui ne souffrent pas de la faim, il est incapable d’augmenter le volume de consommation. Il faut s’en convaincre une bonne fois pour toutes.

Cela étant dit, je voterai l’article 3. Même s’il reste perfectible, il représente une avancée législative, et la situation sera sans doute meilleure après qu’avant.

Nous devons toutefois continuer à nous battre en Europe, car il n’y a d’avenir pour le revenu agricole qu’au sein d’un marché européen organisé, qui pourrait peut-être aller jusqu’à l’autosuffisance renforcée et la préférence communautaire que nous avions à six. C’était une autre époque, bien sûr, mais l’Europe ne doit pas avoir peur de conserver un pouvoir d’organisation dans le monde actuel.

Je me réjouis de votre avis favorable sur le sous-amendement n° 679 relatif au médiateur, monsieur le ministre. À nos collègues qui ont émis des doutes, je rappelle qu’en 1972, après vingt-quatre heures de négociation lors de la grève du lait à Rennes, l’intervention d’un haut fonctionnaire faisant office de médiateur public fut déterminante. En ce sens, nous avions créé un précédent.

En conclusion, continuez, monsieur le ministre, vous allez dans le bon sens. Nous voterons cet article, même si nous restons un peu sur notre faim.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Une fois encore, je me retrouve assez largement dans les propos de M. Deneux.

En revanche, je ne crois absolument pas à ce que vous proposez, monsieur le ministre. Cela supposerait que l’agriculture française soit complètement tournée vers les marchés mondiaux et qu’elle s’aligne sur les prix de ces marchés. Ce n’est pas possible, nous allons à la catastrophe !

Il faut définir précisément le rôle de l’agriculture française et européenne à l’époque actuelle : si l’objectif est de partir à la conquête des marchés mondiaux, on pourra toujours courir après ceux qui ont des prix très inférieurs aux nôtres.

C’est donc la philosophie de la politique agricole européenne que nous contestons fondamentalement. Le rôle de l’agriculture européenne est de nourrir la population, en appliquant la préférence communautaire. Au lieu d’aller acheter du soja américain pour nourrir nos bêtes, nous ferions mieux de nous fournir auprès de nos propres agriculteurs.

Les conditions du marché mondial font que notre agriculture, j’y insiste, doit d’abord servir à nourrir notre population. Nous devons rétablir une stricte préférence communautaire. En effet, quel pays applique réellement les règles de la libre concurrence aujourd’hui ? Dans le domaine agricole, personne n’est plus protectionniste que les États-Unis, le Japon ou le Brésil ! L’Europe est finalement la seule à ouvrir grand les portes, tout en déplorant que ses agriculteurs ne puissent pas vivre décemment.

On peut faire des contrats, ici ou là, avec les agriculteurs que l’on aura réussi, après moult efforts, à rassembler dans les interprofessions, quand beaucoup d’autres refuseront une telle démarche, et négocier avec des industriels ou des centrales d’achat. De toute façon, ces derniers resteront les plus puissants et imposeront leurs diktats, quelles que soient les lois que nous voterons.

Votre texte est sans doute plein de bonne volonté, et l’on peut faire semblant d’y croire. Mais, fondamentalement, il ne changera pas la donne en termes de fixation des prix, il ne permettra pas aux agriculteurs de vivre de leur production. Il faut donc redéfinir la philosophie de notre politique agricole européenne, pour que nos agriculteurs puissent vivre en nourrissant la population européenne !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Monsieur le ministre, mes chers collègues, tout a été dit. Il faut donner à l’article 3 les moyens de son efficacité. Le projet de loi s’y emploie, mais, pour répondre à Marcel Deneux et Gérard Bailly, le dispositif ne fonctionnera que si les producteurs savent se regrouper de leur côté. Il incombe au syndicalisme agricole dans son ensemble de prendre les choses en main et d’organiser la production.

Vous avez évoqué la coopérative, monsieur Bailly : elle constitue le prolongement de l’exploitation. Le coopérateur s’engage en effet à céder à cette dernière l’intégralité de sa production, et à ne pas concurrencer sa propre coopérative.

Les organisations de producteurs comme les coopératives ont leur rôle à jouer dans les interprofessions, à condition, nous l’avons dit en commission, de trouver un accord sur l’attribution de places réservées aux représentants des producteurs.

Une chose est sûre : il n’y aura pas d’interprofession efficace sans bonne organisation des producteurs.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d’abord vous remercier de la qualité du débat que nous avons eu sur cet article effectivement fondamental. J’estime que nous avons bien fait progresser le sujet et surtout amélioré la rédaction de l’article 3 pour mettre un instrument solide à la disposition de tous les producteurs agricoles en France ; et je rejoins M. Deneux sur ce point.

Je formulerai quatre remarques.

Premièrement, il existe deux types de loi : des lois de discours et des lois de responsabilité.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Certes, monsieur Raoult, on peut se faire plaisir, faire des lois de discours et reprendre vos propos en disant : « Il faut des prix rémunérateurs, il faut couvrir les coûts de production, il faut impérativement échapper à la concurrence internationale, il faut protéger le revenu de nos producteurs. »

Mais mieux vaut une loi de responsabilité. Cela consiste à donner aux agriculteurs des instruments concrets et à avoir le courage de les assumer. Entre, d’une part, la suppression des quotas programmée pour 2015 et décidée par l’Union européenne en 1999, sous un ministre de l’agriculture socialiste, qui avait courageusement, mais vainement, défendu leur maintien, et, d’autre part, la libéralisation totale qui nous attend, nous avons su, nous et notre majorité, mettre de nouveaux outils à la disposition des agriculteurs. Et les contrats en font partie !

Approbations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je préfère assumer un tel choix plutôt que de laisser nos agriculteurs au milieu du vide qui les attend.

Deuxièmement, je pose la question : quelle est aujourd’hui la situation des producteurs dans notre pays ?

Dans le domaine du lait, seuls 20 % des producteurs ont des contrats écrits. Autrement dit, 80 % ne savent pas combien ils vont toucher à la fin du mois, alors qu’ils réalisent de lourds investissements, pouvant aller de 80 000 euros à 200 000 euros, et remboursent jusqu’à 5 000 euros par mois. Ils font peser sur leur famille des dettes considérables, sans savoir ce qu’ils gagneront dans six mois ou un an.

Nous, au moins, nous assumons notre position : avec nos contrats, ils sauront ce qu’ils percevront au bout d’un an et, dans le domaine du lait, je l’espère, au terme d’une période de cinq ans. C’est un vrai changement, que j’assume totalement ! §Je préfère que 100 % des producteurs aient un contrat grâce auquel ils sauront ce qu’ils gagneront au bout de cinq ans, même si nous ne sommes pas certains, en effet, que cela répondra exactement à leurs attentes, plutôt que de les laisser dans la situation inéquitable de dépendance et d’infériorité dans laquelle ils sont aujourd’hui face aux industriels et aux distributeurs.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Troisièmement, nous avons tenu à prendre en considération toutes les observations formulées sur les travées de cette assemblée.

Vous avez voulu le renforcement de l’interprofession : il a été voté par amendement.

Le groupe de l’Union centriste a proposé que le médiateur soit renforcé et défini comme tel dans le texte et le groupe socialiste a souhaité qu’il s’agisse d’un fonctionnaire : cela a été voté. Vous avez la certitude que les contrats seront conclus avec la possibilité d’une médiation des pouvoirs publics. Cela répond exactement, me semble-t-il, à la préoccupation qui a été manifestée.

Vous avez souhaité également avoir des indicateurs de tendance de marché pour la fixation des prix dans l’interprofession. Nous verrons dans le cours du texte que, là aussi, ce sera chose faite. Nous allons au maximum de nos possibilités, voire un peu au-delà de ce qui était prévu par l’Union européenne dans ce domaine.

Quatrièmement, comme je l’ai toujours dit, la régulation des marchés à l’échelle européenne est le complément indispensable de la mise en œuvre des contrats.

Un jour viendra peut-être où une modification du droit de la concurrence européen prévoira que les producteurs de lait, au lieu d’être 400, pourront être 4 000 pour négocier ensemble un contrat avec les industriels. C’est un sujet sur lequel je travaille matin, midi et soir, et nous aurons gain de cause, parce qu’il me paraît indispensable que les producteurs puissent se regrouper pour être en position de force face aux industriels. À l’évidence, un producteur de lait de Haute-Normandie ne pèsera jamais aussi lourd qu’un industriel comme Danone, Lactalis ou Bongrain. Or si les règles communautaires évoluent un jour en ce sens alors que vous n’avez pas voté les contrats, que se passera-t-il ?

Tous nos voisins européens auront, quant à eux, la possibilité de contractualiser parce qu’ils l’auront prévu dans leur législation. Nos producteurs ne pourront pas profiter de cette amélioration du droit de la concurrence européen, car nous n’aurons pas su nous montrer responsables en prévoyant l’avenir et en mettant de tels instruments à la disposition des producteurs de lait français.

Monsieur Deneux, la question se pose également pour la régulation européenne au niveau des volumes. Je partage entièrement votre sentiment, il n’y aura pas de prix rémunérateurs sans une bonne organisation des marchés, notamment sans une capacité à gérer les volumes.

La France demande – elle est pour l’instant l’un des seuls États européens à le faire – la création d’un Observatoire des volumes à l’échelon européen pour l’ensemble des filières de production, afin d’avoir un minimum d’indicateurs de tendance. Nous devons savoir où nous en sommes pour éviter les surproductions que nous avons connues dans le passé.

Nous continuerons à nous battre dans ce sens. Nous sommes résolus à œuvrer en faveur des interventions de marché et du maintien de stockages : la Commission européenne doit pouvoir, lorsque les cours s’effondrent, intervenir pour les faire remonter, comme nous l’avons demandé en novembre dernier et comme nous continuerons à le faire si pareille situation se reproduit un jour ou l’autre en raison de surproductions dans d’autres pays.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois sincèrement que nous avons tous fait ici du bon travail, que nous avons mis sur pied des instruments tout à fait nouveaux à la disposition des producteurs de toutes les filières de notre pays. Voilà qui leur permettra enfin d’avoir suffisamment de visibilité sur leurs revenus, alors qu’ils vivent aujourd’hui au jour le jour, subissant toutes sortes d’aléas.

Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je mets aux voix l’article 3, modifié.

Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Voici le résultat du scrutin n° 204 :

Le Sénat a adopté.

La parole est à M. le président de la commission de l’économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Mes chers collègues, je vous rappelle que la commission de l’économie se réunira à vingt et une heures trente pour poursuivre l’examen des amendements. Il en reste cent quarante !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de M. Guy Fischer.