Intervention de Claude Bérit-Débat

Réunion du 25 mai 2010 à 14h30
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 3

Photo de Claude Bérit-DébatClaude Bérit-Débat :

Nous avons jusqu’à présent débattu de la mise en place d’une politique publique de l’alimentation. Cet article 3 nous amène au cœur du sujet.

Cet article vise en effet à renforcer, voire à rendre obligatoire, la contractualisation des relations entre les producteurs et les acheteurs. Ces dispositions me paraissent fondamentales en ce qu’elles conditionnent l’avenir économique de nos agriculteurs.

Il n’est nullement besoin de faire état de la situation actuelle, tant elle est bien connue. En bref, les prix payés aux producteurs baissent constamment, tandis que le prix offert au consommateur augmente sans cesse. Il importe donc d’élaborer un canevas législatif assurant une juste rémunération aux producteurs.

Le titre II dans lequel s’inscrit l’article 3 vise à renforcer la compétitivité de l’agriculture française.

Avant même d’aborder la notion de compétitivité, nous devons nous interroger sur les notions élémentaires de justice et d’équité.

En effet, il est toujours possible d’accroître la compétitivité sans que cela soit économiquement viable pour les producteurs, ni humainement supportable. Mais comment admettre qu’une production agricole rapporte moins à un agriculteur que ce qu’elle lui coûte ? Qui accepterait de travailler pour perdre de l’argent ?

Il convient donc d’élaborer un texte assurant la conciliation de deux objectifs, l’équité de la rémunération du travail d’une part, la compétitivité économique d’autre part. La situation dramatique que connaissent nombre de nos agriculteurs nous impose de penser la LMA dans cette perspective.

La contractualisation doit reposer sur ces deux pieds que sont l’équité et la compétitivité, sans quoi elle risque de marcher sur la tête ! Nous devons toujours garder à l’esprit ces deux dimensions pour construire le modèle de croissance du monde agricole.

Loin d’être simplement une demande légitime des agriculteurs, c’est une exigence sociale au moins aussi importante que les contraintes économiques qui pèsent sur cette profession.

Ainsi, comme le souligne l’exposé des motifs, « le contrat doit être régulé par l’État pour accompagner une relation loyale et équilibrée au sein des filières agricoles ».

Cette idée de loyauté est en effet centrale. S’il en est fait mention dans l’exposé des motifs, c’est bien parce qu’un problème se pose. Ce problème, ce sont les contrats léonins que doivent accepter les producteurs. Pour cette raison, il nous appartient de moraliser et de rendre « loyales » ces relations au sein des filières agricoles.

La situation actuelle est proprement inique. Chacun est conscient et, je l’espère, convaincu, qu’il est nécessaire d’y mettre un terme. Force est de constater toutefois que le texte ne va pas assez loin dans ce sens.

La démarche est bonne, mais la conviction est-elle suffisante ? Cette question est légitime : un petit quelque chose semble faire défaut.

Ce petit quelque chose, c’est simplement la mention selon laquelle un producteur ne peut vendre sa production en dessous de son prix de revient. C’est l’idée selon laquelle les producteurs ont droit à une rémunération décente.

Nous nous sommes accordés, à l’occasion du titre I, sur la nécessité de reconnaître que l’accès à l’alimentation devait se faire dans des conditions économiquement acceptables par tous.

Dans le prolongement de cette idée, il nous semble indispensable, logique et juste de prévoir qu’un producteur a droit à un niveau de rémunération décent. Dire cela, ce n’est pas nier l’idée de compétitivité. Dire cela, c’est considérer que la compétitivité peut aussi avoir un visage humain.

Nous vous proposons donc, mes chers collègues, plusieurs amendements visant à donner corps à cette ambition.

Cela me semble indispensable si l’on veut effectivement répondre aux attentes des agriculteurs et leur offrir autre chose que de sombres perspectives d’avenir.

C’est pourquoi je vous invite, monsieur le ministre, à admettre le bien-fondé de nos amendements.

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