Intervention de Didier Guillaume

Réunion du 25 mai 2010 à 14h30
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 3

Photo de Didier GuillaumeDidier Guillaume :

Le Gouvernement a fait de cet article la « tête de gondole » de son projet de loi. La contractualisation y apparaît comme l’alpha et l’oméga de son ambition !

La contractualisation est censée sauver les producteurs et mettre fin tant aux prix indécents imposés par les acheteurs qu’à l’irresponsabilité des transformateurs en matière de péremption des produits. La position de faiblesse des producteurs face à leurs acheteurs ne serait alors plus qu’un vague souvenir !

C’est ainsi que nous est présenté ce texte. Toutefois, la réalité apparaît tout autre. Au demeurant, on a déjà pu constater des avancées notables entre le texte présenté par le Gouvernement et celui qui est issu de la commission.

Le consensus dégagé en commission pour donner à la contractualisation un cadre interprofessionnel, via l’extension ou l’homologation d’un accord interprofessionnel, constitue une évolution positive.

Le groupe socialiste a toujours été favorable à la contractualisation. Toutefois, celle-ci pourrait être envisagée sous un angle quelque peu différent. Comme cela a été dit sur tous les bancs, il s’agirait de permettre aux producteurs de vivre dignement de leur travail.

Si cette idée fait consensus, le texte, en l’état actuel, ne permettra pas malheureusement aux agriculteurs de vivre des fruits de leur travail.

C’est pourquoi nous souhaitons qu’il soit bien affirmé que, dans le cadre contractuel, le prix de vente ne pourra être inférieur au prix de revient de l’agriculteur. Or, je crains que ce ne soit pas la volonté du Gouvernement.

Nous avons souvent évoqué les contraintes nationales et européennes. Au risque de m’attirer les foudres ou les sourires de certains de nos collègues, je souhaiterais rappeler à votre mémoire une expérience réussie de contractualisation mise en place par l’un de vos prédécesseurs, celle des contrats territoriaux d’exploitation, les CTE.

Jamais autant de contrats n’avaient été signés jusqu’alors ! Certes, il s’en signe dix fois moins aujourd’hui qu’à l’époque. En effet, les CTE, devenus trop bureaucratiques, engendraient trop de paperasse ! Ils ont cependant assuré le redéploiement de l’agriculture et la valorisation de la multifonctionnalité, en même temps qu’ils permettaient à chaque agriculteur, comme le voulaient les ministres Le Pensec et Glavany, de vivre de son travail.

Tel n’est pas le cas aujourd’hui.

Que nous disent les agriculteurs ? D’après les arboriculteurs de mon département, il suffirait qu’on leur achète les abricots dix centimes de plus, et les pêches vingt centimes de plus, pour que cela soit rentable !

Monsieur le ministre, vous évoquiez récemment ces pommes d’Amérique du Sud, vendues sur le territoire national à un prix moins élevé que les pommes produites localement. Cela démontre, s’il était besoin, que la contractualisation est indispensable, mais également que ses contours doivent être plus clairement définis.

Cette contractualisation ne doit pas s’imposer aux producteurs et mettre ceux-ci devant le fait accompli sans qu’ils aient voix au chapitre. En l’absence d’une démarche partagée et volontaire, la contractualisation sera impuissante à assurer l’avenir et la survie de nos agriculteurs.

Si nous souhaitons suivre cette voie, nous sommes conscients que ce combat doit être mené au niveau européen.

La France doit peser dans les discussions. Il faudra faire preuve de volontarisme, comme le souligne fréquemment le Président de la République. Vous disiez pourtant tout à l’heure, monsieur le ministre, ne pas vouloir présenter de proposition aux instances européennes si vous deviez être battu. Nous vous encourageons au contraire à présenter des propositions au niveau européen et à vous assurer une majorité par des négociations volontaristes !

Vous soulignez souvent des divergences de points de vue entre la majorité et l’opposition, comme précédemment sur l’amendement de M. Le Cam. Mais l’avenir de l’agriculture, sa survie même, n’est affaire ni de droite ni de gauche. Au-delà de nos divergences, de notre volontarisme plus ou moins grand, il importe que la contractualisation soit ambitieuse, forte et appliquée sur tout le territoire.

C’est pourquoi le travail que vous devez accomplir au niveau européen pour réunir une majorité revêt une telle importance. Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer !

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