Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du 25 mai 2010 à 14h30
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 3

Bruno Le Maire, ministre :

Aucun élément d’encadrement et de régulation du marché n’est venu accompagner cette décision de supprimer toute gestion administrée de l’offre. C’est là que la France a joué un rôle absolument décisif, qu’elle entend d’ailleurs prolonger à travers les contrats prévus dans ce projet de loi.

Nous avons indiqué qu’il était hors de question de laisser le producteur seul face à un marché qui définirait l’équilibre naturel entre l’offre et la demande. C’est la situation que nous connaissons aujourd’hui, et dont vous êtes témoins dans vos départements, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsqu’un producteur de lait se trouve sans contrat, pieds et poings liés à un industriel qui fixe lui-même à la fin du mois un prix pour la tonne de lait qui lui a été livrée.

Ainsi, le producteur de lait investit 150 000, 200 000 ou 250 000 euros, ses mensualités s’élèvent à 4 000 ou 5 000 euros, mais il ne sait pas combien il va toucher à la fin du mois, parce que l’industriel décide souverainement !

Nous avons voulu mettre fin à cette situation, à ce rapport inéquitable entre producteurs et industriels. Je pense que, sur ce point-là, nous pouvons tous nous rejoindre.

Nous avons estimé nécessaire d’accompagner cette nouvelle relation par un contrat écrit. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’une idée du ministre de l’agriculture. Je constate que Jean Bizet, dans l’excellent rapport qu’il avait rédigé voilà deux ans, sur la question laitière en France, estimait déjà que les contrats étaient indispensables.

Je constate également que le COPA-COGECA, qui réunit tous les syndicats agricoles européens, a décidé, dans son dernier rapport, dont je vous lirai quelques extraits au cours du débat, que les contrats étaient nécessaires pour établir un équilibre dans les rapports de force qui opposent les producteurs et les industriels. Ces contrats écrits sont donc absolument indispensables.

Je voudrais également apporter quelques précisions à la suite des observations formulées notamment par Yannick Botrel, Claude Biwer ou Didier Guillaume.

Premièrement, nous avons entouré ces contrats d’un certain nombre de garanties, notamment grâce aux débats qui ont eu lieu en commission.

La création d’une commission de médiation, qui répond à l’inquiétude manifestée tout à l’heure par Yannick Botrel, devrait justement permettre de trouver une solution lorsque les industriels et les producteurs ne pourront pas se mettre d’accord. Le fait de demander à l’interprofession de négocier elle-même les contrats, comme la commission l’a proposé, est aussi une façon de trouver les contrats les plus justes possibles entre producteurs et industriels.

Deuxièmement, monsieur Botrel, je n’ai jamais prétendu que les contrats étaient la solution miraculeuse à la situation des producteurs en France. Il ne s’agit que d’une partie d’une politique globale de régulation au niveau européen. Je porte cette idée de la régulation depuis le premier jour – je l’affirme avec force –, et la France a été la seule à la porter depuis août 2009.

En quoi consiste cette idée de régulation, qui commence à faire du chemin ? À côté des contrats, il s’agit de développer à l’échelle européenne une politique de stocks, une politique d’intervention, avec les moyens financiers nécessaires, ainsi qu’une gestion des volumes, notamment à l’aide d’un Observatoire des volumes dont nous avons demandé la création. Je reconnais que ce dernier ne fait pas encore consensus, mais je me battrai pour sa création, car il me semble indispensable.

La modification du droit de la concurrence me paraît également indispensable pour renforcer le pouvoir des producteurs. Aujourd’hui, les règles européennes de la concurrence interdisent à plus de 400 producteurs livrant 300 000 litres de lait – c’est-à-dire pas grand-chose en vérité –, de se réunir pour négocier avec un industriel. Les producteurs sont donc en situation de faiblesse face à de grands industriels comme Lactalis ou Danone. Avec le Président de la République, nous souhaitons modifier le droit européen de la concurrence, afin de parvenir à des chiffres beaucoup plus significatifs tels que des milliers de producteurs et des centaines de milliers de tonnes de lait. Les producteurs et les grands industriels laitiers en France pourront alors négocier d’égal à égal, ce qui s’avère indispensable pour rendre le rapport de force plus équitable dans l’établissement des contrats.

Le dernier point important qui a été soulevé concerne le prix de revient du producteur.

Première observation : nous avons souhaité ajouter aux missions de l’Observatoire des prix et des marges l’examen des coûts de production. C’est justement une façon d’éviter les situations de ventes à perte.

Deuxième remarque : les prix de revient sont évidemment très différents d’une région à l’autre. Ils ne seront pas les mêmes en Savoie, pour la fabrication d’une tomme AOC, dont le cahier des charges est très lourd, qu’en Bretagne ou en Haute-Normandie.

Troisième remarque : dans un canton de Bretagne ou de Haute-Normandie, pour prendre une région chère à mon cœur comme à celui de Charles Revet, …

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