Intervention de Didier Guillaume

Réunion du 25 mai 2010 à 14h30
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 3

Photo de Didier GuillaumeDidier Guillaume :

Monsieur le ministre, je vais prendre l’exemple de ce qui a été décidé à l’Élysée, il y a une semaine pour les fruits et légumes. Vous savez très bien que cette mesure ne peut pas s’appliquer et qu’elle n’aura aucun effet car elle est calculée sur la moyenne des trois dernières années. Imaginons – ce que nous ne souhaitons pas – qu’en 2010, les prix s’effondrent. Ils ne s’effondreront jamais autant que la moyenne des trois dernières années. Donc, cela ne fonctionnera pas.

Il faut aussi tenir compte de la distribution. Lorsque des pêches sont achetées un euro au producteur et sont vendues 2, 50 euros à Paris sur les marchés, il y a un problème. Si vous ne voulez pas mettre de barrières, de régulation et de contraintes dans la loi, celle-ci ne servira à rien. Ces pêches ont bien souvent été cueillies avant maturité, elles sont conservées dans des réfrigérateurs et, lorsque les Parisiens les achètent, elles n’ont pas beaucoup de goût. Telle est la réalité. Dans ces conditions, n’êtes-vous pas d’accord pour que des contraintes soient inscrites dans la loi ?

Aucun autre gouvernement en Europe ne fait autant de régulation que nous, dites-vous. Je veux bien vous en donner acte, je ne peux pas vérifier pour l’instant. Mais, dès lors, pourquoi refusez-vous d’inscrire dans la loi que la régulation doit avoir pour but qu’aucun agriculteur, quelle que soit sa production, ne vende à perte ?

Monsieur le ministre, vous dites qu’en Haute-Normandie, en Basse-Normandie ou ailleurs, à un kilomètre ou à un canton d’écart, les prix de revient sont différents. C’est tout simplement parce que l’on a poussé les agriculteurs à investir, à s’endetter. Le tracteur n’était jamais assez gros, le matériel jamais assez important… On a dit aux agriculteurs : « Allez-y, on va vous accorder des prêts et vous aurez du beau matériel. »

Or on sait bien aujourd'hui que le matériel agricole tourne quatre à cinq fois moins qu’il y a dix ou quinze ans. C’est la réalité que rencontrent tous les jours nos amis agriculteurs sur leurs territoires et c’est l’une des conséquences de la politique qui a été menée.

Évidemment, il n’y aura jamais partout le même prix de revient, mais on sait à peu près quel est le prix de revient du lait, des fruits, de la viande…

Monsieur le ministre, nous ne voulons pas nous opposer à propos des consommateurs. Nous aussi, nous sommes capables de tenir compte de la demande.

La difficulté est double : jamais les agriculteurs n’ont vendu leurs produits à des prix aussi bas, alors que jamais les produits agricoles, sur le marché, n’ont atteint un prix aussi élevé. La réalité, c’est cela !

Ce que nous voulons est donc simple : qu’il soit fait en sorte que les agriculteurs puissent vendre leurs produits à un meilleur prix, mais aussi – c’est d’ailleurs l’objet de l’article 3 – qu’il soit expliqué aux distributeurs, au maillon intermédiaire, qu’ils ne pourront peut-être plus prendre une marge aussi élevée que jusqu’à présent.

Si nous sommes d’accord sur ce point, monsieur le ministre, pourquoi ne voulez-vous pas l’inscrire dans la loi ? Cela donnerait un signe aux agriculteurs, un signe dont vous savez tous autant que moi – vous aussi en rencontrez souvent – qu’ils en auraient besoin : s’il faut des actes d’amour, il faut aussi des paroles d’amour !

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