Intervention de François Patriat

Réunion du 25 mai 2010 à 14h30
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 3

Photo de François PatriatFrançois Patriat :

Monsieur le ministre, depuis que nous examinons ce texte, j’ai entendu des avis partagés. Les bonnes intentions du Gouvernement sont-elles à la mesure de la crise ? Répondent-elles à ce qu’expriment les agriculteurs, même aujourd’hui sur les Champs-Élysées de Paris ?

Que disent donc ces agriculteurs ? Qu’ils représentent un secteur économique important, dont le rôle n’est pas uniquement de produire et qu’il ne s’agit pas seulement de « lisser » ou de libéraliser ; ils disent que leur fonction est à la fois sociétale, économique et environnementale, et que jamais le prix de leurs produits ne reflète la multifonctionnalité de l’agriculture !

Je sais bien que l’ancien président de la République a indiqué, l’année dernière, qu’il ne comprenait pas ce mot. Pourtant, lorsque les agriculteurs déclarent qu’ils veulent vivre de leurs produits, vivre du service qu’ils rendent à la nation, ils font référence à cette multifonctionnalité. Pour ce faire, ils ont besoin non pas seulement d’outils, mais d’une politique prenant en compte le rôle environnemental, social, économique et le rôle de production de l’agriculture.

Tout cela ne peut pas entrer dans le prix d’un produit. Si nous continuons en ce sens, tous les produits agricoles se retrouveront dans la situation qu’a connue le marché du porc, avec des prix fluctuants que l’on ne sait ni contrôler ni lisser.

Le prix plancher, même s’il est difficile à mettre en œuvre, est bien évidemment la solution idéale. Il n’en reste pas moins, monsieur le ministre, que le contrat est en soi une idée généreuse que nous avons défendue à travers d’autres textes de loi. Les contrats territoriaux d’exploitation, les CET, ont été supprimés, et les contrats d’agriculture durable, les CAD, qui ont ensuite pris le relais n’ont jamais été financés.

Aujourd’hui, vous dites aux agriculteurs que c’est parce que les prix sont moins élevés en France qu’en Allemagne que l’on n’arrive pas à contrôler les flux et, par là même, qu’il faut lisser les prix. Mais vous ne dites pas quels instruments il faudra mettre en place pour obtenir ce lissage.

Au-delà des intentions affichées, ce texte, sans grande ambition, est une simple boîte à outils, mais nous ne voyons même pas comment nous allons faire fonctionner ces derniers !

Le contrat est sans doute nécessaire mais il ne peut pas être obligatoire. Ce serait méconnaître les traditions qui existent dans notre pays. Certains, en particulier dans le secteur de la viande, vendent toujours de gré à gré, sans contrat, au marché au cadran ou ailleurs.

Ces outils, certes généreux, et qui procèdent de bonnes intentions, ne sont pas réellement de nature à répondre au problème très important qui se pose aujourd’hui. Les pouvoirs publics doivent prendre conscience de la nécessité, par un biais ou par un autre, de rétribuer l’agriculteur pour ses fonctions multiples, et non pas seulement à travers un prix lissé qui ne rendra jamais compte, dans un pays comme le nôtre, de la différence existant entre le prix du marché et le service rendu.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion