Intervention de Yves Chastan

Réunion du 25 mai 2010 à 14h30
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 3

Photo de Yves ChastanYves Chastan :

Cet amendement s’inscrit dans la continuité des discussions que nous avons depuis le début de cette séance.

Il est tout de même curieux que, dans une loi qui se veut « de modernisation », les qualificatifs de « juste » ou de « rémunérateur » n’apparaissent à aucun endroit dans le texte s’agissant des prix payés aux agriculteurs pour leurs produits.

L’exposé des motifs de la loi annonçait pourtant ceci : « Les métiers de l'agriculture et de la pêche doivent être dotés des moyens permettant aux hommes qui les pratiquent et à leur famille de vivre décemment de leur activité […) ». C’est une affirmation à laquelle j’adhère pleinement.

Malheureusement, à ce stade, le texte de loi n’apporte pas les garanties attendues pour aider les agriculteurs à vivre de leur production. Nous sommes pourtant tous conscients de ce qui les préoccupe le plus, c’est-à-dire une « juste » rémunération, non seulement par rapport à la situation actuelle qui est très défavorable pour eux, mais aussi de façon pérenne.

Le constat factuel est le suivant : de nombreux producteurs ont vu leurs revenus diminuer drastiquement ces dernières années – de 34% en moyenne sur l’année 2009 –, alors que, dans le même temps, depuis 2008, les prix des produits agricoles n’ont pas diminué pour les consommateurs finaux.

Ainsi, on observe que les prix à la consommation suivent les prix des matières premières quand elles sont à la hausse, mais non lorsqu’elles sont à la baisse, ou incomplètement.

Cet amendement a l’ambition de contribuer à pallier ce double problème.

Premièrement, les contrats conclus entre producteurs et acheteurs se doivent de prendre en compte les difficultés économiques et sociales des agriculteurs, et d’inscrire un objectif de « juste rémunération » pour les producteurs des denrées agricoles.

J’entends par « juste rémunération » le principe simple, presque évident, selon lequel le prix payé aux producteurs leur permet non seulement de rembourser leurs coûts de production, mais aussi de vivre de leur travail et de nourrir leur famille.

L’avenir de l’agriculture française ne saurait être assuré sans cela, car qui continuerait à produire s’il n’est pas assuré de pouvoir vivre décemment en rémunérant son investissement personnel, ou celui de ses proches, et ses salariés éventuels ?

Deuxièmement, cet amendement tend à inclure la notion de transparence dans les mécanismes de fixation des prix. Même si cet objectif est pris en compte dans d’autres articles de ce projet de loi, il paraît important de le faire figurer dans les contrats signés entre les producteurs et les acheteurs, afin qu’il soit respecté.

Pour que l’objectif précédent de juste rémunération soit pleinement réalisable, il est effectivement nécessaire d’avoir une vision claire de « qui gagne quoi ? » et de la valeur ajoutée justifiant les prix, au-delà du producteur.

Certaines marges perçues sur le produit du travail des agriculteurs sont indécentes, et il y a un consensus pour dire qu’il faut que cela change. L’accord sur les marges que vient d’annoncer le Président de la République risque malheureusement de se révéler inutile en la matière, car il s’agit, une fois de plus, d’une mesure conjoncturelle, et non structurelle, qui ne constituera pas une réponse efficace et durable.

Pourtant, le consommateur attend, lui aussi, que les principes évoqués dans l’amendement soient respectés. La transparence dans les mécanismes de fixation des prix n’est sans doute qu’une première étape pour favoriser une juste rémunération des producteurs, mais elle est indispensable, voire fondamentale.

Pour conclure, cet amendement a simplement l’ambition d’interdire la vente à perte des produits agricoles, au moyen de contrats transparents, conclus entre acheteurs et producteurs, conformément aux règles générales du commerce international.

Comme vous l’avez dit voilà quelques instants, monsieur le ministre, la notion de contrat est nécessaire, peut-être même essentielle. Mais elle est insuffisante si elle ne comporte pas des engagements et des garanties explicites. Si la loi de modernisation agricole votée in fine est porteuse de ces signes tant attendus par la profession, elle pourra constituer un réel progrès.

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