Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le dépôt de la proposition de loi tendant à autoriser les petits consommateurs domestiques et non domestiques d’électricité et de gaz naturel à accéder ou à retourner au tarif réglementé a été motivé par l’échec de l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie.
Un échec, car peu de consommateurs, trop peu selon les membres de la majorité, ont fait le choix de quitter les tarifs réglementés du gaz et de l’électricité. Pourtant, certains opérateurs alternatifs n’ont pas ménagé leurs efforts, employant des méthodes quelquefois bien peu éthiques, au point d’être épinglés par le médiateur national de l’énergie.
Notons que les opérateurs historiques n’ont pas été en reste pour inciter les « usagers », devenus désormais des « consommateurs », à tenter l’aventure des prix du marché libre. Mais nos concitoyens ont tenu compte des mésaventures des consommateurs non domestiques, de l’absence de baisse des prix sous l’influence de la concurrence libre et non faussée dans différents autres secteurs et de la hausse toujours plus forte de la rémunération des actionnaires.
Nous sommes, bien sûr, favorables au principe de l’élargissement de la réversibilité. Je le rappelle, nous avions d’ailleurs déposé des amendements allant dans ce sens lors de l’examen du projet de loi qui a privatisé GDF.
Nous pourrions donc être satisfaits de voir inscrite dans la loi l’extension de la réversibilité à tous les consommateurs finals domestiques ou non de gaz et d’électricité, même si elle est limitée dans le temps. Nous pourrions être soulagés de voir le dispositif relatif au tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché de l’électricité prolongé de six mois. Pourtant, nous sommes au contraire très inquiets de la direction prise par le Gouvernement dans sa politique énergétique.
Vous écrivez dans votre rapport, monsieur Poniatowski, que « l’introduction de la concurrence ne s’est pas traduite par une baisse des prix », raison pour laquelle, « afin de répondre aux préoccupations des entreprises ayant fait le choix de la concurrence pour leur approvisionnement électrique et confrontées à l’explosion des prix de marché de cette énergie, il a été décidé d’offrir à ces consommateurs professionnels la possibilité de retourner provisoirement à un tarif réglementé, en instaurant le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, TaRTAM ».
Ainsi, l’échec de la politique libérale du Gouvernement, notamment en ce qui concerne la baisse des prix pour les consommateurs, apparaît clairement. Vous pouvez constater que la concurrence libre et non faussée ne garantit pas aux consommateurs des prix bas. Elle ne permet pas non plus de procéder aux investissements lourds pourtant nécessaires à la performance du secteur. Elle permet simplement de rémunérer le capital.
Avec le projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, vous allez affaiblir EDF encore davantage. En effet, ce texte prévoit de mettre en place un mécanisme « d’accès régulé à l’électricité de base ».
Ainsi, les fournisseurs privés pourront conclure avec EDF des contrats d’achat d’électricité à un prix régulé et pour des volumes déterminés par l’autorité de régulation. Autrement dit, on obligera EDF à vendre d’importants volumes d’électricité à un prix avantageux, sans réel partage du risque industriel, risque consubstantiel à la production électronucléaire.
Les opérateurs alternatifs n’auront plus intérêt à investir dans de nouveaux moyens de production. Pourtant, ces investissements sont nécessaires à l’équilibre du secteur électrique, mais les coûts sont lourds et ce n’est que sur le long terme que l’on peut attendre des retours sur investissement.
Selon le Gouvernement, il s’agit de « préserver, pour l’ensemble des consommateurs, le bénéfice de l’investissement réalisé dans le développement du nucléaire par des prix et des tarifs reflétant de manière cohérente la réalité industrielle du parc de production, comme le garantissaient jusqu’à présent les tarifs réglementés de vente ».
En fait, on met en place une économie administrée en faveur du privé et au profit des intérêts privés C’est assez intéressant de la part de fervents défenseurs de la non-intervention de l’État dans le jeu du marché !
Ce projet de loi NOME est critiquable à plusieurs égards, mais l’article 1er cristallise une vision mercantile de secteurs stratégiques d’importance nationale, et ce au détriment de la collectivité. On brade une partie de l’énergie, sans contreparties, afin de permettre aux opérateurs alternatifs de proposer des tarifs intéressants.
Pourtant, il ne faut pas oublier que, si l’entreprise EDF a pu concevoir, construire, exploiter et optimiser le parc électronucléaire, c’est parce que les citoyens français l’ont financée !
Si l’objectif recherché est réellement de favoriser le consommateur, alors il serait plus simple de soustraire le secteur énergétique aux règles du marché.
Aujourd’hui, on nous propose une forme de bricolage afin de maintenir un peu d’intervention publique tout en dépeçant l’opérateur historique.
La logique de rentabilité à court terme guide les politiques des opérateurs historiques depuis leur changement de statuts. On s’étonne pourtant de la hausse de tarifs et on semble découvrir l’état du réseau électrique par voie de presse ! Selon un document confidentiel, écrit par deux vice-présidents de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, le réseau électrique ne cesse de se dégrader : la durée moyenne d’une panne a augmenté de 50 % en dix ans et ce sont les départements ruraux qui sont les plus touchés.
Cette situation n’est ni nouvelle ni surprenante. Elle est la conséquence directe des politiques menées par la droite aux niveaux national et européen.
Dans ce contexte, comment pouvez-vous prétendre protéger les consommateurs ?
Vous l’aurez compris, nous ne pouvons pas voter la proposition de loi de la majorité alors que, dans quelques mois, le projet de loi va aggraver encore davantage les défaillances du secteur énergétique. C’est pourquoi, comme en commission, monsieur le rapporteur, notre groupe s’abstiendra.