Intervention de Claude Bérit-Débat

Réunion du 25 mai 2010 à 22h15
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 4

Photo de Claude Bérit-DébatClaude Bérit-Débat :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’article 4, nous touchons un point central des relations commerciales dans le secteur des fruits et légumes. Cet article prévoit en effet de durcir les conditions de publicité des produits, notamment lorsque ces publicités mentionnent une réduction de prix ou un prix promotionnel.

On ne peut, effectivement, que partager l’idée selon laquelle une meilleure information des consommateurs constituerait une incitation à une plus grande transparence dans les relations entre les producteurs et les distributeurs. Pourtant, on pourrait dire que cette façon de voir revient à entériner une situation de fait plus qu’elle ne la remet en cause.

Cette situation de fait, ce n’est ni plus ni moins que le déséquilibre profond qui existe entre les contractants : tandis que les distributeurs sont relativement concentrés, les producteurs pâtissent de l’éclatement de leur profession. C’est cette asymétrie de fait qui rend les négociations entre distributeurs et producteurs si inégales.

Si l’on ne s’attaque pas aux racines du mal, à savoir la manière dont les contrats sont passés, on ne pourra pas remédier à cette situation.

Dans cette perspective, le durcissement des conditions de publicité est une bonne chose, mais il ne résout pas la question posée.

D’ailleurs, je considère que cet article 4 est surtout un révélateur, celui de l’échec de la loi de modernisation de l’économie, dite LME. En effet, celle-ci n’a eu d’autre conséquence que de renforcer le déséquilibre entre les protagonistes du secteur agricole. Elle a finalement accru la dépendance des producteurs envers les distributeurs puisqu’elle a permis une libre négociation des prix.

La situation est encore plus délicate pour les producteurs de fruits et légumes frais : leurs produits n’étant pas transformables, ils doivent les écouler rapidement, coûte que coûte, dirais-je ; aussi sont-ils encore plus totalement soumis aux diktats des distributeurs.

Le durcissement des conditions de publicité est certes une adaptation intéressante. Toutefois, je l’ai indiqué, elle ne nous semble pas suffisante. Ce n’est pas en fin de chaîne, sur les étiquettes, qu’il faut agir : c’est à la fois au début et à la fin de la chaîne que les choses doivent être repensées.

Enfin, certaines dispositions de l’article doivent indubitablement être précisées. Ainsi, l’alinéa 4, dans la rédaction qui nous est en donnée, est assez flou. Il dispose en effet que, si des offres promotionnelles « sont susceptibles, par leur ampleur ou leur fréquence, de désorganiser les marchés », alors un arrêté fixera la périodicité et la durée de ces opérations. Le problème qui se pose est donc de savoir ce que l’on entend en visant la désorganisation des marchés. S’agit-il d’une chute des cours ? S’agit-il d’une chute durable ? Qu’est-ce qu’une chute durable, d’ailleurs ? Peut-on la déterminer aussi facilement que, par exemple, une entrée en récession ?

Vous le constatez, la disposition est floue, et il me semble important, monsieur le ministre, que vous apportiez les précisions qui s’imposent.

Il en va de même pour l’ampleur et la fréquence des opérations promotionnelles. Pour ce qui est de la fréquence, d’ailleurs, la question est pour ainsi dire résolue avant même d’être posée puisque les distributeurs procèdent à de telles opérations tout au long de l’année. Dans ces conditions, la logique voudrait presque que l’on fixe d’ores et déjà la périodicité et la durée des opérations promotionnelles, ce qui serait assez cohérent avec la réalité.

Je soulignerai pour conclure que, si l’article 4 comporte des dispositions intéressantes, il résonne aussi, finalement, comme un aveu – un aveu de faiblesse, puisque le texte ne va pas au bout de ce qui devrait être fait pour aider les producteurs agricoles. Nous pourrons certainement l’améliorer, mais je doute que, en définitive, il soit suffisant.

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