Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 27 mai 2010 à 9h30
Grand paris — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Cette ressource est donc bien maigre pour réaliser une infrastructure dont le coût est, de surcroît, dès le départ sous-estimé.

L’alimentation financière initiale de la Société du Grand Paris repose, quant à elle, sur une virtualité, celle du remboursement du prêt consenti à la filière automobile.

Les constructeurs voudraient bien procéder à ce remboursement avant la date anniversaire de la fin de l’année 2011, mais le Gouvernement s’y est opposé. Il a le temps et, surtout, il lui reviendra de faire le choix de la réutilisation des fonds. Or, en ces temps de disette budgétaire et de compression de la dépense publique, monsieur le secrétaire d’État, il n’y a aucune certitude que vous pourrez en faire disposer la Société du Grand Paris.

C’est sans doute ce qui vous a fait persévérer avec obstination dans la voie pourtant écartée par le groupe de travail présidé par Gilles Carrez, celle de la taxe sur les plus-values immobilières. Il est inacceptable de priver de cette ressource les collectivités locales directement concernées, celles qui seraient sur le tracé et disposeraient d’une gare. Il est au demeurant très curieux de faire reposer un financement pérenne sur la spéculation foncière, qui, comme vous le savez, est par définition aléatoire.

À ce propos, je voudrais faire une remarque d’ordre juridique.

Selon l’article 9 bis du texte issu de la commission mixte paritaire, que j’ai relu attentivement, la taxe est exigible dans un périmètre situé à moins de 800 mètres d’une entrée de gare de voyageurs. Mais, dans le même article, il est question d’un taux réduit pour les biens situés à une distance de moins de 1 200 mètres. Comment pourra-t-on exiger le paiement de la taxe, même à taux réduit ? Il faudrait vérifier ce point, monsieur le rapporteur, car il y a là une difficulté juridique qui demandera certainement une rectification.

Quant au partenariat avec les communes, prôné par le Gouvernement, il est mis à mal par la commission mixte paritaire et sa décision d’étendre le périmètre d’aménagement à 400 mètres autour des gares, soit 50 hectares où la Société du Grand Paris aura les pleins pouvoirs, y compris contre les communes. Cette disposition, misant sur l’enchérissement des terrains au détriment des besoins en logements sociaux, que le Gouvernement prétend pourtant défendre, ira à l’encontre d’un urbanisme cohérent.

La majorité a refusé que la commune donne son accord – c’était l’objet d’un de nos amendements –, lui octroyant un simple avis, ce qui ne fait que renforcer la méfiance des élus locaux à l’égard de l’État. Cela ne nous étonne pas beaucoup car, tout au long des débats, nous nous sommes heurtés à cette défiance du Gouvernement à l’égard des collectivités et, parfois, à celle du rapporteur.

Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, si vous considérez le fait d’avoir mené ce projet de loi jusqu’à son vote final comme une victoire, permettez-moi de dire que vous le devez plus au contexte qu’a une adhésion de conviction de votre majorité.

Celle-ci se devait de resserrer les rangs, mais, après tout, ce texte l’engage-t-il vraiment ? Du temps s’écoulera avant d’en voir la mise en œuvre. Qui plus est, le Grand Paris ne se résume heureusement pas à ce projet de loi : Paris-Métropole va prospérer – nous l’espérons –, la région va faire son travail, les élus s’organisent et vont continuer de s’organiser, l’atelier des architectes va bâtir des projets… et l’État sera bien obligé de faire avec les uns et les autres !

La vie est toujours plus forte que la procédure et celle que vous avez construite risque bien – fort heureusement ! – de tourner à vide. D’ailleurs, s’il fallait une raison supplémentaire de voter contre ce texte, cette procédure en serait une. Mais il n’est pas nécessaire de nous fournir cette raison de plus, car, comme vous l’avez compris, mes chers collègues, nous n’avons pas beaucoup changé d’avis tout au long des débats !

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