Intervention de Didier Guillaume

Réunion du 25 mai 2010 à 22h15
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 6, amendement 677

Photo de Didier GuillaumeDidier Guillaume :

Je saisis cette occasion pour préciser les raisons de notre abstention sur l’amendement n° 677 du Gouvernement.

Un accord a été signé avec la grande distribution et notre rôle ne consiste pas à entraver son application. Au contraire, nous espérons que cet accord sera appliqué et qu’il donnera satisfaction ! Nous ne nous sommes donc pas opposés à cet amendement, ni au précédent, bien que nous persistions à émettre des doutes quant à leur efficacité.

Nous pensons en effet que cet accord, adossé au mécanisme du coefficient multiplicateur – ou l’inverse ! –, aurait pu donner de meilleurs résultats, mais nous attendrons la fin de la campagne de cet été pour faire le point.

Nous serons prêts à saluer l’initiative du Gouvernement, si elle donne des résultats positifs. Dans le cas contraire, nous ne pourrons que constater qu’il fallait peut-être aller plus loin.

Telle était donc, très brièvement, l’explication de vote que nous souhaitions faire sur cet amendement du Gouvernement.

Mais j’en viens à l’article 6 et au cinquième grand sujet que nous avons identifié dans ce projet de loi.

Nous avons fondé beaucoup d’espoir sur l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Vous me direz, mes chers collègues, qu’au regard de la situation constatée à ce jour, il était facile de progresser dans ce domaine, tout le monde l’a reconnu !

Néanmoins, sans vouloir faire de surenchère, et tout en reconnaissant les avancées consenties par M. le ministre en commission – avancées que nous avons saluées –, nous estimons que nous pouvons être un peu plus audacieux.

Le projet de loi tend à conférer à cet Observatoire, créé en 2008, une réalité législative. C’est une bonne chose, nous le reconnaissons.

En outre, deux nouveautés principales sont à relever.

Première nouveauté, l’Observatoire se voit chargé de l’étude des coûts de production au stade de la production agricole. C’est bien, mais il nous semble que cette étude est pour le moins inadaptée par rapport aux problèmes que connaissent les producteurs.

Qui peut aujourd’hui penser que les dysfonctionnements de la chaîne de commercialisation apparaissent seulement au premier niveau, à l’échelon de la production agricole ? Ils sont présents sur l’ensemble de la chaîne !

Tous les acteurs du monde agricole, mais également tous les élus locaux, le savent bien : l’étude des coûts ne peut se limiter à la seule production agricole. Elle doit englober l’ensemble de la chaîne de commercialisation, notamment les coûts liés aux activités de transformation et de mise sur le marché. C’est effectivement à ce niveau que se forment les marges les plus importantes, celles qui désabusent le consommateur. Ce sont ces intermédiaires qui achètent des produits toujours moins cher pour les revendre à des prix déraisonnables.

Si le Gouvernement persiste à ne vouloir étudier les coûts de production qu’au stade de la production agricole, je peux d’ores et déjà prédire, sans même avoir besoin d’un Observatoire, que cela ne servira pas plus que par le passé. C’est pourquoi, en commission, nous avions défendu un amendement visant à inclure les coûts de transformation et de distribution dans le champ d’étude de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Malheureusement, cette proposition n’a pas été retenue.

Seconde nouveauté, l’Observatoire est tenu de transmettre un rapport annuel au Parlement.

M. le rapporteur se bat contre les rapports en tous genres, mais, s’agissant de surcroît d’une avancée proposée par le Gouvernement, reconnaissons qu’il peut être intéressant que le Parlement se penche, chaque année, sur un rapport de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Sur le fond, cette association du Parlement aux travaux de l’Observatoire est une idée intéressante.

Cependant, à y regarder de plus près, s’il s’agit simplement de constater année après année, sur la base de ce rapport, que les marges ne se forment pas au niveau de la production agricole, ce sera insuffisant. Il faut aller plus loin ! Le travail de l’Observatoire sera plus productif s’il est suivi d’une analyse permettant de reconstituer ce qu’est la marge de chaque opérateur sur les différents produits.

Monsieur le ministre, j’ai attiré votre attention sur la situation des agriculteurs en septembre dernier, lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, parce que la demande du monde agricole était alors claire et pressante. Elle l’est toujours aujourd’hui !

En décembre 2009, lors de l’examen du budget de l’agriculture, je vous faisais part du dépôt, avec mon groupe, d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information sur l’organisation de la chaîne de commercialisation des produits agricoles et le mécanisme de formation des prix. Il nous semble indispensable, en effet, que l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, au-delà des avancées importantes que vous lui permettez de faire, puisse également travailler sur ces deux sujets.

C’est dire si l’annonce du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a suscité des espoirs sur cette question et nous espérons voir retranscrites, dans ce texte, les propositions évoquées à l’instant.

Selon nous, l’Observatoire ne peut être cantonné dans un travail d’observation. Il doit aussi pouvoir proposer quelques remèdes.

Permettez-moi, mes chers collègues, d’en citer un en guise de conclusion.

Ne serait-il pas envisageable de prévoir un dispositif d’alerte quand les prix et les marges constatés sont excessivement bas ou élevés ? Cette alerte pourrait d’ailleurs être transmise, dans le même rapport, au Parlement, ce dernier bénéficiant ainsi d’une vraie prérogative.

Nous venons de défendre, à la suite de l’examen de l’article 5 du projet de loi, des amendements relatifs à l’instauration d’un coefficient multiplicateur. Si nous avions adopté ces dispositions, le dispositif d’alerte aurait pu enclencher la mise en œuvre du coefficient multiplicateur et l’extension de son champ d’application à toutes les filières, au-delà du seul secteur des fruits et légumes.

Ainsi, mes chers collègues, il est encore possible de faire évoluer l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, en lui permettant, au-delà de sa mission d’observation, de mettre en œuvre des remèdes.

La formation des prix et des marges est un sujet qui nous préoccupe tous : nous sommes tous concernés ! Essayons donc de donner à cet Observatoire les moyens de s’attaquer aux racines du problème et nous pourrons peut-être favoriser l’émergence d’une plus grande transparence des prix, ce qui profiterait d’abord aux producteurs, mais également aux consommateurs.

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