Intervention de Paul Raoult

Réunion du 25 mai 2010 à 22h15
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 6

Photo de Paul RaoultPaul Raoult :

La création de cet Observatoire ne manque pas d’intérêt, mais elle soulève deux questions de fond.

D’une part, monsieur le ministre, vous décidez subitement de créer ce nouvel organe chargé d’établir des statistiques, mais où trouverez-vous le personnel pour le faire fonctionner, alors même que, depuis deux ans, des postes sont supprimés notamment au sein de l’INSEE ? Je ne demande pas mieux que de vous croire, mais je suis un peu sceptique.

D’autre part, on a tendance à faire fi de la complexité de la vie économique dans notre pays. Ainsi, il est possible de produire du lait à partir d’une herbe poussant naturellement en zone de montagne, à partir d’une herbe de culture ou à partir du maïs. De même, les conditions de production diffèrent selon que l’on fait le choix de telle ou telle race, entre une Prim’Holstein, qui produit 10 000 litres de lait par an, ou une race mixte lait-viande.

Cette même complexité se retrouve au sein de l’industrie laitière. Une délégation de la commission de l’économie s’est rendue à Moscou, où nous avons visité une usine Danone. Ses 500 employés fabriquent quinze produits de référence différents.

Si l’on considère la palette de tous les produits fabriqués à partir du lait, du lait en poudre qui dégage très peu de valeur jusqu’au beurre industriel de pâtisserie exporté en Italie, ou au beurre utilisé par les ménages, en passant par les innombrables sortes de yaourts que l’on s’ingénie à trouver, il est difficile de déterminer la rentabilité de l’industriel.

Cela soulève une vraie question.

De surcroît, on le sait, ces groupes industriels – je pense à Danone -, parce qu’ils sont menacés d’absorption par des groupes américains, tentent, pour distribuer des dividendes et maintenir leurs cours en bourse, de dégager les marges les plus importantes.

Des pressions diverses s’exercent donc à tous les niveaux, sans même évoquer la commercialisation.

Tout le monde pointe du doigt les hypermarchés. Je vais me faire l’avocat du diable, mais le cours de l’action de Carrefour ou d’Auchan baisse aujourd’hui du fait de marges réduites, en tout cas sur le territoire français ! Cela nourrit d’autant la pression exercée par les groupes sur les coûts de distribution.

À partir de là, j’ignore comment nous pourrons résoudre le problème de fond de la relation entre le producteur, l’industriel et le distributeur. Le problème est d’autant plus complexe que, derrière les Lidl, les Aldi et les autres, il reste la petite épicerie du coin, aussi, et il ne faut pas oublier cette forme de distribution.

Je suis donc tout à fait d’accord pour que l’information soit la plus complète possible. Néanmoins, il faut également appréhender la complexité de la vie économique dans notre pays aujourd’hui. Vouloir donner un peu plus à l’agriculteur par rapport à l’industriel ou au distributeur, c’est déjà s’engager dans une réflexion très délicate, mais s’imaginer de surcroît pouvoir en faire la solution de tous les problèmes de revenus que connaissent les agriculteurs, cela me laisse quelque peu sceptique…

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