Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons dénoncé le recours à la procédure d’urgence pour l’examen d’un texte si crucial pour l’avenir de la région francilienne et demandé, sans succès, qu’il y soit renoncé. Le Gouvernement porte la pleine responsabilité de ce refus aux yeux de la population et de ses représentants.
Malgré ces conditions de débat insatisfaisantes, notre groupe a fait des propositions visant à améliorer ce texte, pour tenter de faire de la métropole francilienne un lieu de coopération et de développement concerté, un territoire solidaire. Toutes ont été balayées : le Gouvernement et la majorité en portent, là aussi, la responsabilité.
Nous n’avons eu de cesse de dénoncer ce projet de loi, notamment parce qu’il s’inscrit pleinement dans un ensemble plus vaste de réformes. Qui peut nier, par exemple, que ce texte soit lié à la réforme des collectivités territoriales ? La mise en œuvre de cet ensemble de réformes se soldera finalement par moins de services publics, moins d’élus de proximité, donc moins de démocratie et de cohésion sociale.
Jouer en partie l’avenir de la région d’Île-de-France sur un « tube » de 130 kilomètres, principalement financé par la spéculation foncière autour d’une quarantaine de futures gares, c’est signer l’arrêt de mort de toutes les politiques menées courageusement par les collectivités, qui travaillent pour assurer la présence d’infrastructures publiques de qualité, partout et pour tous.
Comment nier l’incidence qu’aura très vite la mise en place de cette logique spéculative, dont la conséquence évidente sera de repousser toujours plus loin les populations les plus fragiles, en bref toutes celles et tous ceux qui n’intéressent pas la finance et les quartiers d’affaires ?
L’État, par la création de la Société du Grand Paris, met en chantier une réorganisation profonde de l’ensemble de l’Île-de-France. Les communes concernées par le Grand Huit se verront proposer un choix véritablement cornélien, entre la mainmise sur leur foncier par la Société du Grand Paris dans le cadre d’un contrat de développement territorial ou par le biais de la zone de préemption de 400 mètres de rayon autour des futures gares.
Où est la concertation dans cette procédure de racket du territoire francilien au profit de la SGP ? Quelle marge de manœuvre reste-t-il aux collectivités ? Ne biaisons pas : elle sera faible.
Face à ce déni de démocratie, nous serons pleinement engagés dans le débat public qui va commencer, et qui durera plus de quelques mois, contrairement à ce que prévoit le projet de loi. Il est en effet indispensable que les hommes et les femmes vivant et travaillant dans notre région soient informés, puissent donner leur opinion et fassent valoir leurs avis sur un projet qui influera sur leurs conditions de vie, de travail, de circulation, et qui comportera des incidences écologiques évidentes.
Dans ce scénario de prise en main étatique de la région d’Île-de-France voulu par la majorité, où se trouve la réponse aux problèmes de vie quotidiens de millions de personnes ? Ce scénario impose un mode de développement selon des pôles d’excellence et oublie le reste des territoires. Cela ne peut aboutir qu’au renforcement de la mise en concurrence des territoires et à la création de nouvelles zones privées de développement économique. Faute de ressources, elles deviendront des lieux où il sera plus difficile de vivre, où les transports en commun ne seront pas améliorés, ce qui va à l’encontre des projets de développement durable. Il ne peut en résulter que de nouvelles inégalités.
Une fois ce projet de loi adopté, une hypothèque demeurera : qui viendra financer sa mise en œuvre ? On parle de 21 milliards d’euros, mais tout le monde sait qu’il s’agit là d’une estimation basse. Outre les 4 milliards d’euros que l’État est supposé avancer au titre du grand emprunt, encore plus hypothétiques aujourd’hui qu’hier eu égard aux mesures de rigueur imposées aux peuples d’Europe pour pallier la faillite de l’actuelle construction européenne, qui fait justement la part belle à la spéculation, rien n’est vraiment assuré. On peut gager que ce seront les habitants et les usagers qui paieront pour la réalisation d’un projet de transport n’améliorant guère leur quotidien.
La réintroduction du débat public sur Arc Express ne doit pas cacher la réalité de ce projet : au lieu d’une coopération et d’une mise en compatibilité, on assistera à un combat projet contre projet, qui se livrera au détriment des populations.
Ce projet de loi ne répond aucunement à l’aspiration populaire à une métropole respectueuse de l’environnement, permettant un mieux-vivre pour chacun, favorisant des projets de solidarité, irriguée par un maillage fin de réseaux de transport et tendant à la mixité sociale, essentielle à la solidarité territoriale. Il est vraiment regrettable que le Gouvernement tourne le dos à ces aspirations. En conséquence, je le confirme, notre groupe votera contre les conclusions de la commission mixte paritaire.