Intervention de Jean-Étienne Antoinette

Réunion du 12 mai 2011 à 21h30
Collectivités de guyane et de martinique — Article 9

Photo de Jean-Étienne AntoinetteJean-Étienne Antoinette :

Je me joins au chœur des représentants de Martinique et de Guyane que nous venons d’écouter pour dénoncer une fois encore cet article 9, qui est perçu dans nos territoires comme le retour à la période coloniale.

C’est un retour à des temps révolus, et pas à cause de cette espèce de paternalisme de très mauvais aloi qui voudrait que le préfet prenne les rênes d’une collectivité d’outre-mer qui ne remplit pas ses obligations. Pourtant, cela seul suffirait à rendre cet article odieux. La notion même de négligence, qui conditionne la procédure de carence à l’alinéa 6, traduit la désinvolture avec laquelle est traitée la responsabilité des élus d’outre-mer choisis par leur population.

L’inacceptable, c’est la négation des acquis de la départementalisation de 1946 qui assimile aux départements de métropole les vieilles colonies devenant départements d’outre-mer. Jusqu’aux lois de décentralisation de 1982, la tutelle du préfet relevait alors de dispositions générales dans la mesure où toutes les collectivités françaises étaient soumises aux mêmes obligations.

Or, par cet article 9, vous donnez au représentant de l’État dans une collectivité ultramarine un pouvoir de contrôle beaucoup plus important qu’au préfet d’une collectivité située en métropole.

Certes, l’article 73 de la Constitution permet l’adaptation des lois pour les départements et régions d’outre-mer. Mais celle-ci est conditionnée par les caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. Comment justifiez-vous le pouvoir du préfet – ou du Premier ministre dans la version proposée par la commission des lois – au regard de ces circonstances locales ? Les élus ultramarins sont-ils tous irresponsables et de piètres garants de l’ordre public dans leur collectivité ? Ils ne sont rien de tout cela et doivent faire face, comme les élus de métropole, à de nombreuses charges et contraintes, avec des moyens bien inférieurs au strict nécessaire. Ils endossent déjà des responsabilités correspondant à des défaillances de l’État. C’est le cas, par exemple, en matière de transport scolaire fluvial en Guyane ou encore d’une bonne part de l’action sociale dans certaines communes.

Les contraintes particulières que connaissent nos territoires demandent des adaptations de fond de la législation plutôt qu’un renforcement excessif du contrôle du préfet. Si le maintien de l’ordre public – sécurité, salubrité et tranquillité – peut demander des mesures parfois extrêmes, mais toujours proportionnées, le contrôle du préfet, qui existe en droit positif, est largement suffisant pour en assurer le respect.

L’institution de cet état de carence n’est aucunement justifiée par les circonstances locales et constitue un signal de défiance envoyé aux élus et aux populations d’outre-mer.

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