Les dispositifs correctifs de l’application pleine et entière des différents impôts et taxes inscrits dans notre législation sont manifestement l’une des sources du processus d’endettement et de déficit chronique de l’État. Ce qu’on appelle les « niches fiscales » constitue d’ailleurs, depuis quelques années, l’élément principal de mobilisation et d’utilisation de l’argent public, bien au-delà de la dépense publique directe. Cette situation n’est pas saine.
La dépense fiscale, par définition, n’a de sens que pour ceux qui ont quelque chose à payer, que ce soit sur les revenus qu’ils tirent de leur activité ou sur ceux que leur procure l’exploitation d’un capital ou d’un patrimoine, et non pour ceux dont les ressources sont si modestes que la stricte application de tel ou tel barème les exonère d’emblée.
Le développement des niches fiscales participe de la rupture du pacte républicain et des principes constitutionnels selon lesquels chacun contribue à la charge publique à la mesure de ses moyens.
Comme nous le savons, pour le seul impôt sur le revenu, les mesures de « correction » ont un coût important – aux alentours de 40 milliards d’euros, ce qui représente, dans les faits, une moins-value proche des quatre dixièmes du rendement normal de cet impôt –, et cela sans que beaucoup d’évaluations soient menées, sinon sur les dispositions générales, en tout cas sur la plupart des dispositions spécifiques touchant les revenus liés au patrimoine ou à des placements financiers.
Lorsque l’État renonce ainsi, et en vertu de dispositions légales, à 40 % des recettes que devrait lui fournir l’impôt sur le revenu, c’est un peu comme si le taux marginal supérieur n’était que de 24 %, au lieu de 40 %.
En fait, la combinaison des niches fiscales de l’impôt sur le revenu et les effets du bouclier fiscal peut produire ce résultat pour le moins étonnant : plus le revenu est élevé et le patrimoine important, plus le montant de l’imposition tend à se réduire !
Le plafonnement global des niches fiscales n’a guère eu d’effets sur le niveau global de la dépense fiscale. Il faut donc franchir désormais une nouvelle étape et décider d’un plafonnement plus contraignant, de manière à obtenir un meilleur rendement de l’impôt pour le budget général.
Ce plafonnement ne saurait évidemment nous dispenser du débat que nous devons absolument avoir sur l’ensemble des dispositifs dérogatoires, leur coût, leurs effets sur le comportement des agents économiques, leur pertinence économique et sociale.