Intervention de Bernard Vera

Réunion du 7 décembre 2009 à 15h00
Loi de finances pour 2010 — Article 45 bis

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Par cet article, vous voulez supprimer la défiscalisation des indemnités journalières versées par la sécurité sociale aux salariés victimes d’un accident de travail.

Cette suppression est à la fois une mesure indécente et très injuste, ainsi qu’un message de mépris envers les victimes du travail. Elle pourrait même se révéler être une erreur politique, si l’on en croit un sondage paru ce matin, selon lequel 65 % de nos concitoyens, dont plus de 70 % des salariés, toutes professions confondues, y sont opposés.

De plus, elle est relayée par une communication basée sur une analyse délibérément tronquée du dispositif. En effet, pour justifier cette réforme, vous n’hésitez pas à parler de « mesure d’équité » envers l’ensemble des salariés, ou encore « d’anomalie fiscale » qu’il faut au plus vite corriger. Et pour étayer votre raisonnement, vous soulignez que les indemnités journalières versées en cas de maladie ou de maternité sont déjà fiscalisées. Ainsi, les accidentés du travail seraient des privilégiés !

Cependant, en raisonnant ainsi, vous feignez d’oublier que les salariés qui se voient attribuer ces indemnités journalières ont été victimes d’un accident du travail et que ces femmes et ces hommes ont subi un dommage corporel ou un préjudice ouvrant droit à réparation.

Les indemnités journalières acquittées en raison d’un accident du travail ne sont pas de simples « revenus de remplacement », comme le sont celles qui sont versées en cas de maladie ou de maternité. Elles revêtent un double caractère : il s’agit d’un revenu de remplacement et de la réparation d’un préjudice subi. Vouloir les aligner sur le régime des autres indemnités journalières, c’est nier cette réparation ; cela revient aussi à vous en prendre aux victimes plutôt qu’aux personnes responsables des conditions de travail.

Faut-il vous rappeler que depuis la mise en place du régime d’indemnisation des « mutilés du travail » en 1898 les victimes d’accident du travail n’ont droit qu’à une réparation forfaitaire ? C’est le résultat d’un compromis : la preuve de l’accident sur le lieu de travail est facilitée, mais l’indemnisation n’est que forfaitaire. Comme ces indemnités ne réparaient que partiellement les préjudices subis, il avait alors été décidé de ne pas les fiscaliser. Voila la raison d’être de cette mesure : compenser une inégalité d’indemnisation !

Si maintenant vous entendez intégrer ces indemnités dans le calcul de l’impôt sur le revenu, il faudrait alors que les entreprises assument la réparation intégrale du préjudice subi.

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