Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai peu de chose à ajouter aux propos de M. Collin et je serai d’ailleurs amené à répéter un certain nombre de ses observations.
De surcroît, un grand quotidien du soir a repris presque les conclusions du rapport du Sénat sur l’application des lois, notamment les statistiques qui y figurent, en insistant en particulier sur la multiplication des décrets.
Dès lors, plutôt que de rappeler les chiffres, je soulignerai un certain nombre d’éléments de nature générale en essayant de dégager les facteurs qui expliquent la situation actuelle, avant d’exposer les solutions qui pourraient y être apportées.
Le bilan, peu satisfaisant, est en vérité pérenne : il pouvait déjà être fait sous les républiques précédentes. Si la situation ne s’améliore pas, c’est pour une raison relativement simple, qu’a énoncée M. Collin tout à l’heure : en France, le nombre de lois est excessif et notre pays n’est pas en mesure d’assurer le suivi des quelque soixante textes législatifs adoptés chaque année. Il y a là un élément important que nous devons garder à l’esprit.
Par ailleurs, les lois sont généralement insuffisamment préparées, et cela tient à plusieurs causes.
Guy Braibant, lorsqu’il était à la tête de la section du rapport et des études du Conseil d’État, avait déjà souligné que la formation juridique des hauts fonctionnaires laissait à désirer et qu’il convenait de la développer, tout en précisant que la France était l’un des rares pays où le niveau de cette formation était en baisse. Effectivement, rédiger un projet de décret ou un projet de loi ne s’improvise pas : il y faut un minimum de formation préliminaire.
N’oublions pas non plus qu’un certain nombre de textes adoptés par nos assemblées ne plaisent pas au Gouvernement et que, par conséquent, celui-ci « traîne » un peu les pieds avant de publier les règlements adéquats.
Je citerai à cet égard un exemple, celui de la proposition de loi, adoptée en 2002 par notre assemblée, portant création d’une Fondation pour les études comparatives, dont je fus le rapporteur. M. Schwartzenberg, à l’époque ministre de la recherche, avait soutenu ce texte, qui, quelques jours après, avait été adopté conforme par l’Assemblée nationale. Or, alors que les décrets d’application n’ont jamais vu le jour et que cette loi n’a jamais eu le moindre début de commencement de mise en œuvre, l’un des articles de la proposition Warsmann relative à la simplification du droit en a décidé l’abrogation ; elle était en quelque sorte mort-née, et elle n’est pas la seule. Il est vrai qu’elle nécessitait de dégager des crédits, ce qui n’a jamais été fait par qui que ce soit.
Autre exemple – en l’espèce, le Gouvernement n’a fait preuve d’aucune mauvaise volonté caractérisée, mais les enjeux étaient si importants que les décrets ne pouvaient pas être pris brutalement : la loi Littoral, adoptée à l’unanimité par les deux assemblées. Il faut d’ailleurs se méfier comme de la peste des textes adoptés à l’unanimité : ils cachent généralement un certain nombre d’anomalies ou de dysfonctionnements.