Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 12 janvier 2011 à 14h30
Débat sur l'édiction des mesures réglementaires d'application des lois

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Cette fougue législative – j’emploie d’habitude un mot moins noble – a pour conséquence une très grande incertitude juridique.

Monsieur le ministre, nous avons même assisté, au cours des dernières années, à une authentique innovation législative, voyant apparaître des dispositions applicables avant que la loi ne soit votée : la suppression de la taxe professionnelle, la fin de la publicité à certaines heures sur les chaînes publiques de télévision, la TVA dans la restauration… J’en oublie sûrement !

Ce débat vient donc à point nommé.

Mais je n’oublie pas que je suis membre de l’auguste commission des affaires étrangères et que, s’agissant de la ratification de textes internationaux, nous ne sommes pas mieux lotis. Ainsi, une vingtaine de projets de loi de ratification de traités et d’accords internationaux, ce qui n’est pas négligeable, ont été déposés à l’Assemblée nationale et au Sénat et sont en attente d’examen. En outre, une quarantaine de conventions sont signées et devront être examinées par le Parlement mais n’ont pas encore fait l’objet d’un projet de loi.

Je suis certaine, monsieur le ministre, que vous pourrez faire état de ce point à Mme le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes… §

L’objectif du Gouvernement est de parvenir à prendre toutes les mesures réglementaires requises dans un délai de six mois suivant la publication de la loi.

Au vu des statistiques fournies dans les rapports dont nous sommes destinataires, il est vrai que le « score » n’est pas très glorieux !

Cependant, monsieur le ministre, je ne m’intéresse pas aux statistiques : je suis un sénateur de terrain, qui plus est renouvelable, et je souhaite vous interroger sur un cas précis, qui concerne la loi de réforme des collectivités territoriales.

Le texte en question, qui a été adopté si sereinement dans cette maison, prévoit le renouvellement des CDCI, les commissions départementales de coopération intercommunale, dont le pouvoir est accru aux termes de l’article 53 de la loi.

Une circulaire d’information générale du 27 décembre 2010 retranscrit les dispositions légales en matière de calendrier de la refonte de l’intercommunalité. Le ministre y indique à l’intention des préfets de département :

« J’appelle votre attention sur le calendrier resserré de mise en œuvre des dispositions relatives à l’élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale.

« Par la suite, vous serez tenus informés de la publication des décrets d’application. »

En page 2, le ministre mentionne « un calendrier fortement contraint ».

La circulaire précise en outre, aux pages 6 et 7, que « le schéma sera arrêté au 31 décembre 2011 […]. Ces délais sont resserrés. Aussi je vous demande de présenter votre projet à la CDCI dès le mois d’avril 2011. »

Il est également rappelé que la CDCI doit être renouvelée pour le 16 mars.

Mais voilà : les décrets ne sont pas sortis ! Ou alors ils viennent de sortir, mais n’ont pas été portés à la connaissance des intéressés… Et croyez bien que, avec ma collègue Jacqueline Gourault, je les surveille comme le lait sur le feu ! §

Voilà donc une commission qui va être essentielle au bon fonctionnement de la loi nouvelle, qui va en tout cas donner aux élus de toutes tendances l’occasion de s’exprimer et dont la composition est soumise à élection, mais les élus eux-mêmes, pas plus que les préfets, ne connaissent avec exactitude les dispositions réglementaires qui s’y rapportent !

Nous sommes le 12 janvier. D’ici au 16 mars, date fixée par la circulaire, les élus territoriaux doivent être informés et sollicités pour la composition de ou des listes ; à défaut, reconnaissez-le, monsieur le ministre, les jeux seront un peu faussés.

Je cite encore une fois la circulaire, en l’espèce la note 5 qui figure en bas de la page 7 : « Il est à noter qu’en raison des élections cantonales prévues les 20 et 27 mars, vous aurez à solliciter à nouveau la désignation des représentants du conseil général à la CDCI à l’issue du renouvellement cantonal. » Nous parlons de 10 % des membres de la CDCI… La CDCI nouvellement composée ne pourra, dès lors, être complètement opérationnelle que début avril, au mieux.

Je ne crois pas qu’il s’agisse là de conditions tolérables pour faire accepter des réformes importantes qui bousculent bien des départements

Comme l’a justement dit la présidente emblématique de la CDC du Pays de Camembert, non moins emblématique commune de mon modeste département, en commentant un projet de carte élaboré autour des bassins INSEE, « nous ne sommes pas des veaux qu’on change d’herbage ! » §

J’insiste, monsieur le ministre, sur l’importance de ce point. Si vous voulez que cette réforme soit acceptée sur le terrain et ne soit pas suicidaire pour les sénateurs renouvelables qui vous ont fait confiance, faites décaler ce calendrier intenable. Sinon, cette réforme ne sera qu’une parodie indigne de notre démocratie et des élus locaux qui la font vivre au quotidien.

Vous pourriez aussi, monsieur le ministre, retarder un peu les décrets qui imposent aux élus des contraintes insupportables en matière de normes environnementales et en matière de cantine scolaire. Pour le coup, vous nous rendriez un grand service !

Enfin, monsieur le ministre, j’évoquerai un sujet qui ne me préoccupe pas du tout et qui ne concerne absolument pas la moitié de cette assemblée : je veux parler du mode de calcul des grands électeurs.

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