Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le contexte budgétaire actuel qui est marqué par la volonté de maîtrise de la dépense publique, l'évolution du budget de la culture traduit la volonté du Gouvernement de conserver à l'action culturelle de l'Etat son caractère prioritaire.
Avec un montant global de crédits de 2, 787 milliards d'euros, le projet de budget pour 2005 enregistre une hausse nominale de 5, 6 %, voire, si l'on neutralise un certain nombre de transferts pour rester à structure constante, de 6, 5 %.
Cette évolution positive s'accompagne d'un effort de maîtrise des dépenses de structure, que je salue. Elle privilégie les crédits d'investissement, qui augmentent de 26, 5 %, et les moyens d'intervention, qui progressent de 3, 66 %. Nous sommes donc en présence d'un budget dynamique, mis au service d'une politique culturelle marquée par une recherche d'équilibre, attentive au patrimoine comme à la création.
La commission des affaires culturelles est très sensible à cette volonté d'équilibre que l'on retrouve dans la répartition des dépenses entre Paris et les régions. Nous serons, en 2005, à une quasi-parité, 52 % contre 48 %.
Le temps qui m'est imparti et les règles qui s'appliquent à notre débat budgétaire ne me permettront pas, monsieur le ministre, d'analyser l'ensemble des composantes de votre budget. Par conséquent, je m'attacherai, comme l'a fait mon collègue au nom de la commission des finances, à traiter quelques sujets qui correspondent aux priorités de la commission des affaires culturelles du Sénat.
Le premier point que j'entends aborder est le patrimoine et les moyens nécessaires à son entretien et à sa conservation.
Un document élaboré en janvier 2003 par les services de votre ministère avait souligné l'état préoccupant des monuments classés : 20 % d'entre eux, soit 2 800 sur 15 000, seraient en situation de péril, voire de grand péril. Certes, nous ne sommes plus dans les années 1830 où l'inspecteur des monuments historiques Prosper Mérimée découvrait l'état affligeant du patrimoine. Depuis cette époque, d'immenses efforts ont été faits. Néanmoins, la lourdeur de la tâche se reflète à travers ce seul chiffre : 20 % de nos 15 000 monuments classés sont en situation difficile !
Le Gouvernement a pris la mesure de l'ampleur d'une telle tâche. Votre prédécesseur, s'inspirant des travaux de la commission Bady, avait présenté en septembre 2003 un plan national pour le patrimoine dans le but d'associer l'ensemble des acteurs concernés : les collectivités territoriales, les propriétaires privés, les associations de défense du patrimoine, et, bien sûr l'Etat, qui a, en la matière, une responsabilité régalienne tout à fait particulière.
La loi de finances pour 2004 a prévu une augmentation des enveloppes consacrées à la restauration des monuments historiques de 10 %, conformément aux engagements pris.
Malheureusement, les crédits de paiement nécessaires à la réalisation des opérations en cours se sont révélés très insuffisants, et ce malgré les redéploiements auxquels vous avez procédé durant l'été. C'était sans doute le prix à payer pour l'opération de transparence réalisée par le précédent ministre dans son budget. C'est, si j'ose reprendre le titre d'une oeuvre d'un écrivain libertin du XVIIIe siècle, « les infortunes de la vertu » !
En voulant limiter les opérations reportées d'année en année, on est parvenu à une situation qui a perturbé le déroulement de nombreux chantiers, suscitant une réelle inquiétude aussi bien parmi les associations de défense du patrimoine que dans les entreprises de restauration des monuments historiques.
Par conséquent, je me réjouis non seulement des opérations de redéploiement que vous avez décidées en cours d'année, mais aussi de ce que vous avez indiqué lors de votre audition devant la commission sur le projet de loi de finances rectificative déposé il y a quelques jours à l'Assemblée nationale : une rallonge de 31 millions d'euros sera inscrite en faveur du patrimoine.
Je souhaitais vous poser une première question dans le cadre de cette nouvelle procédure qui s'impose à nous : les crédits supplémentaires de la loi de finances rectificative seront-ils suffisants pour faire face aux besoins de l'année en cours et ne pas obérer, par conséquent, les conditions d'exécution de l'exercice 2005 ?
Quant au projet de budget pour 2005, il prévoit une augmentation de 25 millions d'euros en faveur du patrimoine. C'est un effort tout à fait appréciable et je souhaiterais que ces crédits soient sanctuarisés. En effet, le patrimoine est un secteur très sensible aux ruptures de charges et dont la main-d'oeuvre, de très haute qualification, ne peut rester indéfiniment en situation d'attente, voire de précarité. C'est la raison pour laquelle notre commission avait souhaité que soit proposée au Parlement une loi de programme pour le patrimoine.
J'ajoute que les 25 millions d'euros supplémentaires sont, dans leur grande majorité, consacrés aux investissements de l'Etat inscrits au titre V et, de manière marginale seulement, aux subventions d'investissement du titre VI. C'est la conséquence logique de la situation que j'évoquais il y a un instant sur les autorisations de programme restées non satisfaites.
Cependant, et ce sera ma deuxième question, ne peut-on craindre, monsieur le ministre, que, dès 2005, cette répartition entre le titre V et le titre VI ne provoque une certaine sur le titre VI ; ainsi, ne sera-il pas nécessaire, à l'avenir, d'inverser progressivement cette tendance ?
Vous avez, en effet, souhaité restituer aux propriétaires la maîtrise d'ouvrage pour les monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat. Il s'agissait d'une proposition de M. Bady que la commission des affaires culturelles avait souhaitée, car elle considère que l'Etat doit se recentrer sur son rôle de contrôle et tout à la fois responsabiliser et soutenir les propriétaires.
Une ordonnance est en cours de préparation sur la base du projet de loi de simplification du droit. Bien que nous n'en connaissions pas encore le contenu, je souhaite vous poser une troisième question. Monsieur le ministre, cette volonté de rendre aux propriétaires la maîtrise d'ouvrage ne devrait-elle pas s'accompagner d'un rééquilibrage de la répartition des crédits entre les investissements directs de l'Etat et les subventions d'investissement pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat ?
Cela me paraît d'autant plus important que la grande majorité de ces monuments appartiennent à des communes de moins de 10 000 habitants, qui ne disposent pas, sans un effort particulier de l'Etat, des moyens nécessaires pour remettre ce patrimoine en état, d'autant plus que, monsieur le ministre, vous l'avez évoqué tout à l'heure, la loi du 13 août 2004 ouvre la possibilité aux collectivités territoriales volontaires de récupérer la propriété d'un certain nombre de monuments historiques.
Cependant, je ne voudrais pas, pour en terminer sur ce point, donner l'impression que l'Etat doit, à lui seul, assurer la charge financière de la restauration des monuments historiques, dont le montant peut être évalué à la somme considérable de 5 milliards à 6 milliards d'euros, compte tenu de l'état d'un certain nombre de ces monuments. Cela suppose une mobilisation de toutes les énergies !
La loi sur le mécénat a ouvert un certain nombre de pistes. Nous avons tous observé les résultats ô combien bénéfiques de l'effort des investisseurs privés en faveur du patrimoine. A ce titre, je n'évoquerai que pour mémoire la galerie d'Apollon que beaucoup d'entre vous ont visitée il y a quelques jours. Après tout, au lendemain de la Première Guerre mondiale, Versailles a été sauvé par le mécénat privé français et étranger !
Par conséquent, monsieur le ministre, je vous pose la quatrième question : quelles seraient les voies permettant de susciter une mobilisation encore plus grande des acteurs privés en faveur du mécénat dans le domaine des monuments historiques ?
Voilà pour ce qui est du patrimoine, sujet qui a le plus retenu l'attention de la commission.
Le deuxième point concerne l'éducation artistique.
La transmission des savoirs et la démocratisation de la culture, essentielles à la fois pour la création dans notre pays mais aussi pour l'égalité des chances et la formation des jeunes, passent aussi par la culture à l'école et tout particulièrement par l'éducation artistique.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé que les enseignements artistiques feraient l'objet d'une communication commune du ministre de la culture et du ministre de l'éducation nationale. Certes, il n'est pas question de vous demander, avant qu'elle ait eu lieu, la teneur de cette communication. Pourriez-vous néanmoins nous indiquer quelles orientations vous entendez proposer dans ce domaine qui nécessite une collaboration étroite entre votre ministère et celui de l'éducation nationale ?
Enfin, troisième et dernier point, vous avez souhaité faire des acquisitions et de la commande publique la troisième grande priorité de votre action en 2005. J'ai relevé que 500 000 euros supplémentaires seraient consacrés à l'enrichissement des collections de nos musées et 150 000 euros au plan d'action pour le patrimoine écrit. Je m'en félicite, bien entendu, mais je tiens cependant à rappeler que, les années précédentes, ces enveloppes budgétaires n'ont pas toujours été très bien traitées au cours de l'exécution du budget.
Toutefois, connaissant votre souci de conforter la commande publique, je vous fais entièrement confiance sur ce point. Pourriez-vous préciser les orientations que vous entendez donner à cette politique d'acquisitions, essentielle pour l'avenir de nos musées ?
Monsieur le ministre, j'en ai terminé avec les questions que je souhaitais vous poser, puisque c'est ainsi que nous procédons maintenant.
Je conclurai mon propos en indiquant que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de votre ministère.