Séance en hémicycle du 4 décembre 2004 à 9h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Jack Ralite, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite dire combien la façon dont on nous oblige, sénateurs et ministre, à discuter du budget de la culture est contraire au débat, à la dispute, à la confrontation des points de vue. En gros, cela se résume ainsi : le sénateur pose une question, le ministre répond, le sénateur commente, et basta !

La culture est ramenée, au mieux, à l'interrogation scolaire ou, au pire, à un jeu télévisé comme Le maillon faible.

C'est traiter des questions de l'esprit avec comme résultat une « réduction des têtes » aboutissant à « une pensée restreinte du commun ». Cela n'est pas digne, c'est même blessant.

Je ne vous cache pas que m'a effleuré l'idée de ne pas participer à un tel débat. C'est triste, surtout qu'il s'agit d'une question transversale, d'une question de civilisation. L'imaginaire s'accommode mal de cette mise en colonnes par questions-réponses. C'est transformer plus généralement un budget, moyen d'atteindre des fins, en une opération comptable où les moyens deviennent la fin.

J'ai déjà cité ici Antonin Artaud. Je le paraphrase : on ne peut accepter la discussion du budget qu'à la condition d'être grand, de se sentir à l'origine des phénomènes traités, tout au moins d'un certain nombre d'entre eux. Sans puissance d'expansion, sans une certaine domination sur les choses, la discussion budgétaire est indéfendable.

C'est d'autant plus regrettable que nous avons un ministre qui ose, même si l'on ne partage pas nécessairement son point de vue, aborder sur le fond les problèmes dont il a la charge.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur le sénateur.

Je tiens à préciser que cette formule a été arrêtée par la conférence des présidents, sur proposition de la commission des finances. Peut-être sera-t-elle revue pour l'année prochaine !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, le 3 décembre 2004, en application de l'article 61, alinéa 2 de la Constitution, par plus de soixante sénateurs et par plus de soixante députés, de demandes d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

Acte est donné de cette communication.

Le texte de ces saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (nos 73 et 74).

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la culture.

J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.

Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis, enfin à chaque orateur des groupes.

Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.

Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.

J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est d'usage, effectivement, comme vient de le rappeler notre collègue Jack Ralite, depuis quelque trois ans, de ne pas présenter le budget de la culture dans un rapport spécial, de manière généraliste et, je dirai, philosophique, mais de procéder par des questions-réponses. Je m'abstiendrai donc de souligner que, dans la pénurie actuelle, monsieur le ministre, vous êtes plutôt favorisé. Je n'insisterai ni sur le chiffre absolu de 2 707 millions d'euros ni sur l'honorable pourcentage d'augmentation de 5, 9 % dont jouit votre budget. J'irai donc droit à mes cinq questions.

La première porte sur le patrimoine. Vous en avez fait votre seconde priorité, et le premier programme, au titre de la LOLF, en quasi-égalité avec le spectacle vivant. Mais, c'est la loi du temps, le patrimoine n'est pas susceptible d'être durablement guéri de ses plaies. Comme disait Victor Segalen, dans Aux dix mille années de son ouvrage Stèles : « Ces barbares - c'est-à-dire nous - vénèrent des tombeaux dont la gloire est d'exister encore ; des ponts renommés d'être vieux et des temples de pierre trop dure dont pas une assise ne joue. »

Et de conclure, au nom de quelque vieux sage de l'antiquité chinoise : « Point de révolte : honorons les âges dans leurs chutes successives et le temps dans sa voracité. »

Bien entendu, ce programme, monsieur le ministre, n'est ni le vôtre ni le nôtre. Nous avons participé ces deux dernières années, les uns et les autres, aux trois actes d'une comédie des erreurs, d'ailleurs partagées.

Premier acte : en 2003, nous nous élevons, aussi bien la commission des finances, sous la plume de son rapporteur spécial, que la Cour des comptes, en la personne de M. Labrusse, contre la pratique consistant à demander, pour des raisons d'affichage, plus de crédits qu'on ne peut en dépenser. Docile, le ministère de la culture dimensionne les crédits de paiement à la hauteur des besoins, compte tenu des crédits de report possibles. Mais, dans ce mouvement, il n'a pas assez pris garde à la contradiction qu'il y avait à réduire les dotations et à encourager les opérateurs à ouvrir de nouveaux chantiers. Résultat : les dotations pour 2004 en crédits de paiement se révèlent au plus juste, au point de déboucher cette année, comme l'année dernière, sur des crises de paiement dans de nombreuses régions et sur l'arrêt des travaux entrepris.

La dette du ministère de la culture s'élevait à 60 millions ou 70 millions d'euros le 1er juillet 2004. Plein de bonne volonté, votre directeur de l'architecture et du patrimoine s'attaque à la réduction de cette dette envers les entreprises du groupement des monuments historiques. On redéploie 20 millions d'euros de l'administration centrale vers les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, dont 17 millions d'euros en provenance de l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, l'EMOC, et 3 millions d'euros d'autres services nationaux, crédits qu'il faudra bien reconstituer un jour. Et une disposition bienvenue de la loi de finances rectificative prévoit 31 millions d'euros supplémentaires

La dette restante, en gros 20 millions d'euros, peut-être même moins, selon les dernières estimations, devrait pouvoir être épongée en 2005. Félicitations !

Ce deuxième acte répond donc aux sollicitations pressantes qui s'élevaient de tous les points des territoires où l'on trouve les ponts, les tombeaux, les temples dont parlait Segalen, et ils sont nombreux dans notre beau pays ! On pouvait penser qu'était ainsi réglé le problème de nos entreprises spécialisées et qu'elles allaient reprendre confiance dans l'avenir, rassurer leurs compagnons, qui sont eux-mêmes, de par leur technicité et leurs traditions, un élément précieux de notre patrimoine, un patrimoine vivant, comme l'on dit au Japon. Eh bien, non !

C'est que, troisième acte, ces entreprises mêmes, ayant focalisé toutes leurs revendications sur la dette - leurs dirigeants syndicaux ont, semble-t-il, changé - n'avaient pas perçu les effets redoutables de ce vertueux coup de torchon dans leur secteur si diversifié et si fragile.

Grâce à une gestion plus saine, que nous avons réclamée, les reports de crédits d'une année sur l'autre ont diminué, les impayés du ministère ont été réduits. Mais les entreprises de restauration de monuments historiques ne peuvent plus attendre le même volume d'activité. Pis encore : elles ne peuvent plus vivre d'espoir. L'ivresse légère qui accompagne toute cavalerie budgétaire - car c'est un peu de cela qu'il s'agit - laisse place à une dure réalité.

Sans doute est-il difficile de mesurer cette réalité ou cette illusion qui reposent sur des engagements informels qui auraient été passés, des marchés dont la notification est remise à plus tard, parfois même après appels d'offres, voire encore à de futurs appels d'offres qu'on entrevoyait, et qui semblaient justifiés par le désir de survie des monuments, et celui des entreprises, de grand savoir-faire et de haute qualité, qui le servent, et qui en usent.

Ce sont 100 millions d'euros qui, d'après les confidences des intéressés, manqueraient à l'appel, du fait de ce retour à la réalité rugueuse à étreindre, comme dit le poète.

J'en arrive à ma première question, monsieur le ministre : vous qui avez de grandes ambitions pour le patrimoine, qui avez laissé entrevoir un objectif de 260 millions d'euros pour 2008, et qui pensiez sans doute pouvoir prendre appui sur un sol assaini, comment pensez-vous pouvoir traiter cette délétère désillusion, éviter qu'elle ne se transforme en maladie de langueur dans ce secteur si particulier, mais si qualitatif, si omniprésent de par le territoire, de notre industrie ?

Sans quoi, il ne nous resterait, dans un avenir plus ou moins lointain, qu'à faire comme les Persans, dont le voyageur Jean-Baptiste Tavernier remarquait, au xviie siècle, « qu'ils aimaient mieux faire un bâtiment nouveau que d'en relever un vieux qu'ils laissaient tomber en ruine faute de quelques réparations de peu d'importance ».

Autrement dit, combien d'années faudra-t-il pour trouver l'adéquation idéale entre les crédits de paiement, les autorisations de programme, les ouvertures de chantier et la sauvegarde du patrimoine monumental français ?

Ma deuxième question porte sur les réformes en cours dans votre ministère. Elles sont diverses et me paraissent plutôt en bonne voie, au moins sur le plan des intentions, mais le rapporteur spécial que je suis aimerait obtenir des précisions sur les délais.

Pour ne pas quitter tout à fait le patrimoine, la commission des finances attacherait du prix à voir se concrétiser trois réformes fondamentales : celle du statut des architectes en chef des monuments historiques - elle est déjà bien amorcée après des décennies d'immobilisme - celle des DRAC et celle des SDAP.

Envisagez-vous, comme votre prédécesseur, de mettre en place des services patrimoniaux intégrés dans les DRAC et, en particulier, de donner autorité aux conservateurs régionaux des monuments historiques sur les différentes cellules de la DRAC, comme l'inventaire et l'archéologie ?

Quant à la régionalisation des services départementaux de l'architecture et du patrimoine, sera-t-elle effective, tout en prévoyant la nécessaire mise à la disposition des préfets ? Où en est-on dans la réforme du statut des architectes des bâtiments de France, dont notre rapport de 2002 - les 51 mesures pour le patrimoine monumental - et le rapport Bady montrent la nécessité, que soulignait avec une certaine insistance, il y a quelques jours encore, notre collègue Serge Dassault en commission des finances ?

L'étendue des pouvoirs de ces fonctionnaires et la volatilité des règles appliquées d'un département à l'autre nous inquiètent, ainsi que le sentiment d'arbitraire, qui, parfois, en résulte.

Je ne vous poserai pas de question sur la marche du principal chantier de la réforme, celui qu'implique la mise ne oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Aussi bien dans la conception que dans la préparation, le travail effectué au ministère de la culture mérite en effet des compliments - il est exemplaire ! -, ainsi qu'en témoigne mon rapport écrit. De même y a-t-il lieu de vous féliciter des expérimentations qui, si le compte est bon, ne concerneraient pas moins de huit DRAC, et qui préparent réellement cette mise en oeuvre de la LOLF.

Cependant, deux motifs sinon d'inquiétude, du moins de perplexité, subsistent : où en est-on dans la définition des indicateurs de performance ? Et va-t-on pouvoir mettre au point une comptabilité consolidée entre la Rue de Valois et ses établissements publics, notamment les musées, consolidation qui serait indispensable pour évaluer les effectifs ?

Ma troisième question portera justement sur la Réunion des musées nationaux, la RMN. L'érection des plus grands de ces musées en établissements publics change profondément la donne. Quel avenir se profile pour la RMN quand elle voit entamer, au profit des mastodontes culturels, auxquels je rends hommage - la construction du Louvre II à Lens, notamment, est tout à fait exemplaire - deux de ses trois principaux métiers : l'organisation d'expositions et l'édition de catalogues ? Il lui reste les services commerciaux, dont l'efficacité et la rentabilité inspirent parfois le scepticisme.

Certes, les résultats de la RMN sont passés de moins 7, 7 millions d'euros en 2001 à moins 4, 9 millions d'euros en 2002, puis à plus 1, 44 million d'euros en 2003.

Le résultat de 2004 aurait été proche de l'équilibre, mais cela ne se fait-il pas au détriment des acquisitions, qui sont le premier devoir de la RMN, si l'on veut garantir l'avenir des musées français et le maintien de leur prestige par rapport au Metropolitan Museum of Art, au Museum of Modern Art, à la National Gallery ou à la Tate Gallery, pour ne citer que ceux-là, avec lesquels il faut bien négocier lorsqu'on organise des grandes expositions ?

En 2003, il avait fallu abonder les crédits d'acquisition d'une aide exceptionnelle en provenance du fonds du patrimoine. Qu'en est-il en 2004 ? Qu'en sera-t-il en 2005 ?

Certes, la RMN est désormais affectataire des galeries nationales du Grand Palais dont la programmation prend en compte - c'est heureux pour une bonne coordination - l'avis du musée du Louvre, du Quai Branly, de Versailles, d'Orsay, de Guimet, du Centre Pompidou et même de deux grands musées étrangers. Mais n'est-ce pas un peu court par rapport aux attributions antérieures de la RMN ? La peau de chagrin va-t-elle continuer à rétrécir ? En fin de compte, monsieur le ministre, que voulez-vous faire de la RMN ? Voulez-vous même en faire quelque chose ?

Le raisonnement qui vient d'être présenté sur la RMN pourrait également être appliqué au Centre des monuments nationaux, qui semble avoir perdu dans l'usage courant - et je m'en félicite - ce ridicule nom de Monum' dont il fut un temps affublé. Il est clair que Chambord devait se transformer en établissement public, avec un vrai patron à sa tête, et non rester un collectif d'administrations, plus ou moins contrôlé par un administrateur. Mais il faut tout de même que le Centre ait les moyens d'aider les monuments peu visités, non parce qu'ils sont mal gérés - d'ailleurs, ce ne sont pas les plus petits monuments qui sont le plus mal gérés, si j'en juge par la gestion de l'Arc de triomphe - mais parce qu'ils sont situés loin des circuits tant que le rapport Rémond, que j'approuve, n'aura pas séduit les grandes collectivités destinatrices de cadeaux qu'elles jugent peut-être empoisonnés.

La quatrième question concerne l'archéologie préventive.

En 2003, l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP, affichait un déficit de 38, 5 millions d'euros et a alors bénéficié d'une subvention de 27 millions d'euros. En 2004, il a présenté un budget en équilibre, mais il a eu besoin d'une avance de trésorerie de 23 millions d'euros - qui, à la différence d'une subvention, est en principe remboursable -, et d'une aide exceptionnelle du ministre de la culture de 11, 5 millions d'euros. Faut-il rappeler le fiasco, législatif autant que financier, auquel nous avons assisté ces dernières années, puisque ni la loi du 17 janvier 2001, qui a supprimé l'Association pour les fouilles archéologiques nationales, l'AFAN, et créé l'INRAP, avec une double redevance pour le diagnostic et les fouilles, ni celle du 1er août 2003, qui a renvoyé les fouilles à la loi du marché, ni la loi de finances pour 2003 avec sa réduction de crédits de 25 millions d'euros, n'ont permis d'assainir la situation ? Elles l'ont même plutôt aggravée.

Cette année, vous aviez envisagé de confier à un bureau d'études privé une mission d'expertise, pour laquelle vos collaborateurs préparaient avec soin un appel d'offres, quand l'Assemblée nationale, puis le Sénat, se sont emparés du sujet, ajoutant un article 17 à la loi Sarkozy du 1er août 2004, dite de relance de la consommation et de l'investissement.

La réforme essentielle qu'apporte cet article est celle de l'assiette : à l'unité foncière se substitue la surface hors oeuvre nette. Il est dommage que nous ayons, dans un alinéa de cette loi - par générosité, peut-être imprudente - permis aux assujettis de redéposer leurs dossiers jusqu'à la fin de l'année, pour passer de l'ancien au nouveau régime, ce qui ne remplira sans doute pas les coffres de l'INRAP.

Mais, enfin, il semble que nous nous acheminions à moyen terme vers un système plus logique et plus équitable. A juste titre, vous avez demandé à un bureau d'études d'expertiser notre réforme d'été ; c'est juste un prêté pour un rendu... De son côté, la commission des finances, mes chers collègues, a confié au rapporteur spécial, avec l'assistance d'un magistrat de la Cour des comptes, une investigation sur pièces et sur place de l'INRAP. C'est la première application de l'article 58-1 de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.

Notre travail ne se limitera pas à la redevance. Nous avons également pour ambition de juger des relations administratives - préfectures, directions régionales des affaires culturelles et directions départementales de l'équipement - de la politique scientifique de l'établissement - pourquoi fouiller, si les trouvailles ne sont ni documentées ni exposées ? - et de la politique de personnel de l'INRAP - que deviendront les étudiants en archéologie et les personnes recrutées sous contrat à durée déterminée, dont l'inquiétude s'est déjà exprimée en face de nos assemblées, et même sur les bords de la Seine ?...

Car, enfin, monsieur le ministre, sans vouloir anticiper sur les résultats de notre mission, pourquoi les services archéologiques des DRAC ont-ils validé un nombre de prescriptions archéologiques en si forte croissance ? Pourquoi les responsables de l'établissement ont-ils pu créer jusqu'à 300 emplois en CDD avant que la sonnette d'alarme soit tirée ? Et pouvons-nous être assurés à l'avenir que les plaintes de nos collègues maires - surtout des nombreux maires ruraux qui nous écrivent toujours à ce sujet - pourront désormais être dissipées ?

Ma cinquième question concerne les intermittents du spectacle. Monsieur le ministre, vous n'avez pas ménagé votre peine pour sortir d'une crise qui avait emporté votre prédécesseur ! Les festivals de cet été se sont tenus, et vous avez, après des heures de dialogue, commencer à dissiper les méfiances et prêché le retour au bon sens. Le fonds spécifique provisoire que vous avez créé en juillet semble avoir eu un effet heureux. A vrai dire, par rapport aux estimations antérieures, notamment celle du conseiller Lagrave, et même aux 20 millions d'euros prévus à la création du fonds, on semble assister à une véritable évaporation des ayants droit. Que s'est-il passé ? Que va-t-il se passer ? On n'y voit pas très clair.

Dans leur lettre à l'UNEDIC du 1er décembre, le président et le rapporteur de la mission d'information sur les métiers artistiques créée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, s'inquiètent des situations de détresse qu'implique l'accord du 13 novembre. Va-t-on repartir vers l'augmentation des dépenses ? Vous-même avez annoncé, devant cette mission, la transformation de votre fonds provisoire en fonds transitoire, réservant sans doute des explications plus éclairantes pour le débat prévu sur les métiers artistiques, le 9 décembre, à l'Assemblée nationale. Sans doute n'avons-nous pas la prétention de vous voir déflorer le sujet au Sénat, cinq jours à l'avance, mais il ne serait pas indifférent à la Haute Assemblée d'obtenir quelques indications de votre part. Cette demi-obscurité, quoi qu'il en soit, n'empêche pas la commission des finances de recommander au Sénat l'adoption des crédits du ministère de la culture.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le rapporteur spécial, le ministre régalien que je suis ou que j'essaie d'être vous remercie de l'analyse très précise que vous venez de faire du budget de la culture, dans le temps imparti pour cette discussion, et qui rompt définitivement avec la morne « litanie, liturgie, léthargie » budgétaire, selon le mot d'un illustre et ancien sénateur que vous avez bien connu. Votre analyse est très approfondie dans votre remarquable rapport écrit, que j'ai lu avec beaucoup d'attention,

Avant d'entrer avec vous dans le débat et de m'efforcer de vous apporter autant de précision dans mes réponses que celle dont vous faites preuve dans vos questions, permettez-moi tout de même de rappeler que ce budget de la culture - c'est le premier que j'ai l'honneur de défendre dans cet hémicycle - est pour moi l'expression d'une politique.

Je vous citerai, au risque peut-être de vous étonner, un passage de Conseils au bon voyageur de Victor Segalen, dans son ouvrage Stèles. Il s'agit d'une très belle maxime pour les voyageurs de la culture, que je dédie à ce débat : « Ainsi, sans arrêt ni faux pas, sans licol et sans étable, sans mérites ni peines, tu parviendras, non point, ami, au marais des joies immortelles, mais aux remous pleins d'ivresse du grand fleuve Diversité ». Cet éloge à la diversité et à la navigation en haute mer est peut-être normal lorsque l'on parle du budget de la Rue de Valois.

Je voudrais tout simplement vous dire que la politique et l'aspect parfois aride des chiffres et du budget doivent être l'expression d'une vision de la culture. J'ai dit que j'étais un ministre régalien parce que nous nous faisons en France une certaine idée collective de la culture, une idée qui nous vient de l'histoire et qui a traversé les siècles avant qu'elle ne s'incarne avec de Gaulle, Malraux et la Ve République dans la création de ce ministère.

Cette idée qui est profondément enracinée - nous en sommes tous les héritiers -, quelle est-elle ? Tout simplement que la culture est une composante irremplaçable de notre identité nationale et de la vocation de notre pays à rayonner au dehors. Lorsque j'essaie de résumer les choses en les caricaturant, je dis avec une certaine provocation que je ne suis pas le ministre des vieilles pierres et des troubadours, malgré tout le respect que j'ai pour eux.

Dans la France et dans le monde d'aujourd'hui, la politique culturelle est le coeur même de notre identité, de notre rayonnement, de notre capacité à être reconnus pour ce que nous sommes. Cette responsabilité de l'Etat n'est pas perdue. Elle demeure ; elle est une constante, et elle inspire mon action à la tête de ce ministère, dont vous rappelez à juste titre qu'il est loin de ressembler à « un long fleuve tranquille ». Mais c'est un fleuve qui sait d'où il vient et où il va, même si parfois ses perspectives - je pense à la création artistique contemporaine - ne sont pas toujours aisées à discerner et à comprendre immédiatement. De plus, son cours est plus fort que bien des écueils.

Ce budget, ce ne sont pas seulement les « deniers du rêve », selon l'expression de Jacques Rigaud ; ce n'est pas le budget du « supplément d'âme ». Je ne veux pas que la Rue de Valois soit considérée comme une sorte de cerise sur le gâteau, comme le lieu où sont gérés les loisirs intelligents. Nous sommes au coeur du rayonnement de l'activité et de l'influence de nos concitoyens et de notre pays.

Je veux vous faire partager ma conviction que la culture et la communication - pour moi, les deux sont intimement liées - constituent la force motrice de notre identité nationale et de notre rayonnement international, que ce sont aussi des industries et des emplois, facteurs de développement économique, que ce sont enfin des instruments essentiels de l'aménagement du territoire et de la cohésion nationale.

Tels sont les objectifs de la politique culturelle, au-delà des chiffres et au-delà de la gestion, dont je dois naturellement vous rendre compte avec précision.

Les chiffres augmentent, dans une proportion importante, comme vous l'avez relevé : 5, 9 % et même 6, 5 % à périmètre constant. La gestion est marquée, comme vous l'avez également souligné, par une contribution importante, que vous avez bien voulu qualifier d'exemplaire, en matière de réforme de l'Etat et d'application de la loi organique, de la nouvelle « constitution financière » de la France, à laquelle la Haute Assemblée et votre commission des finances en particulier ont pris une très grande part. Je partage votre souci d'unité de l'action culturelle de l'Etat. Je suis d'ailleurs en train de réfléchir à la manière d'organiser, au-delà de la concertation, l'unité nécessaire de l'ensemble de l'Etat en matière culturelle, qu'il s'agisse du ministère, de l'administration centrale, des directions régionales ou des grands établissements publics.

Pour répondre à vos questions, j'aborderai un sujet qui a beaucoup défrayé la chronique et qui vous tient à coeur : la Réunion des musées nationaux, la RMN. Cet établissement subit depuis de longs mois une crise liée, d'une part, au caractère déficitaire de son activité commerciale, et, d'autre part, à l'évolution engagée depuis plusieurs années, tout particulièrement dans la période 2002-2003, qui a profondément modifié le paysage institutionnel, en instituant des moyens d'autonomie au bénéfice des plus grandes institutions muséographiques. Devant vous, je veux dire la confiance et l'importance que j'accorde à la Réunion des musées nationaux.

Je porte une attention toute particulière à cet acteur prestigieux et irremplaçable des échanges culturels internationaux. Je suis très attentif à sa mission de spécialisation et de mutualisation de moyens pour les musées nationaux. J'attache enfin, vous le savez, une importance particulière au rôle qu'elle doit avoir au service des musées en région. C'est là un champ extraordinaire de renforcement de son activité pour que son concours ne soit pas limité aux lieux et établissements les plus prestigieux de l'Etat, et pour que le travail d'ingénierie culturelle puisse se faire au bénéfice des musées en région.

La nomination prochaine d'un nouveau responsable à la tête de la RMN me permettra de détailler publiquement les missions que le Gouvernement entend confier à cet établissement, qui doit retrouver son rôle essentiel d'instrument d'une politique culturelle. Cette mission passe bien sûr par une réduction du déficit commercial et par l'attribution prioritaire de ses moyens financiers au développement d'une politique de coopération et de prestation d'ingénierie culturelle au bénéfice des musées nationaux n'ayant pas l'autonomie juridique des musées en région.

Une réflexion stratégique doit donc être poursuivie pour faire évoluer l'établissement dans le respect de son histoire, pour lui permettre de valoriser au mieux la compétence de son personnel et pour moderniser son activité, notamment dans le contexte de la décentralisation culturelle.

Je rappelle que j'ai conforté, il y a quelques mois, le rôle de l'établissement dans son métier d'organisateur d'exposition de niveau international en assurant son maintien au sein des Galeries nationales du Grand Palais, dans le cadre des travaux de restauration prévus sur le monument. La politique d'acquisition est évidemment très importante. L'Etat ne doit pas se désengager et il se doit d'exprimer sa gratitude et sa reconnaissance, aujourd'hui, à un certain nombre de mécènes privés qui permettent l'addition des concours et des opérations très exceptionnelles d'augmentation du patrimoine national dans cette discipline.

S'agissant des architectes, ils sont au coeur de mes préoccupations. Statutairement, de nombreux parlementaires relaient les inquiétudes de ces professionnels sur le port du titre d'architecte.

Afin de préparer la rédaction de l'ordonnance devant être prise à la suite de l'adoption du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, un projet de texte a été transmis au Conseil national de l'ordre des architectes pour discussion. Les architectes ont ardemment et publiquement fait connaître leur point de vue ; ils ont été entendus par le ministère. De la même manière que d'autres catégories de la population relevant du ministère de la culture et de la communication, je pense notamment aux artistes et aux techniciens qui ont, avec force, à exprimer un certain nombre de revendications, j'ai personnellement reçu les architectes avec beaucoup d'attention.

Les conditions d'exercice de la profession réglementée d'architecte sont maintenues et la qualité des professionnels consolidée par une nouvelle formation technique. Le certificat sera obtenu après le diplôme d'architecte délivré à la fin de cinq années d'études dans les écoles d'architecture, diplôme valant grade de master et donc titre universitaire : les titulaires de ce certificat seront appelés architectes diplômés d'Etat.

Par ailleurs, la question des positions arbitraires de certains architectes des bâtiments de France, les ABF, est régulièrement abordée, comme vous l'avez fait, par les parlementaires. Les mesures de compensation ou d'atténuation n'ont pas toujours donné, semble-t-il, les résultats escomptés.

Sachez que les avis conformes des ABF sont depuis plusieurs années susceptibles de recours, formulés par le maire de la commune auprès du préfet de région. Depuis juin 2004, le recours a été étendu à l'ensemble des pétitionnaires qui peuvent introduire un recours auprès du préfet de région. Ces recours sont désormais examinés par une section de la commission régionale du patrimoine et des sites, dont la composition équilibrée réserve, outre la présidence du préfet, autant de sièges aux collectivités territoriales qu'à l'Etat : un pour le préfet, quatre pour les collectivités territoriales et quatre pour l'Etat. De tels recours, émanant des maires comme des pétitionnaires, restent cependant peu nombreux.

De nouvelles évolutions sont envisagées afin de construire, avec les élus, une culture commune et des objectifs partagés.

En premier lieu, il convient d'adapter le périmètre de cinq cents mètres autour des monuments aux éléments du paysage urbain qui fait corps avec le monument - périmètres de protection modifiés ; ces adaptations devront aboutir à une diminution d'un tiers du nombre de dossiers traités.

En deuxième lieu, il convient de hiérarchiser l'action des ABF en leur demandant de travailler en priorité avec les maires et les collectivités territoriales qui s'engagent dans les politiques de sauvegarde, de valorisation et d'enrichissement de leur territoire.

En troisième lieu, enfin, il convient de s'engager, avec les mêmes élus, sur l'ensemble du cadre de vie, qu'il s'agisse des entrées de ville, des lotissements, de la qualité architecturale ou de la rénovation urbaine...

Le travail des ABF et des services départementaux de l'architecture et du patrimoine, les SDAP, pour la qualité générale du cadre de vie, mérite cependant d'être souligné et reconnu : de nombreuses réclamations parviennent également pour protester, en sens inverse, contre le manque de vigilance ou le laxisme de certains ABF. En cette matière comme en d'autres, il est difficile d'atteindre, en permanence et partout sur le territoire national, le juste équilibre.

Pour aider à la concertation, le rapprochement actuel des SDAP et des DRAC est en cours dans le cadre d'une concertation qui précédait les circulaires du Premier ministre enjoignant aux préfets de département d'inscrire les SDAP dans le pôle culture placé auprès de préfets de région et animé par les directeurs des DRAC. La réforme et la LOLF sont en cours dans ce ministère sans tabou, mais dans la concertation.

S'agissant du patrimoine, j'évoquerai rapidement ce thème essentiel puisque nous y reviendrons à plusieurs reprises.

Au-delà du respect du passé, il s'agit, pour notre pays, de son rayonnement, de son activité et de son audience internationale. Vous avez, à juste titre, énuméré les difficultés de la gestion financière que nous avons connues. Je ne reviendrai pas loin dans le passé, mais vous savez très bien que les difficultés ont pour origine la tempête de 1999, la mise en place de certains crédits exceptionnels particulièrement légitimes, le rythme décalé des dépenses effectives des crédits et donc des opérations en dents de scie concernant les crédits de paiement.

J'ai la franchise de vous dire que, pour l'exercice 2005, il s'agissait, évidemment, d'une sorte d'opération de vérité, car les marges de manoeuvre qui tenaient aux reports de crédits ont maintenant disparu. Cela m'a donc amené, tel l'éternel mendiant que je suis, à tirer, à plusieurs reprises, la sonnette d'alarme auprès du Premier ministre afin que des crédits exceptionnels supplémentaires soient mis en oeuvre dans le cadre des mesures de gestion de la loi de finances rectificative et du budget pour 2005.

Au-delà de la reconduction des crédits d'une année sur l'autre, environ quatre-vingts millions d'euros supplémentaires sont aujourd'hui affectés à la restauration de nos monuments historiques. Est-ce suffisant pour faire face à l'ampleur des besoins ? Certes, non. A ce titre, je suis en train de réfléchir à des initiatives nouvelles.

Je m'applique la maxime suivante : il faut toujours aider les gens à vous aider. Je souhaite que tous nos concitoyens prennent conscience de l'importance stratégique qui s'attache à notre patrimoine. Dans cette période où, à cause des délocalisations et d'un certain nombre de conflits, ils ont le sentiment de perdre leur identité, leur racine et les expressions mêmes de leur culture, cet axe est prioritaire. J'y attache beaucoup d'importance. L'Etat ne se désengage pas !

De la même manière, l'Etat ne se désengage pas en proposant un certain nombre de monuments très emblématiques aux collectivités territoriales. Je rappelle que cela repose sur la base du volontariat. Par ailleurs, chaque monument proposé au transfert fera l'objet d'un contrat d'entretien et de restauration. Enfin, si je constatais qu'un monument devrait se retrouver entre les mains d'une collectivité qui n'accepterait pas avec entrain d'en prendre la charge, je ne le lui confierais pas. Je lis, de ce point de vue, avec beaucoup d'attention les réactions qui se manifestent partout sur le territoire national.

Nous avons élaboré une première liste, qui est soumise aujourd'hui à la concertation interne du ministère. En effet, c'est l'honneur de celles et ceux qui travaillent au sein des musées nationaux que d'avoir quelquefois des états d'âme puisqu'ils ont consacré leur ardeur et leur énergie à ce sujet. La liste sera, ensuite, proposée au Conseil d'Etat ; puis elle fera l'objet, tout au long de 2005, de discussions avec les collectivités territoriales, sur la base du volontariat.

Je reviendrai sur toutes ces questions. Toutefois, voilà ce que je souhaitais préciser d'emblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nachbar

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le contexte budgétaire actuel qui est marqué par la volonté de maîtrise de la dépense publique, l'évolution du budget de la culture traduit la volonté du Gouvernement de conserver à l'action culturelle de l'Etat son caractère prioritaire.

Avec un montant global de crédits de 2, 787 milliards d'euros, le projet de budget pour 2005 enregistre une hausse nominale de 5, 6 %, voire, si l'on neutralise un certain nombre de transferts pour rester à structure constante, de 6, 5 %.

Cette évolution positive s'accompagne d'un effort de maîtrise des dépenses de structure, que je salue. Elle privilégie les crédits d'investissement, qui augmentent de 26, 5 %, et les moyens d'intervention, qui progressent de 3, 66 %. Nous sommes donc en présence d'un budget dynamique, mis au service d'une politique culturelle marquée par une recherche d'équilibre, attentive au patrimoine comme à la création.

La commission des affaires culturelles est très sensible à cette volonté d'équilibre que l'on retrouve dans la répartition des dépenses entre Paris et les régions. Nous serons, en 2005, à une quasi-parité, 52 % contre 48 %.

Le temps qui m'est imparti et les règles qui s'appliquent à notre débat budgétaire ne me permettront pas, monsieur le ministre, d'analyser l'ensemble des composantes de votre budget. Par conséquent, je m'attacherai, comme l'a fait mon collègue au nom de la commission des finances, à traiter quelques sujets qui correspondent aux priorités de la commission des affaires culturelles du Sénat.

Le premier point que j'entends aborder est le patrimoine et les moyens nécessaires à son entretien et à sa conservation.

Un document élaboré en janvier 2003 par les services de votre ministère avait souligné l'état préoccupant des monuments classés : 20 % d'entre eux, soit 2 800 sur 15 000, seraient en situation de péril, voire de grand péril. Certes, nous ne sommes plus dans les années 1830 où l'inspecteur des monuments historiques Prosper Mérimée découvrait l'état affligeant du patrimoine. Depuis cette époque, d'immenses efforts ont été faits. Néanmoins, la lourdeur de la tâche se reflète à travers ce seul chiffre : 20 % de nos 15 000 monuments classés sont en situation difficile !

Le Gouvernement a pris la mesure de l'ampleur d'une telle tâche. Votre prédécesseur, s'inspirant des travaux de la commission Bady, avait présenté en septembre 2003 un plan national pour le patrimoine dans le but d'associer l'ensemble des acteurs concernés : les collectivités territoriales, les propriétaires privés, les associations de défense du patrimoine, et, bien sûr l'Etat, qui a, en la matière, une responsabilité régalienne tout à fait particulière.

La loi de finances pour 2004 a prévu une augmentation des enveloppes consacrées à la restauration des monuments historiques de 10 %, conformément aux engagements pris.

Malheureusement, les crédits de paiement nécessaires à la réalisation des opérations en cours se sont révélés très insuffisants, et ce malgré les redéploiements auxquels vous avez procédé durant l'été. C'était sans doute le prix à payer pour l'opération de transparence réalisée par le précédent ministre dans son budget. C'est, si j'ose reprendre le titre d'une oeuvre d'un écrivain libertin du XVIIIe siècle, « les infortunes de la vertu » !

En voulant limiter les opérations reportées d'année en année, on est parvenu à une situation qui a perturbé le déroulement de nombreux chantiers, suscitant une réelle inquiétude aussi bien parmi les associations de défense du patrimoine que dans les entreprises de restauration des monuments historiques.

Par conséquent, je me réjouis non seulement des opérations de redéploiement que vous avez décidées en cours d'année, mais aussi de ce que vous avez indiqué lors de votre audition devant la commission sur le projet de loi de finances rectificative déposé il y a quelques jours à l'Assemblée nationale : une rallonge de 31 millions d'euros sera inscrite en faveur du patrimoine.

Je souhaitais vous poser une première question dans le cadre de cette nouvelle procédure qui s'impose à nous : les crédits supplémentaires de la loi de finances rectificative seront-ils suffisants pour faire face aux besoins de l'année en cours et ne pas obérer, par conséquent, les conditions d'exécution de l'exercice 2005 ?

Quant au projet de budget pour 2005, il prévoit une augmentation de 25 millions d'euros en faveur du patrimoine. C'est un effort tout à fait appréciable et je souhaiterais que ces crédits soient sanctuarisés. En effet, le patrimoine est un secteur très sensible aux ruptures de charges et dont la main-d'oeuvre, de très haute qualification, ne peut rester indéfiniment en situation d'attente, voire de précarité. C'est la raison pour laquelle notre commission avait souhaité que soit proposée au Parlement une loi de programme pour le patrimoine.

J'ajoute que les 25 millions d'euros supplémentaires sont, dans leur grande majorité, consacrés aux investissements de l'Etat inscrits au titre V et, de manière marginale seulement, aux subventions d'investissement du titre VI. C'est la conséquence logique de la situation que j'évoquais il y a un instant sur les autorisations de programme restées non satisfaites.

Cependant, et ce sera ma deuxième question, ne peut-on craindre, monsieur le ministre, que, dès 2005, cette répartition entre le titre V et le titre VI ne provoque une certaine sur le titre VI ; ainsi, ne sera-il pas nécessaire, à l'avenir, d'inverser progressivement cette tendance ?

Vous avez, en effet, souhaité restituer aux propriétaires la maîtrise d'ouvrage pour les monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat. Il s'agissait d'une proposition de M. Bady que la commission des affaires culturelles avait souhaitée, car elle considère que l'Etat doit se recentrer sur son rôle de contrôle et tout à la fois responsabiliser et soutenir les propriétaires.

Une ordonnance est en cours de préparation sur la base du projet de loi de simplification du droit. Bien que nous n'en connaissions pas encore le contenu, je souhaite vous poser une troisième question. Monsieur le ministre, cette volonté de rendre aux propriétaires la maîtrise d'ouvrage ne devrait-elle pas s'accompagner d'un rééquilibrage de la répartition des crédits entre les investissements directs de l'Etat et les subventions d'investissement pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat ?

Cela me paraît d'autant plus important que la grande majorité de ces monuments appartiennent à des communes de moins de 10 000 habitants, qui ne disposent pas, sans un effort particulier de l'Etat, des moyens nécessaires pour remettre ce patrimoine en état, d'autant plus que, monsieur le ministre, vous l'avez évoqué tout à l'heure, la loi du 13 août 2004 ouvre la possibilité aux collectivités territoriales volontaires de récupérer la propriété d'un certain nombre de monuments historiques.

Cependant, je ne voudrais pas, pour en terminer sur ce point, donner l'impression que l'Etat doit, à lui seul, assurer la charge financière de la restauration des monuments historiques, dont le montant peut être évalué à la somme considérable de 5 milliards à 6 milliards d'euros, compte tenu de l'état d'un certain nombre de ces monuments. Cela suppose une mobilisation de toutes les énergies !

La loi sur le mécénat a ouvert un certain nombre de pistes. Nous avons tous observé les résultats ô combien bénéfiques de l'effort des investisseurs privés en faveur du patrimoine. A ce titre, je n'évoquerai que pour mémoire la galerie d'Apollon que beaucoup d'entre vous ont visitée il y a quelques jours. Après tout, au lendemain de la Première Guerre mondiale, Versailles a été sauvé par le mécénat privé français et étranger !

Par conséquent, monsieur le ministre, je vous pose la quatrième question : quelles seraient les voies permettant de susciter une mobilisation encore plus grande des acteurs privés en faveur du mécénat dans le domaine des monuments historiques ?

Voilà pour ce qui est du patrimoine, sujet qui a le plus retenu l'attention de la commission.

Le deuxième point concerne l'éducation artistique.

La transmission des savoirs et la démocratisation de la culture, essentielles à la fois pour la création dans notre pays mais aussi pour l'égalité des chances et la formation des jeunes, passent aussi par la culture à l'école et tout particulièrement par l'éducation artistique.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé que les enseignements artistiques feraient l'objet d'une communication commune du ministre de la culture et du ministre de l'éducation nationale. Certes, il n'est pas question de vous demander, avant qu'elle ait eu lieu, la teneur de cette communication. Pourriez-vous néanmoins nous indiquer quelles orientations vous entendez proposer dans ce domaine qui nécessite une collaboration étroite entre votre ministère et celui de l'éducation nationale ?

Enfin, troisième et dernier point, vous avez souhaité faire des acquisitions et de la commande publique la troisième grande priorité de votre action en 2005. J'ai relevé que 500 000 euros supplémentaires seraient consacrés à l'enrichissement des collections de nos musées et 150 000 euros au plan d'action pour le patrimoine écrit. Je m'en félicite, bien entendu, mais je tiens cependant à rappeler que, les années précédentes, ces enveloppes budgétaires n'ont pas toujours été très bien traitées au cours de l'exécution du budget.

Toutefois, connaissant votre souci de conforter la commande publique, je vous fais entièrement confiance sur ce point. Pourriez-vous préciser les orientations que vous entendez donner à cette politique d'acquisitions, essentielle pour l'avenir de nos musées ?

Monsieur le ministre, j'en ai terminé avec les questions que je souhaitais vous poser, puisque c'est ainsi que nous procédons maintenant.

Je conclurai mon propos en indiquant que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de votre ministère.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Lagauche

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai l'honneur et le plaisir de vous présenter pour la première fois le budget du cinéma et du théâtre dramatique, puisque je remplace notre collègue, ancien rapporteur pour avis, M. Marcel Vidal, que je tiens à saluer ici.

Le cinéma s'inscrit dans une tendance favorable qui connaît, certes, des fluctuations, mais qui enregistre aussi des signes positifs, que ce soit en termes de production et d'investissements, de fréquentation des salles ou de parts de marché des films français.

Mais ce dynamisme, unique en Europe, peut se trouver menacé. J'évoquerai trois défis auxquels le secteur cinématographique se trouve confronté. Ces défis nécessitent la mobilisation des professionnels, mais aussi celle des pouvoirs publics, qu'il s'agisse du fléchissement des exportations de films, du problème du téléchargement illégal sur Internet ou du débat sur les règles d'éligibilité au compte de soutien géré par le Centre national de la cinématographie.

Tout d'abord, la commission des affaires sociales s'inquiète du bilan très mitigé de l'exportation des films français, en raison d'un recul préoccupant du nombre d'entrées à l'étranger : moins 12, 7 % en 2003, avec 48 millions d'entrées. Il est vrai que ce résultat s'explique pour l'essentiel par la baisse de fréquentation relevée en Europe : de moins 8 % à moins 15 % selon les pays.

Cela me semble être une raison supplémentaire pour défendre en Europe une politique de soutien au cinéma. Pourtant, notre dispositif de soutien au cinéma semble menacé par Bruxelles, qui, de plus, nous demande de mettre fin à notre régime dérogatoire en matière de publicité télévisée pour le cinéma.

Ensuite, le téléchargement illégal de films via Internet risque de fragiliser le financement de la création.

Après celui de la musique, le secteur du cinéma est en effet victime de ce type de pratiques et plusieurs études récentes ont permis d'en mesurer l'ampleur et l'impact sur l'économie de cette industrie.

On évalue ainsi à huit millions le nombre de téléchargements de films par semaine. Sept « téléchargeurs » sur dix déclarent avoir diminué leurs achats et locations de supports vidéo et deux sur dix avouent moins fréquenter les salles de cinéma depuis qu'ils s'adonnent à ce que l'on appelle la « piraterie ».

Selon une étude du Centre national de la cinématographie, du 12 août 2003 au 31 juillet 2004, 36 % des films sortis en salles ont été piratés sur Internet et les films français qui génèrent le plus de recettes sont, en toute logique, les plus menacés, puisque les cinquante films français piratés pendant cette période représentent 70 % des entrées en salles.

Les réflexions sur les modalités de la lutte contre cette piraterie ont été très nombreuses depuis un an, avec des colloques - dont l'un s'est d'ailleurs tenu au Sénat -, la poursuite de la mission Chantepie-Berninau, entre autres.

La commission des affaires culturelles considère que la politique à mener devra conjuguer des réponses variées, adaptées aux différents secteurs du marché.

Cette politique devra comprendre trois volets.

Le volet éducatif est fondamental.

Le volet répressif devrait essentiellement concerner les « pirates professionnels » auxquels cette activité illégale procure des profits. A cet égard, des moyens techniques de dissuasion et de sanction ne pourraient-ils être trouvés, le recours au droit pénal paraissant peu adapté au plus grand nombre ?

Enfin, dernier volet, les professionnels doivent développer des offres légales suffisamment attractives de cinéma sur Internet ou de vidéo à la demande.

Dans le domaine de la musique, les professionnels se rapprochent actuellement des plateformes de peer to peer, afin de mettre sur le marché une offre légale qui permettrait d'accomplir une « conversion » en douceur des téléchargeurs.

Le cinéma pourrait, lui aussi, profiter de ces technologies de distribution. Mais de nouveaux systèmes d'échanges ne risquent-ils par d'apparaître ? Par ailleurs, quelle place conviendra-t-il de réserver à la vidéo à la demande dans la chronologie des médias ?

Au total, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en est le « plan de bataille » contre la piraterie dans le domaine du cinéma et quelle politique le Gouvernement entend poursuivre dans ce domaine en 2005 ?

Enfin, le débat concernant l'utilisation du fonds de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle est loin d'être clos.

Nous souhaitons connaître votre position sur cette question qui agite les producteurs concernant l'agrément et les aides allouées par le Centre national de la cinématographie, pour des films coproduits par une société à capitaux partiellement extra-européens ou pour lesquels une telle société est producteur délégué.

Je rappelle à cet égard que le tribunal administratif de Paris a récemment annulé les agréments délivrés par le Centre national de la cinématographie au film l'Ex-femme de ma vie, de Josiane Balasko, pour lequel une société détenue à 32 % par une société américaine est coproducteur, bien qu'elle n'intervienne que pour une part marginale dans le financement de ce film. En outre, les statuts de celle-ci prévoient qu'elle produira exclusivement des films en langue française et tournés en France.

Cette même société est producteur délégué du film Un Long dimanche de fiançailles, de Jean-Pierre Jeunet, dont le même tribunal vient également d'annuler l'agrément. Elle devra donc renoncer à 11 millions d'euros de financement au titre du fonds de soutien. Cette situation n'est-elle pas paradoxale, s'agissant d'un film entièrement tourné en France, en langue française, par un réalisateur français et avec une équipe technique et artistique française ?

La commission des affaires culturelles se réjouit que la plupart des dispositions préconisées par le plan d'action en faveur du cinéma, présenté par le Gouvernement en 2003, soient aujourd'hui entrées en application et commencent à porter leurs fruits. Mais, alors que nous luttons pour « relocaliser » les productions en France et que nous défendons notre système de soutien à la production cinématographique, non pas au titre d'un quelconque protectionnisme économique mais au titre d'une nécessaire régulation, afin que subsiste une diversité culturelle, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que les critères retenus par le Centre national de la cinématographie mériteraient d'être révisés et de quelle façon devraient-ils l'être ?

J'en viens, monsieur le ministre, à deux questions concernant le théâtre et, plus généralement, le spectacle vivant.

La commission des affaires culturelles soutient pleinement les priorités que vous entendez mettre en oeuvre pour la politique du théâtre en 2005. Je les cite rapidement : la recherche d'un meilleur équilibre entre la production et la diffusion des oeuvres, le renforcement du lien entre les institutions et les artistes et de la relation entre la formation et l'emploi, ainsi que la poursuite de la politique d'évaluation des structures.

Tous ces axes sont essentiels pour l'avenir de la création culturelle dans notre pays. Mais je m'interroge sur la traduction de ces priorités dans le budget pour 2005, qui ne prévoit notamment qu'une hausse de 2, 6 % de l'aide aux compagnies indépendantes. Cette modeste progression vous semble-t-elle constituer une réponse suffisante au besoin d'un véritable plan d'urgence pour ces compagnies, dont l'économie se révèle malheureusement fragile ?

Par ailleurs, monsieur le ministre, je souhaite vous faire part de ma vive inquiétude quant à la perte de revenus du Centre national de la chanson, de la variété et du jazz, le CNV, qui résulterait d'une disposition excluant l'ensemble des musiques traditionnelles du champ de la taxe sur le spectacle.

Le CNV, qui a attribué près de 11 millions d'euros pour l'aide à la construction de salles et la production de spectacles l'année dernière, doit être en mesure d'assurer sa mission d'aide au spectacle vivant qui est essentielle dans un contexte difficile pour la filière musicale dans son ensemble.

Enfin, la commission des affaires culturelles salue votre réelle implication dans le dossier de l'intermittence du spectacle et votre souci du dialogue.

Je rappelle que le recours à l'intermittence comme modèle dominant de l'emploi artistique s'est traduit par une aggravation du déficit du régime d'assurance dont bénéficient les salariés relevant des annexes VIII et X à la convention générale d'assurance chômage et qu'en un peu plus de dix ans le nombre des intermittents a plus que doublé - pour atteindre 102 000 en 2001 -, les allocations servies ayant elles-mêmes quadruplé.

Nous savons tous que la réforme de ce régime, fixée par l'accord du 26 juin 2003, n'apportait que des réponses imparfaites aux problèmes posés par la crise que traverse le spectacle vivant.

Depuis lors, vous avez engagé un certain nombre d'actions, développé la concertation avec l'ensemble des acteurs concernés et confié différentes missions à des experts, afin de mieux connaître l'économie du secteur et de mettre en place un fonds provisoire d'indemnisation, de réfléchir à la délimitation du périmètre des annexes VIII et X et de tracer des pistes pour bâtir un nouveau régime d'assurance chômage.

Je rappelle que la commission des affaires culturelles a contribué au débat, au travers des travaux du groupe de réflexion chargé d'examiner les conditions de la création culturelle dans notre pays, qu'elle a mis en place au Sénat.

Les conclusions et propositions du rapport qu'elle a publié en juillet dernier sont d'ores et déjà pour partie relayées par l'action du Gouvernement et elle s'en réjouit.

Dans l'attente d'un débat sur ce sujet essentiel au sein de notre Haute Assemblée, je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez établir un premier bilan du plan de lutte engagé par le Gouvernement contre les abus du recours à l'intermittence, des conséquences de l'accord de 2003 sur les comptes de l'UNEDIC et du recours au fonds spécifique mis en place en juillet dernier.

Pouvez-vous, enfin, esquisser les voies du régime à venir ?

Je conclurai mon propos en vous indiquant que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du cinéma et du théâtre dramatique pour 2004.

Je tiens néanmoins à rappeler que la forte mobilisation des acteurs publics en faveur du cinéma, du théâtre et, plus généralement, du spectacle vivant, recouvre certes les actions de l'Etat, mais aussi, il ne faut pas l'oublier, l'effort considérable des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Monsieur Lagauche, je tiens à saluer votre prestation pour votre premier rapport pour avis sur le cinéma et le théâtre.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Madame la présidente, je veux tout d'abord vous rassurer, si je réponds un peu longuement aux questions des rapporteurs, je serai plus bref dans les réponses que j'apporterai aux orateurs. Je souhaite expliquer l'environnement auquel se réfère chaque question.

Messieurs les rapporteurs pour avis, je vous remercie, en écho à la réponse que je viens de faire à M. le rapporteur spécial, d'avoir souligné combien le budget de mon ministère témoigne de la volonté du Gouvernement de conserver à l'action culturelle de l'Etat son caractère prioritaire.

A ceux d'entre vous qui participent régulièrement aux débats forains de la culture - et ils sont nombreux dans la période actuelle ! -, je tiens à exprimer ma gratitude parce que ce n'est pas l'Etat seul, ou le Gouvernement seul, qui peut agir pour dénouer certaines difficultés.

J'ai été particulièrement sensible à ce que vous ayez perçu le souci d'équilibre de ce budget, qui constitue l'instrument d'une politique culturelle équilibrée, entre patrimoine et création, entre Paris et les régions, entre les investissements et les interventions.

Mon ministère est un ministère régalien, mais c'est aussi un ministère partenaire. Et pour être un partenaire solide, il faut pouvoir fonder son action sur des crédits d'Etat qui sont sanctuarisés, c'est-à-dire qui ne font pas l'objet d'annulation en cours de gestion, ce qui a bien été le cas au cours de l'exercice 2004, grâce aux décisions de M. le Premier ministre.

Il existe un grand nombre de projets communs à l'Etat et aux collectivités territoriales qu'il nous appartient de mener à bien, dans le souci majeur de l'aménagement et du développement de nos territoires.

Je suis heureux de vous confirmer que, cette année, les crédits d'investissement du budget de mon ministère se répartissent à peu près à parité entre Paris - 52% - et les régions -48%. Cette législature marque un rééquilibrage par rapport à la législature précédente. En moyenne, entre 1997 et 2001, 62% des crédits d'investissements étaient consacrés à Paris contre 38% pour les régions.

Ce budget, vous l'avez relevé, monsieur Nachbar, porte des efforts particuliers en faveur du patrimoine et de la relance de la commande publique. Le patrimoine, ce sont bien sûr nos musées, nos monuments, les « vieilles pierres », auxquels nous sommes très attachés ; j'y reviendrai dans un instant.

Mais notre patrimoine n'est pas fait que de pierres, si belles et si vénérables soient-elles. Notre patrimoine n'est pas seulement monumental, avec d'ailleurs la diversité que sous-tend ce terme. La façade authentique d'un café dans une commune rurale peut avoir autant de valeur, par rapport à nos racines et à notre histoire, que certains monuments très emblématiques.

Le patrimoine est aussi fait de toute notre histoire et de la richesse de nos répertoires, dans toutes les disciplines, du cinéma au spectacle vivant et jusqu'aux créations les plus contemporaines, qui participent, avec le dynamisme de nos créateurs, au rayonnement de notre pays, à notre identité, à notre fierté.

Nous sommes ici au coeur de l'alliance entre le patrimoine et la création, sur laquelle repose la politique culturelle. Il s'agit pour moi d'un seul et même combat. C'est pourquoi je considère qu'il est aussi important de replacer durablement, au-delà de la sortie de crise, les artistes et tous ceux qui font le spectacle vivant au coeur de la cité, que d'accorder à nos monuments toute l'attention qu'ils méritent.

Je n'oppose pas les artistes à la défense de notre patrimoine : c'est le juste équilibre dans l'attention portée aux uns et aux autres qui permettra une politique culturelle réussie.

Avec les artistes et les techniciens, avec tous les acteurs de ce secteur majeur de notre rayonnement, en particulier les élus, et en m'appuyant bien sûr sur les propositions et sur l'analyse que le Sénat, par la voix de sa commission des affaires culturelles, a formulées, j'essaie de construire une politique de la culture fondée sur cette conviction profondément humaniste déjà exprimée par Malraux : « La culture ne s'hérite pas, elle se conquiert. » C'est pourquoi, au-delà de la présente discussion, je compte sur votre engagement dans le débat sur le spectacle vivant que nous conduirons prochainement ici même.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous m'avez interrogé sur le patrimoine.

Vous avez raison, l'augmentation des crédits de paiement concerne principalement le titre V, car elle a pour objet de répondre à l'engagement des autorisations de programme qui ont été consommées. Cette année, en dehors de la loi de finances rectificative, le taux de consommation des crédits de paiement sera de 100 %, comme pour le titre IV. En revanche, il restera des autorisations de programme, car toutes n'ont pas été engagées afin de ne pas créer ce que l'on pourrait appeler une « crise des crédits de paiement ».

Il est vrai que, dans les années à venir, avec la délégation de la maîtrise d'ouvrage aux collectivités locales ou aux partenaires privés, les crédits relèveront du titre VI. Mais ce ne sera effectif qu'à partir de 2006. Or, vous le savez, l'application pleine et entière de la LOLF dès l'année prochaine résoudra, j'allais dire « naturellement », les problèmes de cloisonnement que vous évoquiez. La distinction entre ces deux types de crédits n'aura plus de sens, ce qui, évidemment, représentera un progrès pour leur gestion.

Saurai-je pour autant faire face à toutes les demandes et répondre à toutes les sollicitations qui me sont adressées chaque fois que je viens à l'Assemblée nationale ou au Sénat ? Je dois reconnaître devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il faudra parfois avoir le sens de l'étalement dans le temps ! (Sourires.)

Il est vrai que l'augmentation des engagements des autorisations de programme en 2005, comme déjà en 2003 et en 2004, va nécessairement conduire à l'augmentation globale des crédits de paiement. D'ailleurs, monsieur le rapporteur pour avis, dans votre propre estimation des dépenses nécessaires pour le patrimoine vous étiez à 1 milliard d'euros près, puisque vous les avez chiffrées à 5 ou 6 milliards d'euros...

Je vois bien toutes les autres demandes qui s'expriment, notamment, et de manière croissante, de la part des territoires pour la création ou la rénovation de grands équipements culturels structurants.

Vous avez évoqué l'enseignement artistique, priorité forte pour 2005. Le ministre de l'éducation nationale et de la recherche et moi-même préparons pour le courant du mois de janvier une communication en conseil des ministres sur ce sujet. Vous comprendrez aisément que la présentation de ce plan d'action ait été légèrement différée du fait de la mobilisation de l'ensemble du ministère de l'éducation nationale pour l'élaboration du projet de loi d'orientation sur l'école, texte qui ne renie pas la place de l'enseignement artistique et que, j'espère, vous soutiendrez lorsqu'il viendra en discussion devant vous.

On constate d'ailleurs que le ministère de la culture et de la communication, d'une part, et le ministère de l'éducation nationale, d'autre part, sont fortement imbriqués, comme l'examen cet après-midi des crédits consacrés à la communication l'illustrera encore une fois : je pense notamment aux actions de pédagogie au sujet de la presse écrite que nous devons mener auprès des plus jeunes de nos concitoyens.

Attachant une très grande importance aux enseignements artistiques, j'ai demandé aux DRAC d'en faire une priorité dans leurs budgets pour 2005. Avant même la communication en conseil des ministres que je viens de mentionner, François Fillon et moi-même organiserons une réunion conjointe des recteurs et des directeurs régionaux des affaires culturelles afin de les sensibiliser à la question et de les encourager à travailler dans une collaboration la plus étroite possible, car ce n'est pas toujours le cas actuellement. De ce point de vue, c'est vrai, il y a certainement des progrès à faire !

Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur pour avis, la commande publique et les acquisitions. Parce qu'elle se situe au coeur de l'alliance entre création et patrimoine, qui constitue le terrain d'action de ce ministère, je souhaite donner un nouvel élan à la commande publique ; tout en dégageant des moyens pour les crédits d'acquisitions. C'est là un axe important de ma politique.

J'ai donc décidé symboliquement que les crédits concernés, même s'ils peuvent paraître modestes, seront sanctuarisés : on ne pourra plus dire qu'ils sont sacrifiés et servent en cours de gestion de variable d'ajustement aux besoins parfois constatés dans d'autres secteurs du ministère.

La relance de la commande publique doit également s'accompagner de mesures pour permettre d'exposer les chefs-d'oeuvre que l'on ne voit plus. Pour cette raison, j'ai décidé de restaurer rapidement la galerie Formigé, à la Manufacture nationale des Gobelins, ce qui permettra au Mobilier national d'exposer ses acquisitions et ses oeuvres ; car il possède non seulement des trésors du Moyen Age, de la Renaissance ou des XVIIIe, XIXe, voire XXe siècles, mais aussi des créations ultracontemporaines. L'ensemble de ces pièces mérite d'être exposé.

Monsieur Lagauche, j'attache comme vous une grande importance aux questions de droits d'auteur, mais je ne suis pas moins attentif aux équilibres économiques du secteur du cinéma et, plus généralement, de l'industrie culturelle.

La lutte contre la contrefaçon numérique est évidemment au coeur de mes préoccupations. Le sujet n'est pas facile et exige que nous nous montrions pédagogues à l'égard de nos concitoyens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en politique, la sémantique est importante ; j'en appelle donc à votre sagesse proverbiale pour me suggérer une expression meilleure que celle de « piraterie », qui, pour les plus jeunes de nos concitoyens, jouit d'un coefficient de sympathie bien mal venu et renvoie à un imaginaire par trop fécond. Si nous voulons montrer que nous n'avons pas d'autre objectif que le respect de la diversité de la création, de la situation des artistes et des auteurs dans notre pays, il nous faut, là aussi, faire preuve d'imagination.

Par les pertes financières qu'elle implique, la contrefaçon numérique affecte la rentabilité de l'industrie cinématographique et pourrait, à terme, altérer nos capacités de création artistique, et donc notre diversité culturelle. Certes, la France est solide en la matière et peut sans doute résister plus facilement que d'autres pays dont l'activité culturelle, artistique, cinématographique ou musicale est beaucoup plus faible. Mais, si nous n'y prenions garde et si nous laissions faire, tous les acteurs seraient perdants et la diversité culturelle et artistique dans le monde ne serait plus qu'un leurre.

Pour éviter cet équilibre du pire, le ministère de la culture et de la communication a développé une politique de lutte active contre toutes les formes de piraterie, politique qui s'appuie sur deux axes essentiels : sur la communication et la pédagogie auprès des publics, en particulier des publics jeunes, et, par delà, sur la légitime et structurante action de répression.

Le rôle du ministère de la culture est d'encourager, de faciliter la « nouvelle alliance » que les fournisseurs d'accès et les professionnels du cinéma cherchent à sceller autour d'intérêts convergents. On ne me fera jamais dire que je suis contre l'accès à la musique et au cinéma grâce à Internet : je suis simplement obligé de mettre en garde contre le principe de gratuité tous azimuts, parce que son application risque de réduire à néant la juste rémunération des talents. Je souhaite que les négociations en cours aujourd'hui pour la musique comme pour le cinéma aboutissent.

L'enjeu est clair : il s'agit évidemment d'utiliser les potentialités des réseaux à haut débit et d'encourager le développement d'un ensemble d'offres légales.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

On pourrait appeler « corsaires » les pirates légaux !

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Les corsaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Ils avaient des lettres de course du Roi ! Vous avez demandé des idées ? En voici une !

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je vous demanderai de faire preuve d'encore davantage de créativité, monsieur le sénateur ! Pirate et corsaire, cela n'évoque pas le pire ; il faut trouver mieux, si je puis dire !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Le ministère de la culture se doit également de préserver l'équilibre de la filière cinématographique. Vous avez mentionné, monsieur le rapporteur pour avis, les problèmes de la VOD, la vidéo à la demande, et celui de la chronologie des médias. Ces questions font aujourd'hui l'objet de négociations par le CNC, qui a la volonté d'aboutir.

Vous évoquez également la révision des critères d'attribution du soutien à l'industrie cinématographique. Sachez que, dès le mois de mai dernier, à l'occasion de la journée des auteurs, j'ai annoncé que ces critères devraient être évalués afin que l'on puisse en mesurer l'efficacité et la pertinence. C'est l'un des nombreux chantiers que le CNC devra conduire en 2005.

Un autre point sur lequel je reste très vigilant, parce que j'y attache la plus extrême importance, est la relocalisation d'un certain nombre de tournages sur le territoire national. Vous savez la politique de partenaires que les régions et l'Etat mènent en la matière.

De la même manière, des négociations sont en cours, à la suite d'une décision de justice, sur la position que nous devons adopter lorsqu'un film est produit et réalisé intégralement en France mais avec des capitaux étrangers. Je ne vous cache pas que le ministre de l'emploi culturel que je suis regarde d'un oeil évidemment attentif et bienveillant celles et ceux qui, en décidant de travailler en France, soutiennent l'activité des artistes et des techniciens français.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Ce sujet fait également l'objet de négociations, car vous imaginez bien que, comme toujours, des intérêts divergents s'opposent. Mais on ne peut pas me demander de me battre comme un lion, et je le fais avec passion, pour défendre la culture, la communication et toutes les formes d'expression artistique, et de rester les bras croisés alors qu'un certain nombre d'aides publiques permettent que des tournages se passent intégralement au-delà des frontières de l'Union européenne.

Si je ne suis pas un protectionniste, je n'en ai pas moins la charge de défendre l'activité des artistes et des techniciens qui font la fierté de notre pays.

On sait que le spectacle vivant, avec le cinéma et l'audiovisuel, constitue un véritable secteur économique qui, pour utiliser une expression un peu familière, « pèse » aujourd'hui plus de 20 milliards d'euros. Le secteur culturel et artistique est donc aussi une immense activité économique pour notre pays. Je le souligne, car je voudrais « démarginaliser » l'image qu'a la Rue de Valois dans notre pays.

Bien sûr, mais sur l'attractivité nécessaire de notre pays, je crois que nous y reviendrons dans la suite du débat.

On sait que l'effort conjoint de l'Etat et des collectivités territoriales a permis qu'un réseau d'équipements culturels « habille » notre pays et favorise la rencontre entre les arts et la population.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez cité des chiffres, en particulier sur les compagnies indépendantes. Je vous mets en garde sur un seul point : les crédits n'ont pas encore été individualisés puisque, par respect pour le Parlement, j'attends qu'ils m'aient été octroyés pour le faire. Ne soyons pas hypocrites, les conférences régionales sont en cours. Mais, bien que je souhaite que les responsabilités soient réparties entre le niveau central, le niveau territorial, et les échelons déconcentrés de mon ministère, c'est moi qui, en fin de compte, rends les arbitrages, parce que cela correspond ma manière d'exercer ma responsabilité.

Si donc vous êtes mécontents, mesdames, messieurs les sénateurs, vous pourrez vous en prendre au ministre au lieu de devoir contester des décisions qui n'ont pas encore été définitivement formalisées !

On sait que nos institutions, grâce à leurs équipes, grâce aux auteurs vivants de toutes les disciplines, offrent une création toujours en mouvement, inventive et diversifiée, tant en France qu'au-delà de nos frontières, création qui contribue à façonner l'image de notre pays.

Je ne les citerai pas tous - sans quoi je me ferai définitivement rappeler à l'ordre par Mme la présidente -, mais je tiens à votre disposition les chiffres d'audience atteints par la retransmission télévisée de l'ouverture de l'année de la France en Chine. Je ne donnerai qu'un exemple : le spectacle de Jean-Michel Jarre a été vu par 750 millions de téléspectateurs chinois, auxquels s'ajoutent 200 millions dans le monde, soit près d'un milliard de citoyens du monde pour l'expression artistique. Et je pourrais citer d'autres exemples ! Ainsi, en quinze jours, le Rideau de scène pour le ballet Parade de Picasso, qui a été présenté à Hong Kong, a attiré deux millions de visiteurs. C'est dire l'importance de l'activité de nos artistes, qu'il s'agisse du spectacle vivant ou du patrimoine, des plus humbles aux plus emblématiques.

Vous avez posé la question du financement de l'assurance chômage des intermittents du spectacle, sujet très important. Je ne me déroberai pas à votre interpellation, moi qui suis préoccupé par le soutien à l'emploi, et donc par le traitement du chômage.

Malgré l'injustice qui caractérise un certain nombre de situations, je crois nécessaire d'établir un système juste, équitable et définitif de l'intermittence. En effet, un certain nombre d'activités artistiques reposent, dans leur diversité, sur l'existence d'un système pérenne, durable, juste et équitable de l'indemnisation du chômage.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Or l'importance de la permanence de l'emploi est l'une des conclusions du rapport de M. Jean-Paul Guillot, qui a réalisé un travail absolument exceptionnel. Nous avons reçu ce document les uns et les autres et chacun de nos concitoyens peut y avoir accès sur le site Internet du ministère de la culture.

Nous sommes donc confrontés à un double défi : trouver un système juste pour l'indemnisation du chômage et requalifier un certain nombre de postes en emplois permanents. Cela suppose que s'installent autour de la table tous les employeurs, publics et privés, employant un certain nombre de techniciens et d'artistes relevant des annexes 8 et 10.

L'Etat prendra ses responsabilités. J'ai veillé scrupuleusement au respect de chacune des étapes que j'ai annoncées depuis que je suis ministre de la culture et de la communication.

Un fonds provisoire a été créé en 2004. Dans l'attente d'un accord définitif, le Gouvernement créera en 2005 un fonds de transition permettant de pallier un vide juridique et d'éviter que l'année ne se traduise par la désespérance des artistes et des techniciens vivant dans une situation de plus grande précarité. L'Etat fera face à ses responsabilités, parce qu'il entend soutenir concrètement l'activité des artistes et des techniciens.

Cela suppose, pour que cette politique soit comprise par nos concitoyens, que les abus fassent l'objet d'une vigilance particulière. C'est ce à quoi je m'attache avec mes collègues du Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher.

Nos plus jeunes concitoyens bénéficient d'un certain nombre de mesures d'insertion professionnelle. Ces dispositions doivent être revisitées pour l'activité culturelle et artistique. Nous présenterons donc au Parlement, à l'Assemblée nationale, le 9 décembre, puis au Sénat, après les fêtes, au début du mois de janvier, un dispositif d'urgence et un plan d'action pour faire en sorte que l'emploi culturel et artistique soit mieux soutenu dans notre pays.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

S'agissant du Centre national de la chanson, qui joue un rôle essentiel pour l'aide au spectacle vivant de la chanson, la variété et le jazz, j'ai décidé de lui attribuer une aide de 1 million d'euros.

Je tiens à rappeler que ni le taux ni l'assiette de la taxe perçue par l'établissement public n'ont changé et que les fêtes traditionnelles n'ont jamais été assujetties.

Le Gouvernement, s'il partage les préoccupations des parlementaires et des élus bretons qui souhaitent que l'on évite de pénaliser les manifestations folkloriques, ce que certains appellent les « joueurs de biniou », ne veut pas pour autant que ce dispositif permette à d'autres types de spectacles d'échapper à cette taxe. Il proposera donc un amendement levant toute ambiguïté pour exclure les fêtes traditionnelles du périmètre de la taxe.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous passons aux questions des orateurs des groupes.

Je le rappelle, chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser sa question, le ministre a trois minutes pour répondre, après quoi l'orateur dispose de deux minutes au maximum au titre de son droit de réplique.

La parole est à M. Pierre Laffitte.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laffitte

Monsieur le ministre, la culture est au coeur de l'identité nationale et de nos territoires. Mais elle ne se limite pas, à mon sens, à l'action traditionnelle des services du ministère.

Le patrimoine de la France c'est aussi Louis Pasteur, Henri Poincaré, c'est aussi tous les grands savants qui oeuvrent en ce moment au Collège de France, dans les académies ou dans les universités, c'est aussi l'ensemble de nos réussites techniques. Nous avons reconquis l'espace aérien avec Airbus, le transport ferroviaire avec le TGV, le transport maritime avec les navires méthaniers, qui nous assurent une véritable domination en ce domaine. Nous avons maîtrisé l'énergie nucléaire, nous avons ouvert des musées scientifiques et techniques.

Monsieur le ministre, il me paraît fondamental d'accorder une priorité à la diffusion de la culture scientifique et technique, ne serait-ce que pour éviter à notre société de plonger dans la schizophrénie, cette société qui est de plus en plus dépendante de technologies qu'elle consomme en masse mais qu'elle comprend de moins en moins, quand cette incompréhension ne se transforme pas purement et simplement en rejet de la science et du progrès.

Il y a là, me semble-t-il, une priorité. Je veux bien qu'elle ne se traduise pas en termes budgétaires, mais je me permets tout de même d'insister, monsieur le ministre.

Vous disposez d'un outil extraordinaire avec la Cité des sciences et de l'industrie. Cet outil, il faut le maîtriser et il faut faire en sorte que le travail qui a été commencé par le nouveau président puisse être poursuivi.

Cet outil doit être mis à la disposition de l'ensemble de la nation. Il faut que le ministère chargé de la recherche, le ministère chargé de l'éducation et le ministère chargé de l'industrie joignent leurs efforts pour développer cette dimension de la culture française, qui est aussi une dimension de l'exception française.

Je reçois tous les jours à Sophia-Antipolis des délégations venant du monde entier pour s'imprégner de ce qu'elles appellent « le modèle de Sophia-Antipolis ». Je leur explique que c'est le résultat d'une culture : nous l'avons construit au fil des années avec l'ensemble des personnels, avec l'appui des collectivités locales et d'une fondation dont c'est le métier.

La culture, on le voit, peut être aussi mise au service du développement du territoire, du développement économique, et donc de la création d'emplois. Cette potentialité est reconnue désormais, puisque la délégation à l'aménagement du territoire, la DATAR, a lancé un appel d'offres pour développer ce modèle dans beaucoup d'autres régions.

Il y a là, me semble-t-il, des rôles complémentaires et importants qu'à mon avis seul le ministère de la culture peut fédérer.

Je reviens sur la Cité des sciences et de l'industrie pour suggérer, par exemple, que l'on développe l'opération La Main à la pâte, que nous devons à Georges Charpak, prix Nobel et membre de l'Académie des sciences, pour diffuser, en liaison avec l'ensemble des rectorats, ce qui se fait à la Cité des sciences et de l'industrie. Mais, au-delà de la Cité des sciences et de l'industrie, le Muséum national d'histoire naturelle ou le Palais de la découverte pourraient également devenir des pôles de diffusion de cette culture qui seraient ainsi démocratisée.

Par ailleurs, puisque l'on sait que les métiers de la pédagogie nécessitent des qualités que l'on reconnaît aux acteurs, notamment celles de médiateurs, ne pourrait-on employer des artistes du spectacle vivant, par exemple, qui sont tout à fait capables de mettre leurs compétences au service de cette cause d'intérêt général ?

Pourquoi ne pas promouvoir dans les écoles primaires, les hôpitaux ou les maisons de retraite, la culture scientifique, qui est tellement appréciée lorsqu'elle est diffusée à la télévision ?

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Monsieur le sénateur, à la demande de M. le Président de la République, les ministres chargés de la culture et de la recherche ont présenté en conseil des ministres, le 25 février 2004, un plan national pour la diffusion de la culture scientifique et technique.

Cette initiative est très importante parce que l'on ne peut pas ne pas être préoccupé par le décalage entre les offres d'emploi dans ce domaine et l'insuffisance de formation des plus jeunes de nos concitoyens qui souhaiteraient se lancer dans ce secteur d'activité essentiel à la survie économique de notre pays. C'est donc dès le plus jeune âge que le goût de la découverte et de la science doit être transmis, raison pour laquelle les orientations précises qui ont été définies tout au long de l'année 2004 seront planifiées pour 2005.

Plusieurs opérations du ministère de la culture ont été orientées sur ce thème en 2004. Lors des Journées européennes du patrimoine, près de 12 millions de visiteurs se sont rendus dans des lieux notamment à caractère scientifique qui avaient exceptionnellement ouvert leurs portes ; je pense en particulier à mon ministère. Ils ont pu y découvrir que chaque objet d'art exposé était le fruit de tout un travail de restauration qui exige lui-même des métiers faisant appel à la chimie la plus délicate ou à la science des matériaux.

L'événement Lire en fête, qui a été associé à la Fête de la science avec le Salon du livre de science pour tous, en octobre, a suscité un vif intérêt.

En mars 2005, la semaine de la langue française et de la francophonie aura pour thème « Le français, langue de l'aventure scientifique », à l'occasion du centenaire de la mort de Jules Verne.

Nous ne ménageons donc pas nos efforts pour faire en sorte qu'au-delà de ces opérations le ministère se mobilise pour développer une action cohérente en s'appuyant notamment sur la Cité des sciences et de l'industrie, dont le président et son équipe accomplissent un travail remarquable. En témoigne, d'ailleurs, l'importance des publics, notamment les jeunes, qui vont visiter ce lieu très prestigieux.

La Cité des sciences et de l'industrie développe une galerie des innovations qui accueillera, ce mois-ci, une exposition sur la téléphonie mobile et, en 2005, une exposition sur la biométrie. Elle s'attache également à une meilleure coordination avec les autres musées scientifiques, ce qui a permis, l'été dernier, de lancer une campagne de communication commune.

Enfin, la Cité des sciences et de l'industrie fait un effort particulier en direction des régions, son action ne devant pas, en effet, se limiter à la seule région d'Ile-de-France.

Il s'agit de développer les coproductions et l'itinérance régionale d'expositions, ce qui se concrétisera notamment, en 2005, par l'exposition « L'eau pour tous », qui sera présentée à Marseille, Pont du Gard, puis Lyon, avant d'arriver à la Cité.

Il s'agit également de diffuser de plus petites expositions par le biais des « inventomobiles », qui sont transportables en camionnette, ou des DVD-ROM science-actualité, tel celui qui est intitulé Le cannabis sous l'oeil des scientifiques. C'est dire la variété des sujets qui sont évoqués !

Pour la promotion auprès des municipalités et des écoles d'initiatives telles que La main à la pâte, la Cité des sciences et de l'industrie veillera à développer ses liens avec les relais locaux.

Enfin, nous devons utiliser tous les moyens possibles de diffusion pour répandre cette culture scientifique. Cet après-midi, lorsque nous examinerons les crédits de l'audiovisuel, nous reviendrons, je n'en doute pas, sur cette question. En effet, vous avez raison de le dire, monsieur le sénateur, la culture scientifique, comme les autres formes d'expression, a droit de cité dans notre pays, et peut-être encore plus que d'autres, en raison des perspectives technologiques très importantes qu'elle dessine.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laffitte

Monsieur le ministre, je vous remercie de la qualité de votre réponse, dont je ne doutais pas, d'ailleurs, tant je vous sais conscient de l'importance de la diffusion de la culture scientifique.

Il est absolument nécessaire de mobiliser toutes les énergies et, surtout, de soutenir plus fortement ces milliers de petites associations qui font, bénévolement, un travail très actif dans ce domaine.

Nous pourrions creuser davantage l'idée d'utiliser les artistes du spectacle vivant, qui sont incontestablement des pédagogues extraordinaires. Ils pourraient mettre leur talent au service de cette oeuvre d'intérêt national prioritaire, afin d'insuffler l'esprit d'entreprise et le dynamisme qui nous font défaut.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

Monsieur le ministre, ma question porte sur la contribution de votre ministère aux politiques urbaines.

En quarante ans, la loi Malraux a connu un succès grandissant, au point qu'elle est maintenant considérée par une centaine de villes comme un élément décisif de leur politique urbaine. Il est vrai que son application lui a conféré une telle résonance politique par rapport à toute la problématique urbaine que, si elle concerne toujours le patrimoine, elle prend désormais une dimension globale tout à fait stratégique.

Je n'évoquerai pas les espaces protégés ruraux ni les zones de protection. Je limiterai mon intervention aux secteurs sauvegardés. A ce propos, je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la situation quelque peu paradoxale qui est la nôtre.

Nous disposons d'une centaine de secteurs sauvegardés. Nous devons à la fois faire face à une forte demande - nous avons une vingtaine de candidats - et engager une politique de révision nécessaire des plans anciens. En effet, ces documents juridiques, très contraignants à certains égards, ne correspondent plus aux stratégies urbaines du moment et ne peuvent donc plus servir les évolutions urbaines que les villes doivent légitimement rechercher. Par ailleurs, beaucoup de secteurs, à l'origine de petite taille, se sont élargis et atteignent jusqu'à cent hectares ! Il nous faut donc engager une politique d'extension des secteurs.

Comment faire face à la demande de crédits - et je ne parle que des études et non des investissements -, sachant qu'il faut compter en moyenne 500 000 euros, à étaler sur cinq ans. Ces études sont en effet très longues et ont un coût très lourd ! Pour une demande potentielle d'une quarantaine d'études, il faut donc compter à peu près 20 millions d'euros, ce qui, monsieur le ministre, représente un doublement des efforts actuels : il faudrait en effet passer de 2 millions à 4 millions d'euros par an.

A défaut, on peut toujours limiter le nombre de nouveaux secteurs, mais il faut alors le dire aux villes ! Nous ne pouvons laisser la liste d'attente s'allonger sans adopter parallèlement une stratégie par rapport à la demande. On pourrait aussi choisir les secteurs les plus urgents à transformer.

En tout état de cause, nous sommes obligés de répondre à cette dynamique, car nous ne pouvons pas bloquer le système ni l'étouffer, surtout dans un contexte extrêmement fort politiquement et s'agissant d'un domaine porté par les élus.

Voilà le stade auquel nous sommes parvenus ! Permettez-moi de vous dire qu'il est vraiment nécessaire de réfléchir à ce problème. Vous ne pourrez probablement pas me répondre aujourd'hui, mais j'imagine que vous trouverez une solution.

En attendant, je voudrais que vous nous confirmiez votre volonté d'y réfléchir sérieusement, non seulement avec vos partenaires interministériels, puisque le ministère de l'équipement est éminemment concerné, mais également avec les collectivité locales, afin de savoir comment donner à la loi Malraux toute son ampleur et lui conserver son rayonnement international, dont je vous signale qu'il est très important.

En effet, beaucoup de villes étrangères, notamment à travers les partenariats que nous avons avec l'UNESCO, demande notre coopération pour transférer nos savoir-faire dans ce domaine. Ce n'est pas négligeable !

Je vous remercie donc de répondre à cette question précise sur un sujet essentiel touchant à la politique globale des villes. Il serait désastreux de voir étouffée une loi emblématique, faute de moyens.

Il conviendra, bien sûr, de discuter avec les villes les plus riches - il en reste quelques-unes - pour savoir si elles ne pourraient pas participer. Jusqu'à présent, c'est l'Etat, seul, qui finance à 100 % les études. Doit-il rester le seul maître d'ouvrage ? Je le crois, parce que c'est une politique d'Etat, mais il ne faut pas exclure, dans certains cas, la possibilité de demander une contribution au moins aux grandes villes, celles qui ont quelques moyens !

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Monsieur le sénateur, si vous avez la possibilité d'établir la liste des communes riches en France, ...

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

...cela sera très utile à l'ensemble du Gouvernement. Mais je sais que l'exercice est assez difficile !

Cette idée fait d'ailleurs réagir M. Karoutchi. Ce n'est donc pas la peine de créer des arcs électriques inutiles et de consacrer trop de mon temps de parole à ce sujet !

Sourires

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Bien évidemment, je partage vos interrogations sur la mise en oeuvre des marchés d'étude des secteurs sauvegardés. Vous avez raison d'insister sur le caractère emblématique des dispositions issues de la loi Malraux.

Comme vous le savez, il y a eu, au début de cette année, une mission d'inspection générale dont les conclusions positives viennent d'être rendues.

Le bien-fondé de la démarche volontariste de réforme entreprise depuis l'année dernière pour la rationalisation tant de la commande des études que de l'exécution des procédures relatives à l'établissement des plans de sauvegarde et de mise en valeur n'est pas en remettre en question.

En revanche, des mesures sont à prendre, dans le sens de la déconcentration et de la simplification de la procédure d'instruction des plans de sauvegarde et de mise en valeur, de la pérennisation de la commission locale pour en faire un réel organe partenarial de suivi permanent du secteur sauvegardé, et de développement de la concertation avec la population pour que ce soit une oeuvre de fierté partagée ou de fierté retrouvée au sein d'une ville.

Parallèlement, à ma demande, le directeur de l'architecture et du patrimoine a engagé un processus de déconcentration de la maîtrise d'ouvrage des études relatives aux plans de sauvegarde et de mise en valeur. Il sera pleinement opérationnel en 2005 et permettra un exercice local plus direct et accessible de la commande publique.

L'année 2005 portera, je l'espère, les premiers fruits de ces mesures et devrait donner une nouvelle impulsion à la mise en oeuvre de la politique des secteurs sauvegardés.

Nous sommes particulièrement conscients des retombées économiques importantes de cette politique, en particulier dans les domaines touristiques et de l'activité du bâtiment. Nous avons donc un effort à poursuivre et une programmation à réaliser.

J'ai demandé aux services de mon ministère un bilan des demandes des collectivités territoriales, afin d'identifier les besoins des prochaines années. Nous avons à faire face, aujourd'hui, à une certaine forme d'urgence. Les directeurs régionaux des affaires culturelles devront définir les priorités de manière à résorber les difficultés rencontrées à l'échelon local, et les solutions à envisager pour application immédiate de cette loi essentielle.

J'ai parfaitement conscience de l'ampleur des besoins qui sont devant nous.

La question que vous avez évoquée comme celle qui touche à l'activité du spectacle vivant ou à la restauration du patrimoine, ne relèvent pas d'une seule obligation morale ; elles sont au coeur de notre responsabilité stratégique au service de l'économie du pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

Je salue la motivation de M. le ministre sur ce dossier.

Je confirme qu'il est vraiment urgent d'établir un plan global sur cinq ans, afin de savoir comment répondre aux communes qui nous sollicitent. Certaines se déclarent prêtes à participer ; d'autres seraient incapables de le faire, car elles n'auraient pas les moyens de se substituer à l'Etat pour une intervention, qui, je le répète, relève aujourd'hui à 100 % de sa responsabilité, lui seul étant maître d'ouvrage.

Je fais une ouverture en suggérant que certaines villes puissent nous aider. Pourquoi pas ? Mais, entendons-nous bien, je n'en fais pas une question de principe.

S'agissant maintenant de la déconcentration, point que j'avais abordé avec vous en commission, monsieur le ministre, compte tenu des tensions actuelles sur les crédits de paiement, nos crédits, très limités, risquent de disparaître complètement. Mais, si vous donniez des instructions claires pour que, dans la masse des crédits déconcentrés, les secteurs sauvegardés retrouvent un espace, nous aurions peut-être la chance d'obtenir un financement plus important qu'aujourd'hui. C'est loin d'être gagné, mais pourquoi pas ?

Monsieur le ministre, je souhaite vivement que vous répondiez positivement à ma demande et que nous puissions, avec vos services, nous mettre au travail afin d'établir, pour les cinq ans qui viennent, un plan d'action concernant les secteurs sauvegardés. Cela nous donnerait aussi les moyens de tenir aux communes un discours clair qui puisse être compris de tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vais pas utiliser les cinq minutes de temps de parole qui me sont imparties, car M. le ministre s'est déjà longuement exprimé sur l'objet de ma question : le patrimoine.

Je rappelle simplement que notre pays compte environ 40 000 monuments et 265 000 objets protégés, qui nécessitent un entretien régulier incombant essentiellement au ministère de la culture.

Monsieur le ministre, vous avez de nouveau affirmé que le patrimoine était l'une des priorités de votre action, ce qui se traduit dans les chiffres par une augmentation de 25 millions d'euros supplémentaires, soit 13 % de plus par rapport à 2004.

En parallèle, vous avez établi des incitations juridiques et fiscales pour favoriser l'action des propriétaires privés et des associations, ainsi qu'une simplification des procédures en matière de protection et de travaux sur les monuments historiques. En ce sens, nous ne pouvons que nous féliciter de l'action conduite.

Mais - et vous voyez que les Franciliens peuvent aussi regarder ailleurs -, si des efforts ont été faits pour le Centre Georges-Pompidou ou la restauration du château de Versailles - nous en sommes bien conscients -, il ne faut pas pour autant occulter les problèmes qui se posent pour un certain nombre d'autres monuments, moins connus, moins prestigieux, et certainement un peu moins sous l'oeil des médias !

De ce fait, beaucoup de conservateurs, d'acteurs locaux, ne pourront souvent mener que des suites d'opérations par rapport à ce qui a été fait en 2004, les dispositions prises pendant l'été 2004 ayant souvent visé à redéployer des crédits plus qu'à les accroître.

Les entreprises de restauration des monuments historiques, qui emploient 9 000 compagnons dans la restauration du patrimoine ancien, se considèrent souvent - disons « parfois », pour rester plus modéré ! - en danger. Plusieurs s'inquiètent de voir disparaître leurs savoir-faire séculaires, transmis de génération en génération, et l'avenir de leurs compagnons ou restaurateurs se faire de plus en plus incertain.

Ce sentiment résulte d'une baisse de la commande publique en matière de restauration et d'entretien des monuments historiques, en tout cas pour ce qui est de la commande publique décentralisée.

Monsieur le ministre, ma question est simple et directe : quid des monuments historiques, qui font la richesse culturelle et patrimoniale de notre pays, et souvent la fierté de nos communes ?

Malgré la nécessité de réduction des dépenses publiques que comptez-vous mettre en oeuvre pour la restauration de ces monuments protégés, au-delà de l'effort budgétaire que je citais tout à l'heure ?

Enfin, de quelle façon comptez-vous sauvegarder le patrimoine national et, par ce biais, garantir les emplois hautement spécialisés de nos entreprises de restauration ?

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement raison d'évoquer l'urgence et l'importance de la tâche qui nous attend concernant l'entretien, au-delà du patrimoine protégé, de l'ensemble du patrimoine national.

Pour le Gouvernement, en effet, l'enfouissement d'une ligne électrique ou téléphonique dans une commune aussi bien que la restauration d'une façade d'apparence simple s'inscrivent dans une démarche culturelle à laquelle, tous ensemble, nous devons nous astreindre en vue de défendre l'image de notre pays et son attractivité.

J'ai voulu - et le Premier ministre a rendu successivement un certain nombre d'arbitrages positifs allant dans ce sens - faire en sorte que nous abordions 2005 sans traîner les séquelles des ardoises passées.

L'ouverture de crédits supplémentaires est ainsi prévue - au-delà de ceux dont nous débattons aujourd'hui pour le budget 2005 - non seulement en gestion, mais aussi en mesures supplémentaires, notamment dans le projet de la loi de finances rectificative. Elle me permet d'espérer que sinon l'intégralité du moins une très grande partie des factures qui jonchent actuellement les bureaux des directions régionales des affaires culturelles seront épongées ; ainsi, nous abordons 2005 dans de meilleures conditions.

Pour autant, face aux projets publics et privés, nous connaîtrons sans doute de nombreuses tensions en 2005, j'en conviens.

Ce qui m'importe, c'est de faire en sorte que l'Etat soit exemplaire sur ce sujet, c'est-à-dire qu'il fasse lui-même un effort accru pour pouvoir légitimement susciter les efforts des autres. A défaut d'adopter une telle règle, j'entends déjà le concert de voix venant d'ailleurs plutôt du côté gauche de cet hémicycle, qui s'élèverait immédiatement pour stigmatiser le désengagement de l'Etat.

Or, sur cette question, il n'y a pas désengagement de l'Etat, mais augmentation de son intervention. Pour autant, j'ai réfléchi à une manière de faire pour que l'ensemble de nos concitoyens s'approprient cette grande cause nationale. Je vous livre le fruit de cette réflexion - il ne s'agit en aucun cas d'une décision -, et peut-être pourrions-nous - si vous l'acceptez - y travailler ensemble.

Dans le cadre des prochaines Journées européennes du patrimoine, ne pourrions-nous pas, en effet, envisager département par département, des opérations de mécénat populaire afin que l'Etat et les collectivités territoriales, qui se donnent la main en cette affaire, soient relayés par nos concitoyens ?

Au-delà de l'obligation liée au respect de la mémoire, entretenir et restaurer notre patrimoine, dans le monde de violence dans lequel nous vivons aujourd'hui, c'est faire oeuvre utile. Tout en prévoyant l'avenir des entreprises et des métiers d'art sur lesquels repose la restauration du patrimoine, nous rendons leur passé à nos concitoyens et, ce faisant, nous les rendons plus forts.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je vous remercie, monsieur le ministre, de la proposition que vous avez formulée s'agissant des prochaines Journées européennes du patrimoine. Les collectivités locales y seront certainement sensibles de même que les acteurs privés.

Toutefois, au-delà de l'effort national général, je tiens à vous redire que certains métiers très spécialisés méritent une attention particulière ; ils risquent, en effet, de disparaître si nous ne les aidons pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Monsieur le ministre, mon intervention a trait au patrimoine bâti, mais également aux fouilles archéologiques préventives. Patrimoine et fouilles archéologiques préventives sont en effet autant de domaines qui préoccupent beaucoup les collectivités locales, notamment les plus petites d'entre elles. Je peux en témoigner d'autant mieux que je préside l'association des maires d'un département dont 48% des communes comptent moins de deux cents habitants, alors que deux cents de ses églises sont classées.

Le premier sujet que j'aborderai est donc celui des crédits disponibles pour l'entretien et la restauration des monuments classés qui ne sont pas nécessairement historiques, mais pour lesquels l'Etat intervient de la même manière.

Je me félicite que les crédits inscrits à ce titre au budget 2005 du ministère de la culture soient en augmentation par rapport à ceux de 2004. Toutefois, depuis plusieurs années, on constate la même tendance dans la loi de finances initiale puis, en cours d'exercice, on se rend compte malheureusement qu'une part de ces crédits fait l'objet de gels. Il y a là un vrai problème !

Il arrive même que des collectivités locales, j'en connais un exemple dans mon département, à qui on a demandé de verser, avant que l'Etat n'engage les travaux de restauration, les sommes représentatives de leur participation sur un compte réservé et qui ont dû parfois emprunter pour être en mesure de le faire, voient les fonds bloqués parce que l'Etat ne dispose plus des crédits nécessaires pour engager lesdits travaux. Dans ce cas, la collectivité, elle, commence à rembourser ses emprunts ; néanmoins la participation qu'elle a versée ne lui est pas remboursée et reste inutilisée.

J'ai connaissance d'un cas plus grave encore où, faute de pouvoir engager les travaux de restauration, la commune voit le monument se dégrader davantage, de sorte que, finalement, les crédits sont utilisés non pour restaurer le monument, mais pour installer une sorte d'échafaudage de protection, ce que les spécialistes appellent un « parapluie ».

Cette situation, qu'on ne fait qu'aggraver, est évidemment lourde de conséquences à la fois pour le patrimoine, qui continue à se dégrader, et pour la collectivité qui a bloqué des fonds en pure perte.

Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir ce que concrètement vous comptez faire pour que les opérations déjà attribuées à des entreprises ou déjà pré-financées par les collectivités locales ne soient pas interrompues faute de crédits disponibles de la part de l'Etat.

Le second sujet sur lequel je souhaite appeler votre attention concerne les fouilles archéologiques préventives et préalables aux opérations d'aménagement menées par les collectivités locales.

L'insuffisance évidente des moyens dont dispose l'INRAP, l'Institut national de recherches archéologiques, notamment dans certaines régions, et le caractère excessif de certaines prescriptions de fouilles archéologiques décidées par les services archéologiques des DRAC - elles prennent parfois un caractère quasi systématique et peuvent être sans rapport avec l'importance relative de l'opération et l'intérêt du lieu -, aboutissent à ce que des opérations d'aménagement sont bloquées pendant des mois, en attente de la réalisation des fouilles. Cela peut remettre en cause des opérations importantes en matière de développement économique.

Ajoutons à cela que le coût de ces fouilles - je n'évoque pas le diagnostic, mais les fouilles prescrites après le diagnostic - est, dans les faits, fixé unilatéralement par l'INRAP - peut-être n'est-ce pas tout à fait règlementaire -, qui établit son devis et demande à l'aménageur de donner son accord avant même d'indiquer la date et la durée de l'intervention.

Je suis, pour ma part, confronté à ce problème dans mon département et je ne suis pas le seul.

Ces pratiques remettent en cause l'équilibre des opérations.

Il est clair que, dans un certain nombre de cas, on est aujourd'hui face à une contradiction entre la manière dont agissent les services chargés de l'archéologie préventive et les impératifs économiques auxquels sont confrontés les aménageurs. Notre pays n'est pas dans une situation économique et financière telle qu'il puisse accepter sans réagir la remise en cause d'opérations d'aménagement du territoire.

Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous précisiez ce que vous comptez faire pour résorber les retards accumulés dans certaines régions et pour que les fouilles archéologiques ne soient prescrites qu'à bon escient et sans méconnaître les nécessités de l'aménagement du territoire et du développement économique.

Je serais tenté de vous demander, en bref, ce que vous comptez faire pour réconcilier l'archéologie et l'aménagement du territoire !

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur le sénateur, pour la gestion budgétaire de 2004, vous auriez pu m'interpeller en me disant : « Pourvu que ça dure » !

Sourires

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Je vous rappelle, en effet, qu'en 2004, grâce à la décision de M. Jean-Pierre Raffarin, il n'y a pas eu de gel de crédits du budget du ministère de la culture et de la communication. Il s'agit, bien entendu, d'un signal très important donné par le Premier ministre. Dans une période difficile où il fallait rétablir la confiance, le gel des crédits aurait été du plus mauvais effet. Vous pouvez, en tout cas, être assuré de ma détermination à faire en sorte de rester, en 2005, en dehors des gels budgétaires, cette véritable épée de Damoclès qui, en règle générale, est susceptible de peser sur chaque ministre.

En ce qui concerne 2004, il n'est pas juste de dire que l'Etat n'aurait pas rempli ses obligations à l'égard des collectivités territoriales en matière de patrimoine. En début d'année, les besoins exprimés localement étaient de 238 millions d'euros et, avec la loi de finances rectificative, nous aurons distribué en région 239 millions d'euros.

Certes, les crédits arrivent avec un peu de retard et il y a eu des tensions en cours d'année, mais les factures seront toutes payées. Quant aux opérations, nombreuses, qui sont en attente, des moyens supplémentaires ont été dégagés pour faire face à ces obligations nouvelles.

S'agissant de l'archéologie, vous avez raison d'utiliser le terme de « réconciliation ». Sur ce sujet extraordinairement complexe, il faut, en effet, que nous puissions mener dans un même élan, sans les contrecarrer, des opérations d'aménagement nouveaux, de construction, en un mot tous les projets des collectivités, de l'Etat ou des particuliers sans pour autant mettre en échec le travail nécessaire des fouilles archéologiques et du respect de la mémoire et du passé.

Au cours des premières semaines qui ont suivi mon arrivée rue de Valois, tous les parlementaires que je rencontrais me soumettais des cas réellement aberrants. Cela m'a permis de constater à quel amoncellement de situations incroyables aboutissait, par la complexité de son équilibre financier, la taxe qui avait été conçue pour les fouilles archéologiques.

Vous avez changé le système, soyez-en fiers ! Aujourd'hui, en effet, l'assiette de la taxe a changé, le périmètre de prélèvement a été modifié et, d'une façon générale, les collectivités territoriales et les maires sont satisfaits.

Toutefois deux aspects méritent encore notre attention : d'une part, l'importance parfois des prescriptions archéologiques qui ne sont pas toujours immédiatement bien perçues ; d'autre part - et c'est essentiel - le fonctionnement de l'INRAP. IL nous faut faire en sorte, en effet, que cet établissement prestigieux puisse faire face à ses responsabilités. J'y veillerai personnellement.

Cependant, la situation est contrastée d'une région à une autre, et les directions régionales ont désormais une responsabilité technique supplémentaire délicate. De ce point de vue, les nouvelles technologies chères à M. Laffitte doivent pouvoir nous aider. Ainsi, un logiciel informatique de gestion, en cours de test, pourrait être déployé au premier trimestre 2005.

En tout cas je puis vous assurer que suis prêt à tout moment à dresser un bilan des problèmes que rencontrera l'INRAP au terme de ce rééquilibrage des mesures que nous avons prises concernant les fouilles.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Je vous remercie monsieur le ministre. Vous savez exactement où sont les problèmes.

S'agissant des opérations dont je parlais, quand les travaux n'ont pas été réalisés, bien que les marchés aient été attribués, quand les fonds sont gelés et quand les monuments continuent à se dégrader, une solution mériterait sans doute d'être étudiée, je vous la livre.

Ne serait-il pas judicieux, dans certains cas, de déclasser les monuments de telle sorte que les marchés puissent être attribués à des entreprises qui sont parfaitement aptes, par ailleurs, à réaliser les travaux requis ? Cela permettrait, je pense, d'accélérer les opérations d'entretien de notre patrimoine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Le projet de convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle peut être appréhendé de deux façons.

La première est positive : pour la première fois, une norme culturelle est introduite pour régler les échanges internationaux. C'est la théorie du grain de sable qui vient troubler la machine bien huilée de l'OMC et des accords de commerce internationaux.

Pour la première fois, la culture est abordée sous l'angle du contenu et pas seulement du support. Les partisans du projet de l'UNESCO ont raison de noter que le texte porte sur la promotion de la diversité culturelle et des contenus culturels, et qu'il ne s'inscrit pas seulement dans une démarche défensive par rapport au commerce, à qui est ainsi opposée une notion riche de contenu.

Mais il y a une autre façon de comprendre le texte de l'UNESCO.

Il y a eu l'opposition nette et active contre le GATT, puis contre l'AMI. Dans les deux cas, la détermination et l'inflexibilité l'ont emporté : c'était l'invention et la mise en acte de l'exception culturelle.

Par principe, la culture se situe au-delà des questions de commerce, qu'elle surclasse. Or ce qui me gêne dans le texte de l'UNESCO, c'est la faiblesse de la détermination et l'absence de sanction.

L'article pivot de la convention, l'article 19, qui réglera ces rapports dans le droit international, comporte deux versions.

La première version, soutenue par les Etats-Unis, est évidemment à rejeter, car la convention y est considérée comme moins forte que tous les autres traités internationaux. C'est la variante « B ».

A Beaune, aux rencontres cinématographiques de l'ARP - la société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs -, auxquelles vous avez participé, monsieur le ministre, le successeur de Jack Valenti, Dan Glickman, a évoqué la question et s'est montré ouvert, tout en ajoutant néanmoins, ce qui est révélateur, que cela ne devait pas permettre un retour au protectionnisme.

Je suis toujours scandalisé quand j'entends un américain qui a de grandes responsabilités prononcer de tels propos ! Ce soupçon de protectionnisme est tout de même un peu fort venant d'un pays où l'ensemble des cinématographies mondiales ne représente que 3 % de la diffusion cinématographique !

En outre, dans le groupe d'experts de l'UNESCO nommés par le directeur général de cette institution, se trouve un professeur d'économie à l'université George Mason de Virginie, Tyler Cowen, qui a notamment déclaré : « Plusieurs pays, et plus spécialement la France, aimeraient que l'UNESCO ait le pouvoir de renverser les engagements de libre-échange pris dans le cadre de l'OMC et de l'Union européenne. »

Après cette première version, particulièrement instructive, la deuxième version de l'article 19 est la variante « A », qui est considérée comme positive par certains partisans de la diversité culturelle. Pourtant, le partisan que je suis en la matière regrette la faiblesse d'une variante selon laquelle la convention est moins forte que tous les autres traités sauf, et l'ajout est d'importance, si la diversité culturelle est sérieusement menacée.

A priori, donc, la culture est moins importante que le commerce, sauf si la preuve d'un danger est apportée. Or, qui apportera la preuve, par quelle procédure, et avec quelle sanction ? Il s'agit donc d'un recul par rapport à l'exception culturelle.

Ceux qui approuveraient cette variante telle quelle mériteraient l'appréciation de René Char, qui, non pas en tant que poète, mais en tant que Résistant, s'exprimait ainsi : « Méfiez-vous de ceux qui se déclarent satisfaits, parce qu'ils pactisent ».

Heureusement, l'Union européenne, qui a commenté ce texte, considère qu'aucune de ces variantes n'est satisfaisante : s'appuyant sur l'article 151 du traité sur l'Union européenne, selon lequel elle tient compte des aspects culturels dans son action, l'Union considère ne pas pouvoir accepter que les autres traités internationaux prévalent sur la convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle.

Malheureusement, cette position de l'Europe reste ambiguë, car elle spécifie que, à l'inverse, la convention de l'UNESCO ne devrait pas non plus prévaloir sur les droits et les obligations découlant d'autres accords internationaux. Il faut donc, toujours selon l'Europe, que la convention et les autres instruments internationaux se renforcent mutuellement et ne se nuisent pas.

En fait, l'Union européenne tergiverse, et je ne suis pas de ces optimistes à courte vue qui font valoir que cette indéfinition même est un succès !

Monsieur le ministre, quelles propositions faites-vous, qui ne permettront pas au commerce de « pirater » ou de « corsairiser » - je vous laisse le choix du terme ! - l'avancée réelle que constitue l'irruption de la culture dans le droit international ? C'est une tâche extraordinairement difficile, mais, pour la culture, il n'y a pas d'autre chemin que la réussite.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur Ralite, à certains moments, je suis diplomate ; à d'autres, je suis guerrier.

Sourires

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Il est en effet essentiel de mener ce combat politique. A travers la diversité culturelle que nous voulons promouvoir, nous souhaitons, d'une part, garantir le respect de la diversité politique, érigée en valeur suprême dans l'ensemble du monde, et, d'autre part, consacrer la légitimité des Etats et des cultures quand ils souhaitent assurer leur identité, leur survie et leur rayonnement.

Nous devons avoir une position claire vis-à-vis de nos concitoyens, qui s'interrogent parfois sur le rôle de l'UNESCO ou sur le contenu de l'OMC.

Dans les discussions préparatoires auxquelles nous avons participé, aussi bien sur la Constitution européenne que sur la convention de l'UNESCO, il s'agit, ni plus ni moins, de refonder la légitimité des politique nationales pour le soutien à la culture. C'est dire l'importance du sujet.

En effet, si nous n'y prenons garde, évidemment, les plus puissants d'hier deviendront hégémoniques et en viendront à détruire ce pluralisme culturel et politique auquel nous tenons.

D'une certaine manière, en raison de la gravité de la situation internationale et des violences idéologiques, culturelles, politiques et religieuses, ce sujet prend une dimension nouvelle. La France engrange des soutiens très importants sur cette question.

A la suite du déplacement du Président de la République en Chine, je suis resté sur place, à sa demande, pour participer à une réunion du réseau international pour la politique culturelle consacrée à la diversité des politiques culturelles.

En marge de cette réunion, j'ai obtenu un accord avec la Chine, qui a fait l'objet d'une déclaration conjointe de nos deux pays. Lors de son récent déplacement au Mexique, le Premier ministre en a fait autant.

La semaine dernière, je me suis rendu à Berlin, où se tenait une conférence sur ces questions. Avec mes collègues allemands et polonais, nous avions prévue, en tant que représentants des pays membres du « triangle de Weimar », de faire une déclaration très précise. Nous avons été rejoints d'emblée par un certain nombre d'autres pays de l'Union européenne.

Ainsi, nous devons faire comprendre à l'ensemble de la communauté internationale que les règles de l'OMC, qui visent les biens économiques « usuels », ne prévalent pas dans certains domaines, là où il faut défendre une spécificité : c'est le cas de l'environnement, de la santé et de la culture.

Nous souhaitons que l'OMS - l'Organisation mondiale de la santé -, la future institution internationale en matière d'environnement et l'UNESCO reçoivent la capacité juridique.

En effet, l'OMC s'est arrogée tous les pouvoirs parce qu'il s'agissait de la seule institution internationale qui avait une capacité juridique à traiter cette question. Nous demandons que l'UNESCO reçoive également la personnalité juridique pour protéger la spécificité des biens culturels.

Dans ce domaine également, la sémantique a beaucoup d'importance. De la même manière que « piraterie » n'est pas un terme approprié, je n'aime pas l'expression « biens culturels ». Il faudrait donc trouver une autre appellation.

Au demeurant, monsieur le sénateur, sur ce sujet, ne soyez pas injuste à l'égard des dispositions de la Constitution européenne. Contrairement à ce qui prévalait il y a quelque temps, nous ne sommes plus le mouton noir de l'Union européenne. De nombreux pays amis et partenaires comprennent mieux l'attitude de la France à l'égard de la Commission européenne. Je fonde de grands espoirs dans les déclarations récentes du nouveau président de la Commission, lequel a annoncé que la culture serait au coeur des préoccupations de l'Union européenne. Peut-être était-il temps !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

M. Ivan Renar. Très bien ! Quand c'est bien, il faut le dire : mieux vaut être un loup blanc qu'un mouton noir !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos précisions, car il était nécessaire d'entendre une telle détermination. Sur cette question, en effet, la mollesse l'a trop souvent emporté.

Nous devons conserver l'esprit des négociations de Seattle. J'étais sur place à l'époque, et les premiers combats qui ont été menés ont réussi à mettre l'OMC en échec. Il faut donc continuer.

Cela dit, je voudrais vous donner lecture d'autres remarques de l'universitaire américain que j'ai cité tout à l'heure, qui a aussi déclaré : « La France a besoin de la culture américaine » - ce que je trouve incontestable - « pour faire contrepoids à la montée de sa population islamique. Les moeurs nord-américaines telles que véhiculées par Hollywood ou d'autre formes de culture populaire peuvent encourager la révolte des adolescents contre leurs parents. Cela aiderait à assimiler les enfants islamiques dans l'ensemble de la société française. Je me demande même si les Français ne devraient pas subventionner l'importation de films d'Hollywood dans leur pays. »

Il a même osé ajouter : « Bien des Français veulent consolider la culture française sur la scène internationale tout en supprimant la diversité chez eux. »

C'est dire la taille de l'obstacle auquel nous avons à faire face, d'autant que les Etats-Unis, depuis qu'ils ont réintégré l'UNESCO, contribuent à hauteur de 25 % à son budget. Dans cet univers marchand, vous connaissez tous l'adage : « Qui paie décide. » Le combat s'annonce donc très difficile.

Plusieurs réunions sont organisées sur la place de la culture dans les accords internationaux par rapport aux autres marchandises. Il y en a une aujourd'hui même à Trèves, et je me suis personnellement rendu à la maison des cultures du monde mercredi dernier, pour rencontrer sur ce thème soixante-dix stagiaires étrangers, venant de cinquante-deux pays, en présence de l'ambassadeur Musitelli et de la directrice du département de l'UNESCO qui s'occupe de la question.

Par ailleurs, dans leur rapport mondial sur le développement, les responsables du PNUD, le programme des Nations unies pour le développement, écrivent : « Il est certainement vrai que de permettre la diversité dans les pratiques culturelles peut se révéler extrêmement important, puisque l'exercice de la liberté culturelle en dépend. Cela ne revient cependant pas à défendre la diversité culturelle pour elle-même. » Si ! bien au contraire, il faut défendre la diversité culturelle pour elle-même, comme vous l'avez d'ailleurs très bien expliqué, monsieur le ministre !

En effet, il ne faudrait pas que les Etats-Unis se comportent à l'égard de l'UNESCO comme ils l'ont fait à l'égard du protocole de Kyoto. Heureusement, avec désormais vingt coalitions culturelles, la France compte de plus en plus de soutiens, notamment en Europe.

Monsieur le ministre, je me réjouis de vous voir résolu sur la question. Nous pourrons marcher côte à côte et « frapper ensemble ». Comme dirait Saint-Just, il faut oser, car c'est le seul chemin de l'avenir. Or, pour oser, il faut être inventif : soyons-le, ensemble !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Monsieur le ministre, c'est de démocratie que je souhaite vous parler.

Dans un monde qui voit tomber, une à une, ses certitudes, dans un monde où la rapidité médiatique affiche, dans chaque maison, le spectacle de toutes les décompositions et de toutes les violences, dans un monde qui fait toucher du doigt la fragilité de chacun face aux crocs du libéralisme débridé, nous avons plus que jamais besoin de démocratie pour élaborer les choix publics.

La culture est au coeur de ces enjeux humanistes et sociétaux, en ce qu'elle donne à voir ce qui fut, ce qui est et ce qui peut être.

En la rendant elle-même victime de critères absurdes de rentabilité, en touchant à la protection sociale de ses acteurs, en livrant artistes et techniciens au soupçon et à la calomnie, certains ministres - dont vous n'êtes pas - ont, hier, flirté avec le populisme.

En répandant des chiffres faux, empruntés à on ne sait quel fantasme, les acteurs de l'UNEDIC et du MEDEF, si prompts à réclamer des subventions publiques pour n'importe quoi - le chewing-gum en tube, le désodorisant cancérigène, ou le colloque sur le « moins d'impôts » -, ont failli rendre crédible l'urgence de rompre avec l'intermittence.

Dans un contexte difficile pour de nombreuses structures, et en l'absence d'un cadre ambitieux et rénové pour le financement, on assistait à un étranglement du secteur culturel qui n'avait rien à envier au massacre des laboratoires de recherche.

Une mobilisation exemplaire, aux actions parfois cruelles pour eux-mêmes, a permis aux artistes, aux techniciens et aux réalisateurs d'exiger la vérité, et d'enrayer partiellement la destruction du cadre qui leur permet de travailler et de vivre de la production culturelle que le public attend.

Aujourd'hui, presque un électeur sur deux ne croit plus en la politique et ne se dérange même plus pour voter et choisir ceux qui pilotent les choix publics.

Monsieur le ministre, en l'espèce, vous dites que le budget de la culture ne peut être considéré comme un simple supplément d'âme. Au moment où tout le monde se fait rogner les ailes par Bercy, il est vrai que votre ministère a sauvé quelques plumes !

Mais sans moyens neufs, sans perspectives pour les emplois concernés, c'est toute la vie culturelle qui souffre.

Les parlementaires ont pris leurs responsabilités. Un groupe de réflexion, sans clivage artificiel, présidé par Jacques Valade, a rédigé un rapport aux propositions innovantes.

Un comité de suivi, installé par Noël Mamère, animé par Etienne Pinte et assidûment fréquenté par Danièle Pourtaud, Patrick Bloche, Jack Ralite et quelques autres, réunit syndicalistes, coordination, employeurs, réalisateurs, artistes et techniciens. Nous produisons des diagnostics partagés et formulons des demandes communes. Vous avez su entendre les plus urgentes contre des injustices flagrantes et vous avez accepté une expertise indépendante sur les effets du protocole liberticide, comme sur les effets probables de tel ou tel choix à venir.

La qualité du travail de M. Guillot ne doit pas nous faire oublier l'inadmissible : l'UNEDIC ne sait pas ou ne veut pas donner les chiffres exacts qui, selon elle, justifiaient le protocole du 26 juin 2003. En effet, à l'expert mandaté par le ministre à la demande des parlementaires, l'UNEDIC n'a fourni ni le nombre d'entrées et de sorties dans le régime, ni les métiers concernés, ni les recettes des métiers permanents de la culture, ni celles qui proviennent des cotisants non indemnisés !

Gageons que le CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, mandaté par les régions, n'aura guère plus de succès !

On pourrait s'attendre à plus de sérieux ou de transparence de la part d'un organisme qui gère les droits de millions de salariés.

Le fonds spécifique est reconduit, tandis que la base de calcul est de nouveau fixée à 507 heures pour douze mois. C'est un point positif, mais la confiance ne sera rétablie que lorsque les ASSEDIC en seront informées et qu'elles mettront en oeuvre cette mesure avec bonne volonté.

Le rapport a le mérite de remettre les choses en place : face à l'image pénalisante d'un déficit de 800 millions d'euros dans le secteur culturel, il y est précisé, pour ceux qui ne mesurent qu'en espèces sonnantes et trébuchantes : « La valeur ajoutée est d'un peu plus de 11 milliards d'euros, soit autant que celle de la construction aéronautique, navale et ferroviaire ». En miroir, les artistes et techniciens, hier « profiteurs » et déconsidérés, s'y révèlent en précarisation, un demi-SMIC étant le lot d'un tiers d'entre eux.

L'emploi culturel, par sa spécificité, ne peut pas s'accommoder de séparations étanches entre activité visible et invisible, entre le temps où l'on donne le savoir-faire et celui où on le reçoit. Il ne peut ni ne doit s'accommoder des critères du MEDEF pour faire vivre, sur tout le territoire, l'épanouissement et l'émancipation de chacun grâce à la rencontre de l'autre.

Quel sera l'agenda ? Croisement des fichiers, débat au Sénat, nouveaux protocoles ou lois ? Quelles perspectives autres que des réparations successives allez-vous donner à l'emploi culturel ? La démocratie a porté ses premiers fruits. Monsieur le ministre, irez-vous jusqu'au bout ?

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Madame le sénateur, sachant que nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet dans quelques semaines, au tout début de l'année prochaine, j'irai à l'essentiel.

Deux questions bien distinctes sont posées. La première porte sur l'urgence relative au chômage des artistes et des techniciens, la seconde sur le soutien à l'emploi de ces derniers.

S'agissant de l'indemnisation du chômage et du régime des intermittents fixé dans les annexes VIII et X, je suis très attentif à ce que les décisions prises soient largement diffusées et qu'elles trouvent immédiatement leur application.

Comme vous, je me suis posé un certain nombre de questions sur la publicité qu'il convenait de donner aux mesures que nous mettions sur la table des négociations.

Conscient de la fragilité de la situation, je ne voulais pas afficher mon autosatisfaction. Il est vrai, cependant, que nous aurions pu mettre en oeuvre une communication encore plus large. Quoi qu'il en soit, j'ai veillé à ce que les décisions prises par l'Etat soient opérationnelles et applicables dans toutes les ASSEDIC dès le début de cet été.

Certains cas qui nous ont été soumis témoignaient visiblement de dysfonctionnements. Quelques-uns d'entre vous, d'ailleurs, nous en ont informés. Michel Lagrave a donc vu ses fonctions prorogées pour pouvoir, cas par cas, département par département, veiller à l'entrée en vigueur effective des mesures annoncées.

Aujourd'hui, je m'interroge sur les variations, d'une semaine à l'autre, du nombre de personnes « récupérées » par le fonds provisoire que nous avons mis en place. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à Michel Lagrave, qui sera entouré d'un certain nombre d'autres personnes, de faire le point sur cette question, de manière extrêmement rapide, c'est-à-dire dans les jours et les semaines à venir.

En effet, nous allons mettre en place, comme vous le savez, un deuxième fonds pour 2005, dans l'attente de la négociation des partenaires sociaux. Je veux qu'il soit clair dans l'ensemble du territoire national que, d'une part, les problèmes de maternité sont réglés directement par l'UNEDIC - certains m'interrogent encore sur ce point -, et, d'autre part, que l'exigence des 507 heures de travail sur douze mois, pour l'ensemble des artistes et techniciens, qui était la règle en 2004 grâce au fonds d'urgence, ne sera pas modifiée en 2005, grâce au fonds de transition.

Je suis en train d'examiner les modalités exactes de fonctionnement du fonds de transition pour 2005, avec l'objectif de le rendre opérationnel dès le début de l'année.

Outre la question de l'indemnisation du chômage, se pose également celle de la nécessaire transformation des emplois. J'ai décidé, dans le cadre des crédits pour les mesures nouvelles dont bénéficie mon ministère, d'affecter des marges de manoeuvre supplémentaires en faveur de l'emploi permanent. De ce point de vue, lors des conférences budgétaires en cours au sein de mon ministère avec chaque direction régionale, je ne manque pas d'indiquer que c'une priorité dans l'utilisation des crédits consacrés au spectacle vivant.

Je pense cependant que nous devrons aller plus loin dans ce domaine, et qu'il faudra débattre.

Les collectivités territoriales, qui sont des employeurs majeurs et des soutiens financiers presque plus importants que l'Etat pour le spectacle vivant, ne veulent pas s'engager dans le financement de l'indemnisation du chômage. Je comprends parfaitement cette position, qui m'a été exprimée à de très nombreuses reprises.

Cela étant, c'est une chose de financer l'indemnisation du chômage, c'en est une autre de soutenir, le plus possible, la permanence de l'emploi dans un certain nombre d'activités culturelles et artistiques. Sur ce point, nous devrons, ensemble, nous mettre autour d'une table pour examiner les moyens de transformer progressivement, étant donné l'ampleur du sujet, un certain nombre d'emplois précaires en emplois permanents, dans l'audiovisuel - nous évoquerons peut-être cette question cet après-midi -, les orchestres ou les troupes de théâtre, c'est-à-dire dans l'ensemble des secteurs concernés par les annexes VIII et X.

Nous consacrerons, dans le cadre du budget de mon ministère pour 2005, 18 millions d'euros en faveur de cette politique d'incitation à la création d'emplois permanents. Cette somme devrait pouvoir être majorée par les collectivités territoriales.

Ainsi, l'indemnisation du chômage et le soutien à la politique de l'emploi s'inscrivent dans les perspectives et les préoccupations actuelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je ne reviendrai pas, car nous sommes tous d'accord sur ce point, sur le lien étroit qui unit l'ambition culturelle et le sort réservé à ceux qui la mettent en oeuvre.

En une minute, je souhaite simplement souligner que le spectacle vivant, les musiques actuelles et le problème de leur rémunération, l'art lyrique, les orchestres, la danse, l'éducation artistique, le cinéma, les tournages, les multiplex et les petites salles, la photographie, la démocratisation du téléchargement, les droits d'auteurs et les petits labels du disque, la lecture, les musées, les arts plastiques, les langues de France, les archives, l'action internationale, les moyens des DRAC, le premier bilan des établissements publics de coopération culturelle, la culture scientifique, les arts de la rue, le cirque, ne sont pas des objets budgétaires dignement traités par le Parlement, quand il est enfermé dans la procédure étriquée qui accorde deux questions de cinq minutes à un groupe de quatre-vingt-seize membres, socialistes et Verts.

Depuis les tribunes réservées au public, plusieurs personnes manifestent en faveur des intermittents du spectacle et, avant d'être maîtrisées par les huissiers, parviennent à jeter des tracts dans l'hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à douze heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La séance est reprise.

La parole est à M. Louis de Broissia.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

M. Louis de Broissia. Monsieur le ministre, après ce happening, qui, je l'espère, n'était pas destiné à m'empêcher de parler ou à retarder ma prise de parole

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Le Gouvernement, par la voix du Premier ministre, a annoncé - et nous nous en réjouissons - qu'à Lens serait installée une annexe du musée du Louvre. Je me félicite de cette initiative et j'aimerais savoir si vous envisagez de poursuivre cette décentralisation des collections du Louvre ainsi que dans le domaine de l'art contemporain, qui m'intéresse tout particulièrement.

En matière d'art contemporain, en janvier 2003, le ministère de la culture a mis en route le programme d'implantation d'une antenne régionale à Metz du centre Georges-Pompidou. Les travaux sont en cours, et ce « Beaubourg bis », sera ouvert au public, si j'ai bien compris, au début de l'année 2007.

Metz et la Lorraine ne sont pas les seuls à être intéressés par ce programme de décentralisation culturelle ; la Bourgogne, la Côte-d'Or, Dijon seraient également intéressés par un « Beaubourg ter », mais on peut imaginer qu'il y ait aussi un « Beaubourg quater ».

Pourquoi ai-je cité la Côte-d'Or ? A titre d'exemple, mes chers collègues, bien entendu !

Nous sommes idéalement situés, non loin de Paris, de la Suisse et de l'Italie. Nous avons un fort rayonnement culturel tenant à l'implantation d'artistes contemporains de renommée internationale, tels que Bertrand Lavier ou Yan Pei-Ming, qui exposent dans le monde entier. Nous avons un centre d'art contemporain important, conventionné par la délégation aux arts plastiques du ministère de la culture. Nous avons aussi le fameux Consortium, qui organise des expositions régulières. Il existe l'association pour la diffusion de l'art contemporain, qui s'est installée dans ce que l'on appelle à Dijon « l'usine », c'est dire que c'est un Beaubourg extrêmement limité ! Enfin, il ne faut pas oublier le fonds régional d'art contemporain, de très grande qualité, qui, en association avec les collèges de Côte-d'Or, favorise une diffusion effective de la culture.

J'ai souhaité ainsi montrer, monsieur le ministre, l'intérêt que les Français, à travers l'exemple de la Bourgogne, portent à l'art contemporain.

J'aimerais donc savoir quel est le projet politique de votre ministère, à moyen et à long terme, en ce qui concerne cette décentralisation.

Permettez-moi, mes chers collègues, de vous citer deux chiffres : sur les 50 000 oeuvres de la collection du Musée national d'art moderne qui sont stockées dans des réserves, on peut en présenter 1 300 par an. Pourrons-nous, au moment où s'engage l'Acte II de la décentralisation, accélérer ce fort mouvement de décentralisation qui est cher au coeur de tous les Français ?

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Monsieur de Broissia, vous soulignez à juste raison la nécessité d'un égal accès de l'ensemble de nos concitoyens aux oeuvres d'art, qu'il s'agisse des oeuvres du passé ou de création contemporaine. A cet égard, des opérations très emblématiques ont été décidées par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.

La dernière décision en date - et c'était un moment assez extraordinaire - a été le choix de Lens pour accueillir une antenne du Musée du Louvre. La ville de Lens, qui a été marquée, comme vous le savez, par la crise industrielle, n'avait pas de grande structure culturelle susceptible d'offrir à tous un égal accès à la culture.

Une certaine émotion a marqué ce moment, en raison, peut-être, de l'aspect très provocateur - au sens positif du terme - de ce geste. La décision n'était pas facile à prendre, compte tenu de l'intérêt des projets concurrents. Le Premier ministre a montré que, sur ce sujet, nous savions mettre de côté tout esprit partisan, puisque deux ministres soutenaient, par ailleurs, les candidatures d'autres villes pour accueillir les collections du Louvre.

L'accès aux oeuvres d'art, qui est très important, peut se faire soit grâce des implantations d'Etat, soit à travers les concours que l'Etat peut apporter aux musées en région. J'ai évoqué tout à l'heure la nouvelle mission incombant à la Réunion des musées nationaux, qui devra s'efforcer de mettre ses moyens scientifiques et techniques à la disposition des collectivités territoriales et de leurs musées.

De surcroît, en ce qui concerne la politique de prêts des oeuvres, beaucoup d'efforts sont accomplis pour favoriser l'organisation d'expositions dans les régions. Toutefois, vous avez raison de souligner que nos collections nationales et patrimoniales d'Etat recèlent de vrais trésors dont il faut encourager la diffusion dans l'ensemble de nos régions. Les lois récentes le permettent et il est de la volonté du Gouvernement et singulièrement du ministre chargé de la culture, d'aller dans ce sens.

La ville de Dijon a fait l'objet pour 2005 de décisions très positives, non pas dans le domaine des musées mais dans celui du spectacle vivant, puisque je vous confirme la construction d'un Zénith, salle destinée à accueillir toutes les formes de musique à Dijon. Cela représente une dépense de trois millions d'euros. L'aménagement devra évidemment être discuté ensuite avec les collectivités territoriales sur place, mais la décision prise est déjà très importante.

Je ne vous annoncerai pas aujourd'hui une implantation territoriale nouvelle ; que penseraient les habitants de Tours si je me préoccupais de toutes les villes sauf de la mienne ?.) Cela ne signifie évidemment pas qu'un grand projet est prévu à Tours dans l'immédiat.

Plus sérieusement, je souhaite comme vous une égalité entre nos concitoyens pour l'accès aux oeuvres. C'est la raison pour laquelle, notamment en ce qui concerne l'art contemporain, j'attache la plus grande importante à la coopération entre l'Etat et les régions.

J'ai récemment réuni tous les présidents et les directeurs des FRAC pour examiner de quelle manière on pouvait poursuivre et prolonger cette politique, et ce d'autant plus que des cicatrices choquantes demeurent.

Je n'accepte pas que, dans des opérations partagées, on puisse faire preuve d'esprit partisan. Je pense à la région Poitou-Charentes, où, de manière unilatérale, la nouvelle présidente du conseil régional a cru devoir mettre un terme à la politique d'acquisition et d'exposition des oeuvres pour l'art contemporain. J'espère que cet épisode fâcheux ne se reproduira pas et que, sur ces sujets, on aura effectivement le seul souci de l'égalité d'accès de nos concitoyens à toutes les formes d'expression culturelle et artistique.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Monsieur le ministre, nous prenons acte de cette volonté décentralisatrice générale, dont je me félicite en particulier pour Dijon, la Côte-d'Or et la Bourgogne.

L'Acte II de la décentralisation qui est engagé n'est pas qu'un transfert de compétences ou de ressources. C'est aussi l'exercice de nouvelles responsabilités. Je le dis devant la Haute Assemblée comme je le dirai ailleurs.

C'est aussi le moment pour les collectivités locales, en particulier départementales et régionales, aux côtés des villes, des agglomérations, d'exercer leurs responsabilités dans la promotion et la diffusion de l'art, notamment de l'art contemporain, dont l'accès est, à mes yeux, refusé à trop de Français encore.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je respecte les troubadours, sauf quand ils déclament de manière incongrue dans les tribunes du Sénat !

J'aime les vieilles pierres, dont vous êtes le ministre. Je m'intéresse aux vestiges enfouis. Je crois que notre sol recèle une part importante de notre histoire et que ces témoignages doivent évidemment être compris et préservés.

Je suis aussi un élu local et, à ce titre, j'aime la vie, c'est-à-dire la capacité à répondre par des projets aux demandes de nos territoires et aux aspirations de leurs habitants.

Si je mets dans la balance, monsieur le ministre, d'un côté, nos vestiges enfouis, et le respect que nous leur devons, de l'autre, la vie des habitants et le développement des territoires, vous aurez compris que c'est pour vous parler aujourd'hui d'archéologie.

Le Sénat a coutume d'organiser un débat de qualité sur l'archéologie. Nous avons débattu de ce sujet en 2001 et en 2003 ; nous avons corrigé un certain nombre de textes pour faire, si possible, que la réalité et les textes coïncident.

Vous avez évoqué tout à l'heure, monsieur le ministre, l'action de l'Institut national de recherches archéologiques préventives. La loi que nous avons adoptée vise, dans son esprit, à la fois à préserver les vestiges et à nous permettre de savoir, en recourant aux services de l'INRAP, ce que contient le sous-sol. Sans doute vise-t-elle aussi à permettre aux territoires de se réapproprier leur histoire et à leur faire comprendre qu'ils ont un devoir à l'égard de leur sous-sol, qui passe par le développement des services archéologiques locaux.

Actuellement, nous sommes au milieu du gué. L'ancienne loi a été corrigée ; les missions de l'INRAP ont été redéfinies cependant que les services archéologiques locaux sont peu présents ou ne sont pas encore constitués.

Nous ne pourrons pas rester longtemps dans cette situation, sauf à condamner nos territoires à connaître un véritable blocage. Nous ne pouvons pas faire fonctionner un monopole que nous avons, à juste titre, voulu réformer, mais nous ne disposons pas encore des services archéologiques locaux sans lesquels il n'est pas possible de faire face aux besoins et à la demande.

Ma question est simple, monsieur le ministre. Pouvez-vous faire le point devant nous de la création de services archéologiques de collectivité territoriales et pouvez-vous nous dire quelles mesures vous comptez prendre pour inciter nos collectivités à se doter de tels services, dont l'existence est indispensable si nous voulons, sans retard excessif, assurer la protection des vestiges et, en même temps, permettre simplement que les territoires vivent ?

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Monsieur le sénateur, comme vous, j'aime bien les vieilles pierres et les troubadours ! J'utilise cette expression humoristique pour essayer de mobiliser chacun et de renforcer l'adhésion de tous aux thèmes de la culture et de la communication, domaines stratégiques pour la France dans le monde d'aujourd'hui.

L'archéologie est un sujet sensible que vous connaissez mieux que quiconque. D'une certaine manière, elle constitue un devoir d'Etat, puisqu'il s'agit du respect de notre histoire et de notre mémoire.

Ce devoir d'Etat prend des formes nouvelles grâce aux décisions du Parlement.

A ce jour, quelque vingt-six services archéologiques territoriaux, départementaux ou communaux ont fait l'objet d'un agrément au titre de la loi du 17 janvier 2001 sur l'archéologie préventive, agrément confirmé en 2003 et 2004.

Par ailleurs, au titre de cette même loi modifiée le 1er août 2003, d'une part, la création de trois services territoriaux a fait l'objet d'un avis favorable du Conseil national de la recherche archéologique le 13 octobre 2004, les arrêtés étant en cours de signature ; d'autre part, la création de trois autres a fait l'objet d'un accusé de réception, assorti, pour deux d'entre eux, en application du décret du 3 juin 2004, d'une demande de pièces complémentaires.

Le Conseil national de la recherche archéologique examinera de nouveaux dossiers à l'occasion de sa prochaine réunion, le 3 février 2005. D'ailleurs, M. le rapporteur spécial m'apprenait à l'instant que la ville de Troyes allait elle-même déposer un dossier.

Une dynamique est ainsi enclenchée, ce qui est très positif.

La répartition des services agréés sur le territoire métropolitain est encore assez inégale, reconnaissons-le. Treize régions comptent au moins un service agréé, communal ou départemental. Le département du Pas-de-Calais en compte quatre.

Je suis extrêmement attentif à ce que la structuration des services de l'archéologie se fasse rapidement, en concertation avec les représentants des collectivités locales, pour rendre compatibles l'aménagement, les projets du futur et le respect du passé, comme vous l'avez signalé.

Là encore, un point d'équilibre doit être trouvé dans les conférences régionales qui se tiennent actuellement entre la rue de Valois et les DRAC. De ce point de vue, je recommande à mes directeurs régionaux de veiller personnellement et attentivement à éviter, certes, tout excès de prescriptions, mais aussi toute insuffisance dans le respect dû au passé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse encourageante. Il faut que le rythme de ce mouvement qui s'amorce et que vous venez de rappeler s'accroisse dans l'année qui vient. Je le répète : des chantiers archéologiques sont actuellement en attente, qui ont besoin d'être traités. Nous comptons sur vous pour aider toutes les collectivités qui marqueront leur volonté de préserver ainsi la mémoire de leur territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la culture et figurant aux états B et C.

Titre III : 69 311 999 euros.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Titre IV : moins 148 623 148 €

La parole est à M. Ivan Renar.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'éducation artistique est en souffrance pour ne pas dire en déshérence, alors que chacun, à commencer par vous-même, monsieur le ministre, s'accorde à reconnaître son rôle crucial dès le plus jeune âge. Heureusement, nous sommes à l'unisson sur cette question. A défaut, la situation des arts à l'école serait encore plus tragique, s'il est possible qu'elle le soit.

Notre collègue Philippe Nachbar a abordé la question dans son rapport.

Le problème, monsieur le ministre, c'est qu'en attendant la conférence de presse annoncée avec votre collègue de l'éducation nationale, les crédits de ce ministère diminuent, désespérant tous ceux qui se consacrent à cette mission.

N'est-il pas paradoxal que le beau consensus autour de cet enjeu n'aboutisse, dans l'ensemble des moyens affectés à l'éducation nationale, qu'à un budget confetti, noyé, perdu, écrasé, au lieu d'être une priorité absolue ?

Bien sûr, lire et compter, c'est indispensable ; penser et apprendre à penser l'est bien davantage encore. C'est pourquoi la formation artistique fait incontestablement partie des savoirs fondamentaux. Dans le même temps, elle éclaire la richesse des jeunes et développe leurs potentialités.

C'est en cela que vous êtes concerné, monsieur le ministre, puisque les enfants et les jeunes sont aussi le public de demain.

Comment naître au monde et à soi-même sans cette dimension essentielle dans l'acquisition des connaissances ? Avec l'éducation artistique, il s'agit non pas de former des spécialistes ou des professionnels, mais de permettre à chaque jeune de développer sa part d'humanité et d'humanisme, de s'ouvrir au monde, de s'interroger, bref de maîtriser son destin et non de le subir.

Soulignons que les classes à projet artistique et culturel, parce qu'elles s'articulent autour d'un projet, favorisent le décloisonnement et la transversalité des disciplines, induisant ainsi un traitement différent de l'apprentissage. De telles pratiques aident les élèves à faire lien entre les différents savoirs qu'ils acquièrent et éclairent ainsi toute l'intelligence de ces savoirs.

En la matière, si l'implication et le partenariat des collectivités locales sont essentiels, l'intervention de l'Etat n'en est pas moins indispensable, ne serait-ce que pour garantir l'égalité d'accès aux pratiques et formations artistiques dans les établissements scolaires.

De plus, nous savons très bien que l'éducation artistique pour tous est un facteur déterminant de la démocratisation culturelle. Beaucoup reste à faire pour conquérir de nouveaux publics. L'éducation artistique en est la clé, le coeur, le socle indispensable. « L'art, c'est comme le chinois : cela s'apprend », disait Picasso. Et chacun d'entre nous doit lutter contre tous les analphabétismes.

Alors que votre ministère remet l'accent sur la diffusion des oeuvres, comment admettre que la formation des publics de demain passe à la trappe ? C'est à l'épreuve du feu qu'on se brûle, c'est à l'épreuve de l'art qu'on en suscite le désir. C'est le non-partage qui crée les non-publics. Il est évident que les moyens affectés aujourd'hui, dans l'éducation nationale, à l'éducation artistique et culturelle ne permettent ni de passer du petit cercle au grand cercle des connaisseurs, comme disait Brecht, ni de favoriser l'égal accès aux oeuvres de l'esprit.

A cet égard, je vous remercie de ce que vous venez de dire.

Par ailleurs, une politique d'éducation artistique ambitieuse aurait aussi pour conséquence de renforcer l'emploi artistique. Il s'agit, par exemple, de prendre pleinement en compte le travail mené par les artistes dans les établissements scolaires, notamment dans le calcul des indemnisations qu'ils peuvent percevoir du régime d'assurance chômage des intermittents.

A l'image de ce que vous-même dénoncez et regrettez pour votre ministère, ne faisons pas de chaque artiste un éternel quémandeur et mendiant !

Il a déjà suffisamment affaire, lui qui a mal aux autres, pour reprendre un texte de Brel cité à Lille, lors de la soirée anniversaire organisée en l'honneur de Maurice Béjart, à laquelle vous assistiez.

Apprenons, nous aussi, comme les élèves, à aller à l'école de nos erreurs et mettons enfin résolument à l'honneur l'éducation artistique qui permet de développer le partage du beau, de l'émotion, de l'imaginaire, du sensible, de l'esprit critique, dont notre monde si tourmenté a tant besoin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

J'avais prévu de faire une intervention complète sur les intermittents du spectacle. Cependant, compte tenu de ce qu'a dit Marie-Christine Blandin à ce sujet, je limiterai mon propos. Je soutiens très vivement sa position et y adhère de A jusqu'à Z.

Je suis satisfait de la façon dont Jean-Paul Guillot a rédigé son rapport. Son expertise conforte tout ce que nous disions. La qualité de son travail tient au fait qu'il ne s'est pas considéré comme un expert isolé, prétendant tout savoir et se contentant de nous demander d'approuver. Il a travaillé avec les experts du quotidien, ceux qui se retrouvent au comité de suivi, à savoir les élus, les intermittents ou leurs représentants syndicaux. Le document auquel il a abouti conforte de manière heureuse la position que nous avions adoptée le lendemain du 26 juin 2003. Par ailleurs, je trouve bien que vous ayez exprimé ici, monsieur le ministre, tout l'intérêt que vous portez aux conclusions de M. Guillot.

Cela dit, je me pose une question. Je m'en suis fait l'écho au cours de la récente conférence de presse du comité de suivi et lors d'une rencontre avec vous. Marie-Christine Blandin l'a évoquée elle aussi : il s'agit de l'agenda.

Vous parlez d'un « Valois de la culture ». La formule est belle. La symbolique compte en politique. Cependant, le problème est bien celui du calendrier. Sans aller jusqu'à dire que vous vous opposez au MEDEF et - ce que je regrette, bien évidemment - à son alliée, la CFDT, à tout le moins, vous avez quelque difficulté à aboutir dans les discussions que vous menez avec ces deux organisations.

Il ne faudrait pas que les mesures provisoires et positives que vous avez heureusement prises pour 2004, mesures appelées à devenir transitoires en 2005 et destinées à permettre à la négociation de s'ouvrir, deviennent définitives. En effet, le MEDEF et la CFDT, se transformant en mur anti-intermittents, c'est-à-dire en mur anti-art et anti-culture, pourraient être tentés d'accepter la formule provisoire, transitoire, donc limitée, qui deviendrait alors une solution bas de gamme. Cette question, sérieuse, angoisse les intermittents, et m'angoisse aussi.

Si cette situation devait durer trop longtemps, la spécificité du régime des intermittents, à laquelle nous tenons - et vous aussi, dites-vous -, risquerait d'être englobée dans la discussion générale sur la réforme de l'UNEDIC et pourrait y perdre des plumes.

De toute façon, il faut et il faudra de l'argent. Or il n'y en a pas de prévu. J'ai eu l'occasion de vous parler récemment de cette question du financement. A cet égard, la situation de l'orchestre de chambre national de Toulouse me préoccupe. Il comptait onze permanents. Les collectivités locales ont accepté de se mettre autour de la table pour étudier, dans l'esprit énoncé, quelle part pouvait être la leur. Or le directeur régional des affaires culturelles, dès la première réunion, a annoncé qu'il diminuait la subvention, pour la passer de 460 000 euros à 50 000 euros.

Soit les collectivités locales prennent tout à leur charge, mais elles sont présentes sur tellement de fronts à la fois qu'elles n'y parviendront pas, soit on trouve un mécène, mais je n'en vois pas qui se présente pour soutenir l'Orchestre de chambre national de Toulouse, soit encore on transforme les personnels permanents en intermittents. Il y a là une interrogation, et nous devons y répondre rapidement.

Par ailleurs, je saisis au vol l'information selon laquelle un débat sur l'emploi culturel et artistique aura lieu à l'Assemblée nationale, le 9 décembre, sur votre initiative, monsieur le ministre - j'y assisterai pour ma part dans les tribunes -, ainsi qu'au Sénat, au mois de janvier.

Il faut que nous approfondissions désormais les idées mises en avant par le comité de suivi. Comme Marie-Christine Blandin, je pense en effet que nous devons tous réfléchir à la qualité de ce comité, dans lequel se retrouvent la « coordination », toutes les organisations syndicales, sauf celles qui « collent », provisoirement je l'espère, aux positions du MEDEF. En font partie aussi une organisation patronale extérieure au MEDEF, ainsi que des élus de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel des sensibilités politiques de ce pays, ce qui ne signifie pas qu'ils y représentent leur groupe.

Lorsque l'on va au fond des choses, on peut donc trouver au plan national des solutions qui dépassent la pensée « bissectrice ». En effet, comme je l'ai dit un jour à M. Fillon, je ne me résous pas à être seulement dans l'opposition. Nous ne devons jamais nous mettre dans cette situation, car cela empêche de trouver des solutions, cela nous abîme, et cela vous abîme également.

Fort heureusement, monsieur le ministre, la façon dont vous abordez la question évite l'écueil de cette pensée bissectrice. Mais cela nous demande un travail beaucoup plus important.

Je n'énumérerai pas le contenu des revendications du comité de suivi, car vous les connaissez aussi bien que moi. Mais elles sont fondamentales !

Vous avez évoqué tout à l'heure, et vous avez eu raison, les difficultés que rencontrent les intermittents. Je n'insisterai donc pas, mais il y a tout de même une difficulté que je veux rappeler.

Animant récemment un débat des états généraux de la culture au Théâtre de la Commune, j'évoquais la question des congés de maternité des intermittents, me félicitant de la solution qui venait d'être trouvée. Et Léonore Faucher, la réalisatrice de ce premier beau film, Brodeuses, enceinte de sept mois, de me répondre que c'était faux, qu'elle s'était rendue la veille aux ASSEDIC, où on lui avait dit que ces nouvelles règles ne s'appliquaient pas.

Dans la salle, plusieurs personnes ont affirmé le contraire. L'un d'entre nous a ensuite pris contact avec l'un de vos collaborateurs, qui s'occupe des affaires sociales au ministère de la culture, M. Abecassis, qui a lui-même appelé les ASSEDIC. Fort heureusement, ce cas a été réglé.

Mais je connais une autre jeune femme (, une technicienne du cinéma qui, elle, a dû faire sept démarches, pour obtenir satisfaction. Je l'avais empêchée de se résigner car, pour ma part, je ne me résigne jamais. Sept démarches ! Je pense qu'une autre personne, renvoyée dans les cordes, au bout de deux ou trois démarches, ne serait pas revenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Cela explique peut-être les chiffres que vous citiez tout à l'heure, monsieur le ministre.

Je souhaite que l'on sorte rapidement de cette situation et que, du provisoire, on puisse passer au transitoire, qui semble acquis, et que le transitoire devienne pérenne.

Au sein du comité de suivi, nous avons décidé, si vraiment les difficultés étaient grandes, notamment du côté du MEDEF qui, décidément, veut gouverner la France, que nous déposerions une proposition de loi.

C'est d'ailleurs une tradition au Sénat. A la fin des années quatre-vingt-dix, face à des difficultés similaires, le président Valade le sait, Ivan Renar et d'autres sénateurs avaient pris cette responsabilité parlementaire. En 1992, je n'étais pas encore élu, mais je travaillais déjà constamment sur ces questions, comme aujourd'hui. J'étais à l'Odéon, avec les intermittents. En 2003 et 2004, j'ai participé, dans toute la France, à pas moins de soixante-quatre réunions qui accueillaient chaque fois un public nombreux.

Nous prendrons donc, le cas échéant, nos responsabilités.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour commencer, j'aimerais saluer l'effort financier fait en faveur du spectacle vivant, qui demeure, cette année encore, le premier poste budgétaire, avec une somme de 753 millions d'euros.

Il nous faut noter en particulier avec satisfaction la hausse de 6, 5 %, qui représente une augmentation de 18 millions d'euros des crédits alloués, permettant le financement du plan pour le spectacle vivant, qui nous apparaît nécessaire.

Nous soutenons, monsieur le ministre, les objectifs de ce plan, qui doivent permettre à notre sens, et je sais que c'est ainsi que vous l'entendez, de mettre davantage l'accent sur l'emploi, plutôt que de se polariser uniquement sur le financement de l'assurance chômage.

L'un des objectifs principaux est en effet, d'une part, de consolider l'emploi dans ce secteur, d'autre part, d'élargir et renouveler les publics et, enfin, de soutenir la création et la diffusion artistiques.

Je souhaiterais également vous féliciter pour votre capacité d'écoute et de dialogue, à un moment difficile, avec les professionnels du spectacle vivant, qui ont été profondément marqués par le conflit provoqué par la signature du protocole d'accord du 26 juin 2003. Vous avez su prendre à bras le corps le dossier brûlant des intermittents du spectacle et de l'audiovisuel.

Le rapport Guillot, qui vient d'être rendu public, me donne l'occasion d'insister aujourd'hui sur la richesse et la vitalité du spectacle vivant. Il confirme l'état des lieux dressé par le rapport de M. Latarjet, qui affirme clairement que le spectacle vivant constitue un véritable secteur économique pesant environ 20 milliards d'euros et employant plus de 300 000 personnes, dont 100 000 intermittents.

Il existe en effet 3 300 compagnies de théâtre, de danse, de cirque ou de théâtre de rue et plus de 8 000 ensembles musicaux, qui produisent environ 5 000 spectacles différents par an et suscitent quelque 25 millions d'entrées.

En outre, ce rapport confirme, ce que certains d'entre nous savaient déjà, que le secteur culturel est générateur d'une série d'effets induits en termes d'emplois et d'activités, et participe pleinement au rayonnement culturel international, au développement du lien et de la mixité sociale, à l'attractivité du territoire et à l'épanouissement des individus.

L'été 2003 a malheureusement fait prendre conscience aux élus, comme à la population, des conséquences catastrophiques des annulations de festivals, tant pour l'économie locale que pour le tourisme culturel des villes concernées. Si la mission Latarjet a constaté la vitalité exceptionnelle du spectacle vivant, elle s'est, dans le même temps, inquiétée de la crise de croissance de ce secteur, dont le conflit des intermittents n'a été, selon elle, qu'un symptôme.

Cette crise, due au déséquilibre entre une production très riche au regard d'une diffusion insuffisante, fait du spectacle vivant un secteur fragile, de nombreuses compagnies disparaissant en effet dès qu'une difficulté financière apparaît ou dès qu'une subvention est supprimée.

Toutefois, le conflit des intermittents de 2003 et 2004 aura eu le mérite, si je puis dire, de faire prendre conscience à nos concitoyens de la spécificité des professions artistiques, très diverses dans leur statut et marquées par une précarisation croissante de leur emploi et de leur situation.

On constate aujourd'hui en tout cas l'existence d'un consensus de l'ensemble des missions d'expertise commandées par le ministère, qui ont toutes reconnu la spécificité de l'intermittence en tant que système d'aide à la création et aux artistes, ainsi que la légitimité d'un régime particulier d'assurance chômage au sein du régime interprofessionnel pour les artistes et les techniciens du spectacle vivant.

Nous restons donc attachés au système particulier des annexes VIII et X de l'assurance chômage délimitant le périmètre de l'intermittence, car il prend en compte les caractéristiques du monde du spectacle, c'est-à-dire la discontinuité de l'emploi, la multiplicité des employeurs et l'alternance de périodes de travail intense et de moments dédiés à l'élaboration et à la création de projets, ce qu'on appelle le temps de travail invisible. C'est d'ailleurs l'existence de ce régime spécifique qui a permis l'émergence de nombreuses compagnies et explique en partie la vitalité de la création dans notre pays.

Au-delà de la question de l'intermittence, c'est donc bien la politique culturelle de la France, de nos villes et de nos régions qui est en jeu.

Je tiens également à saluer la prolongation en 2005, voulue par vous, monsieur le ministre, du fonds d'urgence provisoire en fonds transitoire, laissant le temps aux partenaires sociaux d'aboutir à un « protocole vertueux » et équitable.

Toutefois, s'il est important que le régime de l'intermittence perdure, car il correspond bien à une réalité des pratiques professionnelles, il faut s'attacher désormais à faire émerger un système pérenne de financement de l'emploi qui réduise la précarité.

Parvenir à un système qui encourage le travail déclaré, reconnaître la nécessité de réserver le régime des annexes VIII et X aux métiers et activités qui le justifient par les spécificités fondamentales de leur travail, réfléchir aussi à des dispositifs d'insertion, de formation et de reconversion, sont pour moi les principes qui doivent guider la réflexion en vue d'améliorer le régime de l'intermittence.

Ce travail devra s'accompagner de la mise en place, autant que faire se peut, d'emplois plus stables, là où la taille des structures le justifie. Par ailleurs, toutes les formes de mutualisation de postes, notamment administratifs, permettant aux compagnies et aux formations de se doter de gestionnaires permanents, devront être recherchées.

Enfin, il m'apparaît nécessaire de clarifier les compétences et les rôles respectifs des différents partenaires, collectivités locales et Etat. Comme l'a mis en avant M. Bernard Latarjet, le rôle des collectivités territoriales est essentiel dans la création, la production et la diffusion des spectacles : sur les 584, 9 millions d'euros dépensés en 2003, celles-ci sont à l'origine de plus de 68 % des financements, dont 12 % pour les régions, 7, 8 % pour les départements et surtout 47 % pour les villes, contre seulement 32 % de financements provenant de l'Etat.

L'exception culturelle française, dont nous sommes si fiers, ne pourra être préservée que si l'Etat et les collectivités territoriales mutualisent leurs efforts dans le cadre d'un partenariat équitable.

Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'il incombe au pouvoir politique de définir dans une loi-cadre les principes d'un statut de l'artiste et des métiers de la création, tout particulièrement si les partenaires sociaux ne parvenaient pas à se mettre d'accord sur une réforme de fond.

Au groupe de l'Union centriste, nous sommes prêts à réfléchir, à débattre ici même, au Sénat, comme cela est prévu, et à nous engager, en concertation avec les acteurs locaux, sur un texte de loi qui assurerait une vraie reconnaissance de la place de l'artiste et de la culture dans notre société.

Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Monsieur Renar, sur la question de la conciliation nécessaire de toutes les disciplines qui doivent être enseignées à l'école, je souhaite que l'on évite une nouvelle querelle des anciens et des modernes. Je défends pour ma part ardemment, pour des raisons politiques, au sens noble du terme, la culture et l'éducation artistiques, qui ont toute leur place au sein de l'école, dans la France d'aujourd'hui.

Le ministre de l'éducation nationale a eu tout à fait raison de centrer, dans un premier temps, ses interventions sur les savoirs fondamentaux, car ils constituent le socle sans lequel aucune jeune Française et aucun jeune Français ne peut devenir un citoyen à part entière.

L'apprentissage de l'écriture, du calcul et des savoirs fondamentaux est donc essentiel, de même que la formation de nos jeunes concitoyens à l'ouverture et à l'apprentissage de toutes les formes de culture et d'éducation artistiques, soit directement, grâce aux enseignants de l'éducation nationale, soit indirectement, par l'intervention, au sein même de l'école, des artistes eux-mêmes.

Cette dernière question fera partie des sujets dont nous devrons discuter. Ainsi, dans le cadre de l'indemnisation du chômage, nous pourrions voir combien d'heures, sur le contingent horaire de 507 heures, peuvent être réservées à l'éducation artistique enseignée par les artistes eux-mêmes au sein de l'école, voire par les techniciens, qui revendiquent également de pouvoir intervenir.

Toutes ces questions sont sur la table. Je considère qu'elles sont absolument essentielles et je ne souhaite pas qu'elles suscitent d'oppositions. C'est la raison pour laquelle nous allons agir publiquement très prochainement, M. le Président de la République et M. le Premier ministre m'ayant demandé de faire une communication sur ces sujets en conseil des ministres.

J'aurais encore mille choses à ajouter mais, pour plus de rapidité, monsieur le sénateur, je vous transmettrai par écrit les chiffres du budget consacré par le ministère de l'éducation nationale aux enseignements artistiques, ainsi que ceux de mon ministère, pour comparaison. Vous pourrez constater que nous n'avons vraiment pas la volonté de nous désengager.

Monsieur Ralite, sur la question du calendrier, je souhaite dissiper les malentendus qu'ont pu susciter mes propos.

Je fais confiance aux partenaires sociaux pour bâtir un système définitif. Ils ont une date limite pour y parvenir : le 31 décembre 2005.

J'avais la responsabilité « opérationnelle », politique et morale, de faire en sorte que le problème soit réglé, dans la mesure du possible, en 2005. Si, à la fin de l'année 2005, il se révélait impossible pour les partenaires sociaux de refonder un système équitable pour le fonctionnement des annexes VIII et X, l'Etat prendrait évidemment ses responsabilités. Mais j'ai donné un certain nombre d'indications pour que la négociation se fonde sur le constat partagé de la réalité et des objectifs poursuivis.

C'est pour cette raison que je soutiens, comme vous, le travail exceptionnel et nécessaire accompli par Jean-Paul Guillot. Il fallait en effet qu'émerge ce constat des réalités, sur lesquelles nous avons encore beaucoup à dire.

J'en profite pour dire à Mme Marie-Christine Blandin, qui s'est exprimée tout à l'heure sur la même question, qu'en l'entendant énumérer les différents domaines de l'activité culturelle et artistique, j'avais le sentiment de participer à une discussion interne de mon cabinet !

En effet, mon objectif permanent est de faire en sorte que toutes les disciplines artistiques fassent l'objet d'une attention égale de la part du ministre - je parle de la partie symbolique de ses fonctions -, et ce quels que soit la forme d'expression, l'époque et le lieu. Alors, évidemment, on s'aperçoit que c'est vaste, d'autant qu'une journée ne compte que vingt-quatre heures !

Monsieur Ralite, vous avez posé la question du fonctionnement de l'Orchestre national de chambre de Toulouse qui, sous sa forme antérieure, a fait l'objet d'une liquidation judiciaire. Un certain nombre d'artistes ont décidé de se constituer eux-mêmes en orchestre. Il ne s'agit évidemment plus du même ensemble.

Sur ce sujet, je souhaite que tout le monde se mette autour de la table. Je donnerai instructions au directeur régional des affaires culturelles d'engager l'Etat, certes, mais de faire aussi en sorte que la région, le département et la ville puissent se joindre à cet effort. En effet, comme vous le savez, c'est un désengagement du conseil général qui a eu, dans un premier temps, des suites fâcheuses sur l'activité de l'orchestre.

Je ne développe pas davantage à propos du calendrier, nous aurons l'occasion d'en reparler.

J'en viens à l'indemnisation du chômage. Il y a urgence. Nous nous engageons dans la voie d'un soutien effectif à l'emploi permanent. Cela suppose que nous définissions les termes de cette politique active.

Nous qui sommes, les uns et les autres - l'Etat, les collectivités territoriales et les entreprises privées - employeurs d'artistes et de techniciens, devons examiner de quelle manière nous engager dans cette politique.

Madame Morin-Dessailly, vous avez raison d'insister sur la réconciliation nécessaire entre, d'une part, les artistes et techniciens, et, d'autre part, un certain nombre de nos concitoyens qui ne comprenaient pas la justification d'un système spécifique tant les abus ou situations aberrantes qui ont parfois entaché le périmètre de l'annexe VIII et X les avaient impressionnés.

C'est la raison pour laquelle j'attache une énorme importance à assurer à nos artistes et à nos techniciens des conditions décentes de vie et de rémunération pour leur talent. Mais sachez-le, je mettrai le même élan et la même énergie pour que le périmètre des personnes concernées soit incontestable.

Sur ce sujet, je suis en effet investi d'une sorte de mission de force d'interposition pour que celles et ceux qui voudraient remettre en cause la légitimité des annexes VIII et X ne puissent pas le faire.

Et je me battrai avec la plus extrême énergie et je serai soutenu, je l'espère, par toutes les tendances politiques, pour faire reconnaître la spécificité de l'intermittent. Encore faut-il qu'elle soit justifiée effectivement par l'activité culturelle et artistique. En effet, les uns et les autres, nous le savons très bien, il existe des situations aberrantes, choquantes, et il nous faut les traquer.

Ce travail est devant nous. Il commence. Deux décrets étaient très importants pour rendre le contrôle effectif. L'un a été pris au mois de juillet. L'autre, qui concerne la connexion des fichiers - entre les fichiers sociaux et les fichiers individuels - vient de recevoir l'accord du Conseil d'Etat et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; il est parvenu à la phase finale de la signature.

Avant Noël, les deux décrets permettant le renforcement des contrôles sera effectif. Lors du débat parlementaire, je ferai le point concret de l'application des contrôles en cours. En effet, là aussi, je crois que c'est défendre la spécificité des artistes et des techniciens, au sens large du terme, que de vérifier les contours du sujet.

Ces crédits sont adoptés.

Titre V. - Autorisations de programme : 403 520 000 €

Crédits de paiement : 180 512 000 €.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Dans le cadre de la nouvelle loi de décentralisation, et encore aujourd'hui, vous prenez, monsieur le ministre, de nombreuses et sages précautions pour traiter de la proposition de l'Etat de céder une partie du patrimoine national aux collectivités locales.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

C'est sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Sans doute avez-vous pris en compte l'inquiétude, plus que jamais vive, de nombreux élus locaux qui dénoncent l'injustice du second acte de la décentralisation.

Et à juste titre, puisque les transferts de compétences, loin d'être accompagnés des moyens nécessaires, correspondent de fait à un véritable délestage des charges de l'Etat qui vont venir désormais peser de tout leur poids sur l'ensemble des collectivités territoriales.

Alors que l'action du Gouvernement conduit à la fermeture partout en France de classes ou d'écoles, mais aussi de perceptions et de nombreux bureaux de poste, comment ne pas s'interroger sur la cession de cent soixante-dix-huit monuments historiques aux collectivités ? Dans le contexte actuel, comment ne pas y voir un cadeau empoisonné ?

Certes, vous avez évoqué des conventions au cas par cas. Certes, le Haut-Koenigsbourg trouvera preneur, puisqu'il est bénéficiaire et rentable en raison d'une fantastique fréquentation du public. Mais n'est-ce pas là le château qui cache la forêt des Vosges?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

En effet, l'exploitation de la plupart de ces monuments entraîne de lourdes charges. Bien sûr, et c'est la moindre des choses, ce transfert des monuments historiques s'effectuera sur la base du volontariat. Les efforts que l'Etat consent à faire paraissent toutefois bien dérisoires compte tenu de l'importance des travaux nécessaires et urgents à réaliser.

Les 26 millions d'euros supplémentaires que vous avez annoncés en crédits de paiement au budget du patrimoine sont un soulagement, puisqu'ils vont permettre de régler « des ardoises » - c'est le cas de le dire ! - et de poursuivre certains chantiers. Nous ne saurions y voir une éclaircie ni pour l'avenir de nos joyaux patrimoniaux, auxquels nos concitoyens sont attachés, ni pour les entreprises de restauration et leurs 9000 compagnons.

Vous le savez, tous les territoires ne sont pas égaux entre eux. A terme, je redoute qu'il n'y ait péril en la demeure pour les monuments qui n'auraient pas été adoptés par les collectivités, non par manque d'intérêt, mais faute de moyens.

Quant aux monuments qui trouveraient des candidats au transfert, l'expérience et les compétences techniques et scientifiques de l'Etat, si précieuses soient-elles, ne sauraient suffire.

C'est pourquoi je crains que ces nouvelles dispositions ne masquent un nouveau désengagement de l'Etat. L'avenir le dira. En la matière, on ne peut toutefois laisser le temps trancher seul. La responsabilité nationale ne peut hypothéquer l'histoire. L'avenir est au partenariat.

C'est pourquoi, plutôt qu'un transfert de propriété, je suis convaincu qu'il serait plus pertinent que l'Etat propose aux collectivités de s'associer, à ses côtés, à la gestion et au fonctionnement de ces cent-soixante-dix-huit monuments historiques. Et pourquoi pas dans le cadre d'un établissement public de coopération culturelle, formule sur laquelle le Sénat va d'ailleurs se remettre à travailler?

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention porte sur le devenir du Centre international de l'estampe et du livre, connu sous le nom d'Urdla. Implanté dans la région lyonnaise, il est actuellement tout près du dépôt de bilan.

Créé en 1978, il s'est installé à Villeurbanne en 1986, dans une usine désaffectée qu'il loue. Il a conquis une audience européenne. En tout cas, en France, c'est à lui que s'adresse la Bibliothèque nationale. C'est d'ailleurs le seul atelier de gravure qui existe encore dans notre pays, voire en Europe.

Or, il est actuellement près de la cessation de paiement. Son budget est de 172 000 euros, 66 000 euros venant de la région, 66 000 euros de la ville de Lyon, et 38 000 euros de la DRAC.

Pour fonctionner normalement, il a besoin de 365 000 euros. J'ai examiné le problème. Concrètement, l'Etat est légèrement en retard. Pour revenir à un paritarisme normal et passer au niveau des collectivités locales, il lui faudrait rajouter 28 000 euros. Il manquerait donc 100 000 euros, à répartir entre les trois contributeurs, soit 33 000 euros pour chacun. L'effort est quand même faible !

J'ai parlé à son directeur, Max Schoendorff. Je le connais bien, et depuis la création du Centre, j'ai assisté à nombre de manifestations organisées à Lyon.

Une pétition circule, d'ores et déjà signée par de très grands noms européens et français dans ce domaine.

Max Schoendorff est un homme assez merveilleux, un esprit libre, indépendant, curieux, attaché à l'art contemporain, et pas à l'avant-garde académique, un homme qui a des capacités d'étonnement. Or, il est aux abois, et je crains vraiment pour son atelier. Max Schoendorff m'a décrit le type de rapports qu'il a avec la représentation de l'Etat dans le Rhône. Ce qui m'a frappé, ce sont les propos qui lui ont été tenus.

Je vais vous les rapporter, car j'ai confiance en Max Schoendorff, que j'ai toujours vu être au niveau de l'éthique.

Un représentant de l'Etat lui a dit que, s'il avait eu des responsabilités au moment où Jean Vilar rencontrait des problèmes, il n'aurait pas été d'accord pour le subventionner. Il lui a même dit ne pas vouloir se rendre à l'Urdla, de crainte d'être gagné par le charme de l'endroit.

M. le ministre s'esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Je vous rapporte ces propos, que je ne trouve pas dignes d'un représentant de l'Etat. Je connais très bien les personnes qui exercent ce type de fonctions, et je les estime pour le travail de terrain très difficile qui leur revient.

C'est la raison pour laquelle je me suis cru autorisé à rapporter ces propos, non sans avoir retéléphoné hier soir au directeur de l'Urdla pour lui demander de me confirmer leur teneur exacte, ce qu'il a fait, me précisant qu'ils ont d'ailleurs été publiés à Lyon.

Je ne pourrai vous lire, faute de temps, un texte de Baudelaire que j'ai sous les yeux.

M. Roger Karoutchi manifeste un signe d'impatience.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Le poète y parle de la gravure, un art formidable, selon lui, mais qu'on aime malheureusement plus ou moins en fonction du moment, en « dents de scie », en quelque sorte. Traverserions-nous une période plutôt « dent de scie d'en bas » ?

M. le ministre sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

En tout cas, je tenais à évoquer devant vous le problème de ce centre, qui recèle deux mille estampes, concerne cinq cents artistes plasticiens et écrivains et a édité des livres de peintres. Par-delà la passion de mon propos, retenez que c'est un lieu intéressant, dont je vous demande vraiment de regarder de près le cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le ministre, je suis heureuse d'intervenir sur un projet de budget du ministère de la culture dont les crédits connaissent une croissance substantielle dans des secteurs essentiels à la vie artistique et culturelle de notre pays.

Toutefois, je regrette que le budget de la culture ne représente que 0, 96% du budget de l'Etat et n'atteigne pas la barrière symbolique des 1%, comme le Président de la République s'y était engagé.

Nous pensons comme vous, monsieur le ministre, que la culture n'a pas pour vocation à être, comme vous vous plaisez à le dire, la « cerise sur le gâteau » ou le « supplément d'âme » des politiques publiques. Nous avons conscience du rôle essentiel de la culture pour notre société.

Mais il nous faut convaincre encore et toujours les décideurs de ce pays que la culture représente une richesse économique non négligeable et qu'elle participe pleinement au rayonnement international de notre pays.

Les dépenses, ou plutôt devrais-je dire les investissements, effectuées dans ce domaine concourent au dynamisme du secteur touristique de nos villes et de nos régions, valorisent nos territoires, génèrent des emplois et, par-dessus tout, dans une société en quête de repères, sont l'un des moyens de maintenir le lien social entre nos concitoyens.

Dans un contexte budgétaire difficile, marqué, comme l'ont noté nos collègues rapporteurs, par la maîtrise, nécessaire, de nos dépenses publiques, vous avez réussi à obtenir des crédits en hausse de 5, 9% alors que les crédits « dévolus » à la culture servent souvent de « variable d'ajustement » lors des arbitrages budgétaires.

En premier lieu, nous sommes rassurés de constater qu'en 2004, le ministère de la culture a été épargné par les gels et annulations de crédits décidés par le ministère des finances.

Par ailleurs, je rappelle notre satisfaction de voir l'inscription de 753 millions d'euros en faveur du spectacle vivant, hausse de 12 millions d'euros qui alimentera la mise en place du plan pour le spectacle vivant et ouvrira des perspectives d'avenir à ce secteur primordial.

Dans le domaine du livre et de la lecture, nous saluons l'effort notable qui est fait : 321, 3 millions d'euros seront, en effet, consacrés à ce secteur, soit une augmentation de 2, 7% des crédits par rapport à 2004 ; 8, 4 millions d'euros de moyens supplémentaires accompagneront la mise en oeuvre de la loi du 18 juin 2003 relative au droit de prêt en bibliothèque et assureront la valorisation du patrimoine des bibliothèques ainsi que le développement de la lecture publique.

Par ailleurs, l'Etat consacrera 54 millions d'euros en 2005 pour soutenir la création et la modernisation de bibliothèques municipales et départementales, outils essentiels au maillage du territoire.

Je me félicite plus particulièrement de la poursuite du programme des projets de construction des bibliothèques à vocation régionale - après l'achèvement du programme des bibliothèques municipales à vocation régionale - et de voir inscrite, parmi les nouveaux projets qui devraient bénéficier du soutien financier de l'Etat, la médiathèque de Rouen.

Toutefois, j'aimerais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur deux domaines qui suscitent des inquiétudes ou des interrogations.

Premièrement, en ce qui concerne le patrimoine monumental, tous nos collègues connaissent la situation difficile, pour ne pas dire dramatique, de notre patrimoine historique. Les DRAC ont alerté les élus locaux que nous sommes sur la situation préoccupante des monuments classés.

Selon le rapport de la direction de l'architecture et du patrimoine effectué en 2003, 20 % des monuments historiques seraient dans un état de délabrement avancé et leur restauration nécessiterait un budget de 6 milliards d'euros. Derrière ces chiffres, ce sont une partie des 9 000 emplois dans le secteur des entreprises de restauration qui sont menacés. Un plan national de sauvegarde du patrimoine a été lancé en 2003.

En outre, pour faire face aux chantiers en cours et aux situations les plus criantes, vous avez redéployé 20 millions d'euros en urgence.

Malgré tout, comme vous avez pu le constater, l'inquiétude reste très grande chez les professionnels de la restauration, échaudés par la politique de gel des crédits décidée pour 2002 et 2003.

Pour notre part, nous nous demandons si l'effort de 26 millions d'euros que vous avez annoncé dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2004 et l'augmentation de 13 % des crédits de paiement pour 2005 seront suffisants, du fait de l'absence de reports de crédits. Au vu de l'énormité des sommes qui seront nécessaires, les acteurs publics - Etat et collectivités locales - devront faire appel à toutes les formes possibles de mécénat.

Deuxièmement, il nous paraît à tous indispensable d'élargir et de renouveler les publics pour assurer l'existence et le développement viable du spectacle vivant. Cet objectif ne pourra être atteint que par le biais d'une politique ambitieuse à destination du jeune public. Il faut pour cela soutenir les actions des services éducatifs, des opérateurs artistiques et culturels tels que les théâtres, les opéras, les musées, etc., mais aussi et surtout l'éducation artistique et culturelle à l'école, qui a été précédemment évoquée.

A cet égard, les crédits de 39 millions d'euros prévus témoignent de votre attachement à la conduite d'une politique en faveur des arts et de la culture à l'école, et ne peuvent que recueillir notre approbation. Demain, toutefois, la place des arts à l'école dépendra d'une action encore plus volontariste du ministère de la culture et de la communication, qui doit dès aujourd'hui relancer ou imaginer, en coordination et en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale, des dispositifs d'éducation artistique, les budgets alloués à certains de ceux qui existent déjà ayant été malheureusement gelés ces dernières années.

Il vous faut donc, monsieur le ministre, profiter de cette « fenêtre d'opportunité » que constitue l'élaboration du projet de loi d'orientation sur l'école pour convaincre votre collègue François Fillon de l'utilité des enseignements artistiques dès le plus jeune âge. En effet, ils favorisent la démocratisation culturelle et développent la sensibilité, l'esprit critique et la citoyenneté. Or l'avant-projet de loi d'orientation sur l'école ne nous semble pas, dans l'état actuel de nos informations, privilégier la mise en place d'une politique spécifique dans ce domaine. Cependant, nous vous faisons confiance, monsieur le ministre !

J'exprimerai, au passage, un regret concernant les arts plastiques, dont les crédits pour l'année 2005 marquent un léger recul et qui apparaissent comme le « parent pauvre » du budget de la culture. N'oublions pas que les oeuvres contemporaines constituent le patrimoine de demain !

Avant de conclure, en tant que parlementaire membre de l'UDF et dans le cadre du débat actuel, je ne puis qu'insister sur l'importance de la construction d'une Europe de la culture.

Je me réjouis, à cet égard, de l'inscription et du renforcement de la dimension européenne des actions de votre ministère, en particulier à travers les propositions, faites à la Commission européenne par la France, de soutien aux industries culturelles non audiovisuelles - livre, disque, architecture - et de création d'un label européen du patrimoine, qui favorisent, selon nous, l'instauration d'une véritable politique européenne de la culture. Toute initiative affirmant la dimension spécifique des biens culturels nous paraît bienvenue. La France doit prendre sa part dans cette promotion de la diversité culturelle en Europe, car elle a, du fait de son histoire, à défendre un modèle culturel spécifique dans le cadre de la valorisation de l'héritage culturel européen commun.

Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, tout en restant vigilants, les membres du groupe de l'Union centriste approuveront votre projet de budget, car ils souscrivent à vos priorités et mesurent votre investissement personnel, tant auprès des acteurs culturels que des élus locaux.

Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Je voudrais tout d'abord indiquer solennellement à M. Renar, s'agissant des monuments pour lesquels un transfert de propriété sera proposé aux collectivités territoriales, que tout se fera sur la base du volontariat. Je ne suis pas en train de chercher à me désengager ou à me défausser d'un certain nombre de mes responsabilités : je lance, d'une certaine manière, un appel à une mobilisation nationale autour de notre patrimoine et des monuments, tout simplement afin que, à terme, l'Etat, les collectivités territoriales, les entreprises et nos concitoyens interviennent davantage. En effet, si nous continuons à nous regarder en chiens de faïence, nous ne progresserons pas.

Cela étant dit, j'ai aussi une sorte de responsabilité morale sur ce sujet, et je peux faire parfois montre de susceptibilité : je ne veux pas que se répande le sentiment que je me désengagerais et que je ferais preuve de désinvolture à l'égard du passé. Avant toute décision définitive, j'attacherai la plus extrême importance à la présentation d'un véritable projet partenarial d'action de restauration et d'animation renforcée. En effet, ce n'est pas uniquement la restauration qui est nécessaire, c'est aussi l'animation des lieux.

C'est un engagement que je prends : je suis prêt à faire en sorte que, lors du transfert de propriété, un véritable contrat soit passé, l'Etat affectant des crédits supplémentaires à l'entretien du monument concerné. Tout cela se fera, je le répète, sur la base du volontariat, il ne s'agira pas d'un transfert de responsabilités global. J'ajusterai, au terme des discussions en cours pour établir le décret en Conseil d'Etat, la liste des monuments dont le transfert de la propriété sera proposé, et chacun prendra ensuite librement sa décision.

En tout état de cause, je souhaite qu'il soit très clair pour nos concitoyens que l'Etat est prêt à faire face à ses responsabilités, tout en reconnaissant d'ailleurs le travail exceptionnel accompli par un certain nombre de collectivités territoriales. Par exemple, dans mon département, le château de Loches, emblématique de l'histoire de France, est la propriété du conseil général. Or il est remarquablement bien entretenu, les spectacles « son et lumière » y sont magnifiques et les personnels titulaires de la fonction publique territoriale s'y trouvent employés dans des conditions tout à fait satisfaisantes.

Sur ce point, je ne veux donc pas qu'une polémique sur le désengagement de l'Etat puisse prendre corps. Les collectivités territoriales ont le droit de définir leurs propres politiques dans un certain nombre de domaines, elles sont libres de les mener, mais je ne suis pas un fauteur de désengagement ou de surcoûts.

Cette remarque très importante m'amène à aborder la question, soulevée par M. Ralite, des conflits qui peuvent parfois exister entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Afin d'illustrer mon propos, je prendrai l'exemple non pas de la région Rhône-Alpes, mais du Languedoc-Roussillon. Ce qui s'y passe actuellement m'inquiète beaucoup car, pour être franc et direct, je ne parviens pas à faire face à toutes les suppressions de postes décidées par la région et à faire en sorte que l'activité culturelle et artistique subsiste dans un certain nombre de domaines. J'ai néanmoins essayé, dans le cadre de la liquidation des crédits de l'exercice 2004, de compenser les retraits unilatéralement décidés par la région.

Dans cette optique, j'ai donc chargé les directeurs régionaux de l'action culturelle, auxquels je veux renouveler publiquement ici l'expression de ma confiance, d'une mission très délicate. Ils ne sont pas des agents polyvalents et sans identité de l'action culturelle : ils sont mes représentants dans les régions, et ils ont une magnifique responsabilité, celle de conduire directement l'action de l'Etat et d'être parfois des médiateurs, c'est-à-dire d'être les organisateurs du partenariat entre l'Etat, la région, les départements et les villes.

Cela n'est pas toujours facile, et je leur demande d'accomplir un travail de veille et de m'informer en temps réel, car lorsqu'un problème défraie la chronique et fait l'objet d'articles de presse, il est déjà trop tard. Quand une tension apparaît, je veux en être averti, sans qu'il s'agisse nullement pour moi de remettre en cause l'indépendance artistique, afin que les difficultés puissent être résolues avant qu'elles n'aient pris une dimension publique.

En ce qui concerne la région Rhône-Alpes et le problème particulier que vous avez évoqué, monsieur Ralite, le directeur du livre prendra, dès le début de la semaine prochaine, les contacts nécessaires en vue d'étudier comment nous pourrions soutenir ce haut lieu de l'estampe, de la gravure et du livre que je ne connaissais pas et que vous m'avez fait découvrir.

Je voudrais maintenant indiquer à Mme Morin-Desailly qu'elle a raison de vouloir demeurer vigilante et attentive à mon action. C'est là, d'une certaine manière, me soutenir, alors que les besoins sont immenses et nous entraînent bien au-delà de la barre du 1 % du budget de l'Etat.

Dans le cadre de l'exercice de mes fonctions de ministre de la culture et de la communication, j'ai deux objectifs.

Le premier objectif, c'est le décloisonnement de l'univers de la culture. Il s'agit de faire en sorte que le respect de chaque époque, de chaque création, de chaque artiste, soit véritablement une valeur partagée. Il convient que la danse la plus classique et le hip-hop fassent bon ménage, que ceux qui n'ont eu jusqu'à présent d'intérêt que pour le Moyen Age découvrent les créations les plus contemporaines, que ceux qui pensent qu'il n'y a que le cirque en France sachent que le théâtre existe aussi, etc.

C'est là une valeur que je considère comme essentielle, et c'est la raison pour laquelle, sans passer outre la ligne que je respecte avant toute autre, à savoir celle de la laïcité, j'ai fait sortir des coffres des Archives nationales, lors des journées du patrimoine, le texte original de l'Edit de Nantes, pour manifester la valeur primordiale de la liberté de conscience et de la liberté religieuse pour notre pays.

Le second objectif, c'est d'affirmer, comme je l'ai déjà fait à plusieurs reprises, que la culture n'est pas un supplément d'âme, la cerise sur le gâteau. Elle se trouve au coeur d'une sphère d'activité cruciale pour l'influence et le rayonnement de notre pays, et j'aurai accompli ma mission le jour où cela aura été véritablement compris.

Vous avez en outre évoqué les arts plastiques, madame la sénatrice. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi certains parlementaires ont le sentiment que les services de la rue de Valois manifestent une sorte de léger dédain pour les arts plastiques. Pour vous détromper, je vous livrerai tous les éléments chiffrés nécessaires et, au-delà des chiffres, je vous exposerai les mesures qui prouvent l'intérêt que nous portons aux arts plastiques, qui occupent une place tout à fait essentielle.

En ce qui concerne l'Europe, il s'agit évidemment d'un thème que j'aborde avec une grande conviction. Nous avons beaucoup à faire pour instaurer non pas une sorte de politique globale réductrice, mais une véritable ouverture, un vrai parcours des oeuvres, des artistes et des publics.

Par ailleurs, la mise en place du label européen du patrimoine représente à mon sens une initiative judicieuse. En effet, entre les attributions relevant purement de l'échelon national et les procédures exceptionnelles telles que l'inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO, une voie doit être trouvée. Ce sujet a été évoqué récemment au sein du Conseil des ministres européens de la culture. Il importe d'ouvrir au plus grand nombre possible de citoyens de l'Europe la possibilité d'accéder à un véritable parcours leur permettant de découvrir, dans le respect des différences, une proximité culturelle.

Dans cette perspective, j'ai reçu du Président de la République mission d'organiser en avril ou en mai, à une date qui reste à définir, une rencontre des artistes de l'ensemble des pays de l'Union européenne. D'ores et déjà, nous avons vécu voilà quelques jours, rue de Valois, un magnifique moment sur le thème de la diversité linguistique, à l'occasion de la réception d'un grand nombre de responsables politiques et culturels de l'Union européenne : sur les murs du Conseil d'Etat et de la Comédie française ont été projetées un certain nombre de maximes, formulées en version originale dans l'une des vingt langues de l'Union européenne et traduites en français. C'est dans cet esprit de respect de la diversité, mais aussi de l'unité européenne, que je souhaite oeuvrer à vos côtés, mesdames, messieurs les sénateurs. §

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Titre VI. - Autorisations de programme : 272 247 000 € ;

Crédits de paiement : 142 733 000 €.

Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

J'appelle en discussion deux amendements présentés par le Gouvernement, tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 73 bis et qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés à la culture.

Culture et communication

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° II-36, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Avant l'article 73 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La première phrase du II de l'article 90 de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« L'établissement public est administré par un conseil d'administration et dirigé par un directeur. Le président du conseil d'administration et le directeur sont nommés par décret. »

II. - Le présent article entre en vigueur le 1er mars 2005.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Cet amendement concerne l'ENSMIS, l'Ecole nationale supérieure des métiers de l'image et du son, et a pour objet de rétablir une structure directoriale conforme à celle des autres établissements d'enseignement supérieur relevant du ministère de la culture et de la communication. Le président n'aura plus de rôle exécutif et conservera la simple présidence du conseil d'administration.

L'adoption de cette mesure entraînera une suppression d'emploi et une économie de 100 000 euros sur le chapitre 36-60 du budget du ministère.

La question de la situation transitoire entre l'adoption de l'amendement et la modification du décret statutaire de l'ENSMIS a été résolue en nommant le directeur du Centre national de la cinématographie président par intérim, par décret en date du 23 septembre dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

M. le ministre, avec qui nous avons eu un dialogue si précis et si intéressant ce matin, ne m'en voudra pas de présenter une remarque de méthode.

En effet, les deux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 73 bis n'ont pu être examinés par la commission des finances, pour la bonne raison qu'ils ont été déposés très tardivement. Certes, on pourrait envisager de réunir la commission maintenant, mais trois de ses membres seulement sont présents à cet instant dans l'hémicycle, et ce ne serait pas très sérieux !

Quoi qu'il en soit, je regrette vraiment que les circonstances ne me permettent pas de formuler autre chose qu'un appel à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements, l'amendement n° II-36 présentant au moins, aux yeux de la commission des finances, l'avantage de prévoir la suppression d'un emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valade

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me semble que cet amendement ressortit plutôt au domaine de compétence de la commission des affaires culturelles.

Quoi qu'il en soit, je donne acte au Gouvernement de la mesure qu'il nous propose, qui n'est au demeurant qu'une mesure d'organisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

M. Ivan Renar. Tout le monde aura constaté que ces amendements s'apparentaient à des cavaliers de la plus belle eau, même s'il ne s'agit pas des cavaliers de l'Apocalypse.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Néanmoins, je comprends qu'il puisse y avoir urgence en l'occurrence, et les derniers débats budgétaires de cette année étaient la seule possibilité qui nous était offerte de régler ce type de problème.

Pour ce qui nous concerne, nous voterons cet amendement qui ne pose pas de problème de principe insurmontable et qui met l'Ecole nationale supérieure des métiers de l'image et du son au niveau de l'ensemble du réseau des écoles semblables dont le ministère a la tutelle.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 73 bis.

L'amendement n° II-37, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Avant l'article 73 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A compter de la date de rattachement du domaine national des Tuileries à l'établissement public du musée du Louvre, les agents contractuels du Centre des Monuments nationaux en fonction à cette même date dans les services du domaine sont recrutés par l'établissement public du musée du Louvre et conservent le bénéfice des stipulations de leur contrat. Il leur est fait application des dispositions collectives relatives aux agents non titulaires de l'établissement public du musée du Louvre dans un délai maximal de deux ans à compter de la date de rattachement du domaine.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous présenter mes excuses pour la manière dont vous êtes saisis de ces amendements. Leur importance, aussi ponctuels soient-ils, explique cependant que j'aie cru devoir vous les présenter dans les circonstances présentes.

Le projet de loi de finance pour 2005 comporte des dispositions relatives aux incidences financières du transfert de la gestion du jardin des Tuileries au musée du Louvre. Celui-ci se traduit notamment par le transfert des personnels contractuels.

Le présent article additionnel vise à permettre à ces agents de conserver les dispositions de leur contrat pendant deux ans, afin de faciliter leur transfert sur le plan social.

Le décret mettant en oeuvre ce transfert a été examiné par le comité technique paritaire ministériel en septembre dernier.

Tel est l'objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

La commission a le même avis que tout à l'heure, mais note toutefois que cet amendement est beaucoup plus significatif que le précédent.

Elle s'en remet néanmoins à la sagesse du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valade

Je partage l'avis que M. le rapporteur spécial a émis au nom de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Madame la présidente, je tiens tout d'abord à indiquer que le groupe socialiste s'est abstenu lors du vote précédent.

S'agissant du présent amendement, nous comprenons bien les urgences, mais si nous avions été saisis de cette proposition hier, nous aurions alors consulté les salariés concernés pour connaître leur sentiment et pour nous forger une opinion.

En la matière, le cabinet de M. le ministre nous a affirmé qu'il n'y avait pas de problème. Nous lui faisons confiance et, dans l'immédiat, nous allons voter cet amendement.

L'amendement est adopté à l'unanimité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 73 bis.

Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la culture.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures vingt, est reprise à quinze heures trente.