Intervention de Ivan Renar

Réunion du 4 décembre 2004 à 9h30
Loi de finances pour 2005 — État b

Photo de Ivan RenarIvan Renar :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'éducation artistique est en souffrance pour ne pas dire en déshérence, alors que chacun, à commencer par vous-même, monsieur le ministre, s'accorde à reconnaître son rôle crucial dès le plus jeune âge. Heureusement, nous sommes à l'unisson sur cette question. A défaut, la situation des arts à l'école serait encore plus tragique, s'il est possible qu'elle le soit.

Notre collègue Philippe Nachbar a abordé la question dans son rapport.

Le problème, monsieur le ministre, c'est qu'en attendant la conférence de presse annoncée avec votre collègue de l'éducation nationale, les crédits de ce ministère diminuent, désespérant tous ceux qui se consacrent à cette mission.

N'est-il pas paradoxal que le beau consensus autour de cet enjeu n'aboutisse, dans l'ensemble des moyens affectés à l'éducation nationale, qu'à un budget confetti, noyé, perdu, écrasé, au lieu d'être une priorité absolue ?

Bien sûr, lire et compter, c'est indispensable ; penser et apprendre à penser l'est bien davantage encore. C'est pourquoi la formation artistique fait incontestablement partie des savoirs fondamentaux. Dans le même temps, elle éclaire la richesse des jeunes et développe leurs potentialités.

C'est en cela que vous êtes concerné, monsieur le ministre, puisque les enfants et les jeunes sont aussi le public de demain.

Comment naître au monde et à soi-même sans cette dimension essentielle dans l'acquisition des connaissances ? Avec l'éducation artistique, il s'agit non pas de former des spécialistes ou des professionnels, mais de permettre à chaque jeune de développer sa part d'humanité et d'humanisme, de s'ouvrir au monde, de s'interroger, bref de maîtriser son destin et non de le subir.

Soulignons que les classes à projet artistique et culturel, parce qu'elles s'articulent autour d'un projet, favorisent le décloisonnement et la transversalité des disciplines, induisant ainsi un traitement différent de l'apprentissage. De telles pratiques aident les élèves à faire lien entre les différents savoirs qu'ils acquièrent et éclairent ainsi toute l'intelligence de ces savoirs.

En la matière, si l'implication et le partenariat des collectivités locales sont essentiels, l'intervention de l'Etat n'en est pas moins indispensable, ne serait-ce que pour garantir l'égalité d'accès aux pratiques et formations artistiques dans les établissements scolaires.

De plus, nous savons très bien que l'éducation artistique pour tous est un facteur déterminant de la démocratisation culturelle. Beaucoup reste à faire pour conquérir de nouveaux publics. L'éducation artistique en est la clé, le coeur, le socle indispensable. « L'art, c'est comme le chinois : cela s'apprend », disait Picasso. Et chacun d'entre nous doit lutter contre tous les analphabétismes.

Alors que votre ministère remet l'accent sur la diffusion des oeuvres, comment admettre que la formation des publics de demain passe à la trappe ? C'est à l'épreuve du feu qu'on se brûle, c'est à l'épreuve de l'art qu'on en suscite le désir. C'est le non-partage qui crée les non-publics. Il est évident que les moyens affectés aujourd'hui, dans l'éducation nationale, à l'éducation artistique et culturelle ne permettent ni de passer du petit cercle au grand cercle des connaisseurs, comme disait Brecht, ni de favoriser l'égal accès aux oeuvres de l'esprit.

A cet égard, je vous remercie de ce que vous venez de dire.

Par ailleurs, une politique d'éducation artistique ambitieuse aurait aussi pour conséquence de renforcer l'emploi artistique. Il s'agit, par exemple, de prendre pleinement en compte le travail mené par les artistes dans les établissements scolaires, notamment dans le calcul des indemnisations qu'ils peuvent percevoir du régime d'assurance chômage des intermittents.

A l'image de ce que vous-même dénoncez et regrettez pour votre ministère, ne faisons pas de chaque artiste un éternel quémandeur et mendiant !

Il a déjà suffisamment affaire, lui qui a mal aux autres, pour reprendre un texte de Brel cité à Lille, lors de la soirée anniversaire organisée en l'honneur de Maurice Béjart, à laquelle vous assistiez.

Apprenons, nous aussi, comme les élèves, à aller à l'école de nos erreurs et mettons enfin résolument à l'honneur l'éducation artistique qui permet de développer le partage du beau, de l'émotion, de l'imaginaire, du sensible, de l'esprit critique, dont notre monde si tourmenté a tant besoin.

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