Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour commencer, j'aimerais saluer l'effort financier fait en faveur du spectacle vivant, qui demeure, cette année encore, le premier poste budgétaire, avec une somme de 753 millions d'euros.
Il nous faut noter en particulier avec satisfaction la hausse de 6, 5 %, qui représente une augmentation de 18 millions d'euros des crédits alloués, permettant le financement du plan pour le spectacle vivant, qui nous apparaît nécessaire.
Nous soutenons, monsieur le ministre, les objectifs de ce plan, qui doivent permettre à notre sens, et je sais que c'est ainsi que vous l'entendez, de mettre davantage l'accent sur l'emploi, plutôt que de se polariser uniquement sur le financement de l'assurance chômage.
L'un des objectifs principaux est en effet, d'une part, de consolider l'emploi dans ce secteur, d'autre part, d'élargir et renouveler les publics et, enfin, de soutenir la création et la diffusion artistiques.
Je souhaiterais également vous féliciter pour votre capacité d'écoute et de dialogue, à un moment difficile, avec les professionnels du spectacle vivant, qui ont été profondément marqués par le conflit provoqué par la signature du protocole d'accord du 26 juin 2003. Vous avez su prendre à bras le corps le dossier brûlant des intermittents du spectacle et de l'audiovisuel.
Le rapport Guillot, qui vient d'être rendu public, me donne l'occasion d'insister aujourd'hui sur la richesse et la vitalité du spectacle vivant. Il confirme l'état des lieux dressé par le rapport de M. Latarjet, qui affirme clairement que le spectacle vivant constitue un véritable secteur économique pesant environ 20 milliards d'euros et employant plus de 300 000 personnes, dont 100 000 intermittents.
Il existe en effet 3 300 compagnies de théâtre, de danse, de cirque ou de théâtre de rue et plus de 8 000 ensembles musicaux, qui produisent environ 5 000 spectacles différents par an et suscitent quelque 25 millions d'entrées.
En outre, ce rapport confirme, ce que certains d'entre nous savaient déjà, que le secteur culturel est générateur d'une série d'effets induits en termes d'emplois et d'activités, et participe pleinement au rayonnement culturel international, au développement du lien et de la mixité sociale, à l'attractivité du territoire et à l'épanouissement des individus.
L'été 2003 a malheureusement fait prendre conscience aux élus, comme à la population, des conséquences catastrophiques des annulations de festivals, tant pour l'économie locale que pour le tourisme culturel des villes concernées. Si la mission Latarjet a constaté la vitalité exceptionnelle du spectacle vivant, elle s'est, dans le même temps, inquiétée de la crise de croissance de ce secteur, dont le conflit des intermittents n'a été, selon elle, qu'un symptôme.
Cette crise, due au déséquilibre entre une production très riche au regard d'une diffusion insuffisante, fait du spectacle vivant un secteur fragile, de nombreuses compagnies disparaissant en effet dès qu'une difficulté financière apparaît ou dès qu'une subvention est supprimée.
Toutefois, le conflit des intermittents de 2003 et 2004 aura eu le mérite, si je puis dire, de faire prendre conscience à nos concitoyens de la spécificité des professions artistiques, très diverses dans leur statut et marquées par une précarisation croissante de leur emploi et de leur situation.
On constate aujourd'hui en tout cas l'existence d'un consensus de l'ensemble des missions d'expertise commandées par le ministère, qui ont toutes reconnu la spécificité de l'intermittence en tant que système d'aide à la création et aux artistes, ainsi que la légitimité d'un régime particulier d'assurance chômage au sein du régime interprofessionnel pour les artistes et les techniciens du spectacle vivant.
Nous restons donc attachés au système particulier des annexes VIII et X de l'assurance chômage délimitant le périmètre de l'intermittence, car il prend en compte les caractéristiques du monde du spectacle, c'est-à-dire la discontinuité de l'emploi, la multiplicité des employeurs et l'alternance de périodes de travail intense et de moments dédiés à l'élaboration et à la création de projets, ce qu'on appelle le temps de travail invisible. C'est d'ailleurs l'existence de ce régime spécifique qui a permis l'émergence de nombreuses compagnies et explique en partie la vitalité de la création dans notre pays.
Au-delà de la question de l'intermittence, c'est donc bien la politique culturelle de la France, de nos villes et de nos régions qui est en jeu.
Je tiens également à saluer la prolongation en 2005, voulue par vous, monsieur le ministre, du fonds d'urgence provisoire en fonds transitoire, laissant le temps aux partenaires sociaux d'aboutir à un « protocole vertueux » et équitable.
Toutefois, s'il est important que le régime de l'intermittence perdure, car il correspond bien à une réalité des pratiques professionnelles, il faut s'attacher désormais à faire émerger un système pérenne de financement de l'emploi qui réduise la précarité.
Parvenir à un système qui encourage le travail déclaré, reconnaître la nécessité de réserver le régime des annexes VIII et X aux métiers et activités qui le justifient par les spécificités fondamentales de leur travail, réfléchir aussi à des dispositifs d'insertion, de formation et de reconversion, sont pour moi les principes qui doivent guider la réflexion en vue d'améliorer le régime de l'intermittence.
Ce travail devra s'accompagner de la mise en place, autant que faire se peut, d'emplois plus stables, là où la taille des structures le justifie. Par ailleurs, toutes les formes de mutualisation de postes, notamment administratifs, permettant aux compagnies et aux formations de se doter de gestionnaires permanents, devront être recherchées.
Enfin, il m'apparaît nécessaire de clarifier les compétences et les rôles respectifs des différents partenaires, collectivités locales et Etat. Comme l'a mis en avant M. Bernard Latarjet, le rôle des collectivités territoriales est essentiel dans la création, la production et la diffusion des spectacles : sur les 584, 9 millions d'euros dépensés en 2003, celles-ci sont à l'origine de plus de 68 % des financements, dont 12 % pour les régions, 7, 8 % pour les départements et surtout 47 % pour les villes, contre seulement 32 % de financements provenant de l'Etat.
L'exception culturelle française, dont nous sommes si fiers, ne pourra être préservée que si l'Etat et les collectivités territoriales mutualisent leurs efforts dans le cadre d'un partenariat équitable.
Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'il incombe au pouvoir politique de définir dans une loi-cadre les principes d'un statut de l'artiste et des métiers de la création, tout particulièrement si les partenaires sociaux ne parvenaient pas à se mettre d'accord sur une réforme de fond.
Au groupe de l'Union centriste, nous sommes prêts à réfléchir, à débattre ici même, au Sénat, comme cela est prévu, et à nous engager, en concertation avec les acteurs locaux, sur un texte de loi qui assurerait une vraie reconnaissance de la place de l'artiste et de la culture dans notre société.