Monsieur le ministre, je suis heureuse d'intervenir sur un projet de budget du ministère de la culture dont les crédits connaissent une croissance substantielle dans des secteurs essentiels à la vie artistique et culturelle de notre pays.
Toutefois, je regrette que le budget de la culture ne représente que 0, 96% du budget de l'Etat et n'atteigne pas la barrière symbolique des 1%, comme le Président de la République s'y était engagé.
Nous pensons comme vous, monsieur le ministre, que la culture n'a pas pour vocation à être, comme vous vous plaisez à le dire, la « cerise sur le gâteau » ou le « supplément d'âme » des politiques publiques. Nous avons conscience du rôle essentiel de la culture pour notre société.
Mais il nous faut convaincre encore et toujours les décideurs de ce pays que la culture représente une richesse économique non négligeable et qu'elle participe pleinement au rayonnement international de notre pays.
Les dépenses, ou plutôt devrais-je dire les investissements, effectuées dans ce domaine concourent au dynamisme du secteur touristique de nos villes et de nos régions, valorisent nos territoires, génèrent des emplois et, par-dessus tout, dans une société en quête de repères, sont l'un des moyens de maintenir le lien social entre nos concitoyens.
Dans un contexte budgétaire difficile, marqué, comme l'ont noté nos collègues rapporteurs, par la maîtrise, nécessaire, de nos dépenses publiques, vous avez réussi à obtenir des crédits en hausse de 5, 9% alors que les crédits « dévolus » à la culture servent souvent de « variable d'ajustement » lors des arbitrages budgétaires.
En premier lieu, nous sommes rassurés de constater qu'en 2004, le ministère de la culture a été épargné par les gels et annulations de crédits décidés par le ministère des finances.
Par ailleurs, je rappelle notre satisfaction de voir l'inscription de 753 millions d'euros en faveur du spectacle vivant, hausse de 12 millions d'euros qui alimentera la mise en place du plan pour le spectacle vivant et ouvrira des perspectives d'avenir à ce secteur primordial.
Dans le domaine du livre et de la lecture, nous saluons l'effort notable qui est fait : 321, 3 millions d'euros seront, en effet, consacrés à ce secteur, soit une augmentation de 2, 7% des crédits par rapport à 2004 ; 8, 4 millions d'euros de moyens supplémentaires accompagneront la mise en oeuvre de la loi du 18 juin 2003 relative au droit de prêt en bibliothèque et assureront la valorisation du patrimoine des bibliothèques ainsi que le développement de la lecture publique.
Par ailleurs, l'Etat consacrera 54 millions d'euros en 2005 pour soutenir la création et la modernisation de bibliothèques municipales et départementales, outils essentiels au maillage du territoire.
Je me félicite plus particulièrement de la poursuite du programme des projets de construction des bibliothèques à vocation régionale - après l'achèvement du programme des bibliothèques municipales à vocation régionale - et de voir inscrite, parmi les nouveaux projets qui devraient bénéficier du soutien financier de l'Etat, la médiathèque de Rouen.
Toutefois, j'aimerais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur deux domaines qui suscitent des inquiétudes ou des interrogations.
Premièrement, en ce qui concerne le patrimoine monumental, tous nos collègues connaissent la situation difficile, pour ne pas dire dramatique, de notre patrimoine historique. Les DRAC ont alerté les élus locaux que nous sommes sur la situation préoccupante des monuments classés.
Selon le rapport de la direction de l'architecture et du patrimoine effectué en 2003, 20 % des monuments historiques seraient dans un état de délabrement avancé et leur restauration nécessiterait un budget de 6 milliards d'euros. Derrière ces chiffres, ce sont une partie des 9 000 emplois dans le secteur des entreprises de restauration qui sont menacés. Un plan national de sauvegarde du patrimoine a été lancé en 2003.
En outre, pour faire face aux chantiers en cours et aux situations les plus criantes, vous avez redéployé 20 millions d'euros en urgence.
Malgré tout, comme vous avez pu le constater, l'inquiétude reste très grande chez les professionnels de la restauration, échaudés par la politique de gel des crédits décidée pour 2002 et 2003.
Pour notre part, nous nous demandons si l'effort de 26 millions d'euros que vous avez annoncé dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2004 et l'augmentation de 13 % des crédits de paiement pour 2005 seront suffisants, du fait de l'absence de reports de crédits. Au vu de l'énormité des sommes qui seront nécessaires, les acteurs publics - Etat et collectivités locales - devront faire appel à toutes les formes possibles de mécénat.
Deuxièmement, il nous paraît à tous indispensable d'élargir et de renouveler les publics pour assurer l'existence et le développement viable du spectacle vivant. Cet objectif ne pourra être atteint que par le biais d'une politique ambitieuse à destination du jeune public. Il faut pour cela soutenir les actions des services éducatifs, des opérateurs artistiques et culturels tels que les théâtres, les opéras, les musées, etc., mais aussi et surtout l'éducation artistique et culturelle à l'école, qui a été précédemment évoquée.
A cet égard, les crédits de 39 millions d'euros prévus témoignent de votre attachement à la conduite d'une politique en faveur des arts et de la culture à l'école, et ne peuvent que recueillir notre approbation. Demain, toutefois, la place des arts à l'école dépendra d'une action encore plus volontariste du ministère de la culture et de la communication, qui doit dès aujourd'hui relancer ou imaginer, en coordination et en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale, des dispositifs d'éducation artistique, les budgets alloués à certains de ceux qui existent déjà ayant été malheureusement gelés ces dernières années.
Il vous faut donc, monsieur le ministre, profiter de cette « fenêtre d'opportunité » que constitue l'élaboration du projet de loi d'orientation sur l'école pour convaincre votre collègue François Fillon de l'utilité des enseignements artistiques dès le plus jeune âge. En effet, ils favorisent la démocratisation culturelle et développent la sensibilité, l'esprit critique et la citoyenneté. Or l'avant-projet de loi d'orientation sur l'école ne nous semble pas, dans l'état actuel de nos informations, privilégier la mise en place d'une politique spécifique dans ce domaine. Cependant, nous vous faisons confiance, monsieur le ministre !
J'exprimerai, au passage, un regret concernant les arts plastiques, dont les crédits pour l'année 2005 marquent un léger recul et qui apparaissent comme le « parent pauvre » du budget de la culture. N'oublions pas que les oeuvres contemporaines constituent le patrimoine de demain !
Avant de conclure, en tant que parlementaire membre de l'UDF et dans le cadre du débat actuel, je ne puis qu'insister sur l'importance de la construction d'une Europe de la culture.
Je me réjouis, à cet égard, de l'inscription et du renforcement de la dimension européenne des actions de votre ministère, en particulier à travers les propositions, faites à la Commission européenne par la France, de soutien aux industries culturelles non audiovisuelles - livre, disque, architecture - et de création d'un label européen du patrimoine, qui favorisent, selon nous, l'instauration d'une véritable politique européenne de la culture. Toute initiative affirmant la dimension spécifique des biens culturels nous paraît bienvenue. La France doit prendre sa part dans cette promotion de la diversité culturelle en Europe, car elle a, du fait de son histoire, à défendre un modèle culturel spécifique dans le cadre de la valorisation de l'héritage culturel européen commun.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, tout en restant vigilants, les membres du groupe de l'Union centriste approuveront votre projet de budget, car ils souscrivent à vos priorités et mesurent votre investissement personnel, tant auprès des acteurs culturels que des élus locaux.