Intervention de Renaud Donnedieu de Vabres

Réunion du 4 décembre 2004 à 9h30
Loi de finances pour 2005 — État c

Renaud Donnedieu de Vabres, ministre :

Je voudrais tout d'abord indiquer solennellement à M. Renar, s'agissant des monuments pour lesquels un transfert de propriété sera proposé aux collectivités territoriales, que tout se fera sur la base du volontariat. Je ne suis pas en train de chercher à me désengager ou à me défausser d'un certain nombre de mes responsabilités : je lance, d'une certaine manière, un appel à une mobilisation nationale autour de notre patrimoine et des monuments, tout simplement afin que, à terme, l'Etat, les collectivités territoriales, les entreprises et nos concitoyens interviennent davantage. En effet, si nous continuons à nous regarder en chiens de faïence, nous ne progresserons pas.

Cela étant dit, j'ai aussi une sorte de responsabilité morale sur ce sujet, et je peux faire parfois montre de susceptibilité : je ne veux pas que se répande le sentiment que je me désengagerais et que je ferais preuve de désinvolture à l'égard du passé. Avant toute décision définitive, j'attacherai la plus extrême importance à la présentation d'un véritable projet partenarial d'action de restauration et d'animation renforcée. En effet, ce n'est pas uniquement la restauration qui est nécessaire, c'est aussi l'animation des lieux.

C'est un engagement que je prends : je suis prêt à faire en sorte que, lors du transfert de propriété, un véritable contrat soit passé, l'Etat affectant des crédits supplémentaires à l'entretien du monument concerné. Tout cela se fera, je le répète, sur la base du volontariat, il ne s'agira pas d'un transfert de responsabilités global. J'ajusterai, au terme des discussions en cours pour établir le décret en Conseil d'Etat, la liste des monuments dont le transfert de la propriété sera proposé, et chacun prendra ensuite librement sa décision.

En tout état de cause, je souhaite qu'il soit très clair pour nos concitoyens que l'Etat est prêt à faire face à ses responsabilités, tout en reconnaissant d'ailleurs le travail exceptionnel accompli par un certain nombre de collectivités territoriales. Par exemple, dans mon département, le château de Loches, emblématique de l'histoire de France, est la propriété du conseil général. Or il est remarquablement bien entretenu, les spectacles « son et lumière » y sont magnifiques et les personnels titulaires de la fonction publique territoriale s'y trouvent employés dans des conditions tout à fait satisfaisantes.

Sur ce point, je ne veux donc pas qu'une polémique sur le désengagement de l'Etat puisse prendre corps. Les collectivités territoriales ont le droit de définir leurs propres politiques dans un certain nombre de domaines, elles sont libres de les mener, mais je ne suis pas un fauteur de désengagement ou de surcoûts.

Cette remarque très importante m'amène à aborder la question, soulevée par M. Ralite, des conflits qui peuvent parfois exister entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Afin d'illustrer mon propos, je prendrai l'exemple non pas de la région Rhône-Alpes, mais du Languedoc-Roussillon. Ce qui s'y passe actuellement m'inquiète beaucoup car, pour être franc et direct, je ne parviens pas à faire face à toutes les suppressions de postes décidées par la région et à faire en sorte que l'activité culturelle et artistique subsiste dans un certain nombre de domaines. J'ai néanmoins essayé, dans le cadre de la liquidation des crédits de l'exercice 2004, de compenser les retraits unilatéralement décidés par la région.

Dans cette optique, j'ai donc chargé les directeurs régionaux de l'action culturelle, auxquels je veux renouveler publiquement ici l'expression de ma confiance, d'une mission très délicate. Ils ne sont pas des agents polyvalents et sans identité de l'action culturelle : ils sont mes représentants dans les régions, et ils ont une magnifique responsabilité, celle de conduire directement l'action de l'Etat et d'être parfois des médiateurs, c'est-à-dire d'être les organisateurs du partenariat entre l'Etat, la région, les départements et les villes.

Cela n'est pas toujours facile, et je leur demande d'accomplir un travail de veille et de m'informer en temps réel, car lorsqu'un problème défraie la chronique et fait l'objet d'articles de presse, il est déjà trop tard. Quand une tension apparaît, je veux en être averti, sans qu'il s'agisse nullement pour moi de remettre en cause l'indépendance artistique, afin que les difficultés puissent être résolues avant qu'elles n'aient pris une dimension publique.

En ce qui concerne la région Rhône-Alpes et le problème particulier que vous avez évoqué, monsieur Ralite, le directeur du livre prendra, dès le début de la semaine prochaine, les contacts nécessaires en vue d'étudier comment nous pourrions soutenir ce haut lieu de l'estampe, de la gravure et du livre que je ne connaissais pas et que vous m'avez fait découvrir.

Je voudrais maintenant indiquer à Mme Morin-Desailly qu'elle a raison de vouloir demeurer vigilante et attentive à mon action. C'est là, d'une certaine manière, me soutenir, alors que les besoins sont immenses et nous entraînent bien au-delà de la barre du 1 % du budget de l'Etat.

Dans le cadre de l'exercice de mes fonctions de ministre de la culture et de la communication, j'ai deux objectifs.

Le premier objectif, c'est le décloisonnement de l'univers de la culture. Il s'agit de faire en sorte que le respect de chaque époque, de chaque création, de chaque artiste, soit véritablement une valeur partagée. Il convient que la danse la plus classique et le hip-hop fassent bon ménage, que ceux qui n'ont eu jusqu'à présent d'intérêt que pour le Moyen Age découvrent les créations les plus contemporaines, que ceux qui pensent qu'il n'y a que le cirque en France sachent que le théâtre existe aussi, etc.

C'est là une valeur que je considère comme essentielle, et c'est la raison pour laquelle, sans passer outre la ligne que je respecte avant toute autre, à savoir celle de la laïcité, j'ai fait sortir des coffres des Archives nationales, lors des journées du patrimoine, le texte original de l'Edit de Nantes, pour manifester la valeur primordiale de la liberté de conscience et de la liberté religieuse pour notre pays.

Le second objectif, c'est d'affirmer, comme je l'ai déjà fait à plusieurs reprises, que la culture n'est pas un supplément d'âme, la cerise sur le gâteau. Elle se trouve au coeur d'une sphère d'activité cruciale pour l'influence et le rayonnement de notre pays, et j'aurai accompli ma mission le jour où cela aura été véritablement compris.

Vous avez en outre évoqué les arts plastiques, madame la sénatrice. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi certains parlementaires ont le sentiment que les services de la rue de Valois manifestent une sorte de léger dédain pour les arts plastiques. Pour vous détromper, je vous livrerai tous les éléments chiffrés nécessaires et, au-delà des chiffres, je vous exposerai les mesures qui prouvent l'intérêt que nous portons aux arts plastiques, qui occupent une place tout à fait essentielle.

En ce qui concerne l'Europe, il s'agit évidemment d'un thème que j'aborde avec une grande conviction. Nous avons beaucoup à faire pour instaurer non pas une sorte de politique globale réductrice, mais une véritable ouverture, un vrai parcours des oeuvres, des artistes et des publics.

Par ailleurs, la mise en place du label européen du patrimoine représente à mon sens une initiative judicieuse. En effet, entre les attributions relevant purement de l'échelon national et les procédures exceptionnelles telles que l'inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO, une voie doit être trouvée. Ce sujet a été évoqué récemment au sein du Conseil des ministres européens de la culture. Il importe d'ouvrir au plus grand nombre possible de citoyens de l'Europe la possibilité d'accéder à un véritable parcours leur permettant de découvrir, dans le respect des différences, une proximité culturelle.

Dans cette perspective, j'ai reçu du Président de la République mission d'organiser en avril ou en mai, à une date qui reste à définir, une rencontre des artistes de l'ensemble des pays de l'Union européenne. D'ores et déjà, nous avons vécu voilà quelques jours, rue de Valois, un magnifique moment sur le thème de la diversité linguistique, à l'occasion de la réception d'un grand nombre de responsables politiques et culturels de l'Union européenne : sur les murs du Conseil d'Etat et de la Comédie française ont été projetées un certain nombre de maximes, formulées en version originale dans l'une des vingt langues de l'Union européenne et traduites en français. C'est dans cet esprit de respect de la diversité, mais aussi de l'unité européenne, que je souhaite oeuvrer à vos côtés, mesdames, messieurs les sénateurs. §

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