Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le contrat d'objectifs et de moyens, l'Etat et France Télévisions prennent mutuellement des engagements.
France Télévisions, pour sa part, s'efforce de remplir le contrat avec, je le crois, une grande honnêteté. Pourtant, l'Etat s'apprête à manquer à sa parole puisque le projet de loi que nous discutons aujourd'hui prévoit une augmentation de 2, 4 % seulement, alors que le Gouvernement s'était engagé, précisément dans le contrat d'objectifs et de moyens, à garantir à France Télévisions des ressources en croissance de 3, 6 %.
Encore faut-il être prudent sur cette prévision d'augmentation de 2, 4 %, car la réforme de la redevance est l'occasion de procéder à un élargissement important des exonérations. Nous pourrions saluer ces exonérations si elles ne se faisaient pas au détriment de France Télévisions, d'autant que l'Assemblée nationale en a ajouté une au bénéfice de certains enfants à charge. Le rapport de M. Belot annonce d'ores et déjà que les remboursements des exonérations ne permettront pas de compenser le manque à gagner puisqu'ils sont plafonnés à un niveau insuffisant : 60 millions d'euros.
En l'absence de ressources publiques suffisantes, France Télévisions va devoir accroître ses ressources publicitaires, donc faire de la course à l'audience, au détriment de la qualité des programmes, mettant ainsi en péril sa légitimité de service public et facilitant encore le travail de ceux qui souhaitent dès aujourd'hui voir s'étendre la part privée de l'espace public audiovisuel en privatisant l'une des chaînes de France Télévisions.
Cette privatisation de l'intérieur est d'ailleurs déjà en marche puisque, comme le remarque le rapporteur de la commission des finances, le rythme de croissance des recettes publicitaires en 2004 est supérieur à celui des ressources publiques. Au 30 juin 2004, les ressources publicitaires des chaînes du groupe France Télévisions étaient supérieures aux prévisions, les recettes de parrainage représentant un tiers des excédents de recettes à la fin juin 2004, dépassant de 2, 8 millions d'euros les prévisions. Le budget pour 2005 continue à tracer ce chemin de dépendance de la télévision publique à l'égard du marché publicitaire.
La crise est identitaire : à quoi sert un service public qui ne peut s'empêcher de se comparer au privé, qui se situe en état de dépendance intellectuelle et normative par rapport au privé ? Nous nous flattons d'avoir un système mixte, donc potentiellement équilibré, mais, en réalité, le privé colonise le public.
Ainsi, alors que l'Etat confie à la télévision de service public de nombreuses missions et obligations, il ne lui donne pas la juste contrepartie, c'est-à-dire les moyens de les mener à bien, tout en lui laissant, en revanche, la possibilité d'accroître ses ressources par la publicité, c'est-à-dire de se diriger vers une privatisation de l'intérieur, préalable à une privatisation complète.
La question de la privatisation de France 2, jadis taboue, devient malheureusement une suggestion que l'on voit réapparaître et circuler ça et là relativement fréquemment.