Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est en effet un budget en trompe-l'oeil qui nous est proposé.
Le « coup de pouce » donné à l'audiovisuel n'en est pas un. Non seulement cette hausse rapportée à l'inflation est toute relative, mais surtout la progression des crédits est trop modeste pour faire face aux exigences constantes du service public et aux défis que nos collègues ont rappelés.
En effet, devant l'importance prise par l'audiovisuel dans la vie des Français, l'enjeu n'est pas simplement comptable, il est aussi politique. Souhaite-t-on maintenir en France un secteur public de l'audiovisuel ? Si oui, à quelle place et avec quelles missions ?
Si l'on affirme que l'Etat doit favoriser la diversité culturelle et l'égal accès de tous à l'offre audiovisuelle, il doit s'en donner les moyens et manifester une volonté claire. Cela est d'autant plus vrai que des défis technologiques se présentent et que l'ouverture à l'Europe et au monde doit être plus que jamais assurée.
Concernant les moyens, nous ne pouvons que regretter que la nécessaire réforme de la redevance ne réponde pas mieux aux besoins de l'audiovisuel public.
Certes, l'adossement de la redevance à la taxe d'habitation pour les particuliers et l'inversion de la charge de la preuve constituent des mesures efficaces, susceptibles de permettre un meilleur recouvrement de l'impôt. De même, la modification des critères d'exonération et leur alignement progressif sur ceux qui sont applicables à la taxe d'habitation étaient nécessaires.
Mais ces éléments positifs ne parviennent pas à masquer les insuffisances de ce projet de réforme ni les dispositions négatives qu'il contient.
En effet, le tarif de la redevance, après trois exercices consécutifs à des taux inchangés, sera en baisse en 2005 puisque vous proposez de l'arrondir à l'euro inférieur. Le manque à gagner de cette mesure est dommageable, car le taux de la redevance constitue bien le levier principal, et parfaitement légitime, permettant d'augmenter les ressources publiques de l'audiovisuel. Or le niveau de cette redevance est singulièrement bas en France, surtout si on le rapproche de celui qui est observé dans d'autres pays comme la Grande-Bretagne ou l'Allemagne, où il peut atteindre 200 euros ; nous en sommes loin ! Or ces pays, il faut bien le constater, disposent d'une industrie de création et de production audiovisuelle bien plus importante et dynamique qu'en France.
Jack Ralite a parlé des fictions, David Assouline, des émissions littéraires ; on peut aussi évoquer la montée en puissance du documentaire, qui est certainement l'un des phénomènes qui marquent aujourd'hui la création audiovisuelle.
Sur ces types de programmes, des choix courageux ont été opérés dans les pays précités, quand, en France, c'est la vision à court terme qui l'emporte, ce qui conduit toujours à limiter les prélèvements alors que ceux-ci peuvent également créer de la richesse et des emplois.
Par ailleurs, votre décision d'exonérer les résidences secondaires de tout paiement de la redevance audiovisuelle provoque encore un manque à gagner important : 58 millions d'euros ; Mme Catherine Tasca a dit ce qu'il convenait d'en penser.
Enfin, le plafonnement du remboursement des exonérations de redevance que le Gouvernement entend imposer nous paraît très critiquable. Un tel plafonnement - le manque à gagner est de 80 millions d'euros - est en contradiction avec la loi du 1er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui instituait un remboursement intégral. Certes, une garantie des ressources est envisagée pour 2005, mais rien n'indique qu'elle sera prolongée.
En repoussant la plupart des propositions d'amendements, y compris celles qui émanaient des commissions et de sa propre majorité, le Gouvernement a choisi d'ignorer le travail parlementaire.
Nous aimerions encore attirer votre attention sur la manière dont l'Etat entend honorer les engagements qu'il a pris auprès des diverses sociétés de l'audiovisuel public, qu'il s'agisse de France Télévisions ou d'Arte. Je pense notamment aux contrats d'objectifs et de moyens. Le montant des crédits alloués à ces contrats est inférieur aux engagements pris par l'Etat.
Ainsi pour Arte, l'écart cumulé entre le budget inscrit dans le contrat d'objectifs et de moyens et le budget réellement obtenu, hors financement de la TNT, s'élève à plus de 12, 5 millions d'euros sur la période 2003-2005.
La parole de l'Etat n'est donc pas respectée, alors que, dans le même temps, les engagements souscrits au titre du contrat d'objectifs et de moyens ont été honorés par les chaînes.
France Télévisions a ainsi augmenté et diversifié ses investissements dans la création audiovisuelle et cinématographique ; France 3 continue à approfondir son projet de régionalisation. Si l'on ajoute que France Télévisions a économisé 15 millions d'euros par an depuis 2001, on comprend aisément que l'Etat n'est pas à la hauteur de sa mission.
Ce n'est pas le moindre des paradoxes que de rencontrer dans l'audiovisuel des services publics performants, qui ont su se moderniser, mais qui ne reçoivent pas en retour le soutien espéré. C'est là le paradoxe d'un pays qui dépense moins pour l'audiovisuel que ses partenaires européens.
Facteur aggravant : les chaînes dont nous parlons sont aujourd'hui confrontées à des contraintes et à des défis nouveaux. Ainsi, le lancement de la TNT génère un coût qui, soit n'est pas complètement financé - il manque 4 millions d'euros à Arte pour ouvrir la tranche de douze heures à quatorze heures au titre de la TNT -, soit le sera au détriment de la croissance des grilles des chaînes.
Ajoutons à cela les légitimes contraintes découlant du projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui institue l'obligation de sous-titrer l'ensemble des programmes. Le coût de cette exigence s'élèvera à 105 millions d'euros pour France Télévisions.
Enfin, n'oublions pas le ralentissement des recettes publicitaires qui constituent, pour mémoire, 40 % des ressources de France 2.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, il est nécessaire d'honorer les engagements contractuels découlant de l'obligation légale afin que l'expression « respect mutuel » ne soit pas un vain mot. La politique audiovisuelle que doit conduire l'Etat n'est donc pas qu'une affaire de moyens. Elle exige un engagement clair, cohérent et durable. En effet, derrière les chiffres, se trouvent des hommes !
Comment mobiliser les énergies, développer des projets sans être assuré de la continuité de la volonté publique ? Le temps de la production et de la création audiovisuelles, comme l'ont déjà dit plusieurs de mes collègues, n'est pas le temps court de l'annualisation budgétaire. Cela rend nécessaire à nos yeux l'organisation au Parlement d'une discussion pluriannuelle portant sur les moyens comme sur les objectifs de programmation et les missions de l'audiovisuel public.
Voilà les principes d'une nouvelle gouvernance que nous appelons de nos voeux et qui, aujourd'hui, n'est pas mise à l'ordre du jour. C'est pourquoi notre vote sera négatif.