Mais les chiffres sont là !
Monsieur le ministre, votre ministère doit donc gérer, pour l'année 2005, la somme de 3, 394 milliards d'euros, ce qui représente un effort moyen par ancien combattant en augmentation de 4 %, contre 1, 58 % en 2004.
Si rien n'est parfait, si les attentes du monde combattant ne sont pas toutes satisfaites, soyez toutefois remercié de cet effort de justice, qui, une fois encore, a prévalu dans votre action en la matière.
Certes, le projet de budget ne prévoit pas de mesures éclatantes, mais il traduit une volonté profonde d'assurer la plus grande dignité possible à ceux qui ont directement ou indirectement souffert de leur dévouement à la patrie.
Si le nombre d'anciens combattants diminue du fait de la mortalité naturelle, il s'accroît aussi considérablement du fait de l'arrivée en nombre à l'âge de la retraite des anciens combattants d'AFN, d'autant plus que les conditions d'attribution de la carte du combattant ont été largement assouplies ces dernières années.
L'augmentation de la dette viagère, qui représente, rappelons-le, 87 % du budget, s'explique également par l'entrée en application des mesures de décristallisation votées en 2002 en faveur de nos anciens compagnons d'outre-mer. Les difficultés administratives qui ont différé l'application effective de ces dispositions semblent être totalement aplanies. A ce propos, monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de nous dresser un état des lieux. Je crains, en effet, que les crédits supplémentaires inscrits au budget, soit 30 millions d'euros, ne couvrent que partiellement le coût de la mesure.
S'agissant de l'augmentation des crédits, il faut également prendre en considération les mesures qui ont été adoptées l'année dernière en faveur des veuves. La revalorisation de 15 points d'indice des pensions de veuves représente, en effet, près de 12 millions d'euros, soit une majoration de l'ordre de 192 euros par pension.
Par ailleurs, je note tout particulièrement l'accroissement de 4 % des crédits sociaux de l'ONAC, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, ce qui représente 465 000 euros pour une dotation globale de 12, 6 millions d'euros.
L'année passée, vous aviez déjà conforté l'action de l'Office. Cette année, vous encrez encore davantage sa mission au centre de l'action sociale du ministère. Il est vrai que son implantation décentralisée en fait l'interlocuteur privilégié du monde combattant. Sa mission auprès des veuves se développe chaque année davantage, avec plus de 13 % d'actions supplémentaires en 2003, sans oublier son rôle auprès de la population harkie.
Toutefois, l'ONAC ne se résume pas à sa mission sociale, et il a prouvé toute son utilité dans la vie culturelle locale et dans le développement de la politique de mémoire. A cet égard, la contractualisation des postes d'« assistants mémoire », qui deviennent « délégués à la mémoire combattante », est le moyen le plus efficace d'assurer la pérennité de cette action pédagogique, touristique et historique, dont chacun se félicite, dans son département ou sa région.
Je note, enfin, l'effort de rationalisation des dépenses de fonctionnement de l'Office, en application du contrat d'objectifs et de moyens signé en 2002.
Le projet de budget « solidifie » le développement hospitalier de l'INI, l'Institution nationale des invalides, en lui accordant une augmentation de près de 2 % de ses crédits de fonctionnement. Percevant depuis 2001 la dotation globale hospitalière, l'INI s'est engagée dans une démarche d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins délivrés aux patients, et a obtenu, en 2003, l'accréditation de l'Agence nationale d'accréditation des établissements de santé. L'INI est désormais notoirement reconnue comme une institution incontournable dans le domaine du grand handicap.
Doit aussi être mis au crédit de votre action, monsieur le ministre, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, le 18 novembre dernier, qui permet de mettre fin à des années de contestation, de groupes d'étude et autres commissions sur le problème de lisibilité du rapport constant, rapport dont on parle depuis tant d'années. Le système de référence que vous proposez permettra à chacun, dans la plus grande transparence, de contrôler l'évolution du point de pension. Cette mesure, attendue de longue date, devrait faire l'unanimité au Sénat. Nous en jugerons à la fin de ce débat.
La politique de la mémoire, après les remarquables manifestations de 2004 qui ont marqué tous les esprits, sera caractérisée en 2005 par de nombreuses commémorations marquant la fin de la Seconde Guerre mondiale et la libération des camps de concentration. Je veux voir dans la diminution des crédits budgétaires en faveur de la mémoire une rationalisation de cette politique, obtenue essentiellement grâce à l'efficacité de la collaboration entre les services départementaux de l'ONAC et la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives.
Je poursuivrai mon propos par ce qui pourrait constituer la mesure phare de ce projet de budget, si elle n'était financée sur les crédits des services généraux du Premier ministre. Je veux bien entendu parler du décret du 27 juillet 2004, qui a étendu à l'ensemble des orphelins de déportés, fusillés et massacrés le décret pris en juillet 2000 en faveur des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites.
Toute initiative tendant à adoucir le sacrifice des uns ou des autres est bienvenue, mais celle-ci l'est plus que toute autre, dans la mesure où, en instituant une aide financière identique à la précédente, elle met fin à une polémique et à des rancoeurs qui nuisaient incontestablement à l'unité du monde combattant.
L'effort consenti par le Gouvernement est considérable, nous en sommes tous conscients et reconnaissants. Néanmoins, la somme de 20 millions d'euros, qui abonde cette ligne budgétaire, me semble insuffisante pour financer la mesure en totalité, et il faudra sans doute réviser ce montant à la hausse en loi de finances rectificative.
Enfin, parce qu'il faut toujours chercher à soulager le plus grand nombre, je vous demanderai, monsieur le ministre, après ce remarquable effort, de vous pencher sur la situation des orphelins de guerre ou de résistants, c'est-à-dire les « pupilles de la nation ». La détresse morale des orphelins, quelles que soient les circonstances du décès de leurs parents, fut identique, et les séquelles qu'ils portent en eux ne sont pas différentes. Un groupe d'étude pourrait donc être mis en place pour envisager des mesures en faveur de cette population.
A propos d'étude, j'évoquerai simplement, pour vous féliciter de cette initiative, la mission que vous avez confiée à l'inspecteur général Christian Gal et qui vise à réétudier la question de la « campagne double » en faveur des anciens fonctionnaires d'AFN. En effet, la requalification du conflit d'Afrique du Nord justifie pleinement de reconsidérer ce problème, dans un souci d'équité entre les différentes générations du feu.
J'aborde maintenant deux questions auxquelles les anciens combattants sont légitimement très attachés, et je tiens à indiquer que je souscris totalement à leurs attentes. Il s'agit, d'une part, de la retraite du combattant, figée depuis 1977 - c'est dire le nombre de ministres qui se sont succédé depuis ! - et, d'autre part, du plafond majorable de la rente mutualiste.
En ce qui concerne la retraite du combattant, je me satisferai, provisoirement, de la promesse que vous avez faite à l'Assemblée nationale, il y a quinze jours. Mais soyez assuré que je suivrai avec une attention toute particulière l'arbitrage budgétaire de l'été prochain.
En revanche, s'agissant du plafond majorable de la rente mutualiste, je souhaite vous faire connaître le fond de ma pensée. Je vous l'ai déjà dit, je ne me suis jamais beaucoup investi dans cette cause, estimant qu'elle profitait aux moins nécessiteux. Toutefois, je m'étais félicité de l'augmentation systématique de cinq points, instaurée par votre prédécesseur, qui mettait fin à des discussions interminables sur le sujet. De même que je m'étais élevé contre l'augmentation de 7, 5 points que vous aviez accordée il y a deux ans, la considérant injustifiée et excessive, je m'insurge contre le gel que vous appliquez depuis lors, qui me semble tout aussi regrettable.
Je déplore tout autant, malgré vos interventions, que le problème des RAD-KHD, les Reichsarbeitsdienst-Kriegshilfsdienst, n'ait toujours pas été résolu. L'attitude de la fondation Entente franco-allemande est plus que critiquable, d'autant que nous savons tous quelle dispose largement des fonds qui permettraient de mettre fin à ce litige. Rappelons que le nombre potentiel des bénéficiaires ne dépasse pas 8 500 et que le montant de l'indemnité attendue est inférieur à 700 euros. Monsieur le ministre, envisagez-vous de poursuivre vos actions ? Pouvez-vous nous apporter des informations sur l'état d'avancement de vos tractations ? Ayant assisté à vos côtés à la réunion qui s'est tenue le 12 mai 2003 à Strasbourg, il m'a nettement semblé que le président de cette fondation ne mettait pas la meilleure volonté dans le règlement de ce contentieux.
J'émettrai également un regret qui, pas plus que le précédent ou le suivant, ne porte atteinte à l'équilibre financier de l'Etat. Je vous avais d'ailleurs déjà interpellé, l'an passé, sur cette question plus juridique que financière, je veux parler de la substitution de l'expression « conjoint survivant » au mot « veuve » dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Le principe de parité défendu par le Gouvernement y trouverait toute son application, « à moindre coût ». J'admets toutefois que, techniquement, en raison du nombre d'articles et de situations concernés, une telle modification puisse poser quelques problèmes sur le plan juridique. Là aussi, un groupe de travail pourrait utilement s'attaquer à cette tâche de pure équité.
J'en viens à une question, non budgétaire, à laquelle, pourtant, les anciens combattants sont légitimement et historiquement très attachés, je veux parler de l'attribution des décorations, qu'il s'agisse de l'ordre de la Légion d'honneur ou de l'ordre national du Mérite.
La Légion d'honneur, instituée par le Premier Consul Bonaparte, visait à récompenser civils et militaires ayant fait preuve de courage, talent ou bravoure. Le temps a considérablement « émoussé » les critères retenus pour l'attribution de ces insignes, privant de cette distinction ceux qui pourraient légitimement y prétendre.
Sans démagogie, je ne voudrais pas que ces décorations deviennent des gadgets. A ce propos, je souhaite rendre hommage à Geneviève de Fontenay.