Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget me laisse perplexe et je reprendrai une expression que j'ai entendue au cours d'une scolarité déjà lointaine : « Peut mieux faire ». On aurait en effet pu mieux faire avec ce budget.
L'augmentation, certes très faible, du budget des anciens combattants pour 2005 constitue un revirement de la tendance observée au cours des dix dernières années. Je suis heureux de constater que les « économies » permises par la diminution des effectifs bénéficiaires ont été redéployées sur des actions en faveur du monde combattant.
Cette augmentation exceptionnelle des crédits est d'abord le reflet d'une évolution contrastée du nombre des bénéficiaires du budget des anciens combattants. Au total, le seul effet démographique permet d'obtenir, pour 2005, une moindre dépense de 76 millions d'euros, contre 94 millions d'euros d'« économies » l'année dernière.
La hausse des crédits est ensuite à mettre sur le compte d'une volonté de plus grande sincérité budgétaire, le Gouvernement ayant souhaité corriger certaines évaluations inexactes des budgets précédents, et nous l'en félicitons.
Par ailleurs, l'application du rapport constant augmente mécaniquement les crédits de près de 3 millions d'euros. A ce sujet, je tiens à saluer, monsieur le ministre, l'amélioration de la lisibilité de ce mécanisme, que nous attendions tous depuis quinze ans.
Enfin, l'augmentation des crédits s'explique par la montée en charge de quatre mesures adoptées au cours des exercices précédents : la décristallisation des pensions et retraites d'outre-mer, qui est un acte de reconnaissance ; les revalorisations successives du plafond majorable de la rente mutualiste du combattant ; l'augmentation uniforme de 15 points - il faut le souligner - des pensions de veuves ; la modification des conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens d'Afrique du Nord.
La décristallisation, mesure que nous avions adoptée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004, est un acte d'humanisme à l'honneur de la France, qui s'inscrit dans la grande tradition morale de notre pays.
Les revalorisations successives du plafond majorable de la rente mutualiste sont également à souligner.
Quant à l'augmentation de 15 points des pensions de veuves, elle constitue une grande réussite. Les veuves, en effet, ont énormément souffert. A mes yeux, cette mesure s'imposait.
Quant à la modification des conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens d'Afrique du Nord, nous sommes très heureux ; il s'agissait d'une très vieille revendication des anciens d'Afrique du Nord.
J'approuve entièrement les actions engagées depuis trois ans. Cependant, je considère que la valeur d'un budget ne se juge pas à la seule progression nominale de ses dépenses.
Je compte beaucoup sur la mise en oeuvre, à compter de l'année 2006, de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances pour consolider notre appréciation sur l'efficacité des dépenses budgétaires.
Ma principale critique, s'agissant de la nouvelle nomenclature budgétaire, concerne la répartition des crédits relatifs à la politique de la mémoire, qui reste scindée en deux. Je remarque également que la majorité des objectifs et des indicateurs retenus se fonde sur la réduction du coût des services rendus : aucun indicateur ne prend donc en compte le point de vue de l'usager pour apprécier la qualité du service rendu, ce qui me paraît regrettable.
J'en viens aux différentes composantes de ce budget des anciens combattants pour 2005.
S'agissant de la réparation et de la reconnaissance des services rendus, je voudrais d'abord me féliciter de la remise à niveau du budget de fonctionnement de l'Institution nationale des Invalides.
Je salue également le souci d'équité qui a conduit le Gouvernement à améliorer les conditions d'indemnisation des anciens prisonniers de l'Armée de libération nationale, l'ALN ; ce n'est que justice !
J'approuve aussi l'indemnisation accordée aux orphelins des victimes de la barbarie nazie, résistants, déportés, fusillés et massacrés, qui étaient encore exclus du dispositif.
Dans le domaine de la solidarité, je souhaite attirer votre attention sur les efforts accomplis par l'ONAC pour redéployer ses activités vers la solidarité et l'action sociale en faveur des anciens combattants et victimes de guerre, et pour développer la mise en valeur de la mémoire combattante.
Pour mener à bien ce redéploiement, l'ONAC a conclu avec l'Etat, comme l'a rappelé mon ami Jacques Baudot, un contrat d'objectifs et de moyens, dont la mise en oeuvre est satisfaisante. Le projet de budget accorde à cet organisme une revalorisation de 4 % de sa dotation d'action sociale, ce qui constitue une mesure importante pour lui permettre de poursuivre son action en faveur des veuves de combattants.
S'agissant, enfin, de la mémoire, 2004 restera l'année des commémorations, notamment du soixantième anniversaire des débarquements et de la libération du territoire. Je suis heureux du succès populaire remporté par ces cérémonies grandioses auxquelles ont participé tous les anciens combattants.
D'une manière générale, il me semble important de donner à ces événements un retentissement qui dépasse le cercle restreint des associations d'anciens combattants : la politique de la mémoire n'est pas une simple politique du souvenir, elle doit devenir une politique de mise en valeur de l'histoire patriotique et combattante de notre pays, ainsi que des notions philosophiques qui défendent l'idée de la paix.
Il reste naturellement des questions en suspens, et je voudrais proposer quelques pistes de réflexion, afin de vous inviter, monsieur le ministre, à poursuivre avec assiduité l'action engagée depuis trois ans.
Première remarque, je souhaite que l'on apprécie comme il convient la revendication des anciens d'Afrique du Nord d'obtenir la « campagne double ». Celle-ci ne bénéficierait en effet qu'aux agents publics, alors que les anciens combattants du secteur privé se sont souvent retrouvés dans une situation sociale plus précaire encore. Il faut donc défendre cette « campagne double » non pas pour une catégorie spécifique, mais pour tous les anciens combattants.
Ma deuxième remarque concerne l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, les RAD-KHD. Bien que cette indemnisation ne relève en droit que de la responsabilité allemande, le Gouvernement français a proposé d'en payer la moitié pour débloquer ce dossier. Or la fondation qui en est chargée s'abrite désormais derrière ses statuts pour refuser d'y procéder. Monsieur le ministre, ce problème dépend non pas des associations d'anciens combattants, mais du Gouvernement français. Ce dernier, en effet, doit prendre contact avec le gouvernement allemand pour parvenir à une solution, car j'entends parler de ce sujet depuis que je suis rapporteur pour avis du projet de budget des anciens combattants, c'est-à-dire depuis très longtemps ! Je souhaite, monsieur le ministre, que le Gouvernement saisisse directement les autorités allemandes pour régler cette situation injuste, notamment pour les femmes.
Enfin, ma troisième et dernière remarque porte sur la retraite du combattant, qui constitue, malgré son montant très modeste, la mesure à laquelle le monde combattant est le plus attaché. Toutes les délégations que j'ai reçues, monsieur le ministre, ont soulevé ce point, en parlant d'une avancée sur le plan moral. Comme je le dis parfois, cette retraite, c'est la « Légion d'honneur » des anciens combattants. D'après les sondages que j'ai pu réaliser, elle figure au premier plan des demandes des anciens combattants. Je souhaite donc que soit amorcée une réflexion sur cette revendication, qui est la plus populaire, si je puis dire, dans le monde combattant. Certes, le contexte budgétaire actuel ne permet pas d'espérer la revalorisation de 15 points demandée par le monde combattant, mais une augmentation, même symbolique, constituerait un signal fort en direction des anciens combattants. Pouvez-vous, monsieur le ministre, prendre l'engagement que l'amorce de cette mesure figurera dans le projet de budget pour 2006 ?
Ces trois dernières remarques ne remettent pas en cause mon appréciation positive sur votre travail, monsieur le ministre, et sur ce projet de budget pour 2005. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur l'adoption de ce budget, ainsi que sur les articles 72 bis et 72 ter qui lui sont rattachés.