Monsieur le ministre, les propos que je vais tenir ne vous surprendront pas. Ils découlent d'un simple constat : vous proclamez haut et fort que votre budget n'a jamais été aussi important depuis de nombreuses années et qu'il est le reflet de l'effort de la nation en faveur des anciens combattants.
Il est tout de même surprenant qu'un budget augmente de 0, 14 % sans comporter de mesures nouvelles marquantes. En fait, cette augmentation correspond à la mise en oeuvre de mesures décidées en 2003 et en 2004, dont les effets se feront sentir le 1er janvier 2005 - carte du combattant à quatre mois, pensions des veuves.
Si l'on prend en compte la baisse du nombre des anciens combattants, qui conduit à une diminution constante de la dette viagère, votre budget régresse en réalité de 1, 5 %, la baisse étant même supérieure si l'on tient compte de l'inflation.
C'est un budget en trompe-l'oeil et, contrairement à ce que vous déclarez, il est condamné par toutes les associations qui nous ont écrit ou que nous avons rencontrées.
Pour ces dernières, ce budget n'est absolument pas à la hauteur de la reconnaissance due par la nation aux anciens combattants ; il ne comprend aucune mesure nouvelle ; il est désespérément vide.
Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé, au cours de cette législature, à revaloriser la retraite du combattant en passant de 33 à 48 points. Depuis trois budgets, nous ne voyons rien venir. Il ne vous reste malheureusement plus beaucoup de temps pour respecter votre engagement, à moins que vous n'adoptiez notre amendement au projet de budget pour 2005 et que vous ne vous engagiez à faire de même lors des budgets pour 2006 et 2007.
Les anciens combattants attendent cette mesure. Ils vous l'ont fait savoir, nous aussi. Cependant, cette année encore, le Gouvernement n'a pas jugé bon de donner suite à leur demande.
Le montant de cette retraite ne se situe pas à un niveau convenable.
Vous opposez aux arguments du monde combattant les difficultés budgétaires et les arbitrages de Bercy. Toutefois, il existe une possibilité, monsieur le ministre.
Sous le gouvernement précédent, une allocation avait été mise en place pour les anciens combattants chômeurs âgés de moins de soixante ans et ayant cotisé quarante annuités.
Aujourd'hui, étant âgés de plus de soixante ans, ils ne bénéficient plus de cette allocation. Vous pourriez, si le Gouvernement le voulait, utiliser ces fonds disponibles pour augmenter la retraite du combattant.
Ce ne serait que justice. Pour avoir répondu à l'appel de la nation, pour avoir enduré d'intolérables souffrances physiques et psychiques dont beaucoup ne se sont pas remis, les anciens combattants méritent mieux et plus que 425, 35 euros par an.
Le deuxième point que je voudrais aborder, et sur lequel vous vous étiez engagé, concerne le plafond majorable de la retraite mutualiste.
Celui-ci reste, depuis deux ans, bloqué à l'indice 122, 5 du point de pension militaire d'invalidité. L'objectif était de porter ce plafond à 130 points d'indice. Vous étiez parti en début de législature, telle une fusée, en augmentant d'un coup de 7, 5 points, faisant ainsi naître un grand espoir. Depuis, c'est la panne, et l'espoir est déçu.
Le coût budgétaire de cette mesure nouvelle n'aurait pas été élevé. Elle aurait été un signe positif adressé au monde ancien combattant.
Monsieur le ministre, le Gouvernement renonce-t-il à toute revalorisation de la retraite mutualiste, si nécessaire pourtant aux caisses de retraite ?
J'évoquerai encore un problème, celui du rapport constant et de sa simplification.
La mesure, que vous avez proposée à l'Assemblée nationale et fait voter à l'unanimité avait été avancée en son temps par Jean-Pierre Masseret.
Le monde combattant, à l'époque, l'avait écartée, car la référence à l'indice d'ensemble des traitements bruts de la fonction publique ne permettait pas de prendre en compte l'ensemble des éléments composant la rémunération des fonctionnaires.
Votre proposition ne le permet pas davantage. Si le monde combattant accepte la mesure, ce sera bien pour vous. Mais vous devez vous attendre à devoir faire face à de nouvelles revendications. Si vous voulez vraiment être juste et faire cesser tout débat, vous devrez intégrer au moins le montant des primes allouées à l'ensemble des fonctionnaires.
S'agissant des orphelins victimes de la barbarie nazie, nous nous félicitons, bien sûr, de l'ajustement du traitement entre orphelins juifs et non juifs, mais nous souhaitons, par souci d'équité, que le décret du 27 juillet 2004 s'applique à tous les orphelins. Il n'est pas utile d'établir une nouvelle discrimination entre ceux dont les parents ont fait l'objet d'un jugement et ceux dont les parents n'en ont pas fait l'objet, entre ceux dont les parents résistants sont morts en déportation et ceux dont les parents résistants sont morts au combat ou ceux dont les parents ont été massacrés sur le territoire national.
Nous avons déposé un amendement qui établit l'égalité de traitement entre les orphelins.
Je voudrais aussi évoquer le problème du remboursement des soins aux pensionnés et mutilés de guerre ainsi que la prise en charge de leur appareillage, comme la loi du 31 mars 1919 leur en donne intégralement le droit.
Année après année, circulaires et décrets ont dévoyé la loi en faisant référence au code de la sécurité sociale, aboutissant à la situation que nous connaissons aujourd'hui.
Celle-ci est d'autant plus grave que, depuis deux ans, dès le mois de septembre, les crédits sont épuisés, créant un grand désordre dans les soins aux blessés. Les médecins et les pharmaciens étant remboursés jusqu'à un an après l'acte, ils ne veulent plus assurer de soins gratuits. Que pensez-vous faire pour rétablir ce droit légitime ?
Enfin, j'évoquerai les problèmes plus particulièrement liés à l'Alsace et à la Moselle.
En premier lieu, ma préoccupation concerne l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, les RAD-KHD.
Je laisse à mon collègue Jean-Marie Bockel le soin de retracer l'historique de ce douloureux problème.
Je veux cependant rappeler que, en son temps, l'Allemagne a versé à l'Entente franco-allemande l'intégralité des sommes nécessaires à l'indemnisation des RAD-KHD.
En 1998, l'Entente avait approuvé le principe d'une indemnisation, tout en subordonnant son intervention à une participation financière de l'Etat.
Aujourd'hui, alors que le Gouvernement propose de prendre en charge 50 % de l'indemnisation, l'Entente franco-allemande invoque une impossibilité technique pour justifier son refus. Son président est radicalement opposé à tout versement.
Va-t-on s'en sortir, monsieur le ministre ? Va-t-on cesser de se renvoyer la balle et parvenir à se mettre d'accord pour que les personnes concernées soient enfin reconnues comme victimes du régime nazi et obtiennent une juste indemnisation ?
Nous avons déposé un amendement en ce sens.
Une autre préoccupation me tient à coeur, celle des prisonniers alsaciens-mosellans de l'armée soviétique.
Ceux-ci ne sont pas tous égaux devant la loi. En effet, pendant la campagne de Russie, de nombreux incorporés de force ont été faits prisonniers. Les autorités soviétiques les ont détenus dans des camps, dont le plus connu est celui de Tambow.
Plusieurs décrets, pris en 1973, 1977 et 1981, ont établi un régime spécial en leur faveur, leur accordant, compte tenu des conditions d'internement, un droit à pension par preuve pour trois infirmités : asthénie, rhumatismes vertébraux et colite.
Dans l'application de ces décrets, le Gouvernement a établi une discrimination géographique : seuls ceux dont le camp se situait à la frontière germano-russe de 1941, matérialisée par le fleuve Bug et appelée « ligne Curzon », ont été pris en compte. Les prisonniers alsaciens et mosellans des camps situés à l'ouest de cette ligne n'ont donc pas bénéficié des décrets et sont victimes d'une injustice. C'est dans une logique de réparation que je vous interpelle à nouveau, monsieur le ministre.
Il y aurait encore beaucoup à dire, en particulier sur l'ONAC et sa pérennisation ; nous avons déposé un amendement sur ce sujet. Il faudrait aussi faire état des demandes des patriotes résistants à l'occupation, des réfractaires au service du travail obligatoire, le STO, des anciens combattants de la guerre du Golfe, des anciens des opérations extérieures, les OPEX, de la décristallisation, de la campagne double et de la création d'une allocation différentielle pour les veuves d'anciens combattants les plus modestes.
Nous déplorons que ce budget ne soit pas à la hauteur des attentes de ceux qui ont sacrifié leur jeunesse et parfois donné leur vie pour leur patrie. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas ces crédits.