Intervention de Christiane Demontès

Réunion du 4 décembre 2004 à 15h30
Loi de finances pour 2005 — Anciens combattants

Photo de Christiane DemontèsChristiane Demontès :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureuse d'intervenir pour la première fois sur le budget des anciens combattants.

Bien sûr, tous les budgets revêtent une grande importance, mais celui-ci possède une dimension toute particulière, puisqu'il se doit d'être l'illustration de la légitime et nécessaire reconnaissance de la nation envers celles et ceux qui, dans leur existence, durant notre histoire, ont fait le choix de la défendre, et c'est au regard de cet impératif que nous avons examiné le budget que vous nous présentez, monsieur le ministre.

A première vue, ce budget marque une évolution puisqu'il progresse de 0, 14 %, ce qui est d'autant plus notable qu'il fait suite à deux budgets extrêmement décevants. Il n'en reste pas moins qu'une fois dépassé le stade de l'observation superficielle, et après une lecture attentive, la déception domine.

Il y a deux ans, le ministère des anciens combattants enregistrait une baisse de 6 % de ses crédits. L'année dernière, une nouvelle baisse de 3, 12 % le plaçait à l'avant-dernière place des ministères en matière de dotation.

Cette année, si l'on décompte, comme il est juste, les mesures votées en 2002 et 2003, on constate que d'une progression de 0, 14 %, nous passons à une baisse de 1, 5 %, voire de 3, 5 % en tenant compte de l'inflation.

Pour reprendre les mots du président de la FNACA, « ce projet de budget ne doit pas faire illusion ».

Mais ce budget a une autre dimension, cette fois-ci sans précédent : c'est le premier budget des anciens combattants depuis 1978, et ce quels que soient les gouvernements en place, qui ne présente aucune mesure nouvelle. Dès lors, on peut légitimement se poser la question du respect des engagements pris par le Gouvernement.

A mon tour, je voudrais faire un certain nombre de remarques.

Tout d'abord, s'agissant de la retraite du combattant, les crédits affectés à son paiement augmentent de 5, 6 millions d'euros. Cependant, cette hausse n'est pas consécutive à une revalorisation du montant de la retraite, mais à l'arrivée d'importants contingents d'anciens combattants d'Afrique du Nord et à l'assouplissement des conditions d'obtention de la carte du combattant.

Le Gouvernement, monsieur le ministre, s'était engagé à faire passer cette retraite de l'indice 33, fixé par la loi de finances pour 1978, ce qui correspond à 425, 25 euros par an, à l'indice 48, soit un peu plus de 618 euros, et ce avant la fin de cette législature. La somme de 618 euros correspondrait à un treizième mois pour les plus modestes et constituerait un rattrapage de la perte de pouvoir d'achat avérée.

En comptant ce budget, il ne vous reste donc plus que trois exercices pour tenir cette grande promesse. En procédant par tranche de cinq points, ainsi que nous vous l'avions proposé l'année dernière, il en coûtera, d'ici à 2007, 80 millions d'euros par exercice. Est-ce donc une somme inconcevable pour celles et ceux qui, souvent, ont sacrifié leur jeunesse ? Nous ne le pensons pas.

Aussi, comme l'année dernière, nous vous demandons de ne pas, une fois de plus, différer cette juste revalorisation.

De même, vous avez procédé voilà deux ans à une revalorisation de 7, 5 points de la rente mutualiste, au lieu des 5 points traditionnels. Le groupe socialiste avait salué cet effort. Cependant, depuis lors, nous ne voyons plus rien venir.

Il semble pourtant que les organismes de la mutualité combattante et que les associations nationales d'anciens combattants et de victimes de guerre s'étaient entendus avec les pouvoirs publics pour revaloriser le plafond majorable de la retraite mutualiste à hauteur de 130 points d'indice de pension militaire d'invalidité, PMI, contre les 122, 5 points PMI actuels. Qu'en est-il de cet engagement ?

Nous craignons, même si nous savons que seul un ancien combattant sur cinq peut cotiser à ce niveau, que, cette année encore, le monde combattant ne soit une nouvelle fois déçu.

Sous le précédent gouvernement, les veuves d'anciens combattants ont pu être reconnues comme ressortissantes de l'ONAC, et 15 000 veuves de grands invalides avaient pu bénéficier d'une revalorisation de leur pension. Or, comme vous le savez, les autres catégories de veuves, bien souvent, disposent de peu de moyens financiers et vivent dans des conditions précaires, si bien que leurs dossiers sociaux représentent l'essentiel de ceux qui sont traités par l'ONAC.

En 2003, nous avions voté la revalorisation uniforme des pensions des veuves, tout en dénonçant le fait que cette juste mesure n'entrerait en application qu'à partir du 1er juillet 2004, privant ces femmes de plus de 11 millions d'euros. Malheureusement, cette disposition n'est toujours pas entrée en vigueur. Nous osons espérer que le récent remaniement ministériel ne servira pas d'argument pour priver, une fois encore, ces femmes de leurs droits.

Dans le même ordre d'idées, alors que l'article L.115 du code des pensions institue la gratuité des soins pour les anciens combattants, les gels de crédits ou leur annulation obligent nombre de pharmaciens et de médecins, craignant de ne pas être payés, à leur demander leur carte vitale. Il nous semble nécessaire de mettre rapidement fin à ces situations.

Je voudrais à mon tour évoquer la difficile question des orphelins de la barbarie nazie.

Le décret du 13 juillet 2000 a constitué la première reconnaissance de la nation vis-à-vis des orphelins de parents juifs déportés. Le décret du 27 juillet 2004 a étendu cette indemnisation aux orphelins de parents victimes de la barbarie nazie.

A cet égard, les 20 millions d'euros inscrits au budget du Premier ministre nous semblent notoirement insuffisants au regard des 12 000 bénéficiaires estimés. Au moins 66 millions seraient nécessaires pour indemniser ces ayant droits à hauteur de 457 euros mensuels.

Enfin, monsieur le ministre, ne faudrait-il pas envisager d'étendre cette mesure aux personnes ayant perdu un parent résistant, tombé les armes à la main dans nos régions, comme dans le Vercors, ou massacré, comme ce fut le cas à Oradour-sur-Glane ? Ne faudrait-il pas tirer un trait sur les conditions posées par les articles L.274 et L.290 du code des pensions militaires, afin que cette juste indemnisation n'exclue aucun orphelin ?

Enfin, je souhaite revenir sur la date de la journée nationale d'hommage aux morts pour la France en Afrique du Nord, que le Gouvernement a fixée, sans en référer d'ailleurs au Parlement, au 5 décembre. Cette date est, nous le savons tous, dépourvue de sens historique. Manifestement, l'agenda présidentiel a pris le pas sur l'histoire et sur les hommes et les femmes qui l'ont faite, et l'on ne peut que s'en indigner.

Les Français, quant à eux, ne s'y trompent pas puisque, lors d'un sondage réalisé entre le 12 et le 16 mars dernier, 81 % des personnes interrogées ont considéré que la date du 19 mars était celle qui convenait le mieux pour rendre hommage aux 30 000 militaires tombés en Afrique du Nord, ainsi qu'au millier de victimes civiles. Cette date du 5 décembre est donc dépourvue de signification et nous ne pouvons que le déplorer avec la plus grande amertume.

Monsieur le ministre, La Rochefoucauld disait : « Nous promettons selon nos espérances et tenons selon nos craintes ».

Le monde combattant nourrit des espérances. Comme lui, le groupe socialiste craint que vous ne le déceviez. Aussi, faute d'être doté des moyens financiers indispensables à l'amélioration du sort des anciens combattants et de leurs familles, comme l'a déjà dit ma collègue Gisèle Printz, ce budget ne pourra recevoir l'approbation des sénateurs du groupe socialiste.

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