Monsieur le ministre, avant d'aborder l'examen du budget, je voudrais saluer, comme j'ai eu l'occasion de le faire lors de votre venue à Mulhouse le 21 novembre dernier, la qualité des commémorations que nous vivons en France depuis le printemps dernier, dans le cadre du soixantième anniversaire de la libération de notre pays.
Ces commémorations de grande qualité, d'une grande ferveur réunissent toutes les générations de notre population. Il n'est pas rare de voir, aux côtés des anciens, des enfants des écoles qui, souvent, ont préparé ce moment, fait un geste symbolique, lu un texte, ce qui leur permet de réfléchir et de participer au devoir de mémoire.
Moi-même, à plusieurs reprises, j'ai été frappé par la ferveur de ces moments de commémoration, qui ne se déroulent en aucun cas dans un esprit de haine ou de revanche. J'en veux pour preuve la venue de la Brigade franco-allemande dans ma ville, il y a quelques jours. Vous étiez présent, monsieur le ministre : tous les discours, à commencer par le vôtre, se sont inscrits, certes sous le signe de cette commémoration, de ce devoir de mémoire, mais aussi dans la perspective de la réconciliation franco-allemande en tant que moteur de l'Europe d'aujourd'hui.
Tous ces événements auront marqué les esprits.
Les médias audiovisuels ont également souvent bien fait leur travail : on a pu voir des émissions intéressantes, notamment pour les jeunes.
Si je souhaitais évoquer ces dernières semaines, au cours desquelles nous avons vécu des moments d'émotion intense, c'est aussi parce que dans dix ans, lors du soixante-dixième anniversaire de la Libération, beaucoup de nos anciens, qui étaient encore très nombreux cette année, auront disparu.
Mes deux collègues Mmes Printz et Demontes ont très bien parlé du projet de budget. Je ne répéterai donc pas ce qu'elles ont dit de façon excellente.
Je ferai simplement part de quelques inquiétudes.
Le fait qu'un certain nombre de crédits aient été gelés et reportés suscite quelques craintes quant à l'exécution du présent budget. Quant aux augmentations, elles sont le fait de l'application du rapport constant ou d'autres mesure automatiques.
La retraite du combattant reste désespérément bloquée. Et si les crédits augmentent dans ce projet de budget de 5, 6 millions d'euros, cela tient, d'une part, au fait que de nombreux anciens combattants d'Afrique du Nord atteignent l'âge de soixante-cinq ans, d'autre part, à l'assouplissement des conditions d'obtention de la carte du combattant.
S'agissant de l'augmentation de 15 points des pensions des veuves, mesure emblématique du présent projet de loi, que l'on ne peut que saluer, on observe cependant que son bénéfice est soumis à des conditions de ressources très restrictives. Par ailleurs, cette revalorisation est en fait financée par un redéploiement des crédits non dépensés en 2004. N'est-ce pas là une hausse en trompe-l'oeil ?
Je ne reviens pas sur les limites du décret du 27 juillet 2004, dont nous saluons la parution. Il nous faudra être très vigilants sur le montant des crédits inscrits dans le budget du Premier ministre, soit 20 millions d'euros. Cette somme me paraît très insuffisante par rapport au nombre de personnes à indemniser. Nous allons d'ailleurs présenter des amendements concernant le nombre de personnes susceptibles d'être concernées.
S'agissant de l'ONAC, je voudrais, à mon tour, faire part de l'inquiétude qu'éprouvent les anciens combattants à propos du devenir des services départementaux de cet organisme, dont le service de proximité est apprécié de tous.
Lorsque les moyens humains ne suivent pas, on est en droit de craindre pour la survie d'une institution. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement en vue de faire prendre à l'Etat l'engagement de pérenniser l'Office.
Je voudrais maintenant évoquer la reconnaissance du statut des anciens incorporés de force dans le Reichsarbeitsdienst et le Kriegshilfsdienst.
L'année dernière, lors de la discussion du projet de loi de finances, un amendement avait été présenté par un certain nombre de sénateurs, d'Alsace et de Lorraine notamment. Il avait été retiré, après que M. Hoeffel eut obtenu votre engagement, monsieur le ministre, que ce douloureux dossier serait réglé dans le courant de l'année 2004.
Vous avez fait de votre mieux, je le sais ; je ne suis pas en train de dire que vous n'avez pas donné suite à cet engagement. Mais, comme l'ont souligné certains de mes collègues avant moi, les choses ne se sont pas bien passées et ce contentieux est loin d'être réglé. La situation est bloquée pour 5 661 personnes - les intéressés sont chaque jour un peu moins nombreux - qui sont dans l'attente d'une décision les concernant.
Nous avons tous apprécié votre souci de compromis, ainsi que la proposition constructive que vous avez faite à la Fondation, à savoir que l'Etat s'engage sur la moitié du montant.
A ce propos, afin de dissiper toute ambiguïté, je voudrais revenir sur les propos de ma collègue. Il fut une époque - j'étais alors député - où nous nous sommes battus tous ensemble pour que cette Fondation existe, pour qu'elle soit abondée de crédits importants de la part du gouvernement allemand. Celui-ci est quitte : il a tenu ses engagements.
Sur ce sujet, nous ne pouvons avoir qu'une parole. Dire que c'est vers lui qu'il faut se tourner, c'est une manière de reconnaître qu'on ne réglera pas le problème. On sait bien qu'aujourd'hui ce n'est plus qu'une affaire franco-française ou, plus exactement, une affaire franco-Fondation.
Or on sent un blocage de la part du président de la Fondation et de certains de ses responsables. Ce blocage est d'autant moins compréhensible pour nous, toutes sensibilités confondues, que la Fondation jouit d'une trésorerie confortable, de 11 millions d'euros, qui permettrait de faire un geste.
On peut toujours s'abriter, comme le fait la Fondation, derrière des arguments juridiques pour ne pas aller dans le sens du compromis que vous avez proposé.
Je pense qu'il faut à nouveau interpeller fortement la Fondation pour qu'elle modifie son règlement intérieur et accepte cette proposition. Si, une nouvelle fois, vous êtes confrontés à une fin de non-recevoir, il faudra alors que le Gouvernement prenne les mesures nécessaires pour indemniser correctement les derniers survivants dans le cadre du budget pour 2005. Tel est l'objet de l'un des amendements que nous avons présentés.
Je sais que tout cela n'est pas facile. Mais où l'on agit tout de suite, où l'on joue la montre, mais, dans quelques années, la question ne se posera plus...
Monsieur le ministre, je sais que vous êtes sensible et attentif à ce problème. Le moment est venu de faire un geste. Il n'est plus possible de s'abriter derrière la situation de blocage engendrée par l'attitude de M. Bord.
Quelques points de ce projet de budget apparaissent positifs, notamment l'assouplissement de l'obtention de la carte du combattant, l'amélioration de l'indemnisation des anciens prisonniers d'Afrique du Nord, la décristallisation des pensions et retraites des anciens combattants d'outre-mer, la simplification du rapport constant.
Cependant, de notre point de vue, une grande circonspection s'impose. Certaines annonces faites lors de discussions du budget 2004 n'ont pas été suivies d'effets, comme celle que j'ai évoquée tout à l'heure, mais pour laquelle, je l'ai dit, vous avez fait de votre mieux. On peut donc déplorer l'absence de mesures véritablement nouvelles concernant notamment la retraite du combattant ou la rente mutualiste du combattant.
Enfin, nous n'avons aucune garantie qu'une partie des crédits votés pour ce budget 2005 ne sera pas gelée ou reportée sur l'exercice suivant, comme cela a été le cas en 2004.
C'est pourquoi, malgré la sympathie que j'éprouve à votre égard, monsieur le ministre, pas plus que mes collègues du groupe socialiste, je ne voterai ce budget en l'état.