Intervention de Ronan Kerdraon

Réunion du 7 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 1er A

Photo de Ronan KerdraonRonan Kerdraon :

Cet amendement a pour objet d’inscrire dans la loi que le système de retraite en France doit garantir aux femmes des droits égaux à ceux des hommes.

Certes, les déclarations de principe ne suffisent pas, mais elles permettent parfois de rappeler certaines évidences qui, malheureusement, sont vite oubliées au moment de certains choix politiques et de certaines prises de décision en général.

En effet, force est de constater que la présente réforme va profondément pénaliser les femmes : elles seront, une nouvelle fois, les grandes victimes, malgré ce que vous nous avez dit ce matin, monsieur le ministre.

Comme nous l’avons déjà rappelé, le niveau des pensions de retraite des femmes est nettement inférieur à celui des pensions versées aux hommes ! En 2004, les femmes retraitées de 60 ans et plus percevaient ainsi une pension de retraite d’un montant équivalant, en moyenne, à 50 % de la pension dont bénéficient les hommes !

Ce matin, monsieur le ministre, vous avez annoncé le dépôt de deux amendements visant, selon vos dires, à reconnaître la situation difficile de certaines mères de famille ayant élevé plus de trois enfants ou ayant un enfant handicapé. Or, comme nous vous l’avons rappelé, ces dispositions constituent non pas des avancées, mais seulement le maintien de mesures justes existantes. Vous jetez de la poudre aux yeux des Français, espérant leur faire avaler ainsi plus facilement une réforme profondément injuste pour les femmes.

Le jeu du Gouvernement apparaît ici très clairement : s’inquiétant de l’amplification du mouvement social, qu’il a pourtant dénigré ces dernières semaines, il tente, par des effets d’annonce, de freiner le durcissement légitime du conflit à l’approche de la journée du 12 octobre.

Pourtant, nous le savons tous, ces « mesurettes » n’enlèvent rien au caractère inique de cette réforme, notamment pour les femmes ! En ne prenant pas suffisamment en compte la situation des travailleurs précaires ayant eu des carrières longues, difficiles et fractionnées ou ayant connu des périodes d’inactivité ou de chômage, ce projet de loi va inévitablement pénaliser ceux qui sont déjà les moins favorisés.

Parmi eux figurent bien évidemment les femmes qui, afin de pouvoir concilier quotidiennement leurs responsabilités familiales et leurs objectifs professionnels, ont choisi de suspendre momentanément leur carrière ou de continuer leur activité professionnelle à temps partiel. Aujourd’hui, les femmes occupent 82 % des emplois à temps partiel ! Seulement 44 % d’entre elles effectuent une carrière complète, contre 86 % des hommes, et elles gagnent en moyenne 27 % de moins que ces derniers.

Malgré ces réalités incontestables et incontestées, le dossier de présentation de votre projet de loi comportait le paragraphe suivant : « Les femmes bénéficient de nombreux dispositifs de solidarité au sein des régimes de retraite qui leur permettent notamment de compenser les aléas de carrière […]. L’ensemble de ces dispositifs de solidarité compensent efficacement l’impact des enfants. »

Quelle hérésie ! Atteindre 62 % du niveau de pension des hommes ne me semble pas refléter une compensation « efficace » !

Cette réforme va perpétuer et risque même d’aggraver l’inégalité entre hommes et femmes devant le droit à la retraite, en mettant en place des mesures constitutives d’une discrimination indirecte : je pense, notamment, au report à 67 ans de l’âge ouvrant droit au bénéfice de la retraite à taux plein, disposition qui va concerner la très grande majorité des femmes.

Comme le précisait la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité dans sa délibération du 13 septembre dernier, « compte tenu du mode de calcul des retraites, les femmes totalisent avec difficulté le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier de la retraite à taux plein. C’est pourquoi elles sont plus nombreuses à devoir travailler jusqu’au seuil de départ à taux plein. Le relèvement progressif de l’âge du départ à taux plein de 65 à 67 ans, risque donc de pénaliser les femmes plus que les hommes. »

Il semble incroyable que, à notre époque, les femmes connaissent encore des difficultés à concilier vie professionnelle et vie familiale. Il est indispensable qu’une réforme des retraites prenne en compte les principaux paramètres qui les pénalisent.

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