Cet amendement pose une nouvelle fois, et dans des termes clairs, la question de la retraite des femmes.
Les élus locaux que nous sommes rencontrent chaque jour des femmes retraitées qui perçoivent des pensions très insuffisantes pour vivre dignement, très inférieures à celles dont bénéficient les hommes.
Cette différence de traitement est d’autant plus inacceptable qu’elle repose sur le genre. Elle est la conséquence des multiples discriminations directes ou indirectes dont les femmes sont victimes tout au long de leur carrière professionnelle.
M. le président Larcher lui-même le reconnaît, cette situation n’est pas acceptable et il doit y être remédié. Il n’y a plus guère que le Gouvernement pour tenter de faire croire que tout va bien et que les inégalités que subissent les femmes finiront par se résorber d’elles-mêmes.
Cette position politique aussi scandaleuse qu’inattendue est celle qu’ont défendue, dans l’édition de lundi dernier d’un grand quotidien du soir, cinq membres du Gouvernement : M. Woerth, Mmes Berra, Kosciusko-Morizet et Morano et M. Tron.
Selon eux, les écarts entre hommes et femmes en matière de pensions de retraite seraient en train de se résorber. Mais pourquoi 24, 1 % des femmes partent-elles à la retraite à 65 ans, c’est-à-dire à l’âge où ne s’appliquent plus de décote, contre seulement 16, 5 % des hommes, sinon pour éviter de devoir vivre dans la précarité ?
De la même manière, ils affirment, dans cet article, que la question des annuités n’est pas centrale et que « le fait que les retraites des femmes soient plus faibles n’est pas lié au nombre de trimestres validés ». C’est à croire que la durée de cotisation n’a pas d’incidence sur le montant des pensions… Mais si tel était le cas, pourquoi avez-vous choisi d’augmenter, comme en 1993 et en 2003, la durée de cotisation, pour la faire passer à 41, 5 annuités ?
La réalité est tout autre : les femmes qui voudront partir à la retraite avant l’âge de 67 ans subiront de plein fouet les conséquences de l’allongement de la durée de cotisation. Les modifications des bornes d’âge, et particulièrement les variations à la hausse des durées de cotisation, affectent, parfois lourdement, les carrières non linéaires ou hachées.
Contrairement à ce que vous semblez croire, monsieur le ministre, la situation ne s’améliore pas d’elle-même. En 2007, 44 % des femmes ont pu valider une carrière complète, contre 86 % des hommes, la durée de cotisation des femmes étant en moyenne inférieure de vingt trimestres à celle des hommes. En outre, 34 % des femmes ont validé moins de vingt-cinq trimestres, contre 4 % des hommes. Ainsi, moins de la moitié des femmes ont validé une carrière complète à 65 ans, ce qui conduit le quart d’entre elles à ne partir à la retraite qu’à cet âge.
Voilà la mécanique qui se met en place et qui amènera nombre de salariés, dont une part importante de femmes, à faire un choix lourd de conséquences : soit travailler jusqu’à 67 ans pour éviter une décote trop lourde sur une pension trop faible ; soit partir à 62 ans et connaître une précarité encore plus grande, avec une pension de retraite dont le montant se sera effondré et qui ne permettra plus de vivre dignement.
En vérité, cette réforme ajoutera des inégalités aux inégalités et de la précarité à la précarité !