« On mesure ce que vaut une société à ce qu’elle fait pour sa jeunesse. » : c’est à peu près en ces termes qu’un ancien Premier ministre de la République avait évoqué l’action de son gouvernement en faveur de la jeunesse.
Il s’agissait alors de lancer un vaste programme de développement de l’insertion professionnelle et sociale, fondé sur un maillage serré du territoire par un réseau de points d’accueil et d’information, de missions locales pour l’emploi, et d’organiser des stages de formation faisant largement appel à la pédagogie de l’alternance, avec des phases d’expérimentation pratique in situ et des périodes de formation théorique.
Nous constatons d’ailleurs que, près de trente ans après le lancement de ce plan de formation professionnelle de la jeunesse – un grand nombre de jeunes sortaient alors précocement du système scolaire, sans maîtriser suffisamment les outils de communication courante ni disposer d’un diplôme validant leur parcours –, les mêmes problématiques demeurent pleinement d’actualité.
Le niveau général de formation initiale de la jeunesse de ce pays s’est profondément modifié et, malgré bien des obstacles, un nombre croissant de jeunes peuvent aujourd’hui s’appuyer sur un ensemble de savoirs, théoriques et techniques, qui devraient suffire à leur éviter un parcours obligé de chômage et de précarité.
Même dans les quartiers les plus déshérités, dans ce que l’on appelle les zones sensibles, la jeunesse est aujourd’hui, de manière très majoritaire, engagée dans un processus d’élévation de son niveau général de formation, que la création des baccalauréats professionnels et les enseignements tirés du plan Rigout ont notamment permis d’enclencher.
Chers collègues de l’opposition, ce n’est d’ailleurs pas pour d’autres raisons que la jeunesse de notre pays s’est largement mobilisée, en 2006, contre le contrat première embauche, dispositif que vous aviez adopté et qui lui apparaissait comme une sorte d’affront à ses désirs, à ses aspirations, à ses potentialités. Ce n’est pas pour d’autres raisons qu’elle participe de plus en plus, et avec une détermination croissante, au mouvement actuel de contestation de ce projet de réforme des retraites.
De bonnes âmes feignent de s’étonner de voir les jeunes lycéens et étudiants manifester contre cette pseudo-réforme des retraites, mais il n’est nul besoin d’être en classe de préparation au concours de l’ENA pour se rendre compte qu’un allongement de la durée de cotisation à quarante et une ou quarante-deux années obligerait ceux qui commencent à travailler entre 22 et 25 ans à prendre leur retraite à l’âge de 67 ans s’ils veulent pouvoir bénéficier du taux plein : il leur serait, en pratique, presque impossible de cesser leur activité à 62 ans, et a fortiori à 60 ans, eu égard à l’importance de la décote. Les jeunes de notre pays sont très opposés à la réforme projetée, non parce qu’ils pensent que leurs retraites ne seront pas payées dans trente ou quarante ans, mais parce qu’ils craignent que le montant de celles-ci ne leur suffisent pas, alors, pour vivre décemment. De fait, entre décote et gel du pouvoir d’achat pour cause d’indexation des pensions sur l’évolution des prix, les retraités des années 2040 et 2050 ne risquent pas, si votre projet est adopté, de rouler sur l’or !
Ces futurs retraités attendent aujourd’hui de la vie qu’elle soit autre chose qu’un long chemin de croix entre petits boulots, temps partiel, intérim et précarité, le tout ponctué de périodes de chômage plus ou moins longues.
L’enjeu de l’intégration professionnelle de la jeunesse sous-tend donc directement ce projet de loi. Il est tout à fait essentiel d’assurer son insertion dans le monde du travail, ne serait-ce que pour garantir une certaine pérennité des ressources de notre régime de retraite.