Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 7 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 1er A

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

La multiplication des exonérations est une question cruciale en ce qu’elle opère un transfert du financement de la protection sociale des entreprises vers les ménages et les salariés, ce qui est inadmissible !

Pour la majorité, le travail des salariés constitue un coût à réduire à tout prix. Évidemment, le MEDEF applaudit et en redemande ! Il faut dire que vous ne rechignez pas à lui donner satisfaction, en accordant la priorité au capital et aux dividendes plutôt qu’au travail.

Selon le MEDEF, pour préserver la compétitivité des entreprises, il faudrait absolument exclure tout nouveau prélèvement sur le capital et sur les profits. Qu’à cela ne tienne, vous excluez effectivement tout prélèvement supplémentaire et, qui plus est, vous accordez régulièrement de nouveaux cadeaux au patronat.

Mes chers collègues, s’il était vrai que la multiplication des exonérations favorisait la compétitivité des entreprises, et par là même l’emploi, cela se saurait depuis longtemps. En fait, c’est le contraire !

La vérité, c’est que les exonérations coûtent cher à la sécurité sociale et ont des effets désastreux sur l’emploi. En 2006 et en 2007, dans deux rapports destinés à la commission des finances de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes elle-même avait eu l’occasion de fustiger les exonérations de cotisations, évoquant une véritable fuite en avant. Les magistrats ont dénoncé un dispositif incontrôlé, au coût très élevé et à l’efficacité quantitative incertaine, une efficacité à ce point incertaine qu’ils demandaient que le Gouvernement s’interroge sur la pérennité et l’ampleur du système.

Les exonérations de charge sont passées, je le rappelle, de 3 milliards d’euros en 1993 à 62 milliards d’euros aujourd’hui, soit l’équivalent d’une part importante des dépenses publiques de lutte contre le chômage. À cela s’ajoute le fait qu’un nombre certain de revenus – intéressement, participation, épargne salariale et stock-options – sont exemptés de cotisations et ne contribuent donc pas au financement de la protection sociale.

Or les sommes distribuées au titre de ces dispositifs se sont accrues en cinq ans de 9 %, alors que la masse salariale, elle, n’a augmenté que de 3 %. Ainsi, selon les estimations de la Commission des comptes de la sécurité sociale, s’ils avaient été payés sous forme de salaires, les 17, 4 milliards d’euros versés au titre de l’intéressement auraient rapporté 7 milliards d’euros à la protection sociale, dont une part aurait bien entendu alimenté les caisses nationales d’assurance vieillesse et les régimes complémentaires de retraites.

Certes, la loi du 25 juillet 1994 prévoit une compensation intégrale par l’État, autrement dit, par le contribuable, donc par les salariés, alors que les cotisations sociales sont en réalité une part du salaire socialisé, ce qui pose là encore le problème de la responsabilité des employeurs dans le financement de la protection sociale.

Mais même cette loi n’est pas appliquée à la lettre. Les exonérations non compensées par le budget de l’État n’ont cessé d’augmenter depuis 2004. Elles ont progressé de 1, 4 % entre 2004 et 2005, de 11, 6 % entre 2005 et 2006, de 10, 2 % en 2007. Pour le régime général, elles se sont élevées en 2007 à plus de 2, 6 milliards d’euros, soit un demi-milliard de plus qu’en 2004.

Par ailleurs, le montant de la dette de l’État au regard du régime général s’élevait, à la fin de 2008, à 5, 8 milliards d’euros.

Quel que soit le biais par lequel nous examinons la question des exonérations de cotisations sociales patronales, force est de constater que ces dernières constituent un problème, un handicap pour le financement de la protection sociale, donc des retraites.

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter notre amendement de suppression des dispositifs d’exonérations.

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