Intervention de François Autain

Réunion du 7 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 1er A

Photo de François AutainFrançois Autain :

Dans un premier temps, vous me permettrez de revenir sur la grande hypocrisie ayant inspiré la rédaction de l’article 1er A, qui ne figurait pas dans le projet de réforme de 2010, que ce Gouvernement en fin de vie, dirigé par M. Fillon, doit aujourd’hui défendre.

Il faut pourtant rappeler que l’actuel Premier ministre, alors ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, s’était attaché à inscrire un article rappelant ces quelques « fondamentaux » dans la loi de 2003. Notre groupe a donc déposé plusieurs amendements visant à réintroduire cette déclaration de principe dans le présent projet de loi, et l’article qui nous est proposé aujourd’hui, dans une nouvelle rédaction, ne peut être qu’empreint d’ambiguïté tant cet exercice de style est difficile.

Beaucoup d’entre nous ont eu l’occasion, ce matin et hier, de souligner le caractère d’improvisation et d’impréparation qui entourent ce projet de loi portant réforme des retraites, et cet article en est l’illustration parfaite.

Certes, en vertu des « grands principes », le rapporteur de la commission des affaires sociales s’est trouvé dans l’obligation d’évoquer brièvement les fondements et les valeurs contenus dans le programme du Conseil national de la Résistance, qui unissait dans un projet de société, visionnaire et progressiste, des conceptions politiques et humanistes empruntées aux gaullistes, aux chrétiens, aux syndicats – huit organisations au total.

Toutefois, monsieur le ministre, cette déclaration solennelle arrachée à la droite ne doit pas masquer les intentions réelles des représentants zélés du patronat, qui inspirent toute votre politique et qui rejettent le programme du Conseil national de la Résistance. Il suffit de lire Denis Kessler, président du cinquième groupe de réassurance mondial – ce n’est sans doute pas un hasard –, qui revendique un régime unique par points, misant sur la responsabilité individuelle et la réduction au minimum du système de solidarité.

Ce célèbre idéologue du MEDEF connaît pourtant bien le Conseil national de la Résistance mais, comme vous, il utilise ses connaissances pour mieux le combattre. Je veux citer, à cet égard, quelques extraits de ses déclarations dans le magazine Challenges : « Le modèle français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le Gouvernement s’y emploie. Les annonces successives des différentes réformes par le Gouvernement peuvent donner l’impression d’un patchwork […] : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale. […] À y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »

Monsieur le ministre, vous comprendrez nos doutes sur vos déclarations sémantiques qui ne visent qu’à instaurer une espèce de trompe-l’œil cachant l’essentiel de cette réforme.

L’équilibre de la sécurité sociale suppose, d’abord, une économie assurant le plein-emploi et, ensuite, la reconnaissance du droit fondamental à un emploi digne pour chacun de nos concitoyens : jeunes, moins jeunes, seniors, hommes, femmes...

Les 680 000 suppressions d’emploi des dix-huit derniers mois pèsent lourd dans les comptes des régimes sociaux. Dans sa dernière enquête, l’INSEE nous apprend que l’industrie a encore perdu 40 000 emplois depuis le 1er janvier 2010. Donc, contrairement à ce qui a été indiqué au cours du débat, le chômage ne régresse pas.

La part de la richesse industrielle dans le PIB de la France est de 10 % inférieure à ce qu’elle est en Allemagne, ce qui représente des milliers d’emplois sacrifiés. La dégradation de la situation financière de notre régime de protection sociale, engagée depuis 1993, prend ses racines dans la détérioration de l’emploi dans notre pays.

Le Président de la République n’a eu de cesse, dans ses propos de campagne, de tenter de réhabiliter la « valeur travail ». Beaucoup ont pu le croire, mais ils perçoivent aujourd’hui, et à leurs dépens, ce que dissimulait cette belle expression. Le Gouvernement s’est fait l’avocat de cette formule magique pour accélérer toutes les politiques de régression sociale qu’il a mises en œuvre depuis 2007.

Ainsi, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous continuerons à porter nos propositions plus favorables au monde du travail pendant toute la durée de nos débats, et ce en lien étroit avec le mouvement social fortement mobilisé pour rejeter votre réforme.

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