Intervention de Guy Fischer

Réunion du 7 octobre 2010 à 21h00
Réforme des retraites — Article 5

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le coup de force de la présidence de la commission des affaires sociales du Sénat nous impose d’aborder prématurément, en séance de nuit, les deux principaux articles du projet de loi.

La manœuvre est grossière. Elle témoigne de l’inquiétude du Gouvernement et de sa majorité face au rejet de plus en plus massif de son projet de réforme.

Monsieur le ministre, après avoir tenté ce matin de désamorcer une mobilisation de nos concitoyens qui s’annonce plus forte que jamais, en concédant quelques mesures en faveur des mères de famille ou des parents d’enfants handicapés, vous poursuivez ce soir en essayant d’achever la discussion sur la fin de la retraite à 60 ans avant mardi prochain, nouvelle journée de mobilisation. Voilà la raison de ce coup de force !

Le relèvement progressif de deux années de l’âge légal d’ouverture du droit à une pension de retraite, objet de l’article 5, est en effet la mesure emblématique de votre projet de loi. Cette mesure n’est pas simplement symbolique et idéologique. Elle est révélatrice de votre conception de la société et de la place que vous accordez au travail dans celle-ci.

Tout le monde s’accorde à dire qu’il faut faire quelque chose pour garantir la pérennité de notre système de retraite par répartition. C’est indéniable ! Mais là où le bât blesse, et nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à s’en rendre compte, c’est lorsqu’il s’agit de trouver des solutions.

Des propositions, nous en avons, et elles sont fondamentalement différentes des vôtres. C’est d’ailleurs une malhonnêteté intellectuelle de votre part, monsieur le ministre, et de celle de votre majorité de prétendre que l’actuelle opposition n’a rien à proposer.

Vous n’y croyez d’ailleurs pas vous-même, car après avoir brutalement demandé que soit mis un terme à la discussion à l’Assemblée nationale, vous tentez maintenant au Sénat, nous l’avons vu ce matin, d’éviter une discussion sérieuse sur les moyens de financer autrement la réforme que vous proposez.

Vous présentez cette mesure de relèvement de l’âge légal de départ à la retraite comme faisant partie des principaux leviers permettant de rétablir l’équilibre financier de notre système par répartition.

Vous avez d’abord prétendu que l’équilibre des régimes de retraite était avant tout un problème démographique. L’allongement de la durée de la vie ne peut tout de même pas être considéré comme une catastrophe économique, mais il exige de trouver un nouveau mode de financement des retraites et, surtout, une autre politique de l’emploi.

Cette mesure d’âge, présentée comme une évidence de bon sens, permet en fait d’évacuer toute discussion sérieuse sur de nouvelles sources de financement.

Certains membres de votre majorité ont, comme nous, mais probablement pour d’autres raisons, des doutes sur les mesures que vous préconisez pour assurer un retour à l’équilibre financier en 2018.

C’est à ce débat que vous voulez échapper, car il révélerait aux yeux de l’opinion publique combien votre réforme est socialement injuste, inefficace, et ferait de notre système de protection sociale, de notre régime de retraite en particulier, l’un des systèmes les plus rétrogrades.

Nous ne répéterons jamais assez combien elle est inéquitable, car elle repose à 85 % sur les salariés et à 15 % sur les revenus du capital, alors que dans le calcul du produit intérieur brut, la part des salaires a considérablement diminué quand celle du capital augmentait.

Non, décidemment, s’attaquer à l’âge légal de départ à la retraite en prétendant que cette mesure participerait au sauvetage de notre système est une posture idéologique.

Votre réforme est injuste, mais elle sera aussi inefficace.

Avec cette mesure d’âge, en maintenant au travail les générations les plus anciennes, vous empêcherez les jeunes d’accéder à la vie active. Et ce, sans compter avec une situation de l’emploi très dégradée qui accélérera la décrue des cotisants, creusant encore plus les déficits.

En refusant d’examiner nos propositions visant à rétablir un juste équilibre de notre système de retraite, vous fuyez le débat. Pourtant, vous n’y échapperez pas, nous y reviendrons à l’occasion de l’examen des articles 5 et 6, qui sont la clé de voûte de votre réforme.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion