Intervention de David Assouline

Réunion du 7 octobre 2010 à 21h00
Réforme des retraites — Article 5

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Cette manœuvre, monsieur le ministre, est votre marque de fabrique. Elle est révélatrice de la façon dont vous considérez le Parlement. Ce n’est pas une bonne manière faite à notre travail.

La retraite à soixante ans s’inscrit dans une continuité. Le progrès social a accompagné l’histoire de l’humanité. Il s’est traduit, sur l’ensemble du xxe siècle, par l’abolition de toutes les formes de violence et d’exploitation des travailleurs.

La diminution des accidents du travail, la réduction de la durée journalière, puis hebdomadaire, du temps de travail, la suppression du travail des enfants, la création des congés payés, de la retraite, l’allongement des études ont été les étapes essentielles de ce processus.

Contrairement à toutes les tautologies et fausses évidences que vous ne cessez de nous asséner, alors que l’espérance de vie augmentait, le temps de travail a pratiquement été divisé par deux en un siècle : il passé de 2 695 heures par an en 1896 à 1 441 heures aujourd’hui.

Chaque étape de ce progrès social, revendiqué par les salariés, s’est heurtée à l’opposition massive du patronat, soutenu par la droite. De la même façon, aujourd'hui, le patronat, l’UMP et le Gouvernement s’opposent au maintien du progrès social.

On avance toujours les mêmes arguments : ces changements allaient ruiner les entreprises. Ainsi, en 1936, que disaient la droite et le patronat au sujet de la politique du Front populaire et des avancées fantastiques qu’il a permises, notamment l’instauration des congés payés ? Reprenez les articles de presse ! Ils osaient accuser le Front populaire et ses conquêtes, que personne, ensuite, n’a jamais osé remettre en cause, d’avoir ruiné l’économie du pays et préparé la défaite de 1940 !

À chaque fois, vous avancez les mêmes arguments ! À chaque nouveau progrès social, à chaque tentative de préserver un progrès social, vous nous dites que l’on veut affaiblir l’économie. Or l’histoire a prouvé le contraire. La réduction globale du temps de travail s’est accompagnée d’une très forte augmentation de la richesse par habitant, mesurée par le PIB par habitant : tandis que le temps de travail était divisé par deux, la richesse par habitant était multipliée par huit. Ces progrès n’ont donc jamais été accompagnés de décroissances ou de catastrophes économiques pour notre pays.

Le passage, en 1980, de 65 ans à 60 ans de l’âge légal du départ à la retraite reposait sur l’idée d’un « véritable droit au repos que les travailleurs sont fondés à revendiquer en contrepartie des services rendus à la collectivité, à l’issue d’une durée de carrière normale ».

Cette vérité d’hier est toujours valable, car une grande majorité des salariés liquide aujourd'hui sa pension de retraite à l’âge de 60 ans. Ainsi, en 2009, 72 % des attributions de pension de droit direct des hommes à la CNAV et 60 % de celles des femmes concernaient des salariés âgés de soixante ans. Six salariés sur dix liquident leur retraite alors qu’ils ne sont plus en activité. Voilà la réalité !

Les salariés ayant commencé à travailler jeunes arrivent à l’âge de 60 ans en ayant souvent acquis des droits supérieurs à ceux qui sont nécessaires, d’autant que le dispositif « carrières longues » a été considérablement restreint.

À 60 ans, la différence entre l’espérance de vie d’un ouvrier et celle d’un cadre est de sept ans. Or, aujourd’hui, on dit aux ouvriers qu’ils profiteront moins que les autres de leur retraite, qu’ils vont perdre sept ans de pension. Nous n’avons jamais abordé cet aspect sur le fond. Il faudra y venir, et évoquer aussi la question de la pénibilité.

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