Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 7 octobre 2010 à 21h00
Réforme des retraites — Article 5

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Monsieur le président, du fait du bouleversement de l’ordre du jour, Mme Annie Jarraud-Vergnolle m’a demandé de m’exprimer en son nom sur l’article 5, appelé en priorité.

Dans un pays reconnu mondialement pour ses avancées sociales, sa qualité de vie, la longévité de ses habitants, mais également la productivité de ses salariés, comment comprendre que ce gouvernement cherche à sanctionner des hommes et des femmes ayant commencé à travailler jeune sur des métiers souvent pénibles et à pénaliser les femmes, aux carrières hachées, les salariés précaires, de plus en plus nombreux, ou les seniors, qui, pour la plupart d’entre eux, arrêtent de travailler avant 60 ans parce que les entreprises ne veulent plus les embaucher ?

C’est le choix de la société dans laquelle nous voulons vivre qui est en jeu.

Il est totalement inopérant de déconnecter le présent projet de loi sur les retraites d’un projet de loi sur le travail et l’emploi : l’augmentation du taux d’emploi des jeunes et des seniors conditionne la viabilité de toute politique en matière de retraite ! D’autant plus que, pour le Gouvernement, la ressource nécessaire aux financements des retraites est essentiellement assise sur les salaires.

Vos déclarations d’intention sur la mise en place d’accords-cadres non contraignants pour l’emploi des seniors, notamment lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, sont pour le moment demeurées vaines.

Pourtant, le taux d’emploi dans les prochaines décennies sera décisif, puisque le niveau de l’emploi détermine le volume des cotisations : 1 point de masse salariale supplémentaire, c’est 1, 9 milliard d’euros de cotisations en plus ! Mais nous aurons l’occasion d’y revenir lorsque nous examinerons les articles suivants.

Nous avons entendu à plusieurs reprises le Gouvernement et, plus encore, le Président de la République décrier l’abaissement de l’âge de la retraite de 65 ans à 60 ans décidé par François Mitterrand en 1982. Mais cet acquis social du droit à la retraite – je dis bien du « droit à la retraite » – à 60 ans a été bénéfique à bien des égards.

Prenons l’exemple de la microéconomie. La théorie du cycle de vie de Franco Modigliani est un modèle de prise en compte de l’âge du consommateur dans la détermination de la fonction de consommation. L’âge détermine à la fois les revenus de l’individu et son patrimoine.

De l’enfant, important prescripteur qui achète par parents interposés, au jeune adulte, aux revenus faibles et qui a tendance à s’endetter, l’individu plus mûr peut rembourser ses dettes et se constituer des ressources, voire un patrimoine pour ses vieux jours.

On a longtemps cru que le troisième âge constituait une clientèle peu accessible à la nouveauté et peu solvable face au marché. On constate maintenant qu’il s’agit de consommateurs ayant un pouvoir d’achat élevé et une grande variété de besoins spécifiques à satisfaire, compte tenu de leur disponibilité. C’est ce qu’on a pu constater dans le secteur du tourisme.

En effet, selon une enquête réalisée par l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, en 1989, 53 % des personnes âgées de 60 ans à 64 ans réalisaient des séjours touristiques, contre 33 % en 1969, soit une progression de plus de 60 %. Ce taux n’a eu de cesse de croître par la suite, atteignant même 65 % voilà cinq ans.

Et cela ne s’arrête pas là. Non seulement plus de retraités font des séjours, mais ils effectuent 89 % de leurs dépenses sur le territoire national.

Une telle évolution a permis une forte croissance du secteur du tourisme, et même une progression de la formation brute de son capital fixe supérieure à celle de l’ensemble des entreprises.

Par votre réforme, vous allez affaiblir le secteur du tourisme et des loisirs, qui emploie 822 000 personnes.

Nous le savons tous, le maintien de l’ouverture des droits à la retraite à 60 ans est un atout considérable pour notre société. Cet aspect un peu particulier du problème, peut-être pas le plus important compte tenu des trop nombreux retraités qui perçoivent à peine de quoi survivre, est simplement une raison supplémentaire pour vous demander de ne pas légiférer dans l’urgence.

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