Intervention de Ronan Kerdraon

Réunion du 7 octobre 2010 à 21h00
Réforme des retraites — Article 5

Photo de Ronan KerdraonRonan Kerdraon :

Monsieur le ministre, vous avez déclaré à plusieurs reprises, dans les médias ou devant la commission des affaires sociales, que le projet de loi portant réforme des retraites, dont nous sommes saisis en ce moment, pourrait être « amélioré » – je reprends vos propres termes ! –par notre assemblée. Quel honneur !

Néanmoins, nous ne sommes pas dupes du jeu qui consiste à n’accepter que des amendements ayant une portée mineure, venant de vos propres rangs, visant au maintien du statu quo ou faisant partie d’un numéro de charme à l’égard des centristes !

Non, nous ne sommes pas dupes ! Aucune de ces prétendues avancées ne remettra en cause la philosophie générale du texte sur le fond. En effet, comme nous l’avons constaté ce matin, les décisions viennent directement de l’Élysée !

L’article 5, que nous examinons actuellement, et l’article 6 constituent le noyau dur de votre texte ; ils visent le report de l’âge légal de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans.

Je vois bien les motivations qui ont présidé à une telle décision. Il s’agit pour vous de ne pas verser une année et demie de retraites nouvelles. Cela représente une économie de 7 milliards d’euros par an ! Mais, même si je vois bien vos motivations, je les réfute !

Une telle disposition est inacceptable, et ce pour au moins trois raisons.

Premièrement, la mesure que vous proposez ne règle en rien la question financière. Vous vous contentez de transférer des charges nouvelles vers le budget de l’État, vers l’UNEDIC et même – cela devient une habitude de votre gouvernement – vers les collectivités locales, notamment les départements, qui seront ainsi condamnés à verser le revenu de solidarité active, le RSA, des seniors au chômage pendant deux années de plus ! D’ailleurs, Pôle emploi estime à 265 millions d’euros le surcoût ainsi occasionné.

Deuxièmement, et cela a été rappelé par Patricia Schillinger tout à l’heure, votre réforme porte atteinte au libre choix de chacun ! Or la retraite doit être choisie et adaptée aux parcours individuels.

Troisièmement, le projet de loi aggrave la situation des hommes et des femmes qui ont commencé à travailler à 14 ans, 15 ans ou 16 ans, c'est-à-dire les « carrières longues » ! Ce sont ceux qui attendent déjà de partir en retraite, parce qu’ils ont cotisé pendant 42 ans, 43 ans, voire 44 ans et qui cotisent donc aujourd'hui à vide ! Pourquoi ne bénéficient-ils pas d’une pleine prise en compte de leur longue, très longue, durée de cotisations ?

À ce sujet, que dire des 414 000 apprentis que compte notre pays et qui ne cotisent qu’un trimestre pour une année d’apprentissage ?

En ne réglant pas un tel problème, vous acceptez le fait que des années entières de travail et de cotisations de salariés modestes ne soient pas valorisées par le système de retraite.

Par conséquent, le recul de l’âge légal de départ à la retraite est une décision injuste et inefficace.

En outre, comment pouvons-nous accepter une mesure qui ne tient aucun compte de la réalité du marché du travail ?

Ainsi, le taux d’emploi des seniors de 55 ans à 64 ans est, à 38 %, l’un des plus bas d’Europe ! Monsieur le ministre, savez-vous qu’il y a trois ans d’écart entre l’âge moyen de cessation d’activité, 58, 5 ans, et l’âge moyen de liquidation de la retraite, 61, 6 ans ? Cela représente trois années à galérer dans des dispositifs d’attente en tous genres ! Et vous voulez allonger encore plus cette période !

Je viens d’évoquer l’emploi des seniors, mais parlons également de l’emploi des jeunes !

Vous ne pouvez pas l’ignorer, les conditions d’insertion des jeunes sur le marché de l’emploi sont de plus en plus difficiles. Aujourd’hui, le taux de chômage des jeunes actifs peu diplômés est de l’ordre de 40%, contre 10 % pour l’ensemble des jeunes ! La précarité des emplois a considérablement augmenté !

Et ce n’est certainement pas en limitant les outils de l’insertion professionnelle mis à la disposition des jeunes, en particulier par les missions locales, que vous lutterez efficacement contre une telle précarité !

Il faut de toute urgence favoriser et améliorer l’accès des jeunes générations à l’emploi !

Monsieur le ministre, nous vous l’affirmons, l’avenir des retraites se joue aussi et surtout sur le marché du travail.

Nous vous demandons de maintenir l’ouverture des droits à 60 ans, d’écouter celles et ceux, de plus en plus nombreux, qui manifestent dans nos rues contre l’iniquité de votre projet et de cesser de faire preuve de mépris à l’égard des plus fragilisés de nos concitoyens !

Monsieur le ministre, pour mener à bien une réforme des retraites, il faut de l’écoute et de la responsabilité. Vous ne faites preuve ni de l’un ni de l’autre !

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