Intervention de Bernadette Bourzai

Réunion du 7 octobre 2010 à 21h00
Réforme des retraites — Article 5

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai :

L’article 5 vise à reculer l’âge légal de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans. Il s’agit d’une mesure particulièrement injuste, qui marque une très grande régression sociale, en particulier pour les femmes. C’est encore plus vrai pour l’article 6, qui recule à 67 ans l’accès à la retraite sans décote.

Comme mes collègues l’ont déjà souligné, le recul de l’âge de départ à la retraite pénalisera physiquement toutes celles et tous ceux qui ont commencé à travailler tôt et qui ont exercé des emplois pénibles.

De plus, un tel recul pénalisera également financièrement toutes celles et tous ceux qui eu des parcours professionnels en « dents de scie » et qui se trouvent dans des situations de plus en plus précaires face à l’emploi à mesure qu’ils avancent en âge. Les personnes qui seront les plus pénalisées par cette réalité sont les femmes. Il s’agit – hélas ! – d’une réalité statistique clairement établie lorsqu’on constate que 86 % des hommes parviennent à valider une carrière complète, contre 44 % seulement pour les femmes, c'est-à-dire deux fois moins.

D’une part, les femmes sont pénalisées dans leur vie professionnelle. En moyenne, leurs salaires sont de 27 % inférieurs à ceux des hommes. Cela est lié au fait que 60 % des emplois non qualifiés et 83 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes. Pourtant, 1, 5 million de femmes salariées souhaiteraient travailler davantage.

Par ailleurs, le taux de chômage des femmes reste autour de 11 %, contre 9, 7 % pour les hommes. La pression de la précarité sur les femmes est donc très forte.

Tout cela n’explique pas l’écart des salaires. À qualification professionnelle équivalente, l’écart demeure de 10 % à 15 %, ce que rien ne peut justifier. Au-delà des raisons dites « structurelles » et des discriminations indirectes, les femmes sont victimes d’une discrimination directe en matière de salaires, que nombre de lois et d’accords n’ont pas réussi à faire disparaître. En effet, les femmes sont concentrées dans de petites entreprises, qui échappent à la plupart des dispositions législatives et aux accords concernant l’égalité professionnelle et salariale. Or votre proposition de pénalité se limite aux entreprises de plus de cinquante salariés. Il y a donc peu de chances que la situation évolue.

D’autre part, dans un couple, l’arbitrage des carrières se fait encore presque systématiquement en faveur du mari, en cas de mutation professionnelle impliquant un changement de domicile, voire de nature ou de rythme de travail. Les femmes sont prises dans un cercle vicieux, dont la situation professionnelle et salariale inférieure à celle des hommes constitue à la fois la cause et la conséquence.

Or, dans un marché du travail fortement dégradé et concurrentiel, lorsqu’on quitte un emploi à cinquante ans, il n’est pas évident d’en retrouver un autre.

La question des rémunérations à l’embauche place également les personnes avancées en âge face à un dilemme. Il leur faut admettre des rémunérations plus faibles face à de plus jeunes demandeurs d’emploi, alors que, à la différence de ces derniers, le montant des rémunérations perçues dans les vingt-cinq dernières années sert au calcul de celui de la retraite.

Dès lors que le chômage des plus de cinquante ans a augmenté de 17, 6 % depuis un an et que six salariés sur dix sont sans emploi au moment du départ en retraite, les deux ans supplémentaires n’allongent pas arbitrairement la durée de vie active ; ils allongent en réalité la durée de la période de précarité face à l’emploi ! En outre, ils permettent mécaniquement de diminuer le montant de la pension, puisqu’ils font glisser la période des vingt-cinq dernières années sur laquelle est calculée la pension.

Nous savons tous que les retraites des femmes sont nettement inférieures à celles des hommes. Or votre réponse consiste à dire qu’il faut améliorer la situation des femmes dans l’emploi pour améliorer leur situation face à la retraite.

Nous sommes bien d'accord, mais c’est un aveu d’impuissance, monsieur le ministre ! Savez-vous que ce que vous présentez comme une solution, notamment l’égalité salariale, est en réalité l’un des objectifs du combat des femmes depuis des décennies ? Nous sommes ravies d’apprendre aujourd’hui qu’il s’agit simplement d’une mesure qui se décrète. Et je ne doute pas que le Gouvernement décrétera derechef demain matin que l’égalité salariale est un fait en France !

Rassurez-vous, nous ne sommes pas dupes. Personne dans le pays n’a compris que votre texte sur les retraites réglait le long combat des femmes pour l’égalité salariale et professionnelle, qui demeure d’actualité malgré les textes ou accords qui sont intervenus depuis trente ans !

En conclusion, je dirai que votre méthode, qui consiste à ne pas prendre en compte les différentes situations de notre population, constitue une véritable discrimination, …

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