Intervention de Odette Terrade

Réunion du 7 octobre 2010 à 21h00
Réforme des retraites — Article 5

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Cet article, qui prévoit le report de 60 à 62 ans de l’âge d’ouverture du droit à une pension, s’inscrit dans la continuité des précédentes réformes de 1993 à 2003, lesquelles, malheureusement, ont toutes aggravé les inégalités entre les hommes et les femmes. L’expérience des précédentes réformes que vous avez toutes conduites, mes chers collègues de la majorité, est édifiante tant elles ont amplifié les inégalités.

Les femmes ont de plus en plus de difficultés à valider 40 annuités au cours de leur carrière professionnelle. Seules 43 % d’entre elles y arrivent, contre 86 % pour les hommes.

Le Conseil d’orientation des retraites, le COR, a montré que les personnes nées entre 1963 et 1975 enregistrent déjà, à l’âge de 30 ans, deux trimestres d’activité de différence en défaveur des femmes !

Les écarts de pensions entre les hommes et les femmes sont des gouffres : 827 euros en moyenne pour les femmes contre 1 425 euros pour les hommes. Et, sans pension de réversion, ce chiffre tombe pour les femmes à 790 euros par mois.

Comment pouvez-vous imaginer qu’une femme puisse vivre dignement avec une telle retraite ? Le mépris inscrit dans votre réforme pour les plus précaires aggravera encore plus la situation des femmes.

Augmenter la durée de cotisation et porter l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans accentuera également le casse-tête du calcul des pensions pour ces dernières.

Les dispositions de l’article 5 obligeront toutes les femmes qui ont des carrières incomplètes à effectuer des choix terribles : les femmes qui ont un travail devront travailler bien au-delà de 67 ans afin de compenser la faiblesse de leurs pensions par des surcotes ; les femmes au chômage, elles, seront contraintes soit de percevoir plus longtemps les minimas sociaux dans l’attente des 67 ans, soit de prendre leur retraite avec des décotes importantes.

La double peine infligée à toutes les femmes qui subissent déjà les profondes inégalités de notre société est un scandale !

C’est justement cette société que nous refusons et dont nous dénonçons les modalités d’organisation, cette société où le partage des richesses se fait entre quelques privilégiés et où les inégalités se creusent aussi vite qu’augmentent les profits des entreprises du CAC 40 !

Monsieur le secrétaire d'État, arrêtons-nous sur quelques grands constats.

Dès le début de l’activité professionnelle, des écarts d’emploi se font jour entre les hommes et les femmes. Ces dernières sont les plus touchées par le chômage et le temps partiel. C’est une première injustice à laquelle s’additionne la discrimination salariale : toutes générations confondues, l’écart de salaire est de 18 % à 27 %. La note s’avère donc salée pour les femmes, et votre réforme, même amendée, ne suffira pas à alléger les différences. Elle devrait pourtant chercher à atteindre trois objectifs.

Premièrement, je le dis encore une fois, il faudrait réduire les inégalités durant la vie active en prenant en compte le quotidien des femmes. L’éducation des enfants et les tâches domestiques reposent encore trop souvent sur elles seules. Ce sont autant d’éléments qui pèsent sur l’emploi, le salaire et la carrière des femmes.

Deuxièmement, il faudrait poser la question de l’articulation de la vie professionnelle avec la vie familiale.

Troisièmement, c’est le point le plus important, il faudrait réintégrer dans les régimes de retraite la question de l’égalité des genres.

Notre système de retraite par répartition, largement redistributif et correctif, permet d’atténuer les aléas de la vie. Mais vous n’avez cure de ces corrections et vous leur opposez plutôt l’allongement de la durée de cotisation et la remise en cause des droits familiaux, dans le secteur public comme dans le secteur privé.

Résultat, l’addition de toutes ces mesures injustes pénalise les femmes dont la part parmi les nouveaux retraités concernés par la décote tend à s’accroître, passant de 41 % en 2004 à 51 % en 2007.

De même, trois femmes sur dix doivent attendre l’âge de 65 ans pour compenser les effets d’une carrière incomplète et tenter d’accéder au bénéfice du taux plein.

Si les systèmes de retraites ne peuvent corriger toutes les inégalités professionnelles et sociales dont les femmes sont victimes, ils ne peuvent non plus les ignorer comme vous proposez de le faire avec beaucoup d’aisance, ni rejeter sur la solidarité nationale l’essentiel des correctifs à opérer.

Peut-être préférez-vous, mes chers collègues de la majorité, courir le risque de consacrer, au travers d’une dualité des mécanismes de retraites, une dualité sociale et de genre ? Pour moi, ce serait inacceptable.

C’est bien pourquoi, avec mon groupe, je m’opposerai au report de 60 à 62 ans de l’âge d’ouverture du droit à la retraite.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion